Le savoir est infini. Nombreux sont les ambitieux qui vouent toute une vie à atteindre un Graal qui n'est que chimères, et seuls les Aetheri peuvent prétendre s'y approcher de leur vivant. De ton côté, ton savoir n'a pendant longtemps pas dépassé la lisière du jardin du chalet familial. C'est en prenant les chemins des rives d'Elwing que tu as compris la force de ce savoir. C'est quelque chose qui se cultive, comme les précieuses plantes d'un jardin, sauf qu'il ne finit pas par périr mais peut grandir jusqu'aux seules limites de l'intelligence. Et toi, là-dedans, tu n'es qu'une petite graine, mais une graine qui a commencé à germer. Ton savoir sur les faes et sur les montagnes n'est pas à la portée de tout le monde et il est plus précieux que ce que tu aurais imaginé. C'est en ayant conscience de cela que tu entames un long voyage jusqu'à une chaîne de montagnes que tu ne connais pas. Là-bas, tu devras partager ton savoir à une consœur au bord de la déprime. C'est une missive scellée par une éminente fae des cascades cristallines qui t'en as informée.

C'est un ange bienveillant qui a lancé un appel à l'aide aux plus hautes instances du peuple des faes à la suite de la destruction d'une grande partie du jardin de cette fae. Cette appel est arrivé aux bonnes oreilles et désormais, c'est à toi de t'en charger. Pourquoi toi ? C'est toute la question qui t'emplit autant de fierté que de curiosité. C'est une grande mission qui t'a été confiée et tu veux la réussir autant pour cette fae que pour prouver que tu méritais de retenir l'attention de la personne qui t'en as chargée. Loin de douter de tes compétences, tu es partie avec plus d'optimisme et de motivation que jamais . Sur le chemin, tu as multiplié les idées pour reconstruire son jardin en un rien de temps. Il va aussi falloir que tu lui donnes les clés pour qu'elle puisse le maintenir dans le meilleur des états possible. Tu prévois même de l'impressionner en effectuant un spectacle féérique quand la tâche serait terminée. Tu veux absolument lui transmettre tout ton entrain. Les plantes et les fleurs ont un langage bien à elles et dès que l'on sait comment communiquer, le lien que l'on tisse avec elles n'a d'autre semblable dans ce monde.

Le voyage est rapide, jusqu'à ce que tu montes dans les montagnes. En étant une fae, il est simple de voyager en petite taille, mais face aux vents montagneux, tu n'as d'autre choix que de prendre une taille normale, voire la plus grande possible, pour résister au vent froid des hauteurs. À partir de là, l'ascension est plus rude, d'autant plus que tu n'es plus habituée à t'aventurer sur ces surfaces traîtres. Heureusement, tu t'es munie comme il faut contre le froid, en plus de ta peau dure de montagnarde ! Trop accaparée par tes idées qui fleurissent depuis des jours,  tu as oublié la menace qui plane encore : celle d'un démon, celui qui a ruiné le jardin de la fae... et qui pourrait très bien recommencer. Depuis la guerre des Anges et des Démons, les montagnes ont servi de refuge à de la mauvaise graine et celle-ci en a payé le prix fort. Que va-t-il se passer si tu te retrouves face à lui ? Peut-être que cette idée était trop terrifiante pour que tu permettes à ton esprit de la prendre en compte.

Quelques jours passent, juste le temps d'atteindre l'autre versant de la montagne où elle se trouve. Cette longue marche est une bonne introduction de l'endroit où elle vit : le climat est rude mais pas au point de faire pencher les arbres comme là où tu as vécu. Cela veut dire qu'il y a des choses à exploiter... le plus mauvais point est que la terre se fait rare, au profit de la roche. Les instructions qu'ont révélé ta lettre sont très claires et tu arrives directement dans le bout de forêt où la fae en question vit.  Quand tu la vois, volant quelques mètres au-dessus d'elle, tu es heureuse comme jamais. Mais en t'approchant, tu vois dans quel état son jardin est et ta joie est quelque peu douchée. Il ne reste presque rien de son jardin. Tu vois des cendres de fleurs un peu partout et quand tu arrives, la pauvre fae est en train de pleurer sur la pétale d'une marguerite. Les fleurs aussi se lamentent. Il faut absolument que lui tu transmettes un peu de ton entrain ! Plutôt que d'aller vers elle sans rien faire d'autre, tu décides d'ajouter du panache à ton arrivée, histoire qu'elle sache à qui elle a affaire.

