Le Deal du moment :
Cartes Pokémon : la prochaine extension ...
Voir le deal

Partagez
 

 [Q] - La nouvelle artisane | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
AuteurMessage
Kitoe
~ Démon ~ Niveau II ~

~ Démon ~ Niveau II ~
◈ Parchemins usagés : 1713
◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Kitoe
Mar 16 Juil 2019, 22:15

Partenaire : /
Intrigue/Objectif : Kitoe cuisine en vue de devenir boulangère-charcutière. Elle et Toki discutent de leur projet commun afin de créer une entreprise florissante.

La nouvelle artisane

Kitoe

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Toki

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
-Tom…

Elle prononçait son nom avec un gloussement euphorique et un plaisir jouissif. N’importe qui l’ayant entendue de l’extérieur aurait été prêt à parier qu’en ouvrant la porte, il aurait surpris la Démone nue, à califourchon sur son amant. Parce que oui, grâce à ce petit arbre que Toki avait finalement dégoté, Kitoe avait pu investir dans une porte. Adieu les courants d’air et la sensation d’être épiée en permanence. Elle s’était même trouvé une fascination pour cette mécanique de battant. Pendant deux jours, elle avait été si heureuse que le fait d’ouvrir ou de fermer la porte lui avait presque autant donné de plaisir que prononcer le nom de Tom. D’ailleurs, Lia avait proposé d’appeler la porte Tom, mais l’idée s’était évaporée et on l’avait plus ou moins oubliée. Kitoe y avait pourtant sérieusement songé, ce qui était rare. Généralement, lorsque Lia émettait une idée, c’était un peu de la merde, et elle avait su là démontrer qu’elle était capable de raisonnements logiques et dignes d’intérêt. Heureusement, il semblait que la gamine avait également oublié, alors personne ne s’offusquait. Le groupe ne s’était jamais aussi bien porté, et ça n’allait qu’en s’améliorant, au fur et à mesure qu’elles se sortaient de la misère.

-Tom…

Elle mordit sa lèvre inférieure. Quel homme incroyable. Elle l’aurait embrassé si cela avait encore été possible. Kitoe abattit sa machette sur le morceau de viande qu’elle venait détacher du reste de la carcasse. Il avait intérêt à être aussi délicieux que ses idées. Après tout, il serait le premier, le pionnier : il n’avait pas le droit à l’erreur. Et elle non-plus, car elle devait lui faire honneur. A défaut de baptiser sa porte, la Démone avait déjà prévu de baptiser son œuvre. C’était le moins qu’elle pouvait faire pour le remercier. Elle le lui devait d’autant plus, que plus elle était en train de le découper, plus elle regrettait de l’avoir tué aussi tôt. Elle n’avait attendu que quelques heures à peine avant de mettre son idée à exécution. Elle n’avait pas cherché à le connaître plus. Elle n’avait pas cherché à le nourrir spécifiquement pour donner du goût à sa chair, ni même songé à l’engraisser. Elle l’avait juste tué comme elle avait toujours eu l’habitude de le faire avec ses autres proies, lorsqu’elle les mangeait tout cru. Elle lui avait juste épargné les souffrances atroces qu’elle aimait accorder aux autres. Du moins, du mieux qu’elle avait pu. A ce moment-là, elle n’avait pas encore eu le temps de se dégoter ses outils de boucher, alors elle l’avait directement égorgé avec son vieux couteau tout émoussé – autant dire que la découpe n’avait pas été très propre, elle s’y était reprise à plusieurs fois, sous les hurlements de goret de son bien-aimé. Ses caresses et ses mots doux pour le rassurer ne l’avaient en aucun cas apaisés. Kitoe avait bien cru y laisser un tympan.

