Après toutes ces années d’esclavage, à vivre dans ces lieux clos, découvrir le monde du yin et du yang par elle-même, et non pas par le récit de ses pairs ou les discussions de ses maîtres. Mais avant cela, le fil rouge, une obsession… Megido… L’orisha voulait au moins savoir ce qu’il en était... Qu’est-ce que pouvait donner cette ville. Aussi, elle devait quitter les belles montagnes enneigées dans laquelle elle se trouvait et rejoindre enfin le continent dévasté.

A cette fin, Azraël s’était rapproché du propriétaire d’un des navires du petit port local qu’il venait de rejoindre. L’échange avec le vieil homme s’était avéré des plus complexes, en effet, le marin ne parlait pas un mot du langage commun et ce fut à force de signe dans tous les sens qu’il semblait finir par comprendre la requête du binôme et leur offrit donc l’accès à son bateau.

Toutefois, contrairement à ce que l’orisha aurait pensé, le voyage fut plutôt dur. Afin de pouvoir être accepté à bord, la négociation avait abouti à les faire participer à la vie commune du bâtiment. En soit, l’échange de bons procédés n’avait aucunement dérangé le binôme. Toutefois, ce service s’était traduit dans les faits par une assistance dans les cales, aux galères. Or, l’endroit était clos, chaud, sombre, ne laissant que peu l’air naturel aéré cet endroit où l’humidité régnait, où les visages des hommes étaient tiraillés par les efforts qu’ils faisaient. Les pauses courtes rendaient le travail plus éreintant encore et ils avançaient à cette cadence sourde du tambour. Certes, il ne s’agissait pas d’esclaves mais bien d’hommes libres. Pour autant, l’enfermement et l’isolement dans ce lieux clos réveillait sans cesse la claustrophobie de la rouquine qui commençait être plus que mal. Et ces conditions ne lui rappelaient que trop fortement les phases de travaux forcés, et la plongeait dans un mutisme inhabituel. Plus les jours passaient, plus il devenait difficile pour elle de ne pas céder à une crise de panique. La mâchoire serrée, Azraël se tenait à ses côtés, et partager le même banc qu’elle. Régulièrement, il murmurait des encouragements à voix basse pour la rassurer et essayait de lui changeait les idées les rares moments où, en sueur, ils pouvaient enfin quitter leurs postes. A chaque fois, c’était le même spectacle, le manque de personnel ne pouvait assurer une relève complète et lorsqu’il attrapait la main de l’orisha pour sortir, il ne se rendait que trop compte de sa fragilité.

Aussi, lorsque la vigie annonça la terre en vue, presque comme tout l’équipage, ils crièrent de joie. Les jambes flageolantes, ce cauchemar prenait fin. En remontant sur le pont, la lumière vive du jour contrastant avec les cales les aveugla légèrement. Pour autant, jamais elle ne fut plus heureuse de sentir l’air marin lui fouettait la peau, faisant danser sa chevelure flamboyante dans le vent. Rassurée de la voir retrouvé le sourire, le reprouvé tenta de plaisanter.

- Tu sais quoi, j’aurais pensé qu’être sur les mers t’auraient plutôt plu… Mais visiblement ça te rend plutôt malade…

Depuis qu’il la connaissait, elle avait toujours cette fâcheuse habitude de se montrer pleine d’une assurance débordante et leurs récentes péripéties n’avaient fait qu’accentuer ce trait de caractère. Aussi, retrouver chez elle la jeune fille qu’elle était l’amusait beaucoup, même s’il ne doutait pas une seconde que Lilith ne partage aucunement son avis. Azraël passa son bras autour de l’épaule de la rouquine pour la ramener contre lui tout en avançant et déposa un léger baiser dans ses cheveux qu’il ébouriffa d’un geste rapide de main. Bien qu’appréciant le geste de tendresse, elle lui adressa un regard sombre qu’elle ne parvint cependant à conserver, et lui offrit un sourire sincère, qui n’avait rien du ton moqueur qu’elle pouvait fréquemment arborer.

- Le principe d’être sur les mers, je reconnais que l’idée me plait beaucoup… Mais en revanche… Dans ce contexte là, ça me rend vraiment malade… Va pas me faire croire que tu ne t’es pas vu limite avec des chaines aux pieds et un boulet à trainer ?

Elle passa son bras autour de sa taille un court instant, tant pour le remercier que pour se trouver l’énergie de se ressaisir. D’ailleurs, la simple vue du planchon qui venait d’être installé pour permettre à l’équipage d’amarrer lui permit de retrouver un regain de volonté, comme si toute cette détermination qui l’avait quittée semblait coulait à nouveau dans ses veines. Enfin, Lilith pourrait mettre un terme à cette effroyable aventure ! Megido était là…
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Sans attendre, la rouquine remercia néanmoins le capitaine d’un rapide signe de tête, certes un peu froid, mais pour autant, elle n’ignorait pas que sans lui, Azraël et elle-même serait sans doute entrain de faire des parties de chasse aux chamois à travers tout l’Edelweiss…
D’un bond, l’orisha sauta sur la terre ferme, emplissant ses poumons de l’air salé. Ravie, elle se tourna vers Azraël qui, de son côté, avait soudainement le visage fermé.

- Bah qu’est ce qui t’arrive mon chou, c’est les rames qui te manquent déjà ? se moqua t elle.
- Euh… Ouais… On va dire ça…

Intriguée, elle croisa les bras, et fronça les sourcils.

