Les Enfers regorgeaient d'êtres si troublants, mais en même temps si puissants, aux pouvoirs qui dépassaient l'entendement. A l'image du Monarque Démoniaque qui les avaient convoitées dans le but de faire tomber Gaïa, l'ancienne Impératrice. Son ambition ayant été facilitée par son ennemie, qui avait fui la régence lorsque le conflit entre les siens et les Anges était à son paroxysme, débouchant sur un ex-aequo et la destruction de Stenfek. Cette fuite avait néanmoins eut le loisir de permettre à Zane Azmog de dominer ce que bon lui semblant sur ces landes infernales. Depuis, il devait consolider son pouvoir en se débarrassant de ses ennemis et en fédérant les moins forts. Qui aurait pu lui résister ? Le temps étant une valeur instable en ce monde, Mancinia avait la vague impression d'avoir été laissé derrière et cela ne lui plaisait guère. Et que venait-elle faire dans tout ceci ? Avait-elle perdu l'esprit pour se rendre dans pareil endroit, seule de surcroît ? C'est que dans les confins des Enfers, un être avait su attirer son attention. C'était l'un des prisonniers fait au cours des combats de l'Edelweiss Enneigée. Orateur redoutable et guerrier émérite, il s'avérait également être un tenancier à ses heures perdues. C'était un Magicien du nom de Kuma qui l'avait vaincu, mais Mancinia avait empêché sa main de l'achever. Grand bien lui avait pris.

Stolas s'avérait connaître les propriétés des plantes et la valeur des pierres précieuses. Communiquer avec un Démon était une opportunité d'avoir une brique en moins sur le mur que représentait cet endroit. Un intermédiaire. Et en échange d'une promesse, Mancinia lui avait rendu sa liberté. Certes, elle ne lui faisait pas confiance, mais selon ses dires, les Démons n'avaient qu'une parole en termes de contrats, même sans signature officielle. Quand elle lui avait fait part de sa venue sur ces terres hostiles, il lui avait promis sa « protection » en dédommagement de son aide antérieure. C'était bon à prendre. Pourquoi prendre de tels risques ? Mancinia s'instruisait depuis de nombreuses semaines, voulait augmenter sa force et ses appuis en dehors d'Utopia. Ils avaient beau être des ennemis des siens, les Démons pouvaient être d'excellents partenaires quand l'envie leur en prenait. Et, avec eux, il était toujours plus prudent que foncer tête baissé dans le tas sans savoir où aller ! C'est que pour parvenir à son but, elle devait s'allier à de puissants partenaires. Ce dernier n'était pas encore clairement défini, mais elle était l'Imprévisible. Le Souverain pourrait sans doute lui apporter la force qu'elle recherchait tant. Certes, elle n'était pas naïve au point de croire qu'il avait une dette envers elle, mais sans doute pourrait-il avoir une certaine entende. Assez pour qu'elle puisse repartir d'ici en vie.

L'Humaine n'allait, bien entendu, certainement pas se présenter au Palais Infernal, sans invitations ni demandes préalables de surcroit. Non, elle avait écrit une missive au Monarque Démoniaque, mais elle ne savait comment la lui faire parvenir. C'était assez ardu pour un être dépourvu de magie que de se risquer à l'envoyer maladroitement. C'est pour cette raison qu'elle avait besoin de Stolas. En échange d'un travail, il ferait parvenir la lettre à son souverain lui-même. C'est pour cette raison qu'aujourd'hui, pour la première fois, elle allait le rencontrer dans son antre. Un rendez-vous prit suite à des rumeurs qui circulaient là-bas et qui lui permettrait de venir s'y promener avec une certaine légitimité, mais toujours avec une prudence accrue. Et de la chance. Son audace la stupéfiait malgré sa vision des ouvertures sur l'extérieur permettaient de voir un ciel rouge, volcanique, un ciel qui semblait chargé de nuages lourds et ensanglantés s'étirant dans toutes les directions. Une odeur de brûlé la suivait en permanence. Une Humaine en liberté aux Enfers, se rendant calmement à un rendez-vous convenu voici quelques semaines, au sein de la taverne tenue par Stolas. Car oui, ce Démon n'était pas un simple combattant, il avait aussi un travail honorable. C'était édifiant. Mancinia était bien déterminée à obtenir son aide et à faire son travail correctement.