La Tentatrice n’avait pas fait la cuisine depuis une éternité. Cela réveillait en elle des souvenirs et des sensations qu’elle avait oubliés. Elle se rappelait soudain du réel plaisir que procurait une lame parfaitement tranchante, pénétrant la chair comme on coupait du beurre. Elle avait oublié les odeurs qui se mélangeaient, le travail des ingrédients, le sens du détail et la minutie. Tout cela revenait à elle comme une évidence, une vérité soudaine. Et dire qu’elle avait pris tout ce temps pour retrouver son chemin : celui de la gastronomie. Le cannibalisme l’avait perdue, en quelques sortes. Lorsque celui-ci avait atteint son paroxysme, alors qu’elle s’était développée une obsession démentielle pour la torture, elle s’était rabaissée à ses procédés plus simples, plus rapides, afin de satisfaire son appétit au plus vite. Sa transformation en Démon s’était comme accompagnée de l’apparition d’un deuxième estomac – elle avait pourtant cherché à trouver ledit organe lors de l’évidage de certains de ses compatriotes, il restait invisible à ses yeux. Elle s’était transformée en une bête constamment affamée, féroce, mais terriblement faible. Combien de fois s’était-elle retrouvée prise en chasse par ses propres proies ? Etonnant qu’elle ait survécu jusqu’ici. Amusant, même. Parfois, Kitoe se demandait si elle était invincible. Elle avait déjà survécu une fois à la mort. Peut-être pouvait-elle y survivre une deuxième fois ? Peut-être qu’un Aether la protégeait secrètement ? L’idée la faisait sourire. Très amusant. Et quel Aether ? Qui l’avait donc traînée jusqu’aux abysses du vice, tout ça pour la voir, telle une pauvre folle, se satisfaire de sa misère ? Qui donc avait voulu la voir se gaver des pires immondices ? Qui donc avait du temps à perdre avec cela ? A ses yeux, aucun Aether n’était supposé se soucier de son existence. Kitoe était seule, dans le fond. Elle aurait beau vivre avec ses trois compagnes et son Reflet, il y aurait toujours une part de vide en elle. Un creux qu’elle savait parfaitement impossible à reboucher. Et puisque c’était impossible, elle s’en foutait et continuerait de s’en foutre à tout jamais. Certains auraient dit que c’était triste, et elle leur répondait par un majeur levé car ces personnes étaient probablement des Anges.

Toki s’était installée dans le coin le plus sombre de la pièce, probablement dans l’espoir que son modèle l’oublie entièrement. C’était plutôt raté. Kitoe savait où elle était, mais ses grands yeux rivés sur elle ne la dérangeaient pas. Depuis le temps que le Reflet analysait ses moindres faits et gestes, elle n’y prêtait plus attention. Elle n’avait pas pris beaucoup de temps à s’y faire, pour l’avoir déjà vécu pendant toute son enfance. Il fallait aussi dire qu’elle n’était pas peu fière d’être l’exemple de quelqu’un. Il était rare qu’on lui prête de l’attention, et encore moins de la cohérence. Elle était aussi contente, parce que le Reflet ne faisait rien. Personne avec qui s’engueuler ou entrer en concurrence, personne pour défier son autorité pourtant si évidente, ni pour venir fouiner dans ses pattes. Tom était à elle et seulement à elle. Sa première œuvre serait la sienne dans son entièreté. Kitoe écarta les morceaux finement découpés du plan de travail pour s’atteler à la suite du membre. Après le mollet, c’était la cuisse. Dès lors qu’elle en aurait terminé avec la première jambe, elle commencerait sa pâte. Elle ne doutait pas une seule seconde de ses capacités. Elle n’avait pas la tête à ça. Elle était trop exaltée, trop inspirée. Elle savait où elle allait et pouvait déjà imaginer à quel point son œuvre serait excellente. Elle en oubliait les tensions dans son bras, à force de serrer la machette comme si elle allait lui glisser des mains à tout moment, et ses gestes secs et brutaux pour découper correctement la viande.

