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 Mille millions de mille sabords. Bachi-bouzouk ! [Jingle][-16]

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Mar 19 Juil 2016, 03:33



Le vent soufflait fort. Le soleil brillait haut dans le ciel. Bien au-dessus du mât principal, de minces silhouettes flottaient au gré de la brise, dansant dans une ronde infinie en suivant le mouvement de la poupe sur les eaux tumultueuses, mais toutefois assez calmes de l’océan. Peu importe l’endroit où l’on regardait autour du navire, il n’y avait que l’immensité de la mer qui venait affirmer sa suprématie. Nous étions bel et bien à sa merci.

Cela ne faisait même pas une demi-journée que nous avions quitté le port. Alors que l’aube se levait, le capitaine, un homme à la stature imposante, autant par son regard qui se fixait à la hauteur du mien, du haut de mes 205 centimètres, que par sa bedaine qui semblait vouloir exploser sa chemise bleutée et décolorée par une exposition répétée à l’astre du jour. Une longue barbe noire qui se parait de quelques mèches grisonnantes encadrait son visage carré et tanné par le soleil, lui donnant un teint foncé et un air dur.
Il évoquait la dureté même, et ce n’était pas faux lorsqu’on le regardait malmener ses hommes. L’équipage devait avoir des nerfs d’acier, car les membres le composant ne cillaient pas d’un poil sous ses cris répétés et ses gesticulations d’ordres pour mener à bien la barge. Mais il possédait une tendresse. Lorsque son regard amande se posait sur son navire, on aurait dit que son âme transcendait l’espace et allait caresser le bois foncé et vernis de la coque.

Ce n’était pas un immense bateau, mais il était magnifique, malgré l’usure qui laissait paraître son âge. Un voilier à trois mâts, l’artimon se trouvant sur l’étage de la barre, qui se faisait tenir par le capitaine lui-même, ayant mérité ce privilège par l’expérience. Son assiette sur l’eau était d’une grande stabilité malgré les vagues venant se briser sur sa carcasse, évitant ainsi à quelques passagers un mal de mer bien embêtant.

Autour de moi, les hommes de l’équipage se précipitaient à leurs multiples besognes, raidissant certaines cordes, en relâchant d’autres, s’y prenant à deux ou trois pour transporter des barils probablement bien pleins dans la cale. J’étais accoté à bâbord. Je ne regardais pas l’activité frénétique, mais coordonnée du pont. Je préférais m’en tenir à l’horizon, observant le mélange fascinant de mer et ciel s’échangeant l’espace, rendant de plus en plus difficile la distinction entre les deux à mesure que le regard se portait plus loin.

J’avais rêvé de ce spectacle. M’être rendu à la plage de sable fin n’était qu’un début. Je voulais découvrir le monde, observer l’océan. Mais je me devais de voir plus loin, d’arpenter chaque route possible. Et maintenant, nous étions en direction d’un autre continent. Sur un coup de tête, j’avais décidé qu’il était l’heure pour moi de perdre pied de la terre et de m’embarquer sur ce navire. Le monde ne se limitait pas à un seul continent, et j’aurais le temps d’en découvrir plus sur celui m’ayant vu naître à mon retour.

Les bourrasques faisaient claquer mon manteau noir, pénétrant sous celui-ci et allant même jusqu’au début de ma colonne, découvrant la teinté pourpre de ma camisole recouvrant mon corps. Mes pieds, rendus insensibles par les années déchaussées, ne m’envoyaient aucun signal indiquant une froideur trop intense pour eux. Les bandages les enveloppant étaient donc bien assez pour cette température assez fraîche caractéristique d’une balade en haute mer. Mon bâton, reposant sur ma nuque, supporté par mes deux mains placées derrière celui-ci, me servait d’accotoir temporaire pour mon cou. Ma capuche, relevée, cachait à tous ma longue chevelure d’encre ainsi que ma compagne poilue, repliée en boule et couchée sur mon épaule.

C’était une belle journée pour découvrir le monde. En embarquant sur le navire, j’avais remarqué que nous n’étions pas beaucoup à se précipiter pour payer le passage. Une dizaine tout au plus. Tous des hommes et une femme. Et c’en était étrange. En la regardant de plus près, on pouvait voir un niveau social assez bas considérant son habillement, mais elle ne semblait pas tellement vieille, la vingtaine tirant vers la trentaine, disons. Elle projetait une aura de dureté, mais aussi de timidité. Là s’arrêtait la description que j’avais pu en faire avant qu’elle ne soit coupée à ma vue par un chargement de quelques caisses. Mais j’avais remarqué ses armes.

Elle savait donc se battre, et c’était une chose que je respectais. Malgré ma faiblesse, qui diminuait chaque jour par l’entraînement rigoureux que je me forçais à faire, il faut s’avouer à soi-même parfois nos lacunes. La mienne fut de commencer tard un conditionnement physique.

Peu importe. Je détournai mon regard de la grande étendue d’eau en suivant mon mouvement d’un tournoiement de bâton pour le ramener au niveau du sol. Ce fut fait dans un mouvement fluide, pratiqué et rodé même.

Il était temps de mettre un peu d’ambiance dans cette ambiance lourde de craquements et d’éclats de voix. L’odeur forte de la mer salée ne parvenait pas à couvrir totalement les effluves musqués provenant de la sudation prononcée des matelots. Il fallait donc se changer les esprits, et quoi de mieux pour cela que de jouer un peu de musique.

Je me laissai glisser le long de la paroi sur laquelle mon dos reposait et me retrouvai en position assise, mon bâton ayant suivi le même chemin. Je sortis ma flûte traversière et me mis à teinter l’air d’une mélodie mélancolique, probablement à cause de l’émotion que je ressentais. Mon visage laissait probablement transparaître le fait que c’était l’une des premières fois que je me retrouvais entouré de gens sans me faire dévisager pour cela, mais je n’avais tout de même pas le niveau d’interpersonnalité nécessaire pour aborder les gens. La solitude m’avait bien élevé, et j’en étais désormais prisonnier.

Mon regard d’un bleu arctique se promenait de l’un à l’autre, tandis que je continuais à sortir mes notes, jusqu’à se fixer sur la jeune femme aperçue plus tôt. Et mes yeux ne s’en détachèrent plus. Je ne pouvais effacer ce que je voyais. Des oreilles pointues comme les miennes. Une semblable …


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Mar 19 Juil 2016, 18:42

Mille millions de mille sabords.



L
a navigation reste pour moi un des nombreux mystères de ce monde dont je n'ai pas encore saisi les secrets. Bien que ce fut la dixième fois au moins que je posais les pieds sur le pont de l'un de ces géants de bois, à chaque fois la même sensation m'envahissait : la fascination, ainsi qu'une légère appréhension, comme si ce voyage pouvait être le dernier.
Pour rien au monde je n'aurai souhaité me priver des mystères, des merveilles et du danger de l'océan. Après de trop nombreuses années à n'avoir voyagé qu'en songes, un peu plus loin en tournant page après page les ouvrages de la bibliothèque, mon goût pour l'aventure n'avait fait que s'accroître. La vie à Earudien, bien qu'elle soit confortable et prolixe pour tous les commerçants, érudits ou artistes, se révélait bien plus morne à mon goût que tout autre endroit sur ces terres. Avec l'âge, de nombreux elfes finissaient par développer une certaine sagesse, se contentant de voyages d'esprits... Pour ma part, plus de deux sicles de privations n'avaient fait qu’attiser ma curiosité. Mille mots ne valaient pas le sifflement léger du vent dans mes oreilles, ni le sel qui se déposait sur mes lèvres en cette fraîche nuit de lune ascendante.

Debout tout au bout de la proue, je me tenais un peu à l'écart de l'équipage qui s'affairait à équilibrer le bateau sous les beuglements du capitaine. Cet homme avait un côté effrayant, une sorte de colosse dont la peau cuite au sel imposait un certain respect, témoignage de ses nombreux voyages au cœur des océans. A l'entendre dire il y a quelques heures encore, embarquer une femme sur un navire était une provocation du sort peu favorable. Nous verrions bien...

Les coudes posés sur le garde corps, et les pieds se dressant sur leur pointe pour gagner en hauteur, j'admirais les étoiles et l'écume en surplombant l'océan qui s'étalait à perte de vue, allant jusqu'à se confondre avec le ciel à l'horizon qui devenait difficile à déterminer, avant que l'aube ne décide de poindre. Me berçant du doux son des vagues se brisant contre le bois goudronné de l'embarcation, je me surpris à laisser un léger sourire se dessiner sur mon visage, savourant le bonheur d'un moment des plus simples. La nuit avait été longue et emplie d'insomnie, mes pensées restant comme à leur habitude torturées par une flopée d'incertitudes. Malgré le temps filant, mon entêtement à retrouver Jun ne décroissait pas. C'était devenu une sorte d'obsession, une espèce de bouée de sauvetage qui donnait un sens à ma vie depuis que tout ce que j'avais accompli était parti en fumée. On dit qu'en ce monde, pour être une femme accomplie il est nécessaire d'enfanter. J'avais au contraire un avis bien différent sur la question, ne limitant pas l'utilité de ma présence sur ces terres au simple fait de fournir une progéniture. Il y avait, selon moi, bien d'autres moyens d'assurer l'avenir de ce monde. Le futur s'écrit aujourd'hui, il dépend de nous... Il aurait été naïf de croire que confier à d'autres le destin de ces terres nous déchargeait de nos responsabilités envers demain.

Me retournant de temps à autre pour m'informer des activités à bord, je ne puis faire abstraction des regards insistants de certains membres d'équipage dans ma direction. J'avais la désagréable impression d'être une sorte de bout de viande, un "trophée" de plus à collectionner pour une poignée d'hommes nostalgiques des cabarets et autres hôtels de charme. Méfiante, je préférais arrêter de leur tourner le dos et pris soin de laisser dépasser mon estoc de ma cape dont la capuche reposant sur mes frêles épaules laissait à la vue de tous un visage à l'air martial, empli de méfiance. J'étais bien différente de toutes ces femmes précieuses qui ne comptaient que sur la faiblesse du sexe masculin face à leurs corps dénudé et leurs poses lascives. On pouvait le voir au premier coup d'œil. Tout ce que je portais, sans exception, n'avait pas pour but premier de souligner une quelconque beauté. Une chemise de lin qui semblait avoir vécu de meilleurs jours après avoir été correctement rapiécée masquait mon buste, laissant mes bras nus couverts d'ecchymoses et diverses coupures à la vue de tous. A l'un de mes poignets -touts fins, il faut l'avouer-pendouillait une sorte de bijou en corde tressée très usée agrémenté d'une perle bleue. Ce présent m'avait été offert par une ondine, en gage de reconnaissance, il y a fort longtemps. Tout ceci était autrefois de bonne facture, mais mon train de vie de ces dernières années ne me permettait plus d'acheter des vêtements neufs. On voyait ça et là du bidouillage, une paire de bottes limées qui n'aspiraient qu'à une visite chez le cordonnier, ça et là, des morceaux d'étoffes brunis par les flammes. Un soldat, voilà tout simplement à quoi je ressemblais, le genre de femmes qui ne tourne pas de l'oeil face à un bras arraché, qui n'a pas besoin de se placer sous la protection d'un homme, le genre qui se contente de dormir à même le sol sans se plaindre.

Parmi tous ces regards se posant sur moi -chose dont je n'avais pas l'habitude-, l'un d'eux semblait différent, comme si son propriétaire ne voyait pas à travers mon genre, mais plutôt en tant qu'individu. Lui aussi semblait s'accommoder de solitude et je crus un instant, apercevoir Jun. Après un moment de doute à soutenir son regard, difficile à capter entre les mèches d'une tignasse de jais, j'en vins à la conclusion que non, ce n'était pas mon vieil ami. Il était plus grand, d'une demie tête, et une paire d'oreilles pointues encadraient ses yeux d'un bleu intense, presque hypnotisant. Trouvant ceci un peu déplacé, je préférais détourner le regard quelques instants, et sorti de mon escarcelle une brioche aux noix de Weilua. Bien que censée me nourrir uniquement de végétaux comme tous les elfes, j'avais un faible pour la pâtisserie aux oeufs et faisait entorse au moeurs sans le moindre scrupule. Sentant quelque chose s'appuyer sur un de mes genoux, je baissai le regard pour croiser celui d'un petit félin, dont les globes oculaires disproportionnés semblaient supplier un bout de brioche. Après un petit temps d'hésitation, j'en sacrifiais un morceau à la bête qui une fois son butin récupéré, disparut dans la cape du grand brun. Il s'était mis à jouer de la flûte, une mélodie qui me rappelait les comptines de ma tante autrefois... Les paroles en Hygiël me revinrent en tête, une douce ritournelle tant de fois récitée que le temps n'avait pas suffit à faire oublier.

Je me mis à fredonner doucement, puis voyant que l'équipage souriait aux mélodies de concert, j'en vins à ajouter les paroles (pouvoir du chant envoûtant). C'était triste, mais peu importe... Qui donc ici comprenait la langue des elfes, hormis peut être le musicien qui nous faisait profiter de ses talents ? Les arts n'étaient pas négligeables chez les elfes, ni chez les Alfars. Nous avions en commun cette grande richesse.