Sans mauvaise rencontre sur le chemin désert et reclus dans un coin infernal, la guerrière n'eut aucun mal à trouver « Les Gorges Suspendues » et à lâcher un long soupir pour se donner du courage, avant d'en ouvrir l'épaisse porte de bois. L'endroit était grand. Bien plus qu'un repère pouilleux et plus lumineux aussi. A sa réflexion, ce n'était pas vraiment l'idée que l'on se faisait d'un domaine appartenant aux Démons. On pensait plutôt à de grands édifices dont les flammes de l'enfer léchaient les murs, une chaleur suffocante, l'obscurité et des ossements jonchant le sol. Mais il n'en était rien. La pièce où elle se retrouvait était plutôt en ordre, il y faisait bon, pas d'odeur de pourriture non plus. On pouvait facilement s'y trouver à l'aise. Les Démons la dévisagèrent au fur et à mesure de sa progression vers le comptoir. D'instinct, il avait dû comprendre. Sans mentionner le fait que son antimagie grignotait l'apparence de l'un ou de l'autre. Agitant les esprits par sa simple présence.

— Calmez-vous, mes mignons. Mademoiselle est mon invitée.
— Une Humaine ? demanda quelqu'un en crachant. Ton invitée ?!
— Ils ne sont pas aussi malins que toi, Stolas.

Mancinia les regardait avec un sourire taquin. Elle devait être audacieuse et prendre un rôle qui n'était pas le sien si elle voulait survivre en ces lieux.

— Je t'ai mis des vêtements convenables là-haut. Ils te seront utiles.

Tournant les talons sans mots dire, l'Humaine sentait les regards brûlants dans son dos. Une vraie partie de plaisir.

Post I | 927 mots

Défi ○ Commencer un RP en Enfer

Mancinia s'avançait le long d'un couloir sombre, très sombre, éclairé faiblement par quelques torches qui faiblissaient à son approche. Sans doute devaient-elles être magiques pour ne pas provoquer d'incendies. Arrivant devant une porte, elle comprit que Stolas lui avait réservé la meilleure chambre de son établissement, malgré un air d'insalubrité. L'Humaine y entreposa ses affaires avant de voir une toilette somptueuse. Au toucher, elle ressentit clairement qu'il s'agissait de satin. Un vêtement onéreux. Pourquoi ce Démon en faisait-il autant ? Voulait-il qu'elle soit dans son rôle ? Profitant pour se changer, elle prit conscience que plancher n'était pas très solide, éclairé faiblement par des interstices et des failles dans le plancher, les bruits d'en-bas lui provenaient facilement.

— Je n'ai pas confiance en elle, martela-t-il.
— Mec, t'es devenu fou de faire confiance à de la vermine !
— Je propose qu'on la tue.
— On ne s'amuserait pas avant, hé hé ? Mine de rien, elle est pas mal.
— Plutôt me couper la queue que de coucher avec ce truc !
— Vous n'en ferez rien.

Stolas semblait en train de nettoyer tranquillement ses verres.

— Mais elle t'a fait quoi, cette garce ?
— A mon avis, il s'est passé des choses dans les lits durant cette guerre ! Déjà que le Roi s'est tapé l'Immaculée Bergère, on est plus à ce genre de blague, hein !
— Elle vient faire un travail pour moi. Vous n'aimeriez pas savoir lequel.

Un silence s'installa dans la salle.

— Je suis quelqu'un d'honnête, vous le savez, c'est pour cette raison que vous êtes là, petits poux. Si vous avez du mal à me payer, ma nature compréhensive vous donne une chance. Si vous abuser de cette dernière, il faut comprendre que ma nature bestiale reprenne le dessus. Nous sommes démoniaques après tout.