- Non mais sérieusement, c’est quoi ton problème, Az ?

Embarrassé, il passa la main dans ses cheveux et la surplomba en lui adressa un sourire charmeur.

- Dis-moi, si, je te disais qu’en fait, ce serait pas mal de reprendre un peu la mer, tu le prendrais comment ?

Blasée, l’orisha leva un sourcil.

- Bah.. C’est simple, si t’envisage de me faire reprendre les amarres… Je pense que t’enverrais gentiment balader et que je te montrerais à quel point le fait d’avoir un humour douteux peut être dangereux… Donc si tu pouvais te montrer un peu plus explicites, ça m’arrangerait…

Azraël eut un léger rire un peu nerveux puis s’éclaircit la voix.  

- Oui… En fait… Je sais pas… T’as vu qu’on a eu du mal à se faire comprendre avec le capitaine pour savoir où on devait aller, tout ça… Eh bien ça a eu l’air d’être encore plus dur que ce que je pensais. Tu vois… Ca ressemble pas du tout au continent dévasté… Mais plutôt à celui du matin calme.

Lilith marqua un temps d’arrêt et le regarda, ahurie et bouche bée. Il lui fallut plusieurs secondes pour accuser le coup.

- Attends, t’es en train de me dire qu’on s’est planté de continent là ?
- Ouais… En quelque sorte..
- Mais… C’est pas possible… C’est quoi cette histoire ?
- Bah le port est un territoire orisha… D’où peut-être la confusion…

Abasourdi, un éclat de colère traversa le regard de la rouquine qui donna un violent coup de pied dans l’un des tonneaux qui se trouvait sur son chemin.

- Alors non seulement on a fait ça pour rien, mais en plus, il va falloir qu’on trouve un moyen de repartir d’ici… T’es au courant qu’on a pas les moyens de faire ça ?

Azraël lui adressa un petit sourire désolé et joua un instant avec l’une de ses longues mèches rouges.

- Dédramatise… Megido ne va pas s’envoler du jour au lendemain, on a pas de rendez-vous prévu… Allez viens, on va dans une taverne… Je t’invite…
- Ouais… Enfin… Ca prouve qu’il faut tout faire soi-même quoi… grogna Lilith, sans pour autant se faire prier pour le suivre.
- T’as fini de râler… Une erreur, ça arrive..
- C’est vrai… On est sur un détail là… railla t elle.

A peine entrée dans la première taverne qui se présentait, Lilith commanda deux verres de rhum en ôtant sa cape avant de finir son verre cul-sec. Elle aimait les ambiances de ce genre, où l’animation ambiante n’était pourtant pas tout à fait saine. Les ivrognes débordaient de mauvaises fois et étaient vite à bout d’argument face au contraire à des joueurs invétérés éhontément. Parfois, des filles de joies passé, elles étaient reconnaissables entre toutes. Pourquoi ce type d’endroit la mettait à l’aise ? Elle n’aurait pas sû le dire en précision… Mais clairement, son intérêt y était vraiment marqué. Aussi, malgré sa forte contrariété, l'orisha se détendait et pencha sa tête en arrière, dégageant sa gorge. Azraël vint se placer à ses côtés et sirota son rhum. Il avait déjà eu l’occasion de remarquer cette étrange habitude chez sa comparse. Pris à son jeu, il observa les clients, commentant les différentes scènes incongrues qui se déroulaient devant eux. Au bout d’un moment, l’orisha finit par vouloir y mettre un terme afin de réclamer un cigare à l’un de ses clients. Toutefois, à peine se fut elle levée qu’un étrange homme, le visage dissimulé mais pas suffisamment pour camoufler une brûlure sur toute sa face droite se plaça face à eux en proposant à Lilith le cigare en question.

- Excusez moi… J’ai bien cru vous entendre… Et étant donné que vous êtes les seuls qui tiennent debout ici, j’aimerai vous proposer un marché…

Il fit retentir dans sa poche une bourse pleine de pièces.

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Lilith jeta un coup d’œil sur l’inconnu qui les avait interrompus. Naturellement méfiant, Azraël avait porté la main à sa garde. Pour autant, l'orisha posa la main sur son bras et lui souffla.

- Attends un peu, tu peux pas lui reprocher de nous avoir repéré. Oublie pas que je suis à tes côtés… taquina la rouquine.

Une nouvelle fois, Azraël leva les yeux au ciel. Si ce qu’il prenait pour un narcissisme volontairement exagéré, il n’aimait pas que cela puisse donner l’occasion à des inconnus de saisir les perches qu’elle tendait si facilement.

- Je peux pas, bien sûr…

L’homme n’avait rien raté de l’échange et un léger rire, un peu étouffé par son costume se fit entendre.

- En effet, c’est sans doute l’unique raison de ma présence ici.
- Et je n’en doute pas. Continua l’orisha sur le même ton joueur.

Elle saisit le cigare qui lui tendait et attendit qu’il lui allume avant de se rasseoir.

- Je dirais que j’ai plutôt l’ouïe fine et une douce musique semblait émanait de ta poche. Tu peux nous en dire un peu plus.

Le nouveau venu ne se fit pas prier pour prendre place tout en gardant le visage couvert.