Il était assez rare que je chante, et je fus rapidement interrompue par un sermon que le capitaine m'adressait, me faisant comprendre que détournais l'attention de l'équipage. Lui adressant un regard noir, je cessais aussitôt, reprenant la contemplation de l'étendue d'un ennuie mortel. Puis, plissant les yeux, je vis un autre navire voguer dans notre direction. Il n'était qu'un minuscule point noir au milieu des flots. Plus le soleil s'élevait dans le ciel et plus le bâtiment se rapprochait de notre embarcation, affichant une voilure bombée et au moins trois mâts. Quelques temps encore et il fut possible de distinguer le pavillon du vaisseau, un grand drap noir surmonté d'une crête rouge. La prédiction de malchance du capitaine se confirmait, un bateau pirate venait de nous trouver et fonçait à pleines voiles vers ce coquet bâteau nommé "Aydis".  Le capitaine était tendu, se maudissant de m'avoir embarquée et redoublais de décibels en fournissant ses instructions à l'équipage. Des chuchotements parcourraient les allées, la tension étant presque palpable. Ce que nous supposions être des pirates étaient encore trop loin pour nous atteindre physiquement, mais avais hélas déjà entamé le moral des matelots et voyageurs.



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Jeu 21 Juil 2016, 01:23


Il est facile de juger un individu. On l’observe, on l’étiquette, puis on se fait son idée. Durant mes innombrables promenades dans Drosera, j’avais été sujet à de nombreux regards, les jugements s’accumulant à mesure que la distance parcourue s’agrandissait. Et pourtant, aucun ne me connaissait. On ne pouvait connaître une personne en un haut seul coup d’œil, en ne regardant que sa façon de se mouvoir. Il fallait observer son comportement, et ne faire nullement confiance à ce qu’ils pouvaient dire d’eux-mêmes. Nous sommes tous nés juges, à nous d’exercer notre jugement avec diligence. C’est pourquoi je fus gagné par les actions de l’elfe, tout comme ma compagne immaculée, qui avait réussi, probablement grâce à son allure délicate et ses yeux doux, à gagner une petite gâterie que je ne connaissais pas de la part de l’inconnue. Pour ma part, ce fut sa voix qui m’envoûta un moment. Une voix où perçait un vécu vaste, une maturité acquise par l’expérience et par les soubresauts de la vie.

Mais bien sûr, mes yeux se fermant pour apprécier le chant envahissant l’air, une joie n’est qu’éphémère de par sa nature. Un éclat se fit entendre de la part du capitaine, homme qui m’apparaissait de plus en plus comme désagréable, interrompant la mélodie. Mais j’en avais tiré une certaine satisfaction. La solitude étant une enveloppe invisible, mais omniprésente, une lueur avait réussi à pénétrer ma carapace, me montrant une réalité tout autre que celle dont j’avais jusqu’à ce jour prêchée. Une personne, de son plein gré, s’était montrée ouverte à mon art et l’avait embelli de son propre gré. Probablement la première marque de gentillesse à mon égard depuis des lunes, si l’on comptait le fait de recevoir une indication de direction d’un ton sèche une gentillesse.

Les notes de ma flûte traversière donnant le ton à mes pensées se firent couper par la grande attention qui s’amassait à tribord. L’atmosphère avait changé d’un coup. Un silence s’abattait peu à peu, seulement comblé par le choc des vagues sur la coque et le cri des goélands s’adonnant joyeusement à leur récital d’agonie. Ce fut de courte durée. La vigie interrompit la cascade de sons de sa voix apeurée du haut du nid-de-pie.

- Des pirates!

Une rumeur de panique s’empara de la foule. Mais il faut bien accorder une qualité à ce cher capitaine, et c’est sa main de fer, ainsi que son stoïcisme face à une situation périlleuse, malgré ses jurons.

- p*tain que j’savais que s’te femme allait nous porter l’malheur. Tous, à vos armes, on s’prépare pour le choc!

Il ne fallait pas me le dire deux fois. Je me relevai lestement, décroisant mes jambes, agrippant mon bâton et rangeai ma flûte dans le même mouvement. J’envoyai mes cheveux vers l’arrière en même temps que ma capuche. La vision éclaircit, je pus mieux observer la menace qui planait à l’horizon. Je ne connaissais pas le stéréotype d’un vaisseau pirate, mais je pouvais affirmer que ce bateau ne semblait pas le plus accueillant. Se dirigeant droit vers nous, il se dressait, fier dans l’océan, comme s’il démontrait sa connaissance de celle-ci, vieille amie de toujours.

Encore loin, il s’approchait rapidement, le vent gonflant ses voiles, lui procurant la vitesse nécessaire pour nous rattraper. Le découragement envahissait bien sûr les passagers de notre propre barque, voyant qu’une fuite était impossible. Les regards se durcissaient. Certains fermaient les yeux en marmonnant quelques prières inintelligibles, mais tous avaient agrippé un moyen de défense, que ce soit un couteau de cuisine, un harpon ou bien même une serpillère.

J’évaluais mes chances. Plusieurs n’avaient vraisemblablement jamais touché une arme de leur vie, et encore moins s’être bagarré. Les plus faibles fuiraient les premiers, prenant la mer comme escapade. Ils mourraient. L’endurance pour se rendre à la nage de notre position à l’ombrage de l’île qui perçait l’horizon, plus loin encore que le navire ennemi qui s’acharnait à nous filer, paraissait inhumaine.

Mais je savais que je pourrais compter sur une moins un individu sur ce rafiot, et c’était cette même femme que le capitaine s’époumonait à maudire. Son allure calme et sa posture témoignaient de son passé de guerrière, en plus de l’impression qu’elle m’avait laissée un instant plus tôt. Je me décidai donc à faire quelque chose que je n’aurais jamais fait, mais le souvenir de sa présence perçant ma solitude me poussa à m’approcher doucement d’elle.

- Euh… Salut… On dirait bien que, on va avoir bien plus que ce pour quoi on a payé… Donc, je me demandais si, euh, on peut se couvrir mutuellement?

L’inexpérience des contacts perçait dans son intonation. Il n’était pas habitué à s’adresser aux gens, encore moins à les aborder pour demander une telle faveur, mais aux grandes situations, les grands moyens.

Ce fut à ce moment que la menace incertaine se confirma, alors que les grappins frappèrent les garde-fous, emprisonnant le bois dur et brûlé de leurs pointes affilées. La bataille allait commencer sous peu.

On pouvait apercevoir l’équipage de l’autre navire. Des hommes endurcis, solides, marqués par une vie de pillage et crimes. Plusieurs arboraient de multiples cicatrices, des muscles saillants. Ils s’équipaient tous d’une lame, une vraie salle de montre : sabre, cimeterre, rapière, lance, hache, dague. Un spectacle à faire peur. Et ma prédiction se réalisa.

Quelques-uns de mes compagnons de voyage qui jusque-là se retenaient à s’abandonner à la panique se firent envahirent par leurs émotions, perdant le contrôle d’eux-mêmes, commençant à geindre, crier ou même à sangloter. L’action suivit. Nombreux sont ceux qui se lancèrent dans le torrent de la mer, qui les engloutit avant de les recracher par morceaux, sa robe bleutée se teintant de bourgogne à mesure que les corps démembrés se multipliaient, œuvre efficace des carnassiers de l’océan. Ils avaient sûrement suivi la caravelle nous accostant, sachant en avance le carnage qu’elle amenait dans son sillage, et le buffet qui suivrait.

Mes jointures blanchirent sous la pression qui s’élevait en moi. Ce serait ma première bataille. Une pour ma vie et celles de mes compagnons de voyage. Et ce serait l’occasion de voir si mes heures d’entraînement avaient servi à quelque chose. Le soleil avançait dans sa course, sa luminosité s’éclipsant peu à peu. Ce serait une nuit triste. Une nuit sanglante.

Ce soir, ce serait le vrai test.



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Ven 22 Juil 2016, 01:59

Mille millions de mille sabords.



J
e n'eus pas à patienter trop longtemps avant que la vigie, du haut de son perchoir, ne confirme ce que j'avais redouté : des pirates. Le soleil était quelque peu monté dans le ciel, mais en cette saison, je savais qu'il ne nous accompagnerai pas bien longtemps, tendant à se faire engloutir par l'étendue salée d'ici quelques heures. Le capitaine avait eu beau faire tout son possible pour distancer nos poursuivants, son bateau était bien trop lourd pour y parvenir, l'écart s'amoindrissait. "Capitaine, il faut vous séparer des caisses, de la cargaison ! Ainsi nous aurions des chances de les semer." Le regard féroce, les lèvres pincées, il s'approcha de moi jusqu'à ce que je puisse sentir son haleine aux fragrances peu flatteuses. Soutenant son regard, je voyais la colère bouillir au fond de ses yeux. Il savait que j'avais raison, mais une si grande fierté semblait l'habiter qu'il préférait nier plutôt que de perdre la face. Du haut de mon petit mètre cinquante, je ne sourcillais pas, ne fis pas même mine de reculer, ne montrant aucun signe de crainte. C'était peut-être trop insolent, mais je n'avais pas de compte à lui rendre. Sans crier gare, sa main de la taille d'une assiette vint frapper mon visage. "C'est moi qui donne les ordres ici, petite sotte. Tiens donc ta langue avant que ce soit toi que je décide de jeter pardessus bords." Le message était clair, et bien que ma joues me brûle après cette bonne claque, je me retins de faire à mon tour preuve d'agressivité. Patience... Il ne méritait pas que je gaspille mon énergie avant cette bataille qui s'annonçait périlleuse. Il s'éloigna, satisfait de sa demie victoire. S'il effrayait ses hommes ce n'était pas le cas pour tous ses passagers. Il venait de se heurter à une petite pierre, aussi têtue qu'un dragon.

Alors que tous se précipitaient du même côté, créant une certaine agitation avec des sanglots, je mis à profit le manque de vigilance de l'équipage pour me faufiler dans la soute dans le but de prendre connaissance de la cargaison....Remontant comme si de rien n'était, je rejoignis le garde fous, fixant d'un regard empli d'appréhension le pavillon du bateau qui s'inscrivait dans notre sillage dont la silhouette se découpait comme un négatif sur le coucher de soleil imminent. Un crâne, une bande rouge et deux tibias croisés... La couleur était annoncée, ce n'était pas des tendres, ils ne faisaient ni prisonniers, ni survivants. J'essayais de les compter, le constat était pessimiste : au moins aussi nombreux que nous. Sentant quelqu'un s'approcher dans mon dos, je tournais la tête pour voir, pardessus mon épaule, le musicien. Contrairement à de nombreux passagers, lui ne s'adonnait ni à des gesticulations, ni à des pleurnicheries inutiles. Lui adressant un léger sourire pour l'encourager à s'approcher du bastingage, je ne pus que confirmer ce que j'avais estimé : c'était un géant.  Euh… Salut… On dirait bien que, on va avoir bien plus que ce pour quoi on a payé… Donc, je me demandais si, euh, on peut se couvrir mutuellement ?

Je laissais le silence planer un instant, laissant mon regard se promener sur l'individu. Son absence de chaussures me fit sourire à nouveau, me permettant de tourner un visage sympathique vers le sien. Il semblait timide, plus encore que moi... Ce "moi" qui s'était construit une véritable armure de clown, préférant focaliser l'attention des gens sur mes pitreries plutôt que la demoiselle d'une grande tendresse qui se cachait dessous. C'est que... Je ne suis pas de taille à  protéger vos épaules ou votre tête d'un coup de lame, mais pour ce qui se situe en dessous... Je pense qu'on peut s'arranger. N'étant pas convaincue que ma boutade ait été prise avec la légèreté qu'elle demandait en ce moment si tendu, je pris soin d'ajouter : Essaies de rester en vie, Mellyn, mais saches que je métrai plus d'ardeur à défendre ta peau que celle de notre bien aimé capitaine.

Le ciel s'assombrissait, pas de nuages à l'horizon, juste un soleil dont les dernières lueurs allaient se noyer au loin. C'est un beau jour, pour mourir... Me dis-je. Quand le premier grappin accrocha le borddu bateau, je sentis mon coeur se serrer dans ma poitrine. Quelques fous, dans un dernier élan désespéré, s'offrirent aux vagues qui les avalèrent sans plus de cérémonie. Je n'eus pas la force de regarder pardessus bord, sachant ce que j'y trouverai. Fixant mon regard sur le grand brun, je lui adressais un hochement de tête. "Bonne chance." Courant vers les échelles en corde pour accéder au bas de la grand voile, je la gravis non sans mal, me dressant sur le rouf du bateau. Ayant décroché mon carquois de mon dos, je me hatais de le suspendre à ma ceinture, empoignant à la main trois flèches. Le souffle calme, les yeux plissés, je dirigeais les pointes mortelles à bâbord, retenant ma respiration. J'avais en ligne de mire un pirate d'une corpulence considérable, dont le sourire carnassier me hérissais les cheveux dans le haut du cou. Une lame entre les dents, les cheveux bouclés retenus par un lien de corde, il escaladait avec agilité une des cordes à noeud tendue entre les deux navires. Je n'avais pas envie de tuer, je me l'étais jurée, il y a quelques années, la première fois que j'avais senti contre mon cou le dernier souffle d'un homme "plus jamais". Et pourtant, je continuais, sans cesse, de prendre des vies pour essayer de sauver la mienne. Ainsi allait la balance, la blanche colombe que j'étais s'assombrissait un peu plus après chaque bataille.Je suis désolée... Puisse Edel avoir pitié de vous. Tirant sur la corde puis relâchant la pression entre mon pouce et mon index, je suivis la course du projectile qui alla droit se loger dans la clavicule de ma cible. Il lâcha prise, tombant à la merci des vagues. Il ne serai plus. Il ne me restait pas beaucoup de flèches, quatre tout au plus. Reportant mes yeux verts sur mon compère aux oreilles pointues, je me rendis compte que les premiers assaillants avaient réussi à aborder le navire et battaient le fer avec l'équipage. A présent, je n'avais plus face à moi des hommes, mais des armes. Des armes, qu'il fallait mettre hors service. Tenant promesse, la seconde flèche que je décochais vint transpercer le crâne d'un autre pirate qui voulait en découdre avec l'Alfar, frôlant de quelques centimètres ce pauvre Layne qui, je le cains, dut écoper de quelques éclaboussures carmin quand ma flèche atteint sa cible. Je me préparais à un troisième lancé quand quelqu'un m'attrapa la cheville, me projetant violemment au sol. Mon cou craqua, et mon bras se prit dans l'un des filets destinés à assurer les caisses, me forçant à lâcher mon arc. La responsable de ma chute était une femme, à la chevelure rousse et au regard de braise, dont le visage délicat laissait entrevoir une paire de canines pointues, et luisantes. Maudits vampires, n'aurais-je donc jamais la paix ? Fallait il toujours que leur présence me suives comme une ombre indésirable ? De mon bras pris dans le filet, je me mis à tirer de toutes mes forces, bien décidée à faire s'écrouler la pile de marchandises sur cette indésirable visiteuse.