Un frisson glacial parcouru l'assemblée, certains ravalaient avec difficulté leur salive et la conversation fût close. Stolas savait tenir son établissement, elle devait le concéder. Tandis qu'elle achevait de se refaire une beauté, son employeur provisoire avait longuement réfléchit à la manière dont il devait « remercier » les êtres infernaux de ne pas avoir payer leurs dettes. Et la réponse lui était parvenue d'un seul coup. En soi, Mancinia n'était pas un être difficile. Par ailleurs, elle lui avait fait comprendre que certaines herbes étaient difficiles à se procurer pour un Humain n'ayant pas les bons contacts. Le tenancier était conscient que le marché parallèle d'Utopia était trop instable pour que sa nouvelle amie aille y prendre des risques au besoin et sans qu'il ne sache que la responsable de cette situation était dans la pièce au-dessus de lui. La raison de sa présence aux Enfers était sans doute encore plus discutable quand on savait que les Démons faisaient leurs trafics un peu partout sur le Continent Dévasté, y compris dans l'Archipel des Trois Dames. Elle y aurait sans doute plus sa place, selon les dires, mais la guerrière avait envie de faire quelque chose depuis très longtemps, d'où sa venue dans les tréfonds infernaux. C'était si anodin et si dérisoire que Stolas ne pouvait qu'accepter. Peut-être en tirerait-il avantage lui aussi.

— Ah, ouais, pas mal !
— Mouais.

Mancinia eut un haussement d'épaules sous quelques sifflements. C'est que dans cette tenue, elle avait tout d'une femme, du moins, elle était plus sensuelle et moins guerrière, ce qui rentrait en contraste avec l'univers où elle se trouvait. Son visage n'inspirait que la pureté, ses cheveux valsaient sur son dos et ses épaules. Son aura malsaine n'avait rien à faire dans ces lieux, mais y était admise malgré l'aberration et, qui plus est, dans une tenue des plus attirantes. Il fallait bien qu'elle se montre sous son meilleur angle pour aller escroquer de pauvres êtres. C’était une robe rouge foncé moulant son corps et agréable au regard de quiconque appréciait les formes, les coutures semblaient être faites avec de l'or et son dos était laissé à l'air libre montrant juste la naissance de ses fesses - ce qui la mettait assez mal à l'aise - sans parler de sa poitrine mise en valeur grâce à un généreux décolleté. Tout laissait à penser qu'elle ne portait pas de sous-vêtement, de quoi attirer les faveurs de n'importe qui chez ces rustres. Mancinia était consciente d'être ravissante dans cette tenue, mais elle n'en mesurait pas l'exacte conséquence, choisissant de voir ces Démons comme ayant un quotient intellectuel inférieur au sien. Elle tira une chaise et s'y installa pendant que le Démon allait lui chercher une dernière chose, c'est alors que quelqu'un vint s'asseoir à ses côtés. Posant son fessier à moitié visible sur la table. Une bouille ravissante, tout autant que démoniaque lui souriait sournoisement.

— Toi, tu me plais, l'Humaine.
— Tu es mignonne aussi. Si tu es sage, on s'amusera un peu plus tard.
— Oh, oh ! rit-elle.

Son regard bleu pétillant, la rouquine releva une de ses jambes qui passa au-dessus de la tête de Mancinia. Écartant bien les cuisses en face de son visage, tout au plus à une trentaine de centimètres, comme pour essayer de l'inciter à faire quelque chose. Elle savait, mais son esprit refusait de traiter correctement l'information, car c'était absolument hors-de-question, dans les faits, qu'elle se fasse plaisir avec une femme. Et encore moins une engeance. Pour cacher son irrépressible envie de lui cracher au visage, l'Humaine sourit en se redressant et en prenant dans sa main le paquet que lui tendait son employeur. Elle savait ce qu'elle avait à faire.

— J'attends ton retour.

L'inconnue lui mima l'envoi d'un baiser que Mancinia lui rendit. Ils étaient démoniaques, mais qu'est-ce qu'ils étaient drôles.