-Voilà…

Elle en avait préparé bien plus que ce qu’elle avait pensé. Mais ça ne faisait rien. Ça se vendrait comme des petits pains, et c’était un peu le cas de le dire. Kitoe s’empara d’un grand récipient et commença à casser les œufs. Elle ajouta ensuite la farine. Un peu d’huile. Puis du lait. Elle n’avait pas vu de tels produits depuis si longtemps qu’ils lui semblaient être au-delà du luxe. Elle avait tout acheté pour le plaisir de dépenser son argent. Elle n’avait pas vraiment fait attention à combien tout cela lui avait coûté. Elle s’en fichait, elle comptait être riche. Si riche que Zane, ou même l’Aether de l’Avarice lui-même ne pourraient en croire leurs yeux, et qu’ils lui voueraient le plus grand respect. Kitoe gloussa. Elle avait des papillons dans le ventre, tant c’était beau et exaltant. Elle mélangea le tout avec sa grande cuillère en bois. La pâte n’était pas très homogène. A son avis, c’était parce qu’il s’agissait d’un cake salé et qu’il n’y avait pas de sucre pour casser les grumeaux. C’était un Déchu qui le lui avait dit, une fois, mais elle ne se souvenait plus de son nom. Elle ne savait pas si cela marchait vraiment, mais en tous les cas, elle n’avait plus jamais mis la farine avant le sucre après ce jour-là.

Kitoe se tourna vers la cheminée pour surveiller le feu. Il brûlait à plein régime, léchant allègrement les bûches qu’elle lui avait offert. Elle était presque heureuse de le voir aussi épanoui, comme s’il était doté d’une conscience et d’une personne propre. Cependant, elle n’était pas aussi perchée que les Lyrienns pour accorder une réelle importance à ce sentiment. Elle avait aménagé le foyer de sorte à pouvoir s’improviser un four, constitué de trois dalles de pierre posées au-dessus du foyer. Ensemble, elles formaient un triangle, à la manière d’un tipi. Le tout laissait s’échapper beaucoup de chaleur et menaçait de s’écraser si l’on touchait de trop. Ce n’était peut-être pas parfait, mais ça ferait largement l’affaire le temps de pouvoir creuser un véritable four lorsque le fric de l’arbuste friquier et de ses recettes commenceraient à tomber. Autant dire, pas longtemps, elle en avait la certitude. La Démone prit plusieurs poignées de viande, mélangea encore, puis termina par les herbes aromatiques. Elle beurra consciencieusement les moules avant d’enfin y verser sa préparation.

-C’est bientôt prêt… Dit-elle en gloussant encore, alors qu’elle mettait ses gâteaux dans le four. C’est bientôt prêt, Kidalle ! Dans quelques jours, on sera riches ! Elle alla se vautrer près du chat, qui s’écarta en vitesse pour éviter de se faire écraser. Kitoe joignit ses mains derrière sa nuque. Ses yeux étaient rivés vers le plafond comme si elle contemplait les étoiles – à la place, elle avait plutôt vue sur une constellation de mycéliums noirâtres qui avaient colonisé les fissures. On pourra rénover la maison. On nettoiera les murs, et après on rebouchera les fissures. Et on aura des fenêtres ! On aura des carreaux, tu te rends compte ? En vrai verre ! Mais attention, pas n’importe quoi ! Elle bondit sur ses pieds et alla se poster devant les vieilles planches qui obstruaient les ouvertures. Du verre résistant ! Des fois qu’on voudrait nous saboter, nous voler ou je ne sais quoi encore. Après tout, il faudra s’attendre à faire des jaloux. Et le four ! Il sera encore mieux, et encore plus puissant ! D’ailleurs, est-ce que c’est cuit ? Cela faisait exactement deux minutes qu’elle avait mis ses gâteaux à cuire. Toki observait son modèle avec des yeux ronds. Son comportement ressemblait à celui de Lia. Elle se demandait si la gamine n’avait pas pris le contrôle. Rhaaalalaa, ça en met du temps ! Oui, il en faudra vraiment un autre, plus puissant et plus efficace. Il sera comme ça, super large pour cuire plein de trucs en même temps. Kitoe dessinait les courbes de son futur mobilier avec de grands gestes. Par-dessus, on pourra même directement faire cuire la viande, si les clients nous le demandent. Et on fera payer, bien sûr. Et ça s’appellera… une plancha. Ça sonne bien, non ? Simple, efficace et un peu exotique avec le « a » de la fin. Et là, à côté, il y aura une grande table, un grand plan de travail, avec un énorme service à couteaux. Ensuite, il faudra songer à agrandir. Il nous faudra une vitrine, un endroit pour ventre, tu vois, pour exposer et donner envie aux gens. Il y aura un côté pour les gâteaux, les sucrés, les salés, et d’un autre il y aura de la viande. On fera aussi de la charcuterie. Le saucisson, ça se vend bien. Surtout chez les Réprouvés, il paraît, faudra penser à l’exportation. Et comme on risque de produire à grande échelle, faudra aussi qu’on puisse stocker. Y’a une vieille cave, dans cette baraque, mais elle a été ensevelie, je crois. Faudra creuser et la remettre en état. On y suspendra les carcasses, et on pourra aussi… s’amuser un peu. C’est cuit ? Toujours pas ! Hm… Il nous faudra aussi une enseigne. Un joli truc, un truc qui claque, comme ça, paf ! Et les gens, en passant, ils se diront « Oh, mais c’est chez Kitoe, c’est vraiment délicieux ce qu’elle y fait ! ». Enfin non, d’abord, ils kifferont leur race parce que ça sentira le bon gâteau frais et la bonne viande à des rues à la ronde. Donc ils suivront l’odeur, ils verront l’enseigne qui claque et ils rentreront direct pour acheter. En revanche, il ne faut jamais leur dire le secret de nos recettes. D’une, y’a pas tout le monde qu’est cannibale dans la vie, et en plus ils seraient tentés de faire leurs propres machins chez eux. Le but, c’est de vendre. Il faut juste leur donner envie. C’est du marketing, Kitoche, tu comprends ?