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Ven 22 Juil 2016, 03:28


Une voix douce, mais profonde. Voilà ce que j’en retins. Son accord, donné avec une pointe d’humour, d’un goût un peu douteux il faut se l’admettre, mais toujours est-il qu’elle avait accepté ce pacte de protection mutuel, dans un environnement où il semblait bien que notre partie était en désavantage.

Je la vis disparaître rapidement, malgré quelques difficultés, en haut des cordages après ce bref « Bonne chance ». Je me détournai d’elle, ayant remarqué qu’elle prenait une décision avisée en commençant la bataille par une offensive à distance. Mieux valait réduire nos opposants le plus possible avant le choc initial. Cela déterminerait quel camp serait mis en déroute le premier.

Le cœur tambourinant une cascade ininterrompue dans ma poitrine, je sentais le temps se ralentir, ma vision s’éclaircir à mesure que l’adrénaline se propageait dans mon système, activant la moindre de mes cellules, me donnant une impression de déjà vu, mais aussi de contrôle. Je relâchai mon souffle qui, prisonnier de ma cage thoracique, avait fait monter la pression, autant mentale que physique. Lâchant mon arme de bois d’une main, je vérifiai la position de Sasa qui, confortablement installée sur mon épaule, bien à l’abri sous mon manteau, s’accrochait avec force de ses petites griffes sur le tissu de ma camisole sous-jacente. Elle sentait la contraction qui accompagnait l’activation de mon corps. Elle avait deviné.

Et le chaos s’abattit finalement. Les pirates prirent d’assaut notre navire, envahissant le pont par dizaine, agile dans leur démarche de traversée des cordes reliées aux grappins nous retenant captifs. Un moment d’hésitation, ce fut tout ce qui me retint. Une seconde? Ce qui me permit de bouger, ce fut la vue d’un grand costaud à l’allure bien endurcie qui sombrait dans les flots, victime du tir de ma compagne elfe. Je partis d’un coup de la plante du pied, me retrouvant devant le garde-fou siège de l’assaut. Un nabot se présenta d’abord à ma portée. Il répondait presque au stéréotype du pirate dans les contes d’enfants avec sa blouse lignée, son bandeau lui ceignant le front, mais laissant percevoir une courte chevelure rousse, un pantalon uni d’une couleur bien éclatante et un cimeterre à la main. Je ne pouvais le prendre au sérieux. Et pourtant, son sourire narquois suivant son assaut bloqué de justesse par mon bâton changea ma vision des choses. Le repoussant d’un coup de pied, je suivis la manœuvre d’un coup de bâton en plein front, l’envoyant au pays des rêves… Ou au royaume des morts dépendant de la signification du craquement provoqué par le choc.

Je l’aperçus du coin de l’œil. Flou, je l’avais vu, et pourtant je fus trop lent pour empêcher le coup de gourdin. Je me préparais à encaisser le choc avec mon corps, contractant tous les muscles se trouvant à ma disposition, quand je reçus à la place quelques gouttelettes chaudes. L’homme qui allait probablement broyer mes côtes gisait sur le sol, une flèche sortant du crâne de celui-ci. Je lançai un regard reconnaissant vers l’arrière et me rendis compte de l’ampleur de la situation. C’était donc à cela que ressemblait un champ de bataille… Autour de moi, matelots et pirates s’alternaient dans de multiples escarmouches, abandonnant toute idée de bataille ordonnée, laissant place à l’atmosphère chaotique et traîtresse caractéristique des multiples un contre un, berceau des innombrables poignards dans le dos, la mort survenant avant même de faire connaissance avec le visage de notre bourreau.

Un autre problème venait d’atteindre ma vue. Ma dette, déjà lourde de par les actions de ma lointaine cousine, pouvait déjà être étanchée. Prise dans les cordes du mât, elle se débattait, la main prise dans un nœud bien complexe. Son intention était bien claire par contre : créer un rebondissement sur son agresseur qui se tenait si proche d’elle, un long coutelas à la main. Sans attendre et regretter, je sortis une de mes dagues et la projetai vers la rouquine. La lame pénétra la chair avec un son que je n’eus pas le plaisir d’entendre, mais que j’imaginai très bien. Je courus vers ma nouvelle amie, et coupai ses liens du couteau que je récupérai du corps étendu devant elle.

- Qu’est-ce qu’on fait maintenant…?

Des paroles de trop. Une attention ne peut se diviser dans la furie qui faisait rage. Il faut se lancer dans celle-ci corps et âme, et se laisser emporter par l’ivresse de la bataille, pour ne pas souffrir. Une longue balafre décorait maintenant mon propre dos. Le karma que certains diraient pour avoir tiré en traître. Et pourtant, je trouvai la force de me retourner en assénant un coup de l’allonge de ma hampe, brisant le cou de mon assaillant. Ma grandeur me servait d’avantage, ma force se déployant à sa plus grande capacité à la hauteur normale de la tête d’un homme. Un autre s’approcha de moi, beaucoup plus costaud que le dernier, torse nu, et muni de deux hachettes, ou bien peut-être deux haches, si l’on considérait la grosseur de ses mains qui faisait même paraître ma tête comme petite.

Je me mis en garde, les genoux fléchis, prêt à l’affronter. Je savais que Jingle ne devait pas se trouver très loin, maintenant libre de ses liens, mais pouvais faire ce que j’envisageais sans la blesser.

Mes pensées furent interrompues par la douleur lancinante au niveau de jambe. Je baissai les yeux pour apercevoir la rouquine au regard brûlant qui y avait planté son couteau, souriant de son magnifique sourire, mettant en valeur ses canines proéminentes. Une vampire.

*Quelle p*tain de chance, j’l’ai pas tué, et maintenant j’vais avoir de la difficulté à marcher.*

Un feu glacial s’alluma dans les yeux couleur océan qui observait la suceuse de sang. Un regard assassin, qui ne pardonne pas. La pointe de mon bâton s’abattit sur la tête de mon assaillante, visant l’œil. Je fis mouche. Je relevai la tête pour voir le colosse qui balançait l’une de ses hachettes vers mon visage. Par pur réflexe, je me lançai vers l’arrière, perdant une mèche dans le mouvement brusque, mais je ne pus réagir assez vite à l’assaut qui suivit. Je vis avec horreur la lame incurvée se diriger vers mon front, avec une détermination assez grande pour m’ouvrir le crâne en deux.

Allais-je mourir ainsi? Avoir vu l’océan, et même partagé un séjour avec celle-ci dans ses bras implacables. C’était tout ce que j’avais accompli depuis ma fuite de Drosera. Et j’allais crever sur un navire sentant la sueur à plein nez, et le sang… Beaucoup de sang.


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Lun 25 Juil 2016, 01:03

Mille millions de mille sabords.



J
'avais beau forcer sur le filet en y mettant tout mon coeur, son arrimage exécuté par des hommes consciencieux n'était pas décidé à se décrocher du pont. Devrais-je donc me déboiter l'épaule pour m'extraire de ces liens ? Je n'en aurai pas eu le temps, je crois, car la rouquine au visage pâle constellé de tâches de rousseur m'aurai tuée avant d'y parvenir. De toute façon, cette résistance était vaine, presque enterrée avant de n'avoir réellement éclos. Alors que je voyais ma vie défiler devant mes yeux,  m'apprêtant à rejoindre Edel, je fus soulagée de voir que mon compagnon d'infortune venait me rendre la politesse, avec un magnifique lancé de couteau sur mon agresseuse. Bien que cette blessure ne puisse lui être fatale, elle avait au moins de l'occupation un petit moment. Hantalë, Mellyn !* lui dis-je, sur un ton peut être un peu sec, le temps me manquant pour jouer la diplomatie. La pirate visiblement rancunière du coup de lame passé ne manqua pas de riposter à son tour d'un coup de dague, auquel il répondit quasi du tac au tac. Efficace son bout de bois, il fallait l'avouer. Si jusqu'à présent je me demandais comment l'on pouvait tuer quelqu'un qui n'était pas vraiment vivant, désormais, cette question ne pourrai plus me tourmenter.

Tout près, trop près, un pirate charpenté à l'air légèrement attardé armé à la façon d'un bucheron jeta sa soif de castagne sur mon cousin de sang. Si ce dernier esquiva in extrémis un premier coup de lame, il n'en demeurait pas moins en difficulté. Encore à terre, le pantalon fendu sur un genou en sang, je ne sentais plus vraiment la douleur. Tout autour de moi n'était qu'une sorte de grand floue sur lequel nos adversaires se découpaient, contrastant de leur netteté. Le sang battait dans mes tempes, et l'amertume se déversait au fond de ma gorge, asséchée par la peur, cette même peur de laquelle je puisais tout mon esprit de combattivité. Rattrapant une de mes flèches qui avait roulé sur le sol après ma chute, je décidais de profiter de ma petite taille pour glisser entre les jambes du grand brun, et ainsi me faufiler derrière lui et son adversaire. La flèche en main, les jointures blanchies par la pression de mes doigts sur la tige proche de sa pointe métallique, je me mis à pousser sur mes jambes. Avec élan, je me relevais, dirigeant la pointe de la flèche vers le dos du grand bucheron à l'odeur infecte. La pointe transperça son pourpoint de cuir sous la pression de mes doigts, puis ce fut au tour de sa cotte, la peau, et des chairs. Je fus satisfaite quand mon poing serré vint s'écraser dans le dos du vieux loup de mer, quand son sang, tiède et visqueux, vint couler sur mes paumes et rougir mes manches. Ancienne infirmière, et pharmacienne, je n'avais peut être pas la précision d'un chirurgien mais savait parfaitement situer un rein. Atteindre l'un d'eux demandait d'utiliser un bon angle, et une arme très pointue, infligeant une douleur atroce. L'homme en lâcha une hache, et dirigea la seconde en ma direction. Trop proche de lui, je la reçut sur mon plastron de cuir. Bien que ce dernier me protège du tranchant, le choc fut si violent que j'en eu le souffle coupé. Avec un rein en moins, on ne survivait que quelques minutes, mais nous n'avions pas ce luxe à nous offrir. Aussi, bien que ce que je m'apprêtais à faire me dégoutait au plus haut point, je repris la flèche à deux main un peu plus loin, et l'enfonçai d'un cou sec d'encore une vingtaine de centimètres dans l'abdomen de la brute.

Mes côtes me faisaient souffrir, des larmes dont je me serai bien passées montèrent en même temps qu'une sensation de chaleur dans mes joues qui devaient être d'un rose vif. Le pirate vacilla, tomba, agonisant mais pas encore tout à fait mort. Jetant un regard à Layne, je me rendis compte que je ne le voyais même plus nettement. J'avais mal au point d'en avoir la nausée, mais me forçai à garder une certaine contenance. J'avais fait trop de chemin pour me laisser tuer par des chasseurs de chimères et chercheurs d'or. Arrachant la fibule qui retenait ma cape, je décidais de m'en débarrasser en la laissant tomber sur le bois ciré et sorti mon estoc de son fourreau, prête à en découdre avec le prochain homme cupide qui avait eu la désagréable idée de nous prendre en chasse.

D'un coup, sans prévenir, l'embarcation s'ébranla, projetant tous ses occupants ou presque à terre. Je perdis l'équilibre et dû lâcher mon estoc pour me rattraper à un liche. Passé l'instant de surprise, mon regard se tourna vers l'origine du bruit sourd qui avait précédé l'évènement A Bâbord, le galion pirate avait changé de direction sous le contrôle de quelques membres d'équipage restés à bord, précipitant la figure de proue de leur navire sur la coque, arrachant au passage le bastingage, et venant de prendre dans les cordages des ponts de singe. A présent le pont sur lequel nous évoluions était en train de pencher, de plus en plus, précipitant de petits objets vers le bords opposé.  M'accroupissant pour récupérer mon estoc, et tendant la main vers ce dernier, ma ma main se fit aplatir sous la botte d'un nouvel adversaire, m'arrachant un gémissement. Celui ci semblait plus âgé, portait un grand chapeau et une veste à galons dorés. Était-ce... Le capitaine, nôtre capitaine ? Ce dernier se pencha en avant pour ramasser mon arme. Le bateau penchait de plus en plus, laissant divers objets traverser le pont. N'étant pas décidée à le laisser voler mon moyen de défense de prédilection, je saisi le premier objet passant à ma portée, non sans hésitation.