Post II | 927 mots

Défi ○ Mettre un Habit Rouge et se promener en Enfer

— Ravie de faire votre rencontre. Je viens m'enquérir des dettes que vous avez envers un ami à moi.

L'Humaine se tenait devant la masure délabrée d'un être démoniaque qui la dévisageait d'un air mauvais. Il avait refusé de la laisser entrer, mais entendre le mot « dette » dans la bouche de la vermine qu'elle incarnait à ses yeux avait suffi. Il avait compris, loin d'être idiot, que Stolas l'avait envoyée pour récupérer son argent. Pour achever de le convaincre dans la légitimité de sa demande, le regard de la créature dériva vers une broche faite d'or véritable que Mancinia abordait sur l'une de ses brettelles. C'était sa marque. A contrecoeur, le dénommée Mulös la laissa entrer chez lui. Son coeur battait dans sa poitrine. C'était un peu stressant. Pourtant, elle n'était pas sans savoir que tous se paie. Absolument tout. Et il est bien souvent mal vu de ne pas payer ses dettes, surtout lorsqu'il s'agit d'êtres démoniaques. Qui sait pour quelle raison elle avait acceptée, dans tous les cas la créature en face d'elle savait que s'il ne payait pas cette dette, on le lui ferait payer tôt ou tard. Les démons sont très pointilleux à ce sujet et il n'avait pas de temps à perdre en discussions inutiles. Lui envoyer une ravissante Humaine était encore assez aimable. Jusqu'à aujourd'hui, il n'avait eu aucun moyen de rembourser son fournisseur et il avait même espéré se faire oublier. Cependant il n'était pas ébaudi au point de croire qu'il l'oublierait de son côté.

— Solas vous fournit ceci en gage de son amitié et dans l'espoir que vous me reverserez ce que vous lui devez.

Il s'agissait d'une bouteille de vin de son établissement. Ce n'était peut-être pas le meilleur cru, mais c'était le geste qui compte. Le Démon haussa les épaules et prit son bien en la regardant d'un regard torve.

— Tu veux un truc à boire ?
— Pas pendant le travail.
— T'as raison.

Il boit l'alcool sans rien se douter. C'est touchant de croire que les Démons se font confiance entre eux. Elle ne connaissait que peu leur Monarque, mais cela ne l'étonnait guère qu'il soit parvenu au-dessus de ce ramassis d'idiots.

— Je ne sais pas payer. C'est inutile, tu peux retourner toute ma demeure, il ne me reste plus rien. Je dois me retrouver du travail avant d'envisager de rembourser mes dettes.
— Soit. Je m'en vais.
— Je ne te demande pas d'aller lui dire que je veux sa pitié. J'ai seulement besoin de temps.
— Et lui, de votre vie.

L'homme ouvrit la bouche en comprenant. Trop tard. Son corps eut un sursaut, il hoqueta en s'étouffant, avant de s'effondrer dans sa morve et son vomi. Stolas avait appris que son client maladroit allait prendre la fuite et qu'il ne recouvrerait pas son argent. Il avait fourni à Mancinia un paquetage contenant ce qu'il voulait qu'elle fasse et le poison était réellement efficace. Son employeur l'avait voulu mort plutôt que de se faire avoir et de perdre une partie de sa réputation. C'était normal, après tout. Mancinia regarda le corps. Cela ne lui faisait rien. Où était partie celle qui tremblait en tenant une lame pour défendre sa vie ? Avait-elle disparue ? Pouvait-elle se considérer comme une meurtrière ? Cela ne l'émouvait guère de mettre un terme à la vie de quelques Démons, tout en faisant en sorte que d'autres deviennent des contacts intéressants, mais n'allait-elle pas se perdre dans le processus ? Une voix forte et tonitruante la ramenait à la réalité. Elle n'avait pas conclu son travail.

— C'est injuste ! C'est scandaleux, même ! Nous n'en resterons pas là, nous... !
— Taisez-vous.