Des fois, elle se demandait si elle comprenait vraiment des trucs lorsqu’elle était un chat. C’était absurde et la réponse était évidente. Elle la connaissait. Mais elle ne pouvait s’empêcher de se la poser lorsqu’elle la voyait la scruter avec ses yeux aussi ronds que des billes.

-Hmmm, et après tout ça, je pense qu’on déménagera. C’est pas l’endroit le plus peuplé, ici, tu vois. Il faut toucher la populace en plein dans le cœur. On pourra revendre cette boutique, on gagnera plein de fric. Ou alors, on crée un réseau de boulangeries-charcuteries. Mais…

Mais ça nécessitait de la main d’œuvre, et Kitoe n’était pas prête à partager ses talents avec qui que ce fut. Elle aurait aimé avoir des clones. Elle avait eu vent que l’existence de tels êtres était possible, mais savait pertinemment qu’elle ne devait pas en avoir un seul – après tout, qui était-elle pour en avoir. Elle pouvait aussi demander à Toki de faire appel à ses collègues Reflets, mais bizarrement, elle n’avait pas confiance. D’après son expérience, le processus de copie prenait du temps, et elle, elle n’en avait pas à perdre. Elle ne voulait pas non-plus de copies foireuses susceptibles de faire des conneries derrière son dos. Au final, c’était même une très mauvaise idée, vu le nombre de fois où il lui arrivait de se battre avec celui qu’elle se coltinait déjà. Kitoe ne voulait certainement pas perdre le contrôle de cette entreprise prometteuse qu’était la sienne.

-Ou alors, on en fera une chambre d’hôte ! Qu’est-ce que t’en dis ?


2357 mots


[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34531-kitoe
Kitoe
~ Démon ~ Niveau II ~

~ Démon ~ Niveau II ~
◈ Parchemins usagés : 1713
◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Kitoe
Mar 16 Juil 2019, 22:23

La nouvelle artisane

Kitoe

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]