Ma main valide se referma sur une poignée de cheveux, eux mêmes rattachés à une tête, elle même... Non, pas rattachée à un corps. Ainsi envoyant la boite crânienne d'un pirate auquel elle ne serai plus d'aucune utilité en plein sur le visage du capitaine, je parvint à le déstabiliser, d'avantage mentalement que physiquement... Et pu reprendre mon épée. Il venait de bousiller ma main la plus habile, et si je n'avais pas autant besoin de lui pour guider cette maudite barque à bon port, je crois que j'aurai croisé le fer avec lui sans hésitation. Me retenant de lui cracher au visage, je me mis à courir vers le pont de singe dans lequel l'autre navire s'était pris, dans l'espoir de couper les cordages et rétablir le côté un peu trop bancale du navire. Hélas, la zone était déjà bien occupée, et le bateau penchait dangereusement, menaçant de se retourner.
Les cordages ! Dis-je en me précipitant vers l'émeute au pied de l'échelle de corde.

*(Merci, mon ami/camarade)



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Lun 25 Juil 2016, 16:21



La lame me percuta le front, avec beaucoup moins de puissance que je l’avais imaginé. Il semblait que seule la gravité avait été la maîtresse de ce coup. Assommé tout de même par le choc, je perdis la stabilité ayant accompagné la contraction involontaire sous la peur et m’enfargeai dans le cordage. Mes yeux, toujours fermées par la peur intense qui m’avait saisie se rouvrirent et aperçurent le coup à l’abdomen que reçu ma compagne, dernier effort du pirate agonisant qui s’écroula par la suite. Ma vision se troubla alors du rouge de mon liquide corporel serpentant de la blessure ouverte s’ouvrant sur mon front. Du revers de ma manche, j’essuyai le tout avant de ranger mon bâton en bandoulière et de me jeter sur un cimeterre traînant au sol. Le concept d’avoir une lame plus longue qu’une ne devait pas être bien différente que de celui d’avoir une extension en bois. J’expériençai en lançant la lame vers l’avant en direction d’un nain habillé lourdement et dont la poigne s’enroulait autour d’un marteau de guerre.

La cotte de mailles qu’il portait dévia la pointe de la lame, me déstabilisant par la même occasion, laissant mon flanc complètement à découvert pour une offensive de sa part. Bien niais, il ne saisit pas la chance inouïe qu’il avait et me percuta plutôt le nez de son solide gantelet de métal. Aucun craquement, bonne nouvelle! Mais la douleur était présente. Je reculai de quelques pas en essayant de garder une vue sur l’ensemble de mon environnement. Chose difficile après un coup en plein front et un en plein nez. Par mégarde, je trébuchai, ou roulai en fait plutôt sur une tête décapitée traînant juste à côté de notre capitaine qui me dévisagea de toute sa hauteur, du sang et de la cervelle ne lui appartenant pas lui rougissant la joue. Dans cet instant où nos regards se croisèrent, avant que je tombe au sol, je pus déceler un mélange de rage et de haine dans ce regard. Envers moi? C’était possible. Je ne dégageais pas grand-chose de bien attrayant.

Alors que je m’étendais de tout mon long au sol, mon bâton s’imbriquant un chemin dans ma peau, faisant craquer au même instant quelques vertèbres, je me sentis glisser. La pression du bateau pirate sur le nôtre était assez pour le faire pencher. Le cimeterre en main, je n’avais aucun autre moyen d’arrêter mon accélération vers les flots, le bastingage s’étant absenté momentanément de son poste le temps d’une petite pause, alors je le plantais entre les planches goudronnées le temps de reprendre mes esprits. Les escarmouches semblaient moins nombreuses, le nombre de cadavres surpassant désormais le nombre de vivants sur le point. Et pourtant, une foule se dirigeait tout de même vers un assemblage de cordage rejoignant les deux navires. Il fallait tuer l’oiseau dans l’œuf avant d’avoir encore plus de brutes sanguinaires à bord.

Je me relevai péniblement, me servant de ma nouvelle acquisition comme d’une canne le temps d’avoir un support convenable, et entendis à travers les clameurs de la bataille l’appel de Jingle qui appelait à l’attaque des cordages. Hésitant sur mes appuis, je me dirigeai tout de même vers la bataille faisant rage autour des ponts de singe. Si on ne coupait pas ceux-ci, notre embarcation chavirerait à coup sûr, et je n’étais pas prêt à servir de repas aux squales. Pas aujourd’hui.

En me dirigeant vers ma cible, j’entrai en contact avec un membre de notre propre équipage, ensanglanté de la tête aux pieds. En bien mauvais état. De multiples coupures décoraient son corps, réduisant son habillement à l’état de loque. Il avait manifestement perdu une quantité impressionnante de sang, et pourtant, il combattait toujours la douce caresse de la mort. Une épée dans chaque main, il projetait une image de guerrier aguerri.

- Allons nous débarrasser de ces attaches!

Je le contournai et n’attendis nullement son assentiment, confiant qu’il me talonnerait. Je me devais moi-même de suivre ma lointaine cousine. Je cherchai l’elfe au milieu de la cohue, me servant de ma taille filiforme à mon avantage. Malheureusement, la marée humaine gigotant là bouchait bien efficacement la vue. Je me décidai alors à passer par le côté, pour être directement à proximité du cordage. Cela signifiait aussi de se tailler un chemin sans aucune sécurité sur le bord dont le bastingage était maintenant passé en mode absentéisme définitif.

C’est alors que j’entendis la furie derrière moi, puis le cri d’agonie. Ma compagne, la fourrure immaculée désormais teintée de rouge, s’attaquait férocement au visage d’un des loups des mers, lui ayant déjà crevé les yeux et ne cessant de sautiller, évitant la poigne désespérée de l’homme essayant de se débarrasser de ma bestiole. Griffant, mordant, elle faisait un vrai ravage. Puis ce qui devait arriver arriva. Aveuglé et se débattant, l’homme perdit pied pour aller rejoindre l’immensité de l’océan, qui l’accueillit en l’engloutissant. Ma chatte, ayant pressenti la fin, sauta pour atterrir légèrement sur mon avant-bras replié. C’était bien la première fois que je la voyais se mêler de cette façon à une situation. Une compagne utile.

Alors que j’allais continuer ma course vers les cordages, je l’aperçus. Jingle. Je sautai dans la mêlée, tranchant de la lame du sabre, donnant des coups au hasard de mon poing libre, essayant d’éviter les multiples lames dansant sur ma route, mais me ramassant tout de même quelques égratignures et ecchymoses au passage. Je la rejoignis enfin.

- Le plan?

Ce fut les seuls mots que je pus placer avant de me faire emporter de plus belle dans la foule, me faisant bousculer de tout côté. Puis, une idée folle germa dans mon esprit. Folle, mais qui pourrait bien marcher avec un peu de chance. Et j’étais déjà déterminé à l’essayer. Moi, dont le courage me désertait en permanence, allais faire le grand saut.

Littéralement, je pris mon élan et courut vers le pont de corde et, dans un souffle, sauta, me retrouvant sur le pont corsaire. Des regards surpris accueillirent ma folie. Puis les sourires d’amusement. Un spectacle bien divertissant pour les pirates. Un grand garçon, à peine sorti de l’adolescence, recouvert de sang, un sabre de la main, et entouré par une dizaine d’ennemis au bas mot. Le cri m’avertit et je pris un grand pas sur le côté. Atterrissant lestement et remis sur pied en un instant, le matelot aux épées jumelles m’avait rejoint.

- Eh bien, moi qui pensais que j’étais le seul fou ici.

Le marin me lança un sourire narquois, dévoilant des dents rougies.

- Il serait triste de mourir seul. Je suis de bonne compagnie.

Ces paroles, lancées dans le feu de l’action, vinrent réchauffer mon cœur. Jamais auparavant quelqu’un ne m’avait fait sentir aussi peu seul. La solitude, grande noirceur englobant mon cœur, venait d’être repoussée par le témoignage de courage de cet homme.

Ma poigne se resserra sur la garde du cimeterre. Je sentis Sasa se contracter sur mon épaule, elle aussi prête à en découdre. Un sourire cruel éclaira mon faciès.

- Ce soir, vous allez manger en Enfer.

Je pouvais contenir la masse de renforts de ce côté-ci tandis que les autres nettoyaient la crapule de notre côté. L’avantage nous revenait.


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Sam 30 Juil 2016, 01:23

Mille millions de mille sabords.



L
e soleil n'avait pas eu le temps de disparaître complètement que nos effectifs déjà moindres faisaient pitié à voir. J'avais beau me battre avec autant d'ardeur que si j'avais eu à défendre ma cité natale, la supériorité numérique de nos assaillants suffisait à entamer considérablement mon endurance. Accusant les coups, dans une position bien plus défensive qu'agressive, je sentais mes bras se fléchir un peu plus à chaque coup que j'arrivais à parer. Ce fut avec soulagement que je vis Layne me rejoindre, lame en avant, frappant dans tout ce qui bougeait. Je n'avais pas tellement le temps de tourner le regard vers lui, mais simplement garder un bout de son long manteau noir dans ma vision périphérique suffisait à me redonner un peu de coeur à l'ouvrage démentiel que nous avions entrepris. Ils ne faisaient pas de prisonniers... Peut être devrais-je me réjouir de leurs méthodes, ayant au moins la conscience tranquille d'un certain côté : nous ne finirions pas esclaves. A bien réfléchir, entre la servitude et la mort, cette dernière me semblait plus acceptable.

Déconcentrée par cette simple pensée, je ne parvint pas à tenir en joug les deux hommes qui projetaient de me tailler en pièces. Tandis que ma lame déviait le hachoir que l'un d'entre eux avait brandi, je sentis un choc dans le haut de mon dos, une douleur déchirante provoqué par le canif que tenait mon agresseur dans son autre main, m'attaquant en traître par derrière. D'un coup réflexe, mon coude amorça un dégagement rapide en arrière, venant frapper le foie du flibustier. Je sentais mon trapèze endolori, peinant à répondre. Il avait surement dû viser la gorge mais s'était manifestement laissé surprendre par mon côté un peu trop vif, ne parvenant pas à loger la lame à l'endroit désiré. J'entendis l'alfar me questionner. Je ne pouvais hélas pas répondre, bien trop prise avec ces quatre bras et trois armes pointés vers moi. Je vis ses pieds chaussés de simple bandages disparaître un peu en hauteur, mais n'eus pas le temps de me questionner sur ses agissements, devant essuyer une nouvelle rafale de coups. A chaque assaut, je reculais, remontant vers les balustrades que je ne tardai pas à sentir s'appuyer au creux de mon dos. Donnant tout ce que j'avais, persuadée depuis déjà un moment que je ne reviendrai jamais de ce voyage, je me mis à prier, Phoebe.
Le navire s'ébranla de nouveau, suivi d'un craquement et de nombreux autres encore. A présent, la proue de l'embarcation pirate avait réussi à arracher les cordages, brisant au passage une partie du pont et de la coque. L'assiette du bateau mise à mal finit par jouer en ma faveur. Bien décidée à utiliser l'hostilité de notre environnement à mon avantage, je me retint à une ligne de cordes en araignée pour fendre vivement l'air devant moi. Les deux pirates durent luter contre l’épanchement, et je finis par en déséquilibrer un qui se laissa surprendre, tombant à la renverse. Le point de rupture de l'équilibre de notre embarcation étant atteint, il ne fallut que quelques secondes pour qu'elle ne bascule complétement, allant fouetter les vagues de ses voiles, découvrant la carène par dessus bords. Bien accrochée aux cordages, je parvint à me redresser sur le côté du navire, les yeux rivés vers l'océan d'une noirceur sinistre duquel s'échappait des hurlements à glacer le sang. Accroché à une beaume, le capitaine et un de ses robustes matelots restaient hors de l'eau, mais bien trop loin du bords pour espérer l'atteindre. "Au secours, Au secours ! " appelaient ils de concert....
La lune bien en place dans le ciel, encore d'une teinte très pâle avec la luminosité résiduelle attira mon regard, symbole de ma divinité adorée. Je persistais à croire que si je pouvais admirer l'astre la représentant, cette dernière pouvait en retour m'observer, me poussant à adopter un comportement irréprochable et exemplaire pour m'attirer ses faveurs. Peut être venait elle de m'en accorder une en précipitant le chavirage, je devais me montrer digne de sa générosité. Alors que le bateau sombrait lentement, l'eau s'écoulant dans la cale à travers les sabords situés sous le navire, j'en profitai pour me glisser à travers l'un des sabords de nage de mon coté, le plus en hauteur. Avec tout ce remue ménage la cargaison jadis si bien équilibrée ne ressemblair qu'à un amoncellement de caisses et de barils en fouillis. Soit... Ici il faisait une obscurité très prononcée. Accrochée à un Bau, j'attendis que ma vision s'éclaircisse (pouvoir : vision nocturne). Me laissant tomber sur le fond de cale dont le chargement était détrempé, je me mis à courir, escaladant les monticules de marchandises pour atteindre la réserve de cordages. Arrivée à l'endroit donné, je je m servis de mon estoc comme levier pour décrocher les couvercles de plusieurs caisses. Il y avait de tout... Du thé Bélua, des rouleaux de dentelle, des flèches. Je me servis gracieusement dans le stock, me disant qu'au point où nous en étions elles ne manqueraient à personne plus qu'à moi si je me retenais de les emporter. Deux caisses encore, et je finis par tomber sur une corde fine, mais assez robuste. Ca ferai l'affaire... La cale se remplissait de plus en plus d'eau de mer, faisant flotter la cargaison qui avait réussi à se détacher, me compliquant la tache pour le retour. Si il était heureux que les sabords soient trop étroits pour laisser passer les squales, -qui auraient du être rassasiés, depuis le temps-, je n'étais pas une bonne nageuse, et eu toutes les peines du monde à remonter. Passant le rouleau de corde en bandoulière, j'entrepris d'escalader un des filets qui retenait les barils de poudre pour me hisser à l'extérieur, sur la coque branlante. Les deux hommes d'équipage étaient toujours là, me firent signe, hurlant à s'en déchirer la gorge. "Mais bon sang, je ne suis pas sourde ! Laissez moi donc le temps." Dis-je, d'un air très agacé à l'intention du capitaine. Décidément, celui ci ne semblait s'exprimer qu'en vociférant... Sa survie était réellement due à un intérêt de ma part, car j'avais sincèrement envie de le laisser avec une pic du genre "Un capitaine n'abandonne jamais son navire". A croire que l'air du grand large et les champs de bataille gommaient en moi toute cette facette charmante et compatissante qui m'animait d'habitude. D'une manœuvre peu assurée, je me dépéchais de nouer la corde que j'avais trouvée à une sorte de gros clou en bois, d'une manière fort peu conventionnelle qui aurait pu faire bondir un marin, mais soit, je faisais comme je pouvais, n'ayant pas la science infuse en matière de navigation et arrangement de l’accastillage.
Préparant un ficelage entre la corde et une flèche, je repris mon arc en main pour encocher cette dernière dans la bôme à laquelle le duo se retenait, Après m'être assurée qu'ils en avaient bien rattrapé l'autre extrémité, je leur fis un signe de tête et me mis à courir, prenant garde à ne pas glisser contre le bois gorgé d'eau pour atteindre la proue du vaisseau pirate. L'arc toujours en main et une flèche dans l'autre, je vins tirer un projectile sur la coque, prenant ainsi appui sur ce dernier pour me hisser sur le beaupré. A peine étais-je montée sur leur navire que je fus repérée. Un pirate à l'allure svelte et à la chevelure aussi blonde que les blés courrait vers moi, armé d'un Naguinata. Il était rare de voir ce genre d'armes mais pour en avoir appris le maniement, je savais qu'une bonne maîtrise de son manche assurait à son porteur une grande sécurité. Sauf peut être contre une archère avec assez de flèches pour décimer un troupeau de Saadre.
Je me mis à le viser, retenant mon souffle, bloquant mon regard sur lui qui courrait si vite, et lançai. Peut être trop dans la précipitation mon tir loupa, allant se loger dans son épaule tandis que je visais la gorge. Tant pis... Empoignant l'arc comme s'il s'agissait d'un bâton, je vint parer le coup de lance, ce qui surprit beaucoup mon jeune ennemi. Je le fis tomber, mais pas de quoi le tuer... Me mettant à courir vers le grand brun à manteau noir et le petit matelot, haletante, je vins reprendre part au combat. J'étais littéralement barbouillée de sang dont on pouvait se demander à qui il appartenait. Tu es suicidaire ! Si je survis, quel nom dois-je faire inscrire sur ta stelle ! Dis-je en dégainant mon épée, fonçant "dans le tas" pour croiser le fer. Sans rire, j'étais optimiste... On ne survivrai pas, pas à ça... Et si nous en sortions, alors juré, j'irai rendre honneur à Suris pendant au moins une centaine de lunes.. En soi, Il n'était pas si suicidaire que ça, à présent notre seul moyen de ne pas finir dévorés par des requins demandait à ce qu'on reste sur ce navire hostile...
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Mar 02 Aoû 2016, 04:15