- Vous pouvez m’appeler Aldéric. Et, en soit, ce que je demande, ce n’est pas grand-chose. Juste d’aller voir un vieil ami sur le port, le capitaine du « Libertad ». Et de l’interpeller. Je veux juste que vous lui formuliez ces quelques mots « Belle journée pour voler capitaine ! » et cette bourse sera à vous.

Il jeta alors sur la table l’objet de toutes les convoitises, si le regard vairon de l’orisha s’était illuminé et qu’un sourire satisfait arpentait son visage, il n’en était rien du réprouvé. Dissimulé derrière ses longues mèches qui ne laissait que perçait le regard de son œil valide, il se montra plutôt sarcastique.

- Ah oui… Juste cinq mots, et nous avons le droit à une bourse d’or… C’est cher payé le mot… Je connais quelques moyens plus économiques pour faire passer des salutations…

Aldéric fendit son visage brûlé d’un nouveau sourire.

- Habituellement, lorsqu’une personne se présente, la tradition veut qu’on y réponde…

Lilith se ressaisit et quitta l’or des yeux et tira une large bouffée sur le cigare qu’elle avait « emprunté ».

- C’est vrai, Az… Je t’ai toujours dit que tu étais particulièrement impoli, faudrait revoir tes manières… se moqua l’orisha.
- Bien sûr… C’est sans doute moi qui passe mon temps à tutoyer tous les inconnus que je croise.

La rouquine ne quitta pas son expression amusée et laissa une nouvelle fois la fumée emplir ses poumons.

- Je crois que tu n’as pas compris que c’est plus de la sympathie que du manque de respect…
- Ou trop d’aisance..
- Peut-être.. Quoi qu’il en soit, Aldéric… Le charmant jeune homme pour qui transpire de confiance et d’empathie envers tout le monde se nomme Azraël. Lilith pour ma part. Mais je dois reconnaître qu’il n’a pas tout à fait tort. Je suppose que ta mission est sans doute un peu plus complexe qu’un échange de banalités…

L’échange entre les deux jeunes gens parut beaucoup amuser l’ombre qui se trouvait devant eux, et comme s’il tentait de les retenir absolument, il murmura les prénoms de ses deux interlocuteurs avant de répondre.

- En effet. Mais à peine plus pour tout dire. Le capitaine vous remettra un petit colis et il suffira de venir me le ramener. Pas de quoi fouetter un rugia, non ?

Durant quelques secondes, seuls les volutes de fumée parurent encore avoir assez de liberté pour se mouvoir, tous s’observant en chien de faïence. L’orisha fut la première à y mettre un terme et se leva soudainement.

- Eh bien soit, nous nous rendons de ce pas sur la jetée.

De son côté, le réprouvé était en train de terminer son verre et manqua de s’étouffer avant de se lever à son tour.

- Ouais… On va s’en charger ouais…

Son intervention avait plutôt pour but de mettre un terme à l’échange, sans qu’il n’ait de réelles intentions de poursuivre. Il attrapa la rouquine par le bras et s’éloigna tout en l’emmenant à l’extérieur.  

- Li sérieusement… Arrête de faire confiance au premier gars des tavernes que tu croises. On va finir par avoir des ennuis plus que sérieux.

La rouquine jeta alors son cigare, comprenant qu’elle ne pourrait le savourer à sa guise.

- C’est pas une question de confiance.. Tu devrais le savoir… mais sérieusement, on doit faire le messager, d’accord, c’est sans doute pas forcément le truc le plus légal qui existe, et il y a de grosses chances qu’on se retrouve dans des situations délicates. Mais bon, ça va, y a pas mort d’hommes…
- Ouais, pour l’instant… Tu sembles oublier que si on se fait prendre en embuscade, il y a peu de chances qu’on en réchappe à deux.

Lilith poussa un soupir, un peu agacée.

- Ecoute, c’est une bourse d’or complète… On peut pas passer à côté de ça. Ca nous permet tout de même d’avoir une peu de latitude devant nous et de choisir nos futurs actes. Je sais qu’on peut y rester… Mais c’est pas parce qu’on restera sur place à ne rien faire qu’on ne risque rien. Juste… On aura rien tenter quoi…

Azraël leva le visage de la jeune femme pour croiser son regard. Seul, il se moquait généralement de ce qu’il pouvait se passer, et bien souvent, c’était plutôt son côté démoniaque qui s’exprimer. Mais dans de telles circonstances, il avait du mal à ne pas faire parler la voix de la raison.

- T’es têtue… En gros… Tu lâcheras pas, c’est ça ?
- T’as tout compris mon grand…

Il la relâcha alors et finit par lui offrir un large sourire pour l’inciter à prendre la route de la jetée.

- Très bien, on y va, ma belle…
- Tu vois… Je te connais plutôt bien… Je savais que c’était qu’un cirque… souffla la rouquine, ravie, en lui faisant un clin d’œil.

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« Le libertad »… Alors qu’ils avançaient sur les quais, Azraël et Lilith observaient les différentes embarcation. Etant donné l’allure peu avenante d’Aldéric, naturellement, ils cherchèrent un navire qui correspondait au personnage. Plutôt petit, discret et sans envergure. Aussi, ce fut après de longues minutes d’énervement que Lilith interpella le réprouvé. Une écriture immense en arshalà avait attiré son attention : Libertad

En plus petit, le même mot figurait sur la coque, mais cette fois en écriture commune. Ils eurent un temps d’arrêt et demeurent béat d’admiration. Face à eux, se dressait fièrement un large galion de près de soixante mètres de long. Trois mats, dont les voiles n’étaient évidemment pas tendues s’élevait vers le ciel à une hauteur vertigineuse… Les cordages, les sabords, le château, la figure de proue avec une représentation imagée d, la figure de proue avec une représentation imagée d’Aylidis… Tout inspirait le respect tant la taille du bâtiment et la qualité du travail réalisé sur ce dernier paraissait d’une bonne facture.  