Toki

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Le chat ne répondit rien, et la Démone finit par vraiment douter de ses capacités cérébrales. Elle se pencha pour voir comment avançait la cuisson. Elle était nerveuse, c’était pour ça qu’elle parlait autant et qu’elle ressemblait à Lia. Les oreilles de Toki frémirent. Elle venait de comprendre son comportement. Elle était contente. D’après le silence qui régnait maintenant et la façon dont Kitoe faisait les cent pas en vérifiant le four à chaque allé et retour, il lui semblait qu’il était à son tour de répondre. Elle réfléchit à l’identité qu’elle allait devoir prendre. Elle ne voulait en aucun cas accentuer la nervosité de son modèle. Se disputer ne les avancerait à rien, et surtout, elle savait que ce n’était pas le moment. Il fallait qu’elle aille dans son sens, seulement, elle n’était pas bien sûre de savoir comment. Le silence dura longtemps, et n’était interrompu que par les marmonnements incompréhensibles de Kitoe, qui avait finalement oublié le félin. Ce dernier quitta son coin près du mur pour revêtir la forme d’Ellie. Elle lui semblait qu’elle était la personne la plus appropriée pour ne pas terminer tout cela par une dispute. Pas la bonne pour partager son engouement de manière aussi intense, certes, mais la plus calme.


-Et la viande ?

-Quoi, la viande ?

-Il en faudra beaucoup. Que de la viande humaine ?

-Oooh ! T’es vraiment pessimiste. Je savais que t’allais pas aimer mon idée, alors qu’en vrai, elle est géniale. La viande, peu importe. Elle sera délicieuse. Ce que je veux, c’est que ça fasse kiffer. Tout le monde s’en fout de qu’est-ce que c’est. Tout ce qu’on veut, c’est que ce soit bon. Le goût. La nouveauté, même. Elle marqua une pause. Mais sérieusement, entre du bœuf et de l’humain, qu’est-ce que tu préfères ?

Ellie sourit doucement. Elle devait avouer qu’elle avait raison. Bien entendu, Kitoe avait initié son Reflet au cannibalisme, et comme on pouvait s’y attendre, ça lui avait plu. Mais ce n’était pas uniquement le goût, qui en faisait un met extraordinaire, mais tout le procédé. Le rituel. Apprendre à connaitre la proie, l’attirer dans son piège, puis la contempler se réveiller enchainée dans un lieu sombre, isolé et méconnu. Elle jubilait à chaque fois qu’elle retrouvait dans ses yeux cette panique indescriptible. Elle aimait leur parler, leur faire peur, les gaver, les faire souffrir. Oui, c’était ça, les faire souffrir au mieux. Elle était persuadée qu’en dépit de la texture plus coriace de la viande, cela lui donnait un goût en plus, un truc qui n’avait pas de nom – le goût de l’adrénaline ? – mais qui faisait la différence.

-Aaah, tu vois ? Et donc en ce qui concerne le ravitaillement, il n’y a rien de plus simple… tu t’en chargeras.

Le Reflet leva un sourcil. Cette simple déclaration sonnait déjà très bien, mais elle aurait apprécié avoir plus de détails. L’autre s’était penchée pour observer pour la millième fois l’avancée de la cuisson. C’est alors qu’elle entrouvrit la bouche. Ses mains levées s’agitaient dans tous les sens.

-C’EST CUIT ! S’écria Kitoe, surexcitée. C’EST CUIT ! Hahahaaa ! Ahhhh sa mère la p*** ça brûle ! Toki, passe-moi le torchon !

Ellie s’exécuta, même si ça n’avait rien d’un torchon. Elle aurait plutôt dit une vieille serpillère dégueulasse qui avait traîné un peu partout et que personne ne voulait savoir ce dont elle était imprégnée – sa couleur variait entre le gris-noirâtre et le marron, quant à l’odeur, c’était aux risques et périls des plus téméraires. Kitoe posa un à un des gâteaux sur la table. Elle était brutale, car elle se brûlait les doigts malgré tout. Le Reflet se pencha doucement pour sentir l’odeur qui embaumait de plus en plus la pièce. Un doux soupir lui échappa et son estomac gémit avec elle. Enivrant. Elle leva les yeux vers son modèle, tentant de capter son regard, mais cette dernière était bien trop exaltée pour le remarquer tout de suite. Elle avait faim, maintenant.

-Par l’Œil par l’Œil par l’Œil !

Kitoe prit son visage dans ses mains. Elle riait à moitié, haletait bruyamment tout en continuant de tourner en rond. Toki fronça les sourcils. Elle ne l’avait jamais vue comme ça, et pour tout dire, elle commençait à devenir inquiétante.