Mon idée, au départ semblant bien intelligente, coulait peu à peu avec le navire qui nous avait jusqu’ici servi de transport, les craquements retentissant m’avertissant peu à peu du triste sort qui s’acharnait sur cette vétérane des mers, les chocs retentissant jusqu’à mes jambes qui me tenaient du mieux possible au vu de la situation de fatigue qui commençait à s’emparer de mes membres, les alourdissant. Ma nouvelle arme pesait une tonne, et la tenir devenait une tâche ardue. Et pourtant, elle restait dressée, bien droite.

Dos à dos avec le jeune matelot ambidextre, il devenait vital de se couvrir mutuellement lorsque l’on regardait la grande infériorité numérique qui nous entourait. Les pirates, une flamme d’amusement perçant toujours dans leurs regards, s’avançaient, armes en main, présentant une vraie salle de montre, car lorsque l’on analysait un peu, il était possible de voir l’immense diversité des lames s’y trouvant. Mais ce n’était pas le temps d’y penser.

- On reste comme ça, ou on fonce?


Un coup d’œil en arrière vint me confirmer son choix. La bataille libre, sans restriction, semblait mieux lui convenir. Le matelot prit son élan et sauta, décollant sa chemise trempée d’un mélange de sueur et sang de mon dos, me laissant vulnérable à la brise marine fraîche du soir. Mais mes yeux de glace, fixés sur mes assaillants, ne se détachaient plus du tout du groupe avançant. Mieux valait les surprendre que de me laisser tailler lentement. Je pris moi aussi mon courage à deux mains, frôlant peut-être même la folie en cet instant, et fis un tour sur moi-même, décochant un coup de pied au visage du plus proche loup des mers. Les arts martiaux avaient fait partis de mon entraînement quotidien, le combat au corps à corps me semblait une nécessité à posséder. Mais jamais encore je n’avais eu à l’utiliser en situation réelle. Un brun m’atteignant presque les yeux fonça alors, une paire d’ailes d’un noir d’encre encadrant sa silhouette fine. Lançant sa chaîne par en avant, je me penchai par réflexe en relevant le sabre dans une tentative de protection. La lame au bout de l’assemblage métallique vint frapper le corps de la mienne, propageant un tremblement dans mon bras gauche, l’ankylosant encore plus qu’il ne l’était déjà. Mais l’assaut reprenait de plus belle, une massue barbelée s’abattant à un pouce de mon visage. Si ce n’avait été du déséquilibre provoqué par le poids de mon ancien navire plongeant dans les fonds marins, toujours attaché superficiellement au bateau ennemi, ma cervelle aurait peinturé les planches du pont. Je profitai de la surprise sur le visage du nouvel assaillant pour remonter mon sabre dans sa gorge, transperçant à peine, mais juste assez pour lui voler son dernier souffle de vie.

Je lançai ma main droite vers le fourreau de mes dagues, en agrippant une et la lançant sur le propriétaire de la chaîne qui déjà rechargeait pour un autre assaut. Le couteau vola, bien droit. Puis fut stoppé par la chair. Le bruit accompagnant la pénétration perdu dans le cri d’agonie du pirate poussé là. Puis je l’aperçus. L’elfe. L’arc en main, elle venait nous rejoindre. Probablement poussée par la disparition progressive de notre propre embarcation. Elle me lança alors une question qui me prit par surprise. Mon nom… Jamais personne ne s’était soucié de cela.

- Layne. Et vous ma chère?

Ces paroles furent ma perte. Ayant perdu de vue le déchu, sa lame vint me perforer l’abdomen alors qu'elle disparaissait dans la mêlée. Le tranchant vint percuter ma dernière côte au passage. Mes yeux s’ouvrirent, la douleur ouvrant involontairement ma bouche, mon rictus se tordant sous la surprise. Ma prise sur le sabre s’allégea, ne devenant qu’infime. Elle se relâcha complètement lorsque la lame visitant mon organisme se fraya un chemin vers la douce lueur de la nuit qui s’installait. Un son de métal percutant durement les planches de bois s’éleva. Le son qui marquait la fin. Je tombai à genoux, mes cheveux collants, prisonniers du liquide corporel de plusieurs individus, y compris le mien, venant me bloquer momentanément la vue sous l’impact. Un coup de masse dans le dos acheva de me coucher. Ma vision se brouillait, mes paupières se fermant peu à peu, suivant l’inévitable. J’allais mourir là. Un échec. Ma vie n’était qu’un échec. Et pourtant, la joue collée sur le bois gommant, un sourire étira mes lèvres.

*Au moins… Je ne suis pas… Seul.*

Un rugissement perça la nuit. De la rage. De la haine. De la tristesse. Un mélange bien dangereux. Et pourtant, l’intonation était là. Relevant péniblement la tête, je vis un mince éclair blanc s’acharnant sur celui qui était mon meurtrier, lui déchiquetant littéralement le visage, s’attaquant même à son ventre duquel on pouvait voir pendre des organes, leur contenant se faisant détruire à coup de griffes tranchantes. Ce fut le tournant. Je ne pouvais pas mourir ainsi. L’elfe comptait sur moi pour la couvrir. Le jeune matelot défendait de tout son cœur l’épave qui avait maintenant sombré. Et le flot revint (Pouvoir : Gladiateur – Dépassement). Me retrouvant sur mes pieds en un instant, le cimeterre ayant repris position dans ma poigne, ma seconde dague s’appuyant dans mon autre paume, je me mis à courir, tailladant, coupant. Un vrai boucher à l’œuvre. En l’espace de quelques secondes, six corps s’échouaient déjà sur ma course.

Ma cible était bien claire. Je rangeai ma dague, coupable d’égorgement, et agrippai de mes longs doigts Sasa qui se battait près de Jingle avant d’enserrer le bras libre de la petite femme qui était ma compagne d’arme, la tirant dans mes foulées effrénées. Un coup d’œil m’avait permis de repérer l’ouverture de la cale, dans laquelle je la balançai presque, avant de faire subir le même sort à notre autre allié dégoulinant de sang et de les suivre d’un saut, refermant la trappe et la barrant. Cela leur ferait perdre un peu de temps, et cela nous permettrait de reprendre un peu notre souffle. Déjà, cette farouche attitude qui m’avait habitée se dissipait dans l’air, me laissant le souffle court.

- Faudrait trouver une solution à notre problème actu...

Une toux me prit, secouant de soubresauts violents ma cage thoracique, ma gorge essayant de se dégager de l’obstacle qui nuisait à son travail. Une vague de sang remonta dans ma bouche, débordant sur mon menton et éclaboussant le sol à mes pieds. Mon état s’empirait.



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Sam 13 Aoû 2016, 16:07

L'horreur, la galère, tout simplement. Le maniement des armes était pour moi devenu si naturel que j'en oublierai presque qu'il y a encore quelques années à peine, j'aurais été incapable de repousser le moindre adversaire il s'en était passé des rencontres, des disputes, des moments de joie depuis ça. Des fois où j'ai cru mourir seule, embourbée dans les marais, ou poursuivie par des reptiles que ma corpulence n'aurai pas suffit à rassasier. Il s'en était passé, des jours sombres, mais encore jamais, ô grand jamais, avec moins d'espoirs que celui ci. Nous avions beau dire que le temps efface les maux et les blessures,  qu'il adoucit les peines et nous force à oublier mes moments les plus durs, cette fois ci était différente, je ne pouvais avoir vécu pire, c'était l'évidence même.

La peur laissait battre mon coeur au point que je crus qu'il allait me briser les côtes. Layne... Celui qui m'était encore inconnu ce matin et se battait à mes côtés aurait un nom dans ma mémoire, bien qu'à l'instant, je ne pouvais m'empêcher de le rattacher à Jun. S'il était un homme pour lequel je me serais battue jusqu'à en perdre la vie, c'était bien cet homme, génie, sorcier ou peu importe... C'était lui. La ressemblance troublante qu'avait Layne avec cet homme ne pouvait être qu'un grand avantage pour l'Alfar. Peut être suis-je folle, mais si je l'étais sincèrement je ne pourrai en avoir vraiment conscience... Dirions nous obstinés ?

Gardant au coin de l'oeil une certaine surveillance sur les cheveux de jais et les oreilles pointues qui s'activaient dans mon dos, je luttais. Le nombre de flibustiers ne semblait pas décroitre, comme une sorte d'hydre, ou pour chaque corps tombé à terre deux nouveaux semblaient de dresser. Le supplice semblait interminable. Quitte à mourir, j'avais décidé d'amener avec moi le maximum d'entre eux voguer à mes côtés vers le royaume des morts, car ces derniers ne pourraient ainsi pas s'en prendre aux prochains explorateurs d'océan. L'idée que la cupidité seule puisse pousser les âmes de ces terres à des comportements aussi belliqueux était difficilement concevable pour moi, il devait à avoir derrière en plus de cela une soif de sang à étancher, un vide à combler.

La blessure que le petit poignard m'avait infligée étant bien plus alarmante que ce que j'aurais aimé croire, ma chemise ne ressemblait plus à grand chose ainsi imbibée de carmin. Ma vue se brouillait, et je frappais, encore, machinalement, sans ne plus penser à infliger des dégats mais bien à nous protéger à tout prix. Mon cerveau devint lent, très lent, et je finis par me prendre un coup à l'arrière de la nuque, faisant retentir un craquement. Comment avait on pu me frapper par derrière... Layne était sensé me couvrir. Me retournant je ne le vis pas de suite. Mon coeur se serra. A peine eus-je le temps de remarquer la masse noire que son grand manteau formait sur le pont, je compris... La mort venait de le cueillir à son tour, je ne serai que la prochaine sur la liste. La petite boule de poils qui semblait tantôt si mignonne révélait une facette plus combattive. J'essayais de le rester, moi aussi, mais à présent l'énergie qui m'animait n'arrivait plus à trouver sa source. Encerclée par trois hommes, je mis un temps avant de réaliser que s'ils avaient souhaité me tuer je serai probablement déjà morte. Ils semblaient plutôt jouer, s'amusant à me voir me débattre comme homard au fond d'une marmite posée sur un feu et qui connaissait son sort. Je sentis un bras passer autour de mon cou, m'étranglant, me lacérant les cervicales endolories. J'aurais probablement hurlé de douleur si ma trachée n'avait pas été complètement écrasée. Lâchant mon arme, je me mis à tirer de mes deux mains sur ce bras. Sentant le second bras se presser sur ma poitrine et mes pieds quitter terre, je me mis à gesticuler au possible, battant des pieds dans de grands moulinets inutiles. Le visage de l'homme étant tout proche du mien, le le sentis se coller quelque part derrière mon oreille, une barbe dru me grattant le cou. "Ho mignonne, j'aime quand elles se débattent... Les femmes n'en ont que plus de saveur". Allons bon, je ne l'avais pas vu venir, celui ci. Je ne pu rien faire, sentant une douce chaleur au creux de mon cou. Cette douce chaleur apaisante que les vampires maitrisaient à la perfection : Le baiser. Je me mis à sombrer à mon tour, dans une sorte de bulle hors du temps, heureuse, apaisée... Jusqu'à être subitement relâchée. Je sentis le bras autour de mon cou s'alourdir, sans force, et les crocs du propriétaire du dit bras me griffer la gorge. Il tombait sans que je ne comprennes pourquoi, et mes idées n'étaient plus du tout en place. A cet instant je n'avais qu'une envie, qu'il me mordes à nouveau... Au lieu de ça je tombais en avant, mes genoux venant frapper le pont. Le reste de mon corps suivi, privé d'oxygène. Mes bras me retinrent et mon regard se fixa sur un éclat argenté : L'estoc. Je le repris, machinalement, me hissant sur mes jambes. Je ne ressemblais qu'à un pantin ivre et désarticulé, prêt à s'effondrer à la moindre bourrasque.