- Ca… C’est plutôt pas mal… C’est… Impressionnant… souffla la rouquine.
- En effet… Mais pour autant… Ca n’arrange pas vraiment nos affaires. Autant, sur une barque… Il nous aurait été facile d’avoir accès au capitaine. Autant là… Il va falloir qu’on nous laisse monter dans l’embarcation…

Toujours admirative, l’orisha confirma d’un signe de tête.

- Ouais… Enfin, tu vois, tu m’aurais fait grimper dans ça pour venir ici… Même en se rendant à l’autre bout des terres du Yin et du Yang… Jamais je ne t’en aurai voulu, au contraire même..

Elle secoua la tête pour retrouver ses esprits.

- Quoiqu’il en soit, la seule solution pour parler au capitaine, c’est bien de monter à bord tout de même… On verra ce qu’il se passe.

Azraël grogna quelques mots à propos des mensonges d’Aldéric qui semblait leur avoir indiqué que tout serait d’une simplicité enfantine.

- Un rugia hein… Il s’est bien foutu de nous l’autre-là… On peut essayer de grimper discrètement pour avoir accès au château. Après tout, ce sera juste un peu d’escalade.
- Nan… vaut mieux le plan classique, on passe par la planche… Parce que bon… De toute façon, on doit trouver le capitaine après… Si c’est pour se faire tuer parce qu’on est passé pour des espions foireux… Ce serait tout de même pas de chance…

Le réprouvé grimaça légèrement, trouvant l’argument pertinent, et poussa un soupir en posant le pied sur la planche. Pourtant, comme, il l’avait prévu, ils n’eurent pas le temps de poser le pied sur le pont qu’ils furent arrêtés. Un homme aux cheveux blancs, fins mais clairement musclé, le bas du visage masqué par un foulard, il posa ses mains de chaque côté du bastingage afin de bloquer complètement l’accès.  

- Un souci ? Vous n’avez rien à faire ici. Y a pas de visite autorisée.

Lilith passa sous le bras d’Azraël pour se retrouver face à l’inconnu et lui adressa un sourire charmeur.

- Bah écoute, mon grand, notre visite sera de courte durée, on doit juste parler au capitaine. Promis, on lui prononce cinq mots, et je t’autorise à nous mettre dehors s’il ne veut pas continuer à nous parler.


- Parce que tu crois vraiment que j’ai besoin de ton autorisation ?

Lilith l’observa un instant, il avait un sourire glacial. Il était impossible de savoir s’il était capable de prendre aussi facilement le dessus sur eux… De toute façon, avec le soutien de l’équipage qu’il ne manquerait pas d’avoir, elle préférait tenter de l’amadouer plutôt que de jouer dans du frontal. Aussi, l’orisha lui adressa un petit sourire charmeur.  

- On a forcément un moyen de s’entendre, non ? souffla t elle.

Le pirate l’observa un instant, légèrement interpellé, tandis qu’Azraël leva les yeux au ciel.


- Sans doute oui… Mais Rack..
- Rack ? Le capitaine est Rack ? coupa le réprouvé.

- Euh… Oui... Il est tout de même connu, enfin, il jouit d’une certaine renommée.

Même si le visage de ce dernier restait froid, il haussa un sourcil au ton employé par le borgne.

- Je le connais surtout personnellement. Dis-lui qu’Azraël Kelint’Nelfd est là. Tu verras, je suis certain qu’il acceptera de nous recevoir.

Kalan haussa un sourcil puis acquiesça.


- Restez ici. Je vais voir.

Il fit un signe à deux hommes pour les surveiller et s’éloigna. Lilith poussa un soupir.

- Ca va être difficile…
- Bah non… T’inquiète, le gars va nous laisser passer.
- Parce que tu le connaissais vraiment ce capitaine ?

Azraël éclata alors de rire.

- Mais je suis pas un menteur moi ! C’est toi qui aime toujours arranger la vérité comme ça t’arrange ! fit-il avec un sourire éclatant.

L'orisha n’eut pas le temps de répondre que l’homme aux cheveux blancs revint les voir.


- Veuillez-me suivre.

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Le pirate qui les avait empêchait d’entrer finit par les conduire vers la cabine du capitaine. Celle-ci était grande, pleine de charme, des cartes débordait du bureau dont le bois était à peine perceptible. Devant eux, un homme grand, de longs cheveux bruns courant sur ses épaules, doté d’une carrure impressionnante qu’il dévoilait entièrement, se leva et se dirigea droit vers Azraël en lui ouvrant les bras.

- Eh bien, mon ami ! Tu sais que je me suis demandé un instant si Kalan n’avait pas abusé du rhum lorsqu’il m’a dit ton nom !
- Ouais… Enfin… Tu sais aussi que j’abuse du rhum que s’il y a quelque chose à fêter. Rester amarré au matin calme… J’ai connu mieux.