-Calme-toi. Respire un coup.

Elle avait bien fait de ne pas user d’une autre personnalité, ou elles auraient toutes les deux fait cette sorte de crise de panique. Ou d’euphorie, elle ne savait pas. Quel beau tableau cela aurait fait. Kitoe s’appuya sur la table pour reprendre ses esprits et s’essuya le front pour chasser de la transpiration imaginaire. Elle avait trop chaud, ceci dit.

-Oui… Oui, tu as raison. Pfiou… Tom, oh, Tom…

Elle caressa sensuellement la table et huma à son tour le fruit de son travail. Son soupir fut aussi doux que celui de sa collègue et elle s’empressa de s’armer d’un couteau. Ellie passa sa langue sur sa lèvre supérieure. Elle prenait plaisir à l’observer couper en tranches l’un des gâteaux encore fumant. La Démone était aussi concentrée qu’elle, si bien qu’elle ne put lui faire remarquer qu’elle imitait très mal la personnalité qu’elle tentait d’emprunter. Vite, elle s’empara d’une tranche et la porta à sa bouche. C’était encore très chaud, ça lui brûlait la langue et elle savait qu’elle serait râpeuse et endolorie après coup, mais elle ne pouvait pas attendre. Toki se servit après elle.

-Hum… Fit Kitoe, les yeux levés vers le ciel à la manière d’un critique culinaire. Toki guettait sa réaction. Elle était surprise qu’elle n’ait pas encore sauté de joie, ni poussé un cri de plaisir comparable à celui d’un orgasme en scandant « OH OUI TOM ! ». A la place, elle plaqua violemment sa main sur la table. P*tain, j’ai oublié le sel ! Non… non, non, non, c’est pas possible. P***** DE B***** DE M**** !

-C’est pas gr-…

-BIEN SUR QUE SI C’EST GRAVE ! La coupa-t-elle en se penchant vers elle, prête à la prendre par le col. Comment veux-tu qu’on fasse affaire, si les gens n’aiment pas ?! Comment veux-tu gagner du fric sans sel ? Hein ?!

Le Reflet ne bougea pas. Elle voulait être certaine qu’elle ait fini pour pouvoir en placer une, ou alors Kitoe la prendrait vraiment par le col. Pas que ça lui faisait spécialement peur, mais c’était désagréable. Elle tenait à maintenir son espace vital comme il était.

-Il y a des gens qui aiment bien, quand ce n’est pas trop salé.

-AH OUI ? T’en connais beaucoup, peut-être ?

-Oui, moi.

-AH OUI ? TOI T’AIMES BIEN ? Elle rit. C’était purement nerveux. Peut-être, mais toi, t’imites Ellie comme une m**de. Très franchement, hein, arrête de vouloir la copier parce que là…

-La ferme. Ta gueule. Mêle-toi de ton cul. Elle baissa la tête, profondément vexée. Elle serrait fort les poings et avait pris soin de laisser sa part de gâteau sur la table pour ne pas l’écraser et avoir les doigts tout gras après. Et puis, on n’en a rien à foutre, de qui j’imite. Moi j’aime bien, donc ça veut dire qu’il y a des gens qui aiment. Y’en a bien qui aiment la coriandre et personne n’en fait un scandale. En plus, il est moelleux.

Elle n’osa pas le lui dire, mais à l’exception près des quelques grumeaux, son gâteau lui rappelait ceux qu’elle faisait lorsqu’elle était Ange. Le dosage de la farine et le mélange y étaient pour quelque chose. Kitoe avait certainement gardé en tête les techniques et conseils de sa mère. C’était terriblement ironique. Lena Idael devait se retourner dans sa tombe à l’heure qu’il était : après avoir enfanté d’un monstre en devenir, sa recette allait tuer des centaines de personnes. En fait, elle devait d’être retournée tellement de fois qu’elle avait vomi. Plusieurs fois.

