« Navré chef mais Kaz est mon frère et l'une des personnes en qui j'ai le plus confiance, et je serais déjà mort si n'en était pas digne ; ce que je peux entendre, il peut l'entendre. »

Je me retins de rajouter « et il l'entendra », ce n'était probablement pas très pertinent de le dire à un espion d'Utopia. Je pus cependant voir qu'Amine n'était pas très satisfait, qu'importe, on m'avait déjà forcé à bosser en solo hier et j'en avais une sainte horreur.
Amine commença à m'expliquer les raisons de ma convocation, et celles de ma participation à la mission d'hier ; le moins qu'on puisse dire c'est que je ne m'y attendais pas. Je me doutais qu'on ne m'avait pas mobilisé par désir de me torturer mais j'avais d'avantage pensé à un hasard malchanceux qu'à un test, que j'avais visiblement passé avec succès. Au point de recevoir un titre et... des terres.

Mon esprit s'arrêta de fonctionner un instant lorsque j'entendis cette dernière information ; j'avais toujours eu comme ambition d'acquérir le droit de gouverner une portion de terre mais vu ma situation je l'avais rangé dans les rêves qu'on repousse jusqu'à la fin de nos jours. Et voilà qu'il se réalisait en traître. Ce serait amusant si cela ne s'accompagnait pas de certaines responsabilités.

« Je vous remercie pour cet honneur monsieur, je ferais en sorte d'en être digne. »

Et je ne plaisantais pas car même si cela me plaçait dans une situation assez délicate par rapport à mon serment de retrouver Kuro, il était hors de question que des gens sous ma garde aient à souffrir de ma négligence. Autant dire qu'il serait nécessaire que je m'instruise d'avantage, j'avais beau me considérer comme exclu de la bêtise j'avais bien conscience que mes aptitudes étaient insuffisantes pour faire un travail correct. Une foule de choses venaient de se rajouter sur ma liste des trucs à faire. Je me retirais après un dernier salut, Kazuhisa sur les talons.

« Alors ça fait quel effet de faire son entrée dans le beau monde ? »

La question de mon frère me rappela que j'allais devoir faire mes premiers pas dans le milieu très particulier de la politique. Oh joie. Enfin, je l'avais mérité.

« -Génial, je vais pouvoir abuser de mes pouvoirs.
-Une idée en tête pour commencer ? »

Oh oui. Avec ce titre et ces nouveaux droits il me serait possible de réclamer le droit de disposer des prisonniers que j'avais fait et, heureuse coïncidence, l'opportunité existait. Je ne m'attendais pas à obtenir une libération sans condition mais il devrait être possible d'obtenir sa garde pour peu que ses pouvoirs soient restreints.
Et puis, en dehors de mon intérêt pour elle, la survie de la vampire était importante, elle savait des choses importantes sur Kuro, ou du moins sur les autres personnes qui la traquaient. Certes une mercenaire n'était pas la meilleure des sources mais c'était ce que nous avions eu de mieux jusqu'à maintenant.

« Ceci dit il faut d'abord alors voir tes terres avant de faire mu-muse. »

Vu que nous serions quatre à en profiter je comprenais l'impatience de mon frère, l'idée d'avoir une influence directe sur la prospérité des nôtres l'intéressait autant que moi. Des idées et des projets commençaient déjà à germer dans ma tête et il me tardait de savoir s'ils étaient réalisables et, surtout, à quel coût. Pour beaucoup l'opportunité de faire des choix difficiles et jamais complètement satisfaisants sur le coup était peu agréable, mais personnellement elle m'intéressait ; c'était un défi intellectuel rappelant certains jeux de stratégies, ou mêmes certains combats que j'avais mené par le passé.

« -Allons chercher les autres et on ira voir ça.
-On passe voir Adrienna d'abord ? »

Notre mentor n'avait jamais cherché à accéder aux hautes-sphères, trop satisfaite de sa situation pour ça, mais nous avait encouragés à les viser. D'après elle chacun devait trouver l'endroit où il est bon pour y exceller aussi longtemps que possible ; aujourd'hui j'espérais avoir trouvé la mienne.

Une ombre masqua brièvement le soleil, je relevais la tête mais tout ce que je pus apercevoir fut une vague forme noire dans les airs. Je fronçais les sourcils, cherchant en vain ce que j'avais vu, avant de reprendre ma route.



717 mots