Kalan s’inclina néanmoins fasse à son supérieur et quitta la pièce. Rack s’était contenté d’hausser les épaules et serra la main chaleureusement d’Azraël.

- Je ne pensais pas te revoir un jour… Tu semblais avoir disparu.
- Faut croire que j’ai pas passé mon temps sur les mers moi… Alors pour se croiser… Ca aurait été compliqué.

Le capitaine se mit à rire. D’un coup, d’œil, il était facile de voir qu’il s’agissait d’un orisha, ce que confirmait l’inscription en arshalà sur la coque. Sa peau avait cette couleur ocre caractéristique et ses yeux étaient bien vairon. Il se tourna donc naturellement vers Lilith qu’il identifia comme étant de sa race et lui adressa un franc sourire.

- Tu me présentes ta charmante amie, Azraël ?

La rouquine prit les devant et ôta une nouvelle fois la capuche qui la camouflait un peu plus que nécessaire dans le contexte actuel tandis que le réprouvé les désigna l’un l’autre.

- Lilith, Rack. Rack, Lilith.. C’est une amie, on cherche à se rentre à Megido.
- En plein continent du matin calme ? demanda t il, interloqué.

Cette fois, la jeune fille prit la parole en souriant, arborant toujours cette expression espiègle qui ne la quittait pas lorsqu’elle taquinait Azraël en particulier.

- Ouais… Azrael a un don inné pour la communication… Et « le continent du matin calme » et le « continent dévasté », c’est tout de même deux termes qui se ressemblent énormément en fait lorsqu’il s’agit de définir la direction vers laquelle nous voulons nous rendre…
- Ouais… C’est bon, bah t’aurais pu intervenir toi aussi… grogna le réprouvé.
- Moi ? mais je t’ai fait confiance... fit la rouquine en posant sa main sur son cœur, faussement affectée.
- Je vois… coupa Rack en riant. Eh bien, quoiqu’il en soit, cette petite erreur d’aiguillage m’aura permis de retrouver mon vieil ami et d’étendre même mon cercle de connaissance. Je peux savoir ce qui vous a amené ici ? De bonnes choses, j’espère.

Lilith sourit un instant et se tourna vers Azraël.

- Très bien, c’est l’heure de vérité… « belle journée pour voler, capitaine » … termina t elle sur un ton plein d’assurance.

Les yeux de Rack s’exorbitèrent légèrement.

- Aldéric est sérieux ? Qu’est ce qu’il vous a promis ?
- Tu vois… Tu me rassures pas vraiment… Je viens de passer je ne sais pas combien de temps à essayer de négocier avec Li pour que nous ne faisions pas cette mission, et, vu ton attitude… Ca me rassure pas.

La rouquine frappa d’un coup sur le bras de son compagnon, clairement agacée.

- Mais sérieux, Az… Arrête… Je t’ai dit.. On prend le risque… On ramasse l’argent et on voit pour le reste… Ca nous prendra rien niveau temps et c’est rentable.
- Li t’as entendu… Rack est au première loge pour savoir que c’est risqué… Suffit pour l’instant jusque qu’on donne pas suite…

Le rire tonitruant de rack coupa l’échange du binôme.

- Eh bien, mon cher Azraël, je t’ai connu plus téméraire et audacieux.
- C’est pas ça… fit il en haussant les épaules. Mais t’as vu son allure ? Avec son mètre cinquante et ses quarante kilos… Et je te confirme qu’elle  a pas plus de force que ce dont elle a l’air.

Lilith frappa un nouveau coup sur le bras du jeune homme.

- Mais je t’emmerde, Az… Déjà, je ne fais pas un mètre cinquante… Et c’est pas ça qui m’empêchera d’atteindre mes buts… Tes préjugés sont juste ridicules..

Cette fois, le capitaine se rapprocha de la rouquine, interpellé. Ses paroles faisaient échos à des choses bien plus profondes. Il saisissait la colère du réprouvé, mais comprenait bien plus qu’il n’aurait sû dire la motivation de Lilith. D’une voix paisible, il la questionna.

- Tu es bien une orisha.. Ancienne captive, je suppose ?
- Oui, pourquoi ?
- Je pourrais avoir un marché à te proposer. J’aime beaucoup le fait que tu t’accroches à cette tâche. Je suppose que les rames ne t’intéressent pas…

Un peu perdue, Lilith jeta un coup d’œil à Azraël puis au capitaine.

- Aucunement, je sais pas qui t’as si bien renseigné, mais il est hors de question que je retourne dans une cale, quelle qu’en soit la durée.
- C’est ce qui me semblait alors, je crois que ça pourra vous intéresser. Asseyez-vous…

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Alors que Rack prit place sur son siège couvert de cuir, il indiqua au binôme de prendre place également. L’orisha se cala dans le fond de son fauteuil, les bras croisés, regretta de ne pas avoir un verre de vin ou un nouveau cigare pour savourer le confort des lieux. Et puis, au moins, elle aurait peut-être su quelle contenance se donner. A l’heure actuelle, le capitaine était intimidant et l’expression qu’on pouvait lire sur ses traits n’avait rien de rassurant dans la mesure où elle était tout bonnement indéchiffrable.
Les mains croisées, la tête sur celle-ci, Rack fixa les deux jeunes gens à tout de rôle.

