« Le quartier Aria... » souffla la Démone entre ses dents. « Hum... ». Le fait d'associer son prénom à un sous-quartier ne lui plaisait pas énormément. Cela dit, peu connaissaient ces quatre lettres qui lui avaient été associées à la naissance. Le malaise qu'elle ressentait ne concernait donc qu'elle. Elle aurait préféré que l'endroit dans lequel elle se trouvait actuellement porte son nom à dire vrai. Néanmoins, cela n'était qu'un caprice passager, un caprice qui occupait son esprit le temps que son invité ne la rejoigne. La chose ne lui importait pas tant que cela, voire pas du tout en réalité. Appuyée sur une corniche en pierre, elle regardait les individus se mouvoir en dessous d'elle, telle la Reine d'un monde sur lequel elle veillait avec une minutie exemplaire. Elle avait des projets et celui de rencontrer le Dædalus n'en était point un véritable à ses yeux. Il s'agissait plutôt là d'un aparté afin de sauver Edwina des griffes de cet homme si détestable. La Reine Blanche ne devait guère rester en Enfer et elle ferait tout pour l'en y arracher, quitte à l'enlever purement et simplement. Quant à celle qui gouvernait actuellement la race des Magiciens, l'Archimage Eorane, cette dernière était on ne peut plus d'accord avec la vision de la Démone. L'Ultimage devait retrouver sa place en son Royaume et le plus tôt serait le mieux. Néanmoins, ce n'était pas du tout dans l'espoir de vaincre Zane qu'elle désirait s'entretenir avec Eerah. Elle ne souhaitait en aucun cas opposer les deux hommes. Non. Le Monarque Démoniaque lui appartenait et elle ne laisserait personne l'écraser à sa place. Il y avait cependant un mystère encore bien plus grand qu'elle n'avait pu élucider et elle pensait que le Déchu serait en mesure de réfléchir avec elle sur ce dernier. Comme pour lui rappeler la chose, un homme s'avança vers elle, armé de sa mandoline et de sa voix qui retentirent toutes deux à son oreille. « Pis n'oubliez pas, ce terrible événement, où l'ambitieux Démon, s'adonna à l'enlèvement ! ». Mitsuko grimaça, ne se retournant pas. « Notre douce Reine, en proie à ses griffes infernales ! Pour assurer son règne, il a dû la mettre à mal... à moins qu'elle l'ait voulu, elle-même le chevaucher. ». Elle serra les dents. « Ça c'est une Reine, une Reine comme je les aime ! Son parfum m’enivre et me livre au blasphème ! ». « Si vous ne la fermez pas très vite, je vous assure que je ne répondrais plus de rien. » murmura-t-elle avec un ton qui ne pouvait laisser de doutes quant à la véracité de ses paroles. Elle avait décidé de ne point se faire remarquer dans ses sorties sous sa véritable identité mais si on la poussait au vice, elle ne pouvait faire que répondre à l'appel. Elle se retourna, subjuguant l'homme qui en resta sans voix. « Disparaissez ! » siffla-t-elle en plissant les yeux. « Jamais la Reine Blanche ne voudra chevaucher ce... ». Elle retint le mot, encore une fois. Il était impensable qu'une telle chose se produise. Elle ne le permettrait pas, jamais. « Je vous conseille de ne plus envisager ce couplet à l'avenir parce que si je vous entends de nouveau ne serait-ce que le murmurer, je serai curieuse de vous contempler également essayer de le faire, mais sans vos cordes vocales cette fois. C'est clair ? ». Il resta un instant sans bouger avant de détaler sans demander son reste, sa mandoline à présent au sol.

Elle se détourna, contemplant de nouveau le monde qui se trouvait en dessous d'elle. Elle espérait qu'il viendrait. Elle avait très peu de temps à perdre et elle détestait particulièrement être éconduite. Elle lui avait, en plus de cela, préparé une surprise. Pour une fois qu'elle se donnait la peine de faire quelque chose qui ne lui servirait pas à elle, elle avait bon espoir de voir ses souhaits se réaliser. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas été seuls et qu'ils n'avaient guère pu discuter, simplement. Ils n'étaient pas amis mais elle appréciait sa compagnie. Il était l'un des seuls Hommes qu'elle envisageait plus que comme de la chair à canon qu'elle pourrait asservir en un clin d’œil. Elle sourit, sa main venant caresser le tissu de sa robe rouge afin de le remettre correctement en place. En d'autres temps, sans doute auraient-ils pu être bien plus proches. Néanmoins, leur relation était on ne peut plus étrange. Disons que tant que leurs intérêts convergeaient, ils n'avaient aucune raison, l'un comme l'autre, de craindre quoi que ce soit. C'était, du moins, son point de vue à elle.

