Je me réjouis qu'il accueille ma nouvelle proposition avec approbation, se chargeant lui même de transmettre le message aux êtres sanguinaires qui nous tenaient tête. Si je m'apprêtais à attendre un retour avec un silence quasi religieux, peuplé de méditation et prières, je découvris bien vite que mon allié ne partageait pas cette "patience". Tandis que j'entendais le métal fendre l'air, et une sorte de rongeur gratter à la porte, je dus me résoudre à écourter ce moment d'espérance silencieux. Me remettant sur mes deux jambes, dont l'équilibre mal assuré témoignait de la rude bataille que nous avions tantôt menée, je me mis à arpenter la cabine, me reperdant dans mes songes. Alors que ma propre survie n'était pas assurée, j'étais incapable de faire preuve d'égoïsme, ne pouvant m'empêcher de penser au capitaine du navire marchand, qui avait surement tout perdu à l'heure actuelle. La vue de tous ces objets luxueux, me rappelait à lui, et j'en vins à me demander combien tout ce qui était réuni ici avait pu coûter, non en argent, mais en sang versé.

Prenant entre mes mains une sorte de calice, exposé dans une armoire vitrée, je me perdis dans la contemplation de ses motifs, et la complexité du travail de sertissage de tous ces minuscules éclats de pierres précieuses... J'avais envie de l’amener avec moi, le garder comme une sorte de trophée pour me rappeler cette bataille au milieu de l'écume et des vents aux fragrances salées. Crois tu que dérober un objet à quelqu'un qui l'a obtenu en pillant, c'est du vol ? Dis-je en me retournant vers Layne, qui semblait absorbé par ses exercices. Je n'eus pas de réponse, mais j'entendis de nouveau gratter à la porte, et toquer, ainsi qu'une petite voix très étouffée.

Gardant en main la coupe ouvragée, je me mis à approcher de la porte sur la pointe des pieds, tendant l'oreille pour espérer capter les propos émanant de ce murmure qui m'intriguait. Malgré ma concentration, les efforts se révélaient vains et je fus attirée par un bruit de papier, découvrant que mon coéquipier était en possession du retour de courrier.  A la lecture de ce dernier, je ne pu m'empêcher de lancer. "Quelle mauvaise prose... C'est aussi délicat qu'une arête dans un bol de soupe.... Juste indigeste !"

Puis les évènement s'enchainèrent, le pirate dans le portail, son trépas, et l'irruption de cet être en apparence si misérable qu'il m'inspirait à la fois une grande compassion, et le respect. Me terrant dans un mutisme total, j'observais, en retrait, les échanges de la créature et de mon camarade. Cette histoire semblait complètement folle, aussi farfelue qu'un compte pour enfant. Layne levant vers moi un regard interrogateur, où je pouvais à la fois lire le doute, la confiance et l'espoir. Le choix semblait se résumer à seulement deux options. Rester ici et mourir sous les lames de pirates, ou mourir de faim après des semaines de dérive.... Et sauter dans le portail qui pouvait nous mener en lieu sûr, ou bien nous rapprocher des flibustier, leur permettant de terminer leur sale besogne.

Appuyée contre la table, les bras croisés sur mon buste, mon regard filait entre les deux individus et le portail. La petite créature semblait chétive... Il n'allait pas être compliqué de se faire une idée sur ses réelles intentions, ou motivations. Lui faisant signe d'avancer vers moi, j'attendis que le petit être se décide, après qu'il ait regardé Layne, comme s'il lui demandait la permission. Tu nous dit avoir essayé de les empêcher... Pourquoi ? Dis-je en essayant d'adopter un ton sec, et désagréable. Allons, Parle ! Je ne suis pas très patiente. C'était bien évidemment faux, mais je devais essayer de vérifier quelques petites choses... La créature sembla effrayée, reculant de quelques pas, et se mit à balbutier : Je ne peux pas... C'est mon maître ! Je ne peux pas désobéir, sinon il...  S'il s'en apperçoit, il va me... Rien de plus ne passa les lèvres du petit être, les derniers mots s'étranglant dans sa gorge rachitique. Je connaissais peu d'espèces ayant un maître sur ces terres. Les orines, les génies, les esclaves des démons... Il était évident que cette petite chose ne pouvait prétendre être une orine... Et un esclave de démon, avec un tel pouvoir de téléportation, n'aurait pas pu le rester bien longtemps. En ce qui concernait les génis, l'allégeance de ce dernier revenant au détenteur de leur habitacle... La fuite était bien moins aisée. Le temps de réflexion se fit, mes yeux verts plongés dans le regard globuleux... Pourquoi un génie choisirait il une telle apparence ? A moins que ce ne soit un souhait de son maître, ce physique était des plus anodins. Le petit être, tout angoissé, balayait la cabine du regard, comme à la recherche de quelque chose. Tu es déjà entré dans la cabine, avant aujourd'hui ?  Le petit être baissa les yeux, dodelinant de la tête pour démentir cette idée.