- Bien… Je vous préviens d’ores et déjà que je ne fais pas ce type de proposition tous les jours, et que, pour ma part, je demanderai une réponse immédiate, où alors j’en retirerai l’offre. Azraël, nous avons déjà eu l’occasion de travailler ensemble par le passé, je connais tes talents de pilote, et je ne serais pas contre le fait de voir rejoindre mon équipage. Tu sais te battre et tu peux être un atout précieux pour le Libertad. Quant à toi…

Il désigna la jeune orisha.

- Toi, gamine… Je n’ai pas la moindre idée de tes compétences, ni de ce que tu peux valoir… En revanche, venir en aide à ma race, surtout face à tant de détermination… ça me plait bien. Et si les cales ne plaisent pas, je te vois bien gabier. Tu es petite, j’espère agile, et si le sang des orishas coule bien dans tes veines, ça devrait te plaire.

En effet, se trouver dans les voiles et en haut des mats devait avoir quelque chose d’enivrant … Devoir marcher sur ces poutres en pleine tempête devrait sans doute offrir une sensation unique qu’elle avait hâte de goûter et la rendait des plus impatientes.

- Tu peux te montrer clair sur tes attentes… Parce que là, je reconnais que c’est pas vraiment clair tes propos ? demanda Lilith, un peu sur la réserve.
- Pourtant… C’est assez simple… je vous propose de devenir de véritables pirates dans l’âme. Toi, gamine, tu peux me croire, mon bâtiment ne porte pas ce nom pour rien. Tu pourras être des plus satisfaites. Quant à toi, mon cher ami… Je sais combien tu cherches à fuir tout ceux que tu penses te juger. Et puis, au jour d’aujourd’hui, il n’y a pas de sorciers dans l’équipage.

Toutefois, il marqua un temps d’arrêt, ravi de la réaction de ses interlocuteurs. L’orisha avait les yeux brillant d’impatience… Tandis qu’Azraël, bien qu’il semblait conserver un air neutre, un fin sourire flottait néanmoins sur ses lèvres.

Rack reprit alors.  

- Toutefois… Au-delà du plaisir d’une balade en mer… Sachez tout de même que notre galion arbore fièrement le drapeau pirate en pleine mer… Si la vue du sang ou le combat vous fait peur, ce n’est pas la peine d’imaginer donner une suite à cette proposition. D’où cette petite épreuve, qui pourrait confirmer votre destin. Et l’associer au mien.

Sans hésiter, Lilith tendit la main à Rack et se redressa soudainement.

- Eh bien… Marché conclu. Nous ramènerons ton paquet à bon port… Et nous reviendrons prendre des galons au sein du Libertad. Tu peux d’ores et déjà nous attendre. C’est comme si c’était fait.
- C’est pas un peu présomptueux ? souffla Rack, amusé par l’assurance de la gamine.
- Si… Et tu n’as encore rien vu à ce sujet-là… répliqua Azraël.

Lilith adressa un petit sourire d’excuse et continua à reprendre la parole.

- Ca va… C’est juste la remise en bonne et due forme d’un colis à Aldéric.

Rack éclata de rire.

- Oui… Juste.. Le fait que vous vous sortez vivant de cette épreuve m’intéresse. Bien évidemment. En revanche… J’ai besoin que vous affrontiez certains de vos adversaires. Ils devraient avoir une broche avec deux poignards croisés qui y figurent. Réccupérez-en au moins trois.

Cette fois, ce fut autour du réprouvé d’intervenir.

- Ecoute… Jusque là, ça me posait pas de souci… Mais pour te ramener ces broches, faut être sûr qu’on soit attaqué…

Imperturbable, le capitaine éclata de rire.

- Croyez moi… A peine vous aurez quitté le galion que vous serez déjà repéré. Le Libertad n’est pas le navire le plus discret du port.

Le binôme se regarda puis se dirigea vers la sortie mais la jeune orisha s’arrêta et se retourna, curieuse..

- Juste pour info… Qu’est ce qu’il y a dans le colis pour que tu sois si sûr ?

Rack sembla hésiter, peu enclin initialement à lui répondre mais se lança.

- Il s’agit d’un bijou, un pendentif. Il est unique. Certains disent que les aetheris l’aurait baigné dans leur magie. Aldéric en est le propriétaire initial. Quoi qu’il en soit, à titre personnel, je n’ai jamais réussi à en faire quoi que ce soit. Aussi, je préfère largement avoir des espèces sonnantes et trébuchantes, et Aldéric me permet d’avoir pas mal d’informations. Toutefois, une telle légende peut entrainer des convoitises de toute sorte… Et notamment un groupe en particulier désire s’approprier le bijou. Alors… Bon courage.

Le couple finirent par valider une nouvelle fois les dires du capitaine, tandis que la rouquine porta sa main à son visage pour le recouvrir de sa cape, sans pour autant quitter son fameux sourire.

- On se retrouvera d’ici quelques heures alors…
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Le binôme descendit sur le port, alerte. A peine eurent-ils poser un pied sur la terre ferme qu’Azraël attrapa le bras de Lilith.

- Bon, c’est bien beau tout ça… mais passe-moi le collier… J’ai pas envie que ce soit toi qui le porte.

La rouquine dégagea son bras et haussa un sourcil.