Son interlocuteur serra les dents en voyant sa fermeté, qu'elle ne le craigne pas malgré toute la menace qu'il aurait dû incarner pour ce moucheron. Et lui, il hésitait. Il avait beau être bien bâti, celle qui lui faisait face était attendue et elle seule pouvait le sortir de la mélasse dans lequel il s'était fourré à trop s'amuser et se vanter. Cette guerre l'avait plus ruiné qu'enrichi !

— Je daigne vous rappeler qu'un délai de trois mois vous avez été accordé. Il n'est pas correct pour vous de contester. A moins que vous ne souhaitiez que ce soit votre Roi qui tranche.

Malgré la couleur vive de sa peau, la créature semblait pâlir à l'idée de devoir rendre des comptes à son souverain. La colère du Démon s'écroula bien vite et elle lut dans ses yeux une détresse sans nom.

— Je suis ruiné ! Je n'ai pas les moyens de payer mes dettes ! Je vous conjure de m'accorder un délai supplémentaire ! Je suis ruiné ! répéta-t-il, paniqué.

Mancinia eut une moue de réflexion. Est-ce qu'il lui mentait ? Était-il honnête ? A voir l'agitation dans ses yeux, elle le croyait sincère.

— Je ne demande qu'à vous croire, mais il me faut une preuve que vous paierez.

Son interlocuteur serra tout ce qu'il était possible de serrer pour contenir sa colère qui n'était pourtant dû qu'à son idiotie. Il lâcha ensuite un long soupir pour se détendre et fouilla dans sa poche pour en ressortir un médaillon. Sans doute un héritage familial.

— C'est tout ce qu'il me reste.
— Bien, cela devrait suffire pour l'instant.

Ce médaillon était fait d'un bon matériau et était incruster de perles. Il y aurait sûrement moyen de contenir Stolas un temps. Malgré le fait qu'elle n'avait pas envie de le faire, elle le prit tout en essayant de rester dans le rôle qu'elle s'était attribuée.

— Sachez que nous manquons de bras, à Utopia. Je ne garantis pas votre sécurité sur les chantiers, par contre.

Elle s'en alla en claquant la porte, entremêlée de son rire qui n'avait rien de joyeux.

Post III | 953 mots

Mancinia devait reconnaître que les Démons avaient des méthodes bien à eux pour résoudre leurs différends, bien qu'elle ne fût pas certaine de la légalité de ces combines. Pouvait-elle considérer que son tour se passait bien ? Il ne lui restait qu'un seul client et personne ne semblait avoir envie de l'éventrer. Inutile de dire qu'on ne risquait pas de l'oublier dans le coin et que le meurtre dont elle avait été complice quelques heures plus tôt lui vaudrait sûrement des ennuis à l'avenir. Si elle savait être silencieuse et discrète, ce n'était pas dans cette tenue qu'elle y parviendrait. Non. Stolas avait envie que tous sachent qu'on ne se moquait pas de lui impunément. Et en quelque sorte, elle lui donnait raison sans l'approuver complètement. Cette broche avait-elle une signification particulière pour ses Démons ? Ici, on était dans une périphérie un peu lugubre, est-ce que son employeur tenait un marché particulier ? Ou peut-être dépendait-il lui-même de quelqu'un. Malgré ses interrogations, elle n'avait pas envie de savoir. On ne lui dirait rien et ce serait bien trop risqué de toute manière. Les contours de la dernière masure se dévoilèrent à sa vue et elle allait frapper lorsque la porte s'ouvrit devant un autre Démon qui la dévisagea. A l'instar des autres, celui-ci ne fit aucune remarque et se contenta de la laisser entrer, comme s'il attendait sa venue. Il l'installa avec une certaine politesse avant de lui tendre une bourse.

— C'est tout ce qu'il me reste.
— Je vais voir si tout ceci convient à Stolas.

Cette bourse ne semblait pas contenir tout ce qu'il devait à son créancier, mais comme il ne lui faisait pas une scène ridicule pour préserver son honneur et qu'elle était un peu fatiguée de cette mascarade, elle ferait en sorte que ce soit le cas. Son interlocuteur la scruta et eu un petit rire.