Il est temps de libérer ton essence naturelle. Les fleurs sont malheureuses et blessées ; tu t'approches d'elles en volant et tu leurs transmets la chaleur de tes ailes et tu ressens leur satisfaction. Elles s'ouvrent et font danser lentement leurs pétales. Les aconits dressent leurs cloches et chantonnent partout dans les environs. Dans les failles de la roche, les graines poussent soudain à une vitesse vertigineuse et une multitude de fleurs s'ouvrent au monde partout au milieu de la pierre. Au milieu de tout cela, tu t'envoles et tu disperses ta poussière tout autour de la fae. Les larmes ont quitté son visage et elle regarde la nature renaître et grandir tout autour d'elle avec des yeux brillants de fascination. Voir l'étincelle dans ses yeux est tout ce qu'il te fallait pour considérer que le tour est joué. Tout ce spectacle t'a épuisée, peut-être que tu as un peu trop forcé, surtout après ce long chemin... peu importe : tu vas pouvoir te reposer un peu en expliquant à la fae les rudiments du jardinage et plein d'autres notions qui lui sont encore inconnues. Tout cela autour d'un thé, pourquoi pas ? Une fois le spectacle terminé, tu atterris doucement devant la fae. Les fleurs arrêtent de bouger et se referment face au froid en même temps que la lueur bleue s'éteint. En un instant, toute la magie a quitté le jardin mais les fleurs ont cessé de se lamenter, revigorées par l'énergie que tu leur a transmises.

ETINCELLE :  Quel est ton nom ?
FAE : Je... je crois que c'est Mei.
ETINCELLE :  Oh, c'est très joli, Mei ! Pas vrai ?

Tu te tournes vers les fleurs revigorées et elles frétillent légèrement. En les voyant réagir ainsi, Mei ouvrit de grands yeux. Encore épuisée, tu t'assois et tu l'invites à faire de même. Tu vois dans son regard un regain d'espoir et cela t'enchantes autant que ça t'encourages.

ETINCELLE :  Je vais te parler des fleurs des montagnes. Je vais te parler des pouvoirs créateur et destructeur de l'eau. Je vais te parler de la force et de la faiblesse du vent. Tout ce que je vais te dire sera très important.

Comment ça, un discours trop travaillé ? Tu affectionnes l'art de la parole, surtout en tant que fae. Peut-être auras-tu même le temps de lui parler du rôle que vous avez de transmettre les contes. Un rôle aussi ancestral que mystérieux. Bref. Tu commences à lui parler de choses très simples, juste pour voir à quel point elle s'y connaît, puis une fois que tu as ciblé tout ce qu'elle sait, tu lui parles de choses plus compliquées. À mesure que tu lui racontes tout ce que tu estimes utile pour elle, tu te rends compte à quel point tout tient de la subtilité pour rendre les plantes et les fleurs heureuses. Tu te rends compte, aussi que la météo change tout à leur vie. C'est un facteur du hasard qui n'est pas négligeable et même une vie entière de fae ne suffit pas à maîtriser totalement cet aléa. Vous discutez pendant longtemps, jusqu'à ce que le soleil se couche, vous nourrissant des quelques fruits des mûriers que tu as rétablis. Puis vient le moment de dormir et vous vous blottissez dans des buglosses pour la nuit.

Le lendemain, vous continuez vos discussions et tu t'aperçois avec joie qu'elle pose bien plus de questions qu'elle n'écoute, désormais. Son attitude a complètement changé après la nuit que vous avez passée ; elle est plus confiante, plus dynamique et son regard un peu meurtri a disparu de ses iris gris. Mais soudain, une évidence te frappe : tu as oublié la menace qui planait encore sur le jardin de la fae. C'est un démon qui l'a écrasé... qu'en est-il de lui maintenant ? Dans la lettre, on t'a demandée de t'assurer qu'il ne nuira plus à la fae. Autrefois, tu aurais directement refusé à l'annonce d'un ennemi maléfique. Mais maintenant, tu as beaucoup changé et tu as plusieurs... dommages collatéraux à ton actif. Non pas que tu t'y habitues, c'est impossible, mais tu ne sous-estimes plus ta force.

ETINCELLE : Sais-tu où se terre le démon ? Risque-t-il de revenir ?

La jeune fae ne sourit plus à l'introduction d'un sujet aussi sensible. Tu comprends que des souvenirs douloureux assombrissent son esprit, des souvenirs qu'elle tente de rejeter. Elle finit néanmoins par te répondre

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