- Mais qu’est-ce qu’il te prend, Az ? Je sais me débrouiller seule, il me semble… Et j’ai bien l’intention de pouvoir remplir cette tâche… Et si je suis heureuse que tu sois à mes côtés, c’est bien moi qui, depuis le début te pousse à accepter tout ça… Les risques étaient clairs, et j’ai bien l’intention de l’assurer…  

Le réprouvé s’apprêtait à riposter une nouvelle fois, mais jeta un coup d’œil autour de lui. Rack savait ce dont il parlait…

- Ecoute, on remettra cette charmante discussion à plus tard, mais il semblerait tout de même que mon vieil ami savait pertinemment que nous serions poursuivis… Et que ce n’était des blagues. C’est déjà le cas…

Avant qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit, Azraël la coupa.

- Et ne te retourne pas… Il y a trois hommes derrière nous…

Lilith eut du mal à obéir mais finit par se retenir.

- Très bien… Je ne le fais pas… Je suppose que tu ne voudras pas qu’on se sépare…
- Mais t’es malade ?! T’es vraiment décidée à mourir, non ?

L’Orisha poussa un long soupir.

- Emy avait raison, tu sais… Je suis une grande fille.
- Ouais… Bien sûr… Enfin, si ça m’amuse que tu dises sans arrêt que tu peux assurer, et qu’à la limite, dans des cas particuliers, ça peut faire illusion… Toi comme moi, on sait que c’est pas le cas.  Tu te retrouves face à trois guerriers expérimentés. Tu meurs. Alors arrête ce cirque quand on est qu’à deux.
- Az… Le fait de se séparer nous donnait simplement l’occasion de ne pas affronter un bloc de trois personnes. Je limite les risques.

Le regard du réprouvé se durcit.

- Tu limites ? Et lorsque tu es montée sur l’estrade face à tout un village pour les provoquer… C’était pas limité ça ? C’était stupide oui.

La rouquine lui attrapa la joue qu’elle pinça et lui adressa un sourire moqueur.

- Tu sais que c’est mignon de te voir aussi inquiet… Allez viens, on se dépêche. Plus vite ce sera fait, plus vite tu pourras te calmer…

Furieux, Azraël se dégagea et avança d’un pas sûr. Il n’avait pas l’intention de confirmer quoi que ce soit, et il ne comprenait à vrai dire même pas pourquoi il tenait à la protéger. A l’heure actuelle, il tenait tout de même fermement la main de la jeune orisha pour se diriger à travers les ruelles plus que sinueuses. Le réprouvé entendait savoir combien de personnes les suivait et surtout, qu’il n’y ait pas de renforts impromptus.. A peine furent-ils bien isolés que deux des trois hommes se jetèrent sur Azraël et lui tinrent les bras après une lutte acharnée tandis que le troisième attrapa Lilith à la gorge, en la plaquant contre un mur, lâchant un rire gras. Âgé d’une quarantaine d’années, l’homme qui maintenait l’orisha était marqué par le temps, et il était impossible d’un coup d’œil de déterminer sa race.

- Eh bien, ma mignonne… Va falloir que tu coopères un peu plus..

A moitié étouffée, Lilith tenta de se débattre et de faire usage de sa magie afin de l’inciter à la lâcher. Néanmoins, elle la première savait qu’elle était particulièrement faible et cela ne devait ressemblait à peine qu’à des chatouilles… Ce qui se confirma par le nouveau rire de son tortionnaire.

- T’as essayé de faire quoi, là, ma jolie… Je crois qu’il est temps de passer à la fouille..
- Ca va… Tu t’es choisi le bon rôle…souffla l’un des autres brigands.

Azraël tenta une nouvelle fois de se défaire de son emprise alors qu’un sourire lubrique traversa le visage du brigand ridé, laissant l’orisha dans un premier temps impassible, puis, elle retrouva son sourire moqueur habituel.

- Ca te ferait plaisir, mon gros… C’est vrai que vu ta gueule, tu dois être plutôt frustré, je doute que tu dois avoir beaucoup de partenaires consentantes…

Le visage de l’homme se referma dans une grimace de rage tandis qu’elle leva la main pour la poser sur les parties intimes de son assaillant et tira une mine désappointée.

- Et je confirme… Rien de bien convaincant…

Ce dernier partit dans un éclat de fureur, tandis que les deux hommes qui tenait Azraël se mirent à rire. Le réprouvé profita du léger trouble causé pour donner un coup de tête à l’un des assaillants et un coup de coude dans le ventre au second afin d’être libéré et de saisir le katana qu’il tenait à sa taille.
De son côté, Lilith donna alors un coup de genoux bien placé à son interlocuteur qui la lâcha par surprise et plaça un court instant ses mains à son entrejambe. Ce simple geste permit à la rouquine de s’éloigner légèrement et d’attraper la dague située à sa ceinture pour se placer derrière l’homme et l’égorgeait tandis que le bruit des os qui se cassait résonnait derrière eux.

- Bon… Reste plus qu’à trouver leur médaillon… souffla la rouquine en essuyant sa lame.

Azraël fouilla les deux corps à ses pieds et adressa un sourire triomphal à l’orisha en trouvant les deux précieux médaillons. Lilith grognait en fouillant.

- Je ne sais pas… Mais la prochaine fois... je fais gaffe… Avec tout ce sang, j’arrive pas à trouver l’enseigne…
- Parce que tu te projette déjà à la prochaine fois ? Je te signale qu’on a déjà eu de la chance de ne pas y passer, nous…

L’orisha lui adressa un petit sourire désolée avant d’aborder un air triomphal, leva le poing avec le précieux bien dans le creux de la main.

