Le feu crépitait dans la cheminée du Manoir que Mitsuko avait acquis ou, plutôt, volé. Cependant, ce dernier point n'avait aucun intérêt. Les propriétaires du domaine étaient simplement des Vampires endormis qu'elle avait pris soin de faire disparaître une bonne fois pour toute. Elle trouvait néanmoins que la propriété manquait d'envergure et si elle souhaitait mener à bien sa petite entreprise, elle allait devoir songer à s'approprier plus grand. Utrillo regardait sa maîtresse tout en lui massant les jambes. Une petite fiole d'huile était posée sur le sol et il l'attrapait souvent pour en remettre. La Démone aimait lorsque les choses glissaient toutes seules. Son menton soutenu par le dos de sa main, ses yeux étaient plongés dans les flammes ardentes. Elle finit par sourire, sentant une présence qui ne lui était en aucun cas étrangère. Vu l'aura qu'il dégageait, il avait retrouvé sa superbe, là où elle croupissait sous le joug de la faiblesse. Cet homme était terrible, de ceux qui avaient mille visages et qui ne se lassaient pas de tourmenter leur proie. Ils n'avaient jamais pu déterminer qui était le chasseur et qui était le chassé dans leur couple. Il l'avait mise enceinte, il était le patriarche de la branche des Taiji maléfiques. Elle pencha doucement la tête sur le côté, caressant son cou et son oreille de son épaule nue. Elle aimait se toucher, parcourir chaque centimètre de son corps à l'aide de ses doigts, effleurer ses épaules de son souffle brûlant. « Que me vaut le plaisir de ta visite ? ». Elle pencha doucement la tête en arrière, découvrant sa gorge huilée. Il était derrière elle, elle le savait. Enfermé dans son corps durant des années, il n'avait eu de cesse de la tourmenter. Elle en avait fait sa propriété une fois libéré et il l'avait aidé à asseoir sa domination. « Je souhaitais infirmer certaines rumeurs qui courent à ton sujet, grouillant sur l'asphalte comme d'immondes petites fourmis à écraser au plus vite. ». Elle soupira d'aise puis se mit à rire. « Sers moi plutôt un verra de vin. Il serait bon que ta présence ne soit pas futile, Lucifer. ». Il s'exécuta, s'avançant vers une petite table. Quelques pas de plus et il se trouvait dans le champ de vision de la Dame Rouge. Il semblait mécontent mais l'expérience murmurait à la Démone que les Génies l'étaient toujours. Il lui tendit un verre, s'en servant un dans l'unique objectif de l'accompagner dans sa déchéance. Après un petit silence où elle plaça simplement la coupe sur sa lèvre inférieure, il s'approcha, fusillant Utrillo du regard pour lui signaler de déguerpir. Il prit sa place, touchant les cuisses de la Démone qu'il avait tant empoigné autrefois. « J'espère que ce qui se dit est faux. Une femme de ton rang n'a pas de temps à perdre avec ce... ». Elle rit brièvement, le regardant de haut. « Il m'amuse. Il est jeune mais sa fougue est ô combien excitante. Cette prestance qu'il dégage me fait frisonner d'un désir assassin. Comme toi, avant lui, lorsque tu me faisais encore l'honneur de ta présence. ». Elle le charriait. « Cet homme se complaît dans la bêtise. ». « J'en connais d'autres ainsi... » murmura-t-elle tout bas. Il était beaucoup plus puissant qu'elle. Elle ignorait comment il avait fait pour retrouver ce qui lui appartenait jadis mais elle n'allait pas lui faire le plaisir de lui poser la question. Il serra un peu plus son emprise sur sa peau. Elle était nue, la courbe de ses seins magnifiée par les ombres que produisait le feu, des ombres qui dansaient sur son corps comme si les Gardiens du Cycle avaient voulu se saisir de ce dernier. Cela faisait bien longtemps, pourtant, qu'elle ne se souciait plus des Esprits qui la regardaient et des autres créatures qui devaient demeurer un mystère pour le commun des Mortels. Il demeurait silencieux, elle aimait ça. Il désapprouvait, pensant qu'elle était sérieuse. Elle finit par lui donner ce qu'il était venu chercher : des explications. « Vois-tu, je n'aime guère m'ennuyer. Mon ascension dans cette Caste sera longue et périlleuse. Je pense que le Maître n'est pas un homme, ou une femme, stupide. Si je veux sa place, je ne doute pas que quelques sacrifices devront être faits de mon côté. ». « Comme si tu en étais capable. Je ne te comprends toujours pas cependant... Commencer un combat sans objectif ne te ressemble pas. ». « Oh bien sûr que j'ai un objectif. Je veux voir sa tête entre mes cuisses. Qui y a-t-il de plus enivrant qu'un Roi acculé par un peuple partagé, sombrant dans une douce folie où se mêle la haine et la passion ? ».