Où étaient ils passés ? Eux qui étaient encore au moins une quinzaine ? Un pas en avant me fis trébucher sur un corps, apportant la réponse à ma question tacite : morts. Me protégeant le visage du bras je m'apprêtais à tomber mais au lieu de ça, je sentis un bras plus frêle m'enserrer, et me tirer avec une force colossale. je ne sais trop où. Une fois arrêtée dans cette course folle, mes yeux ouverts ne me permettaient plus de voir grand chose. J'entendais tambouriner au dessus de moi, ayant l'impression d'être dans le corps d'un tambour géant car tout se répercutait en échos autour. « Faudrait trouver une solution » Dit une voix que je reconnaissais. Avant de voir le corps mutilé de mon camarade que je croyais déjà mort encore sur pieds, repeignant le sol de la cale de son sang.  Je n'étais pas mieux, il fallait dire, mais il fallait absolument trouver une solution, comme il le suggérait. A côté de lui, un petit matelot bien robuste nous tenait encore compagnie, qui lui ne semblait pas encore avoir trop souffert , ou du moins le cachait fort bien. Quand Layne se remit à tousser je compris que la situation était grave, qu'il ne pourrai probablement pas s'en sortir sans un coup de main. Je vais te soigner... Essayer, je ne suis pas très douée mais ça devrait faire l'affaire. Dis-je en le forçant presque à s’asseoir sur une des causses de la cale. Il faut bien que l'un de nous soit en état de combattre.  Appliquant mes mains sur le torse du garçon sans la moindre pudeur ni manières, je me mis à chercher la plaie. J'avais beau voir dans le noir, ma vision était tout de même limitée et avec toute ces effusions de sang une mère n'y aurai pas retrouvé ses chatons si je pouvais oser le dire.

Me mettant à murmurer des paroles en elfique, je  fis tous les efforts possibles pour concentrer ma magie de soins sur Layne. Heureusement, elle prit assez vite pour refermer partiellement les blessures et restaurer l’état de santé de mon camarade.

Je ne peux pas me soigner... Mais j'ai encore une trentaine de flèches, si tu parviens à les éloigner je peux encore en descendre quelques uns. Et je crois qu'il en reste une dizaine... SI nous avons assez de chance et sommes assez fous nous pourrons prendre contrôle du navire et regagner le continent. J'ai assuré une corde pour que le capitaine et le second de notre navire d'origine puissent nous rejoindre... Si on les retrouve, peut être serons nous assez pour piloter cette maudite barque jusqu'à un port.  On voyais que je butais sur les mots, mon esprit était toujours lent, en manque de sang. En bref, je ne pourrai jamais survivre à un assaut de plus en frontal. Je n'ai pas peur de mourir, Layne... Je suis en paix avec mes dieux. Mais... Si tu ne l'es pas il faut songer à le faire.

Les pirates avaient entrepris de décrocher un objet massif pour s'en servir de  bélier qui ne tarda pas à faire exploser les gonds de la trappe. Jouant la montre je continuais de dépenser mes dernières ressources magiques sur Layne pour lui assurer le plus de chances de réussites, et quand enfin le premier assaillait fit irruption dans la cale je me mis à courir vers le fond, l'arc en main et une flèche dans la seconde, visant  notre « visiteur ».  Encore ce foutu vampire... Dont la vue me troubla une fois de plus. Maudit pouvoir de morsure... Et d'attraction qu’ils dégageaient. En plus de ne pas être réellement mortels leur espèce avait des attraits encore plus détestables.

Visant la tête, je décochais la flèche.  Quand soudain une lumière vive m'éblouit. Une sorte de cercle, un portail peut être, dans lequel ma flèche disparut sans jamais atteindre sa cible.  

Où donc finissait ce passage magique ?
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Mar 16 Aoû 2016, 03:36


La perte de sang immense subite était ce qui m’avait affaibli. Mon corps en entier tremblait. D’énormes frissons se propageaient le long de mes nerfs, des soubresauts violents agitaient mes membres, me faisant cligner involontairement des yeux. Le sang me coulant le long du manteau venait s’étendre sur mes habits, les alourdissant de manière infime, mais c’était une accumulation de fatigue. L’acide lactique s’attaquait à l’ensemble de ma musculature, une douleur s’associant aux crampes me rongeant en plus de la plaie s’échappant au niveau de mon abdomen. Je fus presque reconnaissant lorsque Jingle me prit et m’installa malgré son état sur une caisse pour m’asseoir et me soigner. Ses mains me firent frissonner lorsque le contact se fit entre le tissu déchiré et sa peau tiède. Mes idées, bien qu’imprécises, furent tout de même suffisantes pour me pousser à retirer mon manteau et ma camisole vers le haut, passant mes bras au travers du trou pour le cou. Une douleur sourde me fit tousser à ce mouvement, mais au moins, mon torse était maintenant exposé. Mon manteau restait accroché à la hauteur de mes hanches par son attache. Étonnement, cette position n’avait pas l’air d’entraver les mouvements de mes membres inférieurs.

Une caresse réconfortante, accompagnée d’une douce chaleur, vint s’attarder à mon abdomen, là où ma blessure s’ouvrait. Des paroles manifestement elfiques emplissaient l’air tendu de la cale. J’en comprenais une partie, nos racines langagières étant les mêmes. En fait, la phonation était tout de même bien similaire. Une fois la sensation de bien-être au niveau de mon estomac disparue, je me risquai à tâter, et malgré la présence du liquide en coagulation au niveau abdominal, il y avait absence de plaie. Là où elle était censée être, il y avait une peau fine et inégale. Une magie permettant les soins. Encore brouillonne, mais bien utile. Déjà, je me sentais un peu mieux, mon sang ne s’échappant plus par l’interstice de mon corps, se remettant plutôt à nourrir mes cellules du moindre petit nutriment présent dans mon organisme.

C’est alors que ma compagne de combat se mit à insister sur le fait qu’il fallait reprendre le contrôle du navire, et que pour cela, je devais essayer de garder le plus loin possible d’elle les brigands, pour qu’elle puisse agir à distance. Une bonne idée, considérant l’espace exigu dans lequel nous étions. C’était possible. Le matelot ambidextre et moi serions en mesure de faire cela. Il n’en restait qu’une quinzaine à abattre… Une vingtaine au maximum. Ce serait un défi, mais rien ne disait que c’était une mission impossible. Il suffisait d’y croire. Puis elle m’exposa une vérité pour laquelle je n’étais préparé qu’en théorie : la mort. Je ne voulais pas mourir. Mon heure n’était pas sonnée. Et je n’allais pas la laisser périr elle non plus.

- Si tu penses que je vais te laisser mourir ici, tu te mets le doigt dans l’œil. Si ça arrivait, je ne pourrais me regarder dans une glace pour le reste de mes jours.

Le bruit d’explosion accompagnant la destruction de la porte de la cale se fit entendre. Sans prendre le temps de me rhabiller, je serrai du reste de mes forces la poigne d’acier du cimeterre et me lançai en avant. Le premier assaillant fut un vampire. J’étais presque sur lui quand une lumière s’illumina sur ma droite, m’aveuglant partiellement alors que lançai la lame en direction du pirate qui lui, regardant directement la source lumineuse, en perdit la tête. Elle roula au sol, déversant son contenant sanglant et visqueux sur les lattes. Un vampire mourait-il en perdant son crâne? Une question bien importante dans cette situation, mais je ne pouvais m’en soucier. Un autre adversaire se lança du haut de l’échelle, étant accueilli par la pointe de ma nouvelle acquisition, lui ouvrant son ventre poilu, l’homme en question étant plus loup qu’humanoïde. Une expression de douleur s’agita sur son visage un instant, remplacée par l’abysse de la mort à mesure que ses viscères se déversaient au sol, son estomac restant toutefois en place, son attache encore solide. Une mare de sang s’ouvrait au sol, me teintant les pieds du rouge de la bataille. L’assaut des pirates, visiblement refroidi par l’accueil violent subit par leurs compatriotes, était en suspens. J’en profitai pour jeter un coup d’œil vers l’arrière. À la place de mes compagnons d’armes, j’eus la vision d’une sorte de portail en mouvement constant, projetant une luminosité enivrante aux environs. C’était donc la source de ma chance de plus tôt. Mais qu’était-ce? Visiblement, ce n’était pas agressif, sinon cela se serait déjà agité depuis longtemps. J’aurais pu mourir au moins cinquante fois tellement l’adrénaline de la bagarre l’avait emporté sur ce nouvel élément. Je me décidai à reculer lentement de l’échelle, gardant à l’œil les brigands. Je fis le tour du portail et me rendis jusqu’à mes deux copains d’infortune. Jingle, l’arc en main, et le matelot, armes dégainées, fixaient tous les deux le trou de lumière. Une décision folle peut-être, mais le temps pressait. Les pirates avaient amorcé la deuxième vague, et nous ne tiendrons probablement pas pour la durée totale de l’assaut.

Sans demander la permission, je me penchai et passai une main sous les cuisses de la petite elfe, mon bras entourant ses épaules, et je la soulevai. Je sortis tout le jus restant dans mes jambes et me propulsai dans le tourbillon de couleur. Je savais que l’autre nous suivrait. Il l’avait fait lorsque je m’étais lancé seul sur le bateau ennemi. Il le ferait encore. La peur était une inexistence dans son existence. Combien de temps passa, je ne saurai le dire, mais j’atterris à genoux, me réceptionnant durement sur mes patellas.

Dans mon étreinte, je voyais ma compagne étant mal en point. Je la déposai sur le mur le plus proche, en position assise. Le sang me tachait la main ayant été en contact avec son dos. Son sang. Je jetai un rapide regard pour voir les alentours. Une cabine. Petite, bien éclairée, avec un bureau embarrassé de paperasse. Un compas et des crayons s’y trouvaient aussi. Des cartes marines décoraient les délimitations de l’espace. La cabine du capitaine… Mais personne ne se trouvait dans la pièce, si ce n’était notre compagnon qui apparut de nulle part.

- Garde la porte, je dois m’occuper d’elle maintenant.

Je me levai et alla chercher une torche. De retour au côté de la pauvre dont le teint était comparable au mien, je la déshabillai, lui enlevant les habits lui couvrant le haut du corps. La pudeur n’était pas de mise dans une situation si urgente. Malgré tout, je ne pus m’empêcher d’apprécier ses courbes tout de même généreuses pour sa taille. Je posai ma main sur son ventre nu et la retournai, exposant à mon regard son dos couvert de sang. Une entaille bien profonde entre les deux omoplates était la cause de ses maux. Gardant une main sur son dos pour la soutenir, je sortis une dague de son fourreau avant de la mettre au-dessus de la flamme de la chandelle.

- Je suis désolé pour ce qui va suivre, mais je ne pense pas qu’on est le choix, ici.

Laissant la lame sous son brûlot, je sortis une flasque de l’une de mes poches. J’en versai le contenu sur son dos. De l’alcool. Il fallait bien désinfecter un peu… Maintenant… Restait plus qu’à refermer la plaie avant que la pauvre se vide de son sang. Je repris la garde de mon couteau et l’approchai de l’ouverture ensanglantée. Et l’y apposai. Une odeur de chair brûlée emplit l’air, un sifflement l’accompagnant. Je serrai son épaule pour la tenir en place, précaution pour ne pas lui faire subir le supplice à de multiples reprises si elle s'échappait de la cautérisation.


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Lun 22 Aoû 2016, 17:19


Si la première flèche que j'avais lancé avait terminé sa course je ne sais où, les trois suivantes eurent plus de chance et trouvèrent aisément un endroit dans lequel se loger. Tendre la corde de l'arc me lacérait à chaque fois un peu plus le trapèze, rouvrant une plaie profonde infligée tantôt. La première à trouver une cible finit sa course intercalée entre une paire de côte, ayant appartenu il y a quelques secondes encore, à un gaillard un peu grassouillet débordant de vie, lui perforant le poumon. Tandis qu'il se noyait dans son propre sang, la seconde flèche, elle, cloua le pied d'une autre racaille, d'apparence très jeune et androgyne, qui  hurla si fort qu'il, ou elle, sembla décourager les autres marins. Layne n'avait pas failli à son poste, débarrassant le vampire de sa tête et un homme à l'apprence très bestiale de tout espoir de digérer quoi que ce soit dans les jours à venir.