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La Dame Rouge sourit lorsqu'elle aperçut le Dædalus. Cela faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas vus et le plaisir était toujours à son comble. « Bonsoir, Eerah. » répondit-elle en faisant écho aux paroles du Souverain de tous les Déchus. Elle laissa un petit silence s'installer, ses yeux admirant le tissu de ses vêtements. Observer ses interlocuteurs – du moins lorsqu'ils lui importaient – faisait partie de la procédure qu'elle se plaisait à respecter à chaque début de rencontre. Il y avait des détails qui pouvaient signifier bien plus que tous les mots prononcés. La façon de se vêtir d'une manière ou d'une autre avait une grande valeur, annonçant l'importance que l'invité ou l'hôte accordait à l'échange. Visiblement, ce qu'elle décoda sur l'aspect extérieur de l'homme lui plût. Son regard se détourna pour fixer la cité. « Cet endroit est on ne peut plus... instructif. Les bardes chantent les nouvelles du Monde en ce lieu. Certes, parfois ces dernières sont inexactes mais je pense, en ce qui me concerne, qu'il y a toujours un fond de vérité dans ce qui est clamé par de tels individus. Aussi, je suppose que vous n'avez pu pénétrer en Ciel-Ouvert sans entendre ce qu'il se dit sur l'Ultimage. Cela constitue une entrée en matière des plus intéressantes pour le sujet duquel j'aimerai m'entretenir avec vous. ». Elle sourit. En réalité, la situation l'exaspérait profondément. « Néanmoins, j'ai jugé qu'il serait préférable de parler de tout ceci autour d'une table. J'ai réservé pour nous l'un des meilleurs restaurant de la cité. Nous dirons que puisque nous avons sauté plusieurs étapes jadis, je fais aujourd'hui l'effort de rattraper ce temps précieux en vous invitant galamment à dîner. ». Son sourire s'agrandit un peu plus. Ils avaient vécu des moments on ne peut plus torrides ensemble. Elle n'était néanmoins pas prête à recommencer. Bien que la Luxure soit ancrée dans les mœurs de son peuple, elle évitait à présent de la pratiquer avec d'autres êtres que ses domestiques. Il y avait bien d'autres délices à partager. Et puis, à dire vrai, il y avait une autre raison. Même si la chose lui coûtait une partie de sa magie, elle avait décidé de laisser Erza en vie et de ne pas s'en faire une ennemie. Quelques doutes quant à la nature de la relation des deux Monarques subsistaient dans l'Esprit de la Dame mais elle préférait, quoi qu'il en soit, se montrer raisonnable. D'un geste de la main, elle lui fit signe de la suivre à l'intérieur d'un établissement. Elle monta un long escalier et arriva à une salle par les baies vitrées de laquelle il était possible d'admirer Ciel-Ouvert. Un serviteur les fit s'asseoir et, une fois qu'il fut parti chercher la carte, les yeux de la jeune femme se posèrent de nouveau sur le Roi.

« Je vous avais déjà fait part de mes observations quant à la non pureté de la Reine. Cela m'avait profondément troublée puisque les réactions qu'elle entretient vis à vis de toute proximité sont celles d'une femme sans la moindre expérience. Cependant, il semble qu'elle soit bel et bien enceinte à présent, d'un père inconnu. ». La Démone déplia sa serviette pour la poser sur ses genoux. « Les bardes racontent différentes hypothèses sur cette grossesse mystérieuse. Je ne sais pas ce que sera la version officielle donnée par le gouvernement des Mages Blancs mais je crains qu'elle ne soit pas exacte. Quant aux racontars qui estiment que le nouveau Monarque Démoniaque serait à l'origine de celle-ci, autant ne pas y faire attention. La question que je me pose, donc, est celle de savoir qui est cet homme qui aurait mis enceinte une Ultimage qui semble être en plein déni de grossesse. Je sais qu'elle n'a jamais consommé les plaisirs de la chair, du moins, pas consciemment. Je m'interroge sur sa sécurité, en somme, et comme j'ai cru comprendre que vous étiez l'un de ses amis proches en discutant avec elle, je requiers votre aide pour trouver qui est à l'origine de son état. ». Elle marqua une pause. « Vous êtes un homme intelligent, Eerah, sans doute bien plus que n'importe quel autre homme Mortel foulant ces terres. De ce fait, il est inutile de préciser qu'en fonction de l'identité du père et de comment ce dernier s'y est pris pour arriver à ses fins, des mesures devront également être envisagées. ». Elle pencha la tête légèrement sur le côté. « Enfin, nous aurons tout le temps d'y revenir au cours du repas. Mon ardeur à défendre les intérêts de la Reine Blanche me fait oublier mes bonnes manières. Comment allez-vous ? ». L'homme revint avec la carte des mets et des vins.

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