M'approchant du portail, j'eus un sourire sardonique. Layne... Nous allons prendre ce portail. Après avoir pris soin de dépouiller cette cabine du moindre objet de valeur. M'approchant de lui, je vins chuchoter à son oreille : Pour le moment, c'est un piège. Il faut trouver l’habitacle de ce génie.

On voyait bien en soi que cette petite personne n'aurait pas été méchante pour un sou, mais entre des mains moins scrupuleuses... C'était un leurs presque parfait.

Je ne peux pas vous laissez prendre tout ça... Fuyez, Fuyez par le portail !

Affichant un air malicieux, je vint face à lui/elle. Allons, Nous allons prendre ce portail. On emporte jusque quelques souvenirs, ce ne sera pas long, Je suis sure que le capitaine n'en saura rien, avant que nous, soyons loin d'ici.

Étalant ma cape au sol, je me mis à poser toutes de sortes de choses dedans. "Ca c'est à moi, ça aussi, et ça aussi...." J'invitai Layne à en faire autant, il semblait avoir compris l'enjeu. Peut être je me trompais mais j'avais bon espoir que la piste fut bonne.  A chaque objet posé dans ma cape je jetais un regard à la petite créature nerveuse, qui fixait un coin bien particulier de la cabine. J'y pris tout, jusqu'à sortir le génie de son mutisme. "Non, pas celle ci, le capitaine y tient beaucoup,  dit la créature en courant vers moi, essayant de m'arracher une jolie broche dorée des mains. Décidément... J'avais de la chance aujourd'hui.

Levant le poing en l'air, mes doigts refermés sur le bijou, je surplombais le génie d'une bonne tête. "Je souhaites que tu crée un portail pour aller à Bouton d'or". La créature sembla prise de panique, au bord des larmes. Comment, comment avez vous pu savoir, dit l'être féerique, avant de faire apparaitre un nouveau portail, refermant celui par lequel il était apparu. "J'ai disons... Une certaine expérience des génies. Saches que je te pardonnes... Pour ce que tu as tenté de faire." Refermant ma cape et la hissant sur mes épaules en baluchon, je souris à Layne. On rentre chez nous, l'ami. Et tu viens aussi...


Sans une once d'hésitation, j’empruntais le portail, suivie de Layne, et du génie qui désormais était à mon service. Une fois en sécurité au milieu d'un champ aux reflêts dorée, je me tournais de nouveau vers la petite personne. Je suis désolée de m'être servie de toi. Triturant la broche entre mes doigts, j'en ouvris l'attache pour venir l'épingler sur un semblant d'étoffe qui restait des lambeaux qui servaient à le vêtir. Je te la donne, tu ne me dois plus obéissance, tu es libre.

Un génie aurait pu m'apporter beaucoup, mais mon sens éthique était bien trop stricte : Pas d'esclave, jamais, en aucun cas. La petite personne semblait abassourdie, peut être terrifiée à l'idée que je changes d'avis. Je n'en ferai rien. On ne se doit plus rien, tu nous a sauvé la vie, on te rends la tienne... On est quittes. Maintenant files enterrer cette broche au fonds d'un gouffre avant que quelqu'un de bien moins sympathique s'en empare.

Quand a toi, cher camarade aux longues oreilles... Je te paries que je peux boire plus de vin que toi avant de ne plus tenir debout ! Nous étions -relativement-jeunes, vivants, riches, et en sécurité pour quelque temps... Et bien qu'il soit une heure indécente pour les orines, j'avais envie faire la fête et m'enhivrer jusqu'à en avoir mal au crâne... Bien que je sois trèèès optimiste, et que vu la carrure de Layne, il sortirai vainqueur de cette "bataille" sans l'ombre d'un doute.