- J’ai… On peut aller voir Aldéric.
- Enfin, couvre-toi le visage-là… Parce que là… Avec tous le sang que tu as mis… On ne nous laisserait passer nulle part.
- Au moins… Il ne pourra pas dire qu’on a fait la moitié du travail…

La rouquine passa en effet sa cape devant les yeux. L’hémoglobine était peut-être parfaitement assortie à sa chevelure, mais certes, pas du meilleur effet. Afin de ne pas attirer l’attention, ils continuèrent à raser les murs pour finir par retrouver la taverne initiale. L’ambiance, juste en ces quelques heures, n’avait pas vraiment changé. Il ne fallut que quelques instants pour retrouver l’homme au visage brûlé.

- Aldéric… Mon vieil ami… souffla la rouquine en donnant un franc coup dans le dos de l’homme.
- Toi qui a été si franc avec nous… Ca fait du bien de te revoir…

L’homme adressa ce sourire un peu narquois.

- Vous êtes donc ici vivants ?

Lilith remonta ses manches laissant les coulées de sang être plus que visibles.

- Ouais… On a pu constater que c’était un jeu d’enfants de traverser la ville juste pour dire cinq mots… Et on sait pas comment te remercier…

Azraël s’était installé de l’autre côté de l’homme.

- En effet… On a eu le plaisir de constater que le capitaine du Libertad était une très bonne connaissance à moi. Rack… D’ailleurs, à se demander même si, sans ce petit détail, on aurait su qu’on serait poursuivi dès que nous aurions quitté le galion. Amusant, non ?

Le binôme se mit à rire en regardant Aldéric, ce dernier, de plus en plus mal à l’aise, finit par rire aussi, gêné.

- Ouais… C’est drôle… Enfin… C’est vous qui saviez que ce ne serait pas si facile, hein ? N’est-ce pas ?

L’orisha approuva d’un signe de tête.

- Oui… Bien sûr… Enfin, on s’est dit que si une organisation était prête à tuer pour récupérer ce joli collier… Peut être qu’ils se montreront aussi plus généreux qu’une simple bourse d’or…

Intéressé, le réprouvé esquissa un sourire. En effet, l’allure qu’ils avaient à présent suite à leur récent combat ne laissait que deviner un affrontement acharné et sanglant dans lequel ils étaient sortis vainqueurs, sans indication sur le nombre de victimes qu’ils avaient pu laisser derrière eux. L’utiliser pour avoir une récompense plus intéressante l’amusait. Il n’appréciait définitivement pas Aldéric. Ce dernier comprit bien vite où ils voulaient en venir et tenta de négocier.

- Mais… Un marché est un marché… Et j’ai déjà payé Rack…
- Tu te rappelles avoir touché quelque chose, Az ? Pas moi…
- Et je suis pas sûr non plus que le contrat entre Rack et toi nous concerne … rajouta t il.

L’orisha haussa les épaules, tout en accentuant son sourire moqueur.

- En fait, je dirais que Rack a bien rempli sa part du marché… Il a ramené tes bijoux de famille au matin calme, mais faut croire que ça a pas suffit pour te renflouer le pantalon si t’as pas été capable de te rendre toi-même au Libertad.
- Je ne vous permet pas…

Il commença à se lever mais Azraël l’en empêcha.

- Tu ne nous permets pas quoi… Ecoute un peu la dame quand elle parle… Je suis certain qu’on peut trouver un arrangement.

Lilith sourit alors à son acolyte avant de se pencher sur Aldéric tout en tendant le pendentif, tremblant au bout de la chaine.

- Alors… On part sur le double de ce qui été convenu ? Parce que bon… Le marché … C’était bien cinq mots… Pas cinq morts…

Elle se moquait éperdument de mentir, mais ne demandait qu’à voir si c’était possible d’obtenir plus. De son côté, ce dernier n’avait pas hésité un instant à jouer leur vie de la sorte. L’homme au visage brûlé grimaça en regardant son bien brillait devant ses yeux, puis finit par capituler.

- C’est bon…

Il sortit alors deux bourses qu’il balança sur la table. Azraël en récupéra une, et l’orisha la seconde avant de lui jeter le collier.

- Eh bien voilà… Je savais que notre arrangement serait payant…

Le binôme se leva alors et se dirigèrent vers la sortie, ravis. Pour autant, ils ne perdirent pas trop de temps avant de retourner sur le galion. S’ils avaient été repérés avant la taverne… Peut-être que d’autres hommes se cachaient ailleurs. Aussi, c’est avec soulagement qu’ils posèrent le pied sur le pont et tendirent les médaillons au capitaine.

- Rack… Voilà les preuves de la bonne réalisation la mission… Trois magnifiques insignes… Alors ? Prêt à recevoir deux volontaires pour faire partie de ton équipage.

Légèrement surpris de les voir arriver si vite, le capitaine jeta un coup d’œil sur les biens qu’il avait réclamé. Il n’était pas déçu…

- Parfait… Pour être honnête, j’avais quelques doutes sur le fait que vous soyez toujours vivants… Mais mon navire vous ouvre ses portes…

Il se décala et fit un large signe de mains, accompagné d’un sourire de bienvenue.

- Alors… Bienvenue au Libertad ! Et ne trainez pas à prendre votre poste… On largue les amarres…

Il leur adressa un clin d’œil et se dirigea vers la barre.