Les mains du Djinn se firent plus rude encore et il finit par se redresser pour lui faire face, sa tête à quelques centimètres du visage de la Dame Rouge. « Je te souhaite que ses dents soient plus aiguisées que celles d'un nourrisson, sinon l'ennui viendra te cueillir bien rapidement. ». Elle sourit, faisant un petit mouvement, de ceux qui indiquaient qu'elle s'apprêtait à cueillir ses lèvres. Pourtant, elle n'en fit rien. Elle jouait, comme elle l'avait toujours fait. Cet homme l'avait mise enceinte jadis et, outre ce fait, ils n'avaient presque aucun secret l'un pour l'autre. Cette fille maudite avait dévoré sa mère dès sa naissance et, à vrai dire, la Démone en sentait encore la caresse de l'effroi et de la douleur qu'elle avait ressenti ce jour là. Une union entre Lucifer et elle ne sonnait que le glas des ennuis pour leurs opposants. C'était sans doute d'ailleurs pour cette raison qu'ils n'étaient plus alliés et se regardaient de loin, telles deux bêtes affamées, prêtes à se sauter dessus. Lorsque le jeu était trop facile, il en devenait dénué d'intérêt. Néanmoins, parfois, comme en cette nuit, ils se rapprochaient dangereusement. « C'est toi qui m'ennuies. » fit-elle avec un regard qu'elle voulait provoquant. « Je ne te connaissais pas jaloux. Cela m'attriste. Les hommes ont tellement plus de saveur lorsqu'ils savent se montrer imperturbables... ». « Tes belles théories ne convainquent que toi. Je sais pertinemment que la jalousie d'autrui te plaît au plus haut point, que tu frisonnes rien qu'à l'apercevoir, que ta peau devient humide de plaisir. ». Il descendit sa main pour la passer entre ses cuisses. « Ton envie te perdra. Mais, tu te trompes, je ne suis pas jaloux. ». Il s'écarta d'elle. « Je viens simplement m'assurer que tu ne te perdes pas en enfantillages. Le Monde doit t'appartenir. Ta sœur n'est plus là pour te barrer le chemin. Devenir le Maître n'est que la première étape et t'acoquiner d'un Démon sans aucune importance n'est qu'une perte de temps. ». Un objet fendit l'air jusqu'à lui, passant à travers son corps comme si le Génie n'existait pas vraiment. Mitsuko venait de lancer son verre. Elle n'était en rien furieuse, elle souriait en le défiant du regard. Elle écarta doucement les cuisses. Elle savait qu'il pouvait ne pas y être sensible. Les Djinns n'étaient pas faciles à convaincre. Après quelques secondes où il posa les yeux sur elle sans que nulle émotion ne paraissent, elle se leva, marchant jusqu'à lui d'un pas félin. « Mon cher Lucifer... je pense que tu as oublié ô combien personne sur ces Terres n'a le pouvoir de me dire ce que je dois ou non faire. Tu pourrais me fouetter autant que tu le souhaites pour oser désobéir à tes volontés, j'aimerai ça d'autant plus. Néanmoins, outre tes paroles que tu désires empoisonnées mais qui ne sont à mes yeux que des caresses exquises, saches que je ne perds jamais mon temps. C'est un jeu, un jeu dangereux auquel je souhaite me livrer avec cet homme qui a gagné une puisse exceptionnelle en peu de temps. ». « Elle n'est rien comparée à ce que tu étais jadis. ». « Les temps changent et cela ne sera que provisoire. Je veux me divertir en lui