Mon allié avait quelque chose d'effrayant, dans le regard, qu'à présent je distinguais avec netteté malgré l'obscurité. La couleur bleue, froide, entourée d'une paire de sourcils froncés me rappelait celui de Daichi, un déchu que j'avais perdu de vue à la fin d'une mésaventure. Certes, la méthode employée par mon allié avec sa nouvelle arme était peu académique, mais sa vivacité semblait compenser quelque peu le manque de technique. Ils semblaient avoir peur, et l’exiguïté du passage jouait en notre faveur. La cale devenait une sorte de place forte que nous arrivions à assiéger, forçant nos ennemis à se présenter deux à deux au maximum; leur assurant une mort plus ou moins douloureuse dans les instants suivant leur témérité, a laquelle désormais plus personne ne se risquais.

Devant moi, sur la gauche, le portail d'une largeur conséquente flottait mollement dans les airs, projetant un léger halo bleuté qui nous donnait à tous un teint plus blafard encore que ce que nous subissions déjà. Pour ma part, j'étais blême, et les veines bleutés qui battaient sur mes tempes ressortissaient d'une façon assez inquiétante à travers ma peau diaphane.

Quelques pas encore et Layne fut à porté de main, son regard fixant le portail. L'arc bandé et une flèche encochée en direction des pirates, je me hasardais à un coup d’œil vers lui.  Ne me dis pas que... Je n'eus pas le temps de finir ma phrase que ses longs bras vinrent me cueillir, me faisant lâcher la flèche un peu brusquement, la laissant filer vers l'escalier en contrebas de la trappe autour de laquelle nos ennemis campaient. Il est fou.... Complètement dingue ! Me dis-je, alors que le décor autour se mit à valser, tourbillonnant, me donnant mal au cœur, me forçant à passer mes bras autour du cou de l'alfar ans l'espoir de me rattraper à quelque chose. Il faut dire que mes blessures avaient fini par me priver d'un peu trop d'oxygène, et le fait de voir le monde entier tourner me força à fermer le yeux. Ce fut pire, et j'eus l'impression de tomber dans le vide, Avant de sentir un choc et le bras de mon camarade glisser sur mon dos, ravivant la douleur de la plaie que je m'efforçais d'oublier. Je ne dis rien, me contentant de serrer les dents de douleur. Quelques larmes revinrent, à moins que ce ne soit du sang... Toujours est il que je sentis mes yeux redevenir humides, brouillant les contours de tout l'environnement, qui semblait encore tourner sur lui même. Je finis par comprendre que cette impression de mouvement était due au déplacement de Layne, qui me déposa avec une douceur assez appréciable au pied d'un mur. Je ne compris pas la suite de ses paroles, qui semblaient se répercuter en écho sans véritablement m'atteindre. Je finis pas lâcher l'arc, encore sonnée, et repris quelques traits d'esprits quand je sentis que quelqu'un tentais de me débarrasser de ma chemise dont la couleur d'origine n'était qu'un lointain souvenir. Je suis foutue, soldat... Perds pas ton temps et sauves ta peau... Finis-je par articuler, voyant les efforts qu'il déployait à me maintenir en vie. Le voyant obstiné, je fis ce que je pouvais pour lui faciliter la tâche, détachant les boucles de mon plastron, et en attrapant la très longue natte qui me tombait dans le dos pour la ramener devant. Il semblait connaitre la  marche à suivre, je laissais donc planer le silence, m'économisant au mieux.

Je vis la lame de sa dague rougir, et sentis la fraicheur de l'alcool, avant la chaleur cuisante de l'acier. Ma mâchoire se resserra, de même que mon étreinte autour du bras libre du jeune alfar qui me soutenait, jusqu'à ce que mes petites mains finissent imprimées en blanc sur sa peau après lui avoir coupé la circulation, bien involontairement. Je savais qu'il n'avait pas meilleur choix pour me garder en vie que de me faire subir ceci, et par respect pour sa bienveillance, je me reteint de pousser le moindre gémissement, la moindre plainte. Ayant été médecin, je savais à quel point il était difficile de supporter les supplications d'un blessé que l'on tentait de soigner. Quand il retira enfin la lame brûlante de mon dos, Je pris une grande inspiration, le relâchant, me rendant compte de la proximité inappropriée que la situation avait fini par engendrer. Je me mis à tordre le cou pour tirer un peu sur la peau, et me mis à tâtonner à la recherche de la flasque qu'il avait sorti, ayant espoir de noyer la douleur derrière une gorgée d'alcool. J'y parvint, et rouvris les yeux après une légère grimace. Un goût que je ne connaissais pas... Et très fort. Merci, l'ami. On en est à 3 partout... Enfin, si on compte les points. La douleur ne passait pas, et mon poing vint s'écraser contre le sol en guise de protestation. Il va falloir mieux que ça pour tenir, dis-je d'un air grognon, non pas en reproche à Layne -qui s'avérait être un allié appréciable et finissait par être apprécié pour ce qu'il était et non sa ressemblance à Jun- mais par simple constat.  Me relevant, je me mis à agripper les bords de tout ce que je trouvais pour m'aider à tenir l'équilibre à la recherche d'objets utiles.

Autour de nous tout le matériel, dont certains objets dégoulinaient de luxe, étaient on ne peut plus hétérogènes. J'avais vu une fois une riche demeure, où tout était assorti et accordé, ici, c'était le strict inverse. La preuve, sans doute, que tout ces éléments avaient été amassée à force de vols et pillages sur d'autres navires. J'ouvris les placards, en retournant le contenu, ouvrant la moindre fiole, la moindre bouteille à recherche de secours. La plupart du temps je tombais sur du vin, des alcools forts... En plus de ne pas avoir le sens de l'harmonie, le propriétaire des lieux ne semblait pas non plus être habité par le sens du rangement.
Après avoir ouvert et reniflé une dizaine de fioles de potions -pousse de cheveux, sommeil....- je finis pas tomber sur un remède de soin magique. La fiole me rappelait quelque chose : le monogramme de mon ancienne pharmacie... J'eus un sourire forcé, avant de tourner mon regard vers Layne et la lui envoyer. "Cul sec". Dis-je, avant de me remettre à fouiller, certaine de l'efficacité du brevage contre les coupures. En trouvant une seconde fiole, je la remis à notre allié de petite taille, avant de soupirer, et d'ouvrir un nouveau tiroir. Je ne trouvais pas ce que je cherchais, ce qui avait le don de ne pas améliorer mon humeur déjà franchement moyenne. La porte suivante ne s'ouvrit pas, bien que j'y mettes toutes mes forces. M'attaquant au battant du dessous j'eus le même résultat, le mobilier semblait "collé".  Après un bref regard balayant la zone, et vu la répartition de la poussière, je me mis à tirer sur un serre livre qui semblait moins sale que le reste, non sans peine, car mes mains tremblaient encore. Bingo, le passage secret. Enfin, plutôt qu'un passage, une sorte de réserve de nourriture "personnelle" et un stock d'alcool conséquent, ainsi que du linge propre.  M’engouffrant dans l'espace réduit, je me servis dans la pile de chemises en essayant d'en prendre un modèle de petite taille, et une fois décente à regarder, je ressortis, tenant sous mon bras une caisse à pharmacie plutôt bien fournie. Me servant du pot d’onguent pour les brûlures, et en étalant une bonne couche, je revint vers Layne. Fais attention avec ça... Tu présentes encore un peu trop d'ouvertures à tes adversaires. C'est un miracle qu'ils ne t'aient pas taillé en pièces. Dis-je en lui attrapant le coude qui tenait son arme, le mettant en une position plus académique. Plutôt ici. Et idem pour les épaules, Dis-je en posant ma main sur l'épaule opposée, la tirant en arrière sans brusquerie, comme ça tu as moins de surface à défendre.

Lui adressant un sourire encourageant, observant son visage en profitant de ce moment d'acalmie, je remarquai la cicatrice qui courait sur son cou et sa joue.Je ne l'avais pas vue avant, et il était intimidant du haut de ses 50 cm de plus que moi, mais malgré un regard dur et un visage fermé, je ne pouvais m'empêcher d'être persuadée que quelque chose de bon pouvait se cacher derrière. Contrairement à la majorité des elfes, je ne considérais pas nos cousins les alfars comme des artistes ratés et morbides... Et j'avais toujours eu au fond de moi, une nature très optimiste.
Décidant de garder le silence à ce sujet mon regard se détourna vers le portail. Nous ne serions pas en paix indéfiniment... Il fallait finir le travail, ou trouver un moyen de fuir ce navire.
Ne restes pas devant l'ami... J'ai un mauvais pressentiment.
Mon intuition fut bonne, car quelques secondes plus tard, un liquide jaunâtre et crépitant sortit du portail en bonne quantité, avant de s'étaler sur le sol, avec une odeur de friture brûlée.

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Sam 03 Sep 2016, 16:21



Ce petit bout d’elfe possédait une force tout de même significative, considérant la force avec laquelle sa main comprimait mon poignet, me privant presque complètement de circulation sanguine. Mais je ne m’en souciais pas tant. La douleur n’était que temporaire. Et si cela l’aidait dans cette phase pénible, autant lui laisser ce plaisir. De plus, sa fierté, peut-être, l’obligeait à rester silencieuse. Si ce n’était que la contraction involontaire, mais contenue par ma propre poigne de ses muscles dorsaux sous la lame chauffée à blanc, elle démontrait une grande force de caractère en ne me faisant pas subir le supplice d’entendre ses geignements. Je l’appréciais. Il était certain qu’une aventure comme cela ne pouvait que rapprocher deux individus, mais il était tout de même rassurant d’avoir une alliée de son calibre de mon bord dans une situation telle que celle-ci. La pression sur ma peau se relâcha doucement à mesure que la lame quittait son activité de torture. Un sourire se dessina sur mes lèvres au manque de pudeur qu’elle affichait en se levant après avoir bu le fort nectar que j’avais jusque-là gardé précieusement.

Mon regard ne pouvait se détacher de son dos dénudé, alors qu’elle cherchait fastidieusement au travers le dédale de babioles. Richesses démesurées, mais mal entretenues. C’était la première fois, je pense, que j’avais, si je pouvais dire la chance, de voir une femme dans cet état. J’étais captivé. Et ça en devenait inapproprié. Mais ma petite compagne féline vint à ma rescousse en me plantant ses griffes dans l’épaule. Belle façon de me faire revenir à la réalité. Juste à temps pour attraper la fiole que Jingle me lança. Un remède pour les blessures – les coupures plus précisément. Intéressant. J’en pris une gorgée, « cul sec » comme elle venait de me le dicter. Je ne ressentis pas grand effet, la fatigue s’appropriant le moindre petit influx nerveux se rendant à mon centre d’analyse central. J’en gardai tout de même un petit fond que je versai dans le creux de ma paume avant de le monter au niveau du museau de Sasa, qui lécha. Les apparences ne mentent pas. Son assaut de plus tôt lui avait laissé les pattes ensanglantées. Et ce sang n’était pas simplement celui de sa victime. Elle était de constitution assez faible. Une fois mon devoir de compagnon de route accompli, je lui donnai une petite caresse entre les deux oreilles, me récoltant un ronronnement de plaisir.

Je repris alors le cimeterre qui traînait à côté de ma jambe repliée. Mon attention n’était plus sur ma compagne elfe. La lame m’intriguait. Bien que difficilement maniable, j’imagine que la pratique pourrait me porter bonne fortune, comme la plupart des situations où l’entraînement était une obligation. Elle semblait bien équilibrée. La garde, bien que simplement entourée d’un tissu sombre, révélait une petite inscription sur le bout du manche. Langage inconnu de ma connaissance. Le tranchant, affûté comme rarement j’en avais vu, démontrait que son précédent propriétaire en avait pris soin comme la prunelle de ses yeux. Et je ferai pareil. C’est alors que Jingle vint me corriger sur ma technique. Et une idée germa dans mon esprit. De toute façon, le destin qui nous était destiné était encore bien incertain. Nos ennuis n’étaient pas écartés.

- Après tout cela, tu m’apprendras à manier correctement cette arme. Je t’ai vu aller. Tu sembles avoir une expérience antérieure beaucoup plus profonde que moi. Tu as probablement mis ton corps à rude épreuve pour apprendre ce que tu sais faire.

L’odeur qui emplit la pièce me ramena à la situation actuelle. Difficilement qualifiable de hors de danger. La vivacité de l’elfe pour prévenir notre dernier matelot vivant d’une douleur atroce me surprit. Et j’appréciai en même temps sa bienveillance. Dommage qu’au plus profond de moi-même, le mal n’attendait que son heure pour se dévoiler. Jamais je ne m’attaquerai à l’un deux. Mais ma nature était dans la malice, et l’on ne pouvait se détacher de son identité profonde. Je l’avais lu dans les yeux de la femme. Elle pensait avoir vu en moi quelque chose de bon. Mais tout cela n’était que par utilité et peut-être par une faiblesse passagère.

Je me levai, arme au poing, et décidai de me placer de biais par rapport au portail. Si les pirates lançaient de l’acide par ce trou et que cela se rendait jusqu’à nous, il fallait bien trouver un moyen temporaire de bloquer l’entrée. Deux options se présentaient à nous. La porte de la cabine close dans laquelle nous nous trouvions pouvait mener à un piège, ou il fallait éliminer l’entièreté de l’équipage ennemi avant de prendre le contrôle du navire.