— Tu sais comment nous payons nos dettes, l'Humaine ?
— Non.
— Comme ça.

Il saisit le couteau qu'il avait dans son manchon, le dressant au-dessus de sa tête pour l'abattre. Sans réfléchir, sans le moindre cri ni même sursaut de douleur, il venait de se couper les deux derniers doigts de sa main gauche. Sa bêtise la sidérait. Il mit ses deux doigts dans la bourse qui se teinta de carmin avant de s'enrouler ses chairs meurtries dans un linge sale.

— Je paierais, c'est promis. En attendant, voici ma dette de sang.
— Bien. Je transmettrais votre détermination à honorer tes dettes.

Que pouvait-elle dire de plus ? Il n'y avait pas besoin de long discours. Malgré tous les airs dignes qu'elle désirait se donner, ce Démon-là l'avait impressionnée. Si tous les sujets du Roi étaient ainsi, ils auraient tous des soucis à se faire. Mancinia reprit la route de la taverne et y entra après plus de quatre heures d'absence. Certains Démons étaient partit, d'autres étaient ivres et se livraient à des bras de fer, les derniers la dévisageaient d'un oeil mauvais. Stolas était calme, tout en faisant son travail qui consistait à lui servir un verre d'alcool et de l'interroger. Sans doute sa manière de la remercier.

— Ton travail s'est-il bien passé ?
— Je m'en suis occupée comme tu le souhaitais.

L'Humaine savait que son employeur provisoire comprendrait que celui qu'il avait voulu voir périr avait disparu de son champ de vision. D'un sourire satisfait, il observa le médaillon pour en estimer son potentiel rachat en hochant la tête, avant de voir la bourse et de l'ouvrir. Il eut un rire.

— Je savais que tu étais redoutable.

Croyait-il que ce fait venait d'elle ? Dans tous les cas, l'Humaine le laissa croire tout en portant le verre à ses lèvres. En cas de danger, elle n'était pas sans défense. La dague à sa cuisse et son éclat lumineux dans la main lui suffirait. Quelqu'un enroula son bras autour de ses épaules et une fragrance sèche se rependit dans ses narines.

— Eh bien, ma chérie, tu as terminé ? On s'amuse un peu ? J'ai quelque chose à te proposer !
— Tu m'en vois désolée, ma belle. Je ne vais pas tarder à postuler pour un nouveau travail.
— Hein ? Tu veux dire que besogner dans des papiers est plus intéressant que de besogner avec moi ?
— Ton Roi est plus intéressant, en effet. Je suis venue pour postuler au Palais pour devenir sa coiffeuse personnelle.

Un Démon plissa des yeux en l'observant.

— Je n'ai jamais entendu parler d'une telle demande.
— C'est parce qu'il ne veut qu'une présence féminine à ses côtés. A croire que l'Ultimage ne la satisfait plus et les belles crinières s'entretiennent entre des mains expertes.

Parler en mal de la Reine Blanche la répugnait, mais elle devait assumer ce rôle pour ressortir entière d'ici. Elle fouilla son sac pour en ressortir la véritable raison de sa présence en ces lieux.

— Voici ma candidature, Stolas. Je m'en remets à toi.
— Je suis certain que la Bête sera ravie de recevoir un tel courrier.

Ce dernier la prit entre ses doigts et la mit dans une des poches de sa tenue. Qu'il serait amusant si elle devenait réellement la coiffeuse personnelle du Monarque Démoniaque. Elle en riait, mais à ne pas être prudente, c'était bien ce qu'il risquait de lui arriver.

— Bien. Je suis lasse. Je m'en vais me reposer et me remettrais en route. Je laisserais cette robe sur le lit.
— Non. Cette robe et cette broche sont à toi. Ce sera ton paiement.
— Je prends, avec toute ma gratitude.
— J'aime beaucoup mes amis.

Elle sourit. C'était surréaliste.

Post IV | 920 mots

Défi ○ Postuler dans les Enfers pour le métier de Coiffeuse attitrée de Zane