prenant peu à peu le contrôle qu'il exerce. Je veux hanter ses rêves et ses cauchemars. Je veux qu'il soit à moi, qu'il me supplie d'abréger ses souffrances quand il s'apercevra en se réveillant que je ne suis pas à ses côtés. Je veux que les images de mon corps le chevauchant contaminent ses pensées et le distraient lors de ses réunions. Je veux qu'il sombre petit à petit, qu'il me considère comme une ennemie dangereuse contre laquelle il ne peut pourtant rien. Je veux l'entourer de ronces, petit à petit, doucement, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus bouger et qu'il me laisse abuser de son corps et de son esprit à ma guise. Et quand j'aurai assez joué, lorsque je serai lasse, je disparaîtrais pour me consacrer à autre chose. ». Le Génie rit. « Tu lui confères une importance qu'il ne mérite pas. Bien des hommes pourraient incarner des adversaires de choix. Poser ton dévolu sur lui est une ignominie. ». « Tu aimerais simplement que je joue avec toi, je le vois bien. Cependant, nos jeux sont d'un tout autre niveau. Il faudra que tu attendes que je récupère ce qui m'appartient pour que nous puissions débuter une nouvelle partie. En attendant, tu ferais mieux de te trouver des rêveurs desquels exaucer les souhaits les plus fous. En ce qui me concerne, c'est dans la confrontation que je me plongerai prochainement. Mais, encore une fois, je puis t'assurer que je n'ai aucune volonté de gouverner les Démons. J'exige simplement de gouverner leur Roi. ». Elle rit tout en s'approchant de la table pour se saisir d'un nouveau verre qu'elle remplit d'un liquide rouge et exquis. « Peut-être que je me lasserai plus vite que prévu cependant, s'il ne me donne pas la satisfaction que j'attends. Ce fait pourra toujours te contenter, bien qu'il me décevrait. En attendant, je ne renoncerai pas à mes projets uniquement parce que tu ne les approuves pas. Qu'importe les conséquences qui découleront de mes actes, je me réjouis d'avance de lui prendre ce qui est à lui. Et puis, je ne joue pas que pour son altesse. Je pense également qu'il est grand temps de rappeler au Monde que le fait qu'un homme ou une femme gouverne une seule race est une erreur sans précédent. Le manque de cohérence du mal est flagrant et il lui en coûte. Un seul Monarque à la tête des peuples maléfiques aurait bien plus d'impact et ces derniers ne seraient pas occupés à se mordre la queue comme des chiens sans cervelle  mais bien à dépecer le bien. ». Elle but une gorgée de vin. « Je souhaite régner sur le Monde, tu as raison, mais, contrairement à toi, je n'ai pas la folie des grandeurs. Jadis j'avais le pouvoir à mes côtés. À présent, je n'ai plus que l'ombre de celle que j'ai été un jour. Le Monarque Démoniaque n'est qu'un jouet, un essai, une prise de risque pour retrouver cette puissance qui était mienne. S'il vacille, le Monde aura déjà perdu l'une de ses pièces maîtresses. ». Le Djinn soupira. « Et s'il te mettait en échec ? » demanda-t-il alors. Elle sourit. « Qui ne veut pas perdre ne joue pas. Mais à ne pas jouer, il est impossible de gagner. ».

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Je relirai demain, la la laaaa <3