-Ah oui ? Toi t’aimes bien ? Haha…

Kitoe planta son couteau dans la table. Ses mains tremblaient. La remarque de Toki ne la laissait évidemment pas indifférente. Cependant, blessée dans son égo comme elle était, elle était incapable de se satisfaire de sa réponse. Pour elle, elle avait toujours raté Tom, car ça ne s’était pas passé comme prévu. Pauvre Tom. Elle lui accorda une pensée dans l’espoir qu’il puisse un jour lui pardonner son échec. Elle inspira profondément. Toki l’observait sans rien dire, se demandant quelle décision la Démone allait bien pouvoir prendre.

-On recommence. Vas-y.

-Hein ?

-Je te l’ai dit tout à l’heure, on travaille ensemble. C’est toi qui te charges du ravitaillement. Donc tu y vas. Tu vas chasser, tu vas me chercher quelqu’un d’autre, n’importe qui, je m’en fiche ! J’ai besoin de viande pour ces gâteaux !

-Mais il te reste encore plein de Tom. Rétorqua-t-elle en pointant l’intéressé du doigt.

Kitoe tourna la tête vers le cadavre unijambiste qui gisait toujours sur le plan de travail. Son regard s’illumina. Elle n’avait pas tout utilisé. Elle avait oublié. Cela voulait dire que Tom n’était pas mort en vain. Tom avait bien eu une utilité. Du moins, il en aurait une. Tom devait être si fier… Son cœur s’était si soudainement allégé qu’elle aurait pu se jeter sur son double pour lui faire un câlin, mais elle se retînt, par fierté. En aucun cas Toki ne devait avoir vu qu’elle avait oublié. C’était tellement stupide.

-Oui… Bafouilla-t-elle, à la recherche d’un mensonge pour reprendre de la contenance. Oui, je sais. Et alors ? Tu crois qu’on va demander aux clients d’attendre que tu rentres de la chasse, une fois qu’on sera lancées ? Et puis, imagine que certains clients veuillent des cakes bien salés comme moi, et d’autre des trucs fadasses et plein de coriandre comme toi ? Il faut savoir répondre à la demande ! Le business, ça s’anticipe, ma vieille. On n’est pas là pour faire un goûter d’anniversaire, tu sais, on est là pour faire des thunes. Et en plus, la viande, ça se repose avant consommation.

Cette dernière règle avait beau être vraie, elle ne l’appliquait presque jamais et elles le savaient toutes les deux. Tom en était l’une des preuves, d’ailleurs. Il avait été abattu la veille.

-Hum, très bien. Conclut Ellie en reculant vers son petit sac, posé dans un coin.

Elle le passa à son épaule et sortit. Dehors, elle fut accueillie par la fraîcheur du soir. Celle-ci ne la dérangeait en aucun cas. Au contraire, elle était apaisante, et c’était juste ce qu’il lui fallait pour se mettre en route. Elle ne savait pas où aller, ni dans quelle direction commencer. Il fallait simplement qu’elle ramène de la bouffe, et n’importe quel humain ferait l’affaire. Après tout, c’était comme choisir entre deux fruits dans un arbre : à moins que l’un soit en train de pourrir, cueillir l’un ou l’autre, ça revenait au même. Il fallait juste savoir le choisir à point.

Lorsqu’elle fut assurée que Toki était partie, Kitoe alla reprendre sa machette. Elle l’abattit sur la seconde jambe, qu’elle détacha du reste de la carcasse. Elle se mordit la lèvre inférieure et sourit.

-Tom…

1847 mots


[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]:
Revenir en haut Aller en bas
http://yinandyangpower.forumactif.com/t34531-kitoe
 

[Q] - La nouvelle artisane | Solo

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 1

 Sujets similaires

-
» [XXXII | RP dirigé] Une nouvelle terre [Solo]
» [A] - La nouvelle cavalerie de la Nith-Haiah | Solo
» [EVENT solo Partie IV - solo] Rétablir un semblant de vie
» Une nouvelle vie
» [XIII] - Une nouvelle vie.
Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
Le pouvoir du Yin et du Yang :: Zone RP - Océan :: Continent Dévasté - Est :: Terres arides :: Enfer-