Il fallait toutefois prendre un temps de réflexion plus long que celui qui s’offrait à nous pour l’instant. Je me déplaçai jusqu’à une grande armoire avant de la pousser devant la porte de la cabine. Il serait facile de la faire tomber et de s’échapper si nécessaire. Le portail serait notre meilleure option de défense, car le sentiment de confusion qui m’avait envahi lors de sa traversée serait probablement commun à nos amis corsaires. Enlever une vie sans que la personne en prenne conscience, voilà une bien belle chose. Un modèle d’efficacité en soi.

- Bon. Maintenant, on est en sécurité pour les trois prochaines minutes je dirais. Qu’est-ce qu’on fait pour se sortir de là? Ma seule idée pour l’instant, c’est d’attendre que ces salauds arrivent jusqu’ici, le temps d’en éliminer quelques-uns. Ensuite, on essaie de se sauver en utilisant une des barges de secours? Ou bien on les massacre tous?

J’étais optimiste dans ma façon de penser. Je ne laissais pas percevoir que dans ce que je proposais, je ne prenais pas en compte notre propre faiblesse actuelle. Nous étions drainés. C’était un fait que personne ne pouvait nier. De retour devant le portail, le cimeterre s’envola alors qu’un avant-bras apparaissait à sa surface. Le membre tomba au sol avec un bruit mou, une giclée d’hémoglobine se répandant rapidement sous celui-ci, pénétrant les interstices des planches du plancher. Un cri de douleur se fit entendre, provenant de l’autre côté du navire. Bien. Nous avions au moins trente mètres qui nous séparaient de la bande, en distance réelle.


1039 mots
Désolé du délai, ça devrait plus jamais être aussi long :P
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Lun 12 Sep 2016, 00:38

J'ai eu un bon professeur, et beaucoup de périodes d'ennui à tuer que j'ai mis à profit pour m’entraîner. Sa considération me fit esquisser un sourire, m'amenant à une réflexion assez amusante : Il est bien rare qu'un homme admettes qu'il puisse avoir à apprendre quoi que ce soit venant d'une femme. Ce manque d'égard habituel m'a simplement forcée à travailler plus que les autres. Être femme soldat, c'est devoir chaque jour prouver qu'on mérite son insigne. Après une amicale tape dans le dos, j'ajoutais. Mais soit, si on sort de là, je veux bien t'apprendre quelques trucs.

Ma formation martiale, bien que l'intérêt ayant été porté à sa pratique fut assez faible, m'apportait beaucoup, il fallait le reconnaître, tant en caractère qu'en stratégie. Anticiper, se mettre dans la tête de ses opposants et faire une bonne gym mentale permettait de ne pas se retrouver acculés trop souvent, ni trop surpris. Ce portail était tant une plaie qu'une véritable aubaine, si toutefois nous arrivions à l'utiliser à notre avantage. Peut être avaient ils cru que le champ serait libre après nous avoir envoyé un plein sceau de liquide corrosif, car un avant bras tendu vers l'avant sorti du portail avant d'être sitôt amputé.

Mon grand camarade avait décidément un sens de la partialité très tranché, si je puis dire. Personnellement, même si je savais que ma vie dépendait de la mort d'autrui, je ne pouvais m'empêcher d'éprouver une certaine forme de regret, de compassion qui me laissait hésitante, tandis que Layne, lui, semblait bien moins scrupuleux à ce sujet. Quand il me demanda comment sortir de là, je ne su que répondre, perdue à mi chemin entre ma réflexion à l'élucidation de la question et mes songes quand à la crainte que cet allié m'inspirait. Je n'aurais pas souhaité l'avoir contre moi... Ce qui fort heureusement n'est pas le cas. On dit toujours que la première impression est celle qui reste gravée en mémoire. Puisse il donc toujours rester mon allié, car l'habituelle hésitation que j'avais à ôter la vie pourrait se révéler fatale face à sa nouvelle lame si jamais la situation venait à se retourner. Le sujet de mon alliance avec un tel phénomène mériterai réflexion, si nous arrivions à sortir d'ici, car à l'instant présent la réponse était évidente : L'un sans l'autre, nous n'irions nulle part.

Quand il m'exposa l'idée de terminer le travail, et prendre des embarcations, je me dis qu'il fabulait peut être un peu trop. Il devait être jeune. On ne pourra pas regagner la côte à bord des barques de secours, les courants de l'archipel de la méduse sont bien trop intenses et il faudrait des jours, peut être même des semaines avant qu'on croise un nouveau navire, en espérant que ce dernier ne soit pas une expédition de galériens en quête d'esclaves. Je pris un temps de pause, tournant le regard vers Layne avec un air désolée, avant d'ajouter : Même si nous avions été en pleine forme, je doutes que nos bras auraient réussi à tirer les rames jusqu'à la côte. Si on les ziguille tous... Je ne sais pas toi, mais personnellement je ne sais pas piloter un navire de cette taille, et il faudrait au moins être cinq pour espérer coordonner tout le boulot, et même constat, on pourrait dériver un très long moment. J'avais l'impression d'avoir jeté un sceau d'eau froide, avec ma logique un peu trop aiguisée.

Me retournant pour effacer Layne de ma vue et éviter de me démoraliser s'il essayait d'afficher une quelconque manifestation de découragement, je me mis à arpenter la cabine, organisant les idées qui commençaient à s'accumuler sans réellement s'organiser. Il reste deux hommes de notre embarcation d'origine, dont le capitaine. Sous ses ordres, on pourrait arriver jusqu'à la côte. Si on les trouve. M'approchant des petites fenêtres de la cabine et tentant d'apercevoir les deux fuyards, je n'y parvint pas, ajoutant trop de buée sur la vitre pour espérer y voir à travers. Me retournant vers Layne, posté à côté du portail, je finis par faire glisser mon regard de l'alfar au grand tourbillon de couleur. Ou bien on trouve qui est à l'origine de ça, et on le convainc... Mon regard croisa celui de layne, convaincre n'avait pas l'air d'être un terme assez approprié. Je repris donc : On le contraint à nous créer un portail qui nous ramène à terre. Quelle pipelette faisais-je...

Préoccupée, je n'avais jusque là pas fait attention, mais un petit quelque chose, avait changé, en lui. Peut être étais-je en train de délirer, mais j'avais l'impression de retrouver dans le comportement de l'alfar, certaines mimiques de mon viel ami, duquel j'étais "stupidement" tombée amoureuse, il y a quelques années. A y réfléchir, cet discrête gestuelle se retrouvait chez quelques autres hommes que j'avais croisé, une sorte d'intérêt orienté que je n'avais cessé de fuir toute ma vie. Ce n'était pas le moment de songer aux hormones respectives de chacun, et pourtant, maintenant que la mort semblait être un compagnon de voyage bien trop présent, une question m'effleura l'esprit, une qui ne s'était encore jamais présentée, en près de deux siècles. J'avais toujours regardé de biais les vendeuses de charmes, et les coureurs de jupes, mais là, tout de suite, j'avais l'impression d'avoir compris une des motivations de ces gens : Proffiter de la vie... Alors "Pourquoi pas ?". Ayant fortement envie de me giffler pour avoir des pensées si éloignées de mes convictions et inappropriées à la situation, je me pris la tête entre les mains, sans rien dire, ayant conscience que je devais bien avoir l'air sotte après ça. Essayant de reprendre une certaine consistance, je revint à mon tour à la charge, une nouvelle idée, pertinente cette fois, germant dans mon esprit. Les idées, ce n'était jamais ce qui manquait...

On a qu'a bluffer. Ils ne savent pas ce qu'il y à ici, ou même qui, il y a. On a qu'à leur faire croire qu'on est cinq, et qu'on hésitera pas à les tuer pour prendre le navire... A moins qu'ils nous envoient sur la côte par portail.

Je prépares ça... Si une autre idée te viens, je prends aussi.

Attrapant une carte marine, j'exposais la face vierge face à la pointe d'une plume avec laquelle je traçais les mots suivants, en dialecte commun. :

Ayant retrouvés nos camarades d'équipage grâce à votre portail au débouché hasardeux, nous vous informons que nous disposons désormais de 10 bras prêts à jeter vos cadavres pardessus bords. Toutefois, nous préférions éviter d'avoir à nous donner cette peine, et sommes prêts à vous laisser en paix si un portail nous permet de rejoindre la côte.

Récupérant le bras coupé au sol, et le ficelant à la carte couverte d'écriture, je le tendis à Layne. Ca fait un peu plus que trois minutes, ils doivent se pisser dessus tant ils ont peur. Si t'es d'accord... On leur envoie ça.
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Jeu 22 Sep 2016, 06:06


Son exposition des failles de mon plan me laisse un moment éberlué par ma propre stupidité d’avoir pu penser que nous avions une chance de réussir avec un manque d’effectifs si évident. Et pourtant, elle avait une fois de plus remis les pendules à l’heure. Mais c’était une logique implacable. La situation actuelle demandait une réflexion profonde. Une ouverture d’esprit sur l’environnement. Et malgré mes connaissances qui devenaient de plus en plus vastes, il était encore difficile pour moi de faire une intégration précise des innombrables concepts en un tout cohérent. Jingle, pour sa part, semblait en mesure de faire cela adroitement, son esprit étant capable de capter les moindres incongruités. En tout cas, c’est ce qu’il me semblait. Ses idées étaient d’ailleurs beaucoup plus adroites intellectuellement, et son exposition du plan accompagné du membre tranché me convainquit que j’avais eu une bien belle chance d’être tombé sur cette dame dans mon périple.

Je pris le message, des plus subliminaux, et le lança au travers de la porte de lumière, encore une fois ahuri par l’efficacité du tour qui le rendait si tangible. L’anxiété du moment était dissipée, et les sensations corporelles devenaient plus réelles. L’adrénaline avait été filtrée. Et la chaleur commençait à m’atteindre. Je sortis mes bras de mes manches de mon manteau, le faisant tomber à moitié sur ma taille, son attache le soutenant bien solidement sur mes hanches. Une fois mieux dans ma peau, je me mis à faire des fentes avec ma nouvelle lame, en mettant en pratique les conseils de ma compagne. Le cimeterre tranchait l’air en sifflant, et il m’était de plus en plus facile de saisir les concepts expliqués. Le ballant était plus facile à diriger en gardant la main plus proche du corps, et donc cela augmentait ma dextérité, permettant une défense et une attaque plus vive. Parfait, je pourrai utiliser ces atouts si besoin était…

Des premiers coups résonnèrent sur la porte. Faibles, presque hésitants. Puis un grattement, suivi d’un murmure que je ne pus saisir. Au même moment, un parchemin vint s’aplatir à mes pieds, son passage dans le tunnel intemporel s’étant achevé. Je le pris d’une main en gardant l’œil pour voir si un assaillant ne suivait pas la missive. Ce serait bien dommage pour lui que je rate ma chance de l’ouvrir. L’écriture racontait une histoire bien simple :

Nous ne sommes pas les responsables de ce portail. Rendez-vous. La mort est ce qui vous attend.

Alors que je finissais de lire, une tête franchit le portail, mais une expression d’un gibier de ferme se faisant égorger lui peinturait le visage. Il semblait étouffer, et paniquait, même. Une partie de son genou dépassait aussi. Intrigué, j’observai le phénomène, bien à l’affut d’une quelconque menace… Mais le trou disparut, emportant avec lui le reste du corps du pauvre qui, n’étant constitué désormais que d’une tête et d’une rotule séparée, eut le temps de réaliser la chose, la panique éclatant dans ses yeux, avant de perdre toute trace de vie. La situation était la suivante. Enfermés dans le bureau du capitaine, du sang recouvrant les lattes, et à bout de force. Et un bruit de grattement discret sur la porte. Comme pour attirer notre attention…

- Bon… Au moins on a plus la menace des pirates qui peuvent pénétrer ici pour là… Mais ça ne prendra pas des années avant qu’ils nous retrouvent… Et y’a ce bruit qui m’intrigue de plus en plus à la porte…

Je n’eus que le temps de finir ma phrase avant qu’un nouveau portail s’ouvre juste devant l’armoire cloîtrant la porte. Un être d’une grande minceur et ne mesurant pas plus de 130 centimètres en émergea. Chauve, si ce n’était les minces filaments lui arrivant jusqu’aux épaules. Nu, si l’on ne considérait pas ses loques comme des vêtements, il offrait une scène assez spéciale. Un sourire émincé s’attitra ses lèvres. Je ne sentais aucune agressivité s’élever de lui. En fait, c’est comme si c’était une chaleur apaisante venait de remplir mon cœur débordé de fatigue et d’une envie de meurtre envers nos attaquants. Une voie féérique résonna dans la pièce, et je n’aurais su dire sa provenance si ce n’était les mouvements de lèvres de la chose.

- Vos compagnons flottants ont rejoint le rivage. Je les ai envoyés. Vous êtes les prochains. Préparez-vous.

Un nouveau portail apparut. Un kaléidoscope de bleu, jaune, orangé et vert le composait. Mais tout cela était très louche… Tout de même.

- Pourquoi nous aider? Ne sommes-nous pas censés être des proies pour vous, pirates?

La créature à l’allure millénaire pencha la tête de côté, deux grands yeux globuleux se pointant dans ma direction et m’immergeant de bonté.

- J’ai essayé bien longtemps de cesser les déboires des matelots sous les ordres du capitaine et du capitaine lui-même. J’ai échoué. Mais je peux au moins sauver ceux qui peuvent l’être encore. Votre bataille est finie. Allez avant qu’on nous retrouve.

Je jeter un regard à Jingle et au matelot qui semblait complètement obnubilé. J’avais besoin de la décision de l’elfe. Elle analyserait mieux que moi… En fait, je l’espérais.


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