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 Désinhibez-les ! — ft. SHAMS || DJINSHEE

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Dim 29 Mai 2016, 10:32

   La voix de Mihael le ramena brutalement à la réalité. Il ne bougea pas. Il s’efforçait de garder les yeux fermés, dans l’espoir de retrouver cette somnolence qu’il n’avait même pas vu venir, dans laquelle il ne s’était même pas aperçu qu’il était rentré. De toute manière, il n’avait pas compris ce qu’il venait de dire. Il se doutait cependant qu’il avait encore voulu le provoquer… Le Réprouvé contenait sa rage, celle qu’il avait éveillé en même temps que lui. Une bonne fois pour toutes, il aurait pu dormir, mais non, cet abruti s’était senti obligé de parler pour ne rien dire ! Il n’en était toujours pas conscient, mais il s’enfonçait de nouveau dans ses songes, et le bruit tumultueux de la taverne redevenait un fond sonore, qui ne faisait que couvrir un silence inquiétant.


   Finalement, il était bien, là, dans ses propres bras. La soif ne le dérangeait plus. La faim s’était envolée…

   Cole rappliqua. Il déposa leur repas sur la table.

   Un poids sur son épaule le sortit encore de sa rêverie. Il émit un grondement inaudible, à cause de sa gorge sèche et de ses cordes vocales, aussi épuisées que lui. Il détestait Mihael. N’aurait-il jamais fini ? Quand comptait-il lui foutre la paix ? Qu’est-ce qu’il lui voulait, pourquoi n’était-il pas en train de boire ? Au moins, il aurait le mérite de la fermer. Sa tête le gênait et il aurait adoré s’en débarrasser. Seulement, il n’avait pas envie de bouger, ni de se décaler. Il avait construit un nid chaud et confortable sur ce coin de la table, il ne voulait pas recommencer à zéro en retrouvant la paroi fraîche tout autour de lui. Il se détendit. Au pire, il s’habituerait à ce poids…

   Non, il fallait qu’il parle, encore et encore… C’était à croire qu’il était interdit de fermer les yeux, ici… Il n’avait franchement pas la force de se redresser pour le virer. Il ne l’avait déjà pas pour donner une quelconque expression négative, d’irritation ou d’impatience à son visage…

   Shams prit une inspiration, et, d’un effort las, il céda enfin à réintégrer le monde réel. Il s’étira longuement. Son estomac en profita pour lui rappeler qu’il était vide. Certes… mais il n’avait pas envie de manger. Personne – ou pas grand monde – n’avait envie de manger lorsqu’on sortait d’une telle torpeur. Il considéra la bière presque avec mépris, puis regarda le contenu du plateau. Il y avait un peu de tout. Du pain, de la viande, des fruits…

   Une nouvelle voix vint s’inviter chez celles qu’il connaissait déjà. Les sonorités de celle-ci avaient quelque chose de désagréable. Il leva les yeux vers l’inconnu. Il parlait avec Cole. Il proposait… un jeu ? Quel jeu ? Mihael n’hésita pas une seconde pour se prétendre de la partie. Shams le regarda avec ce même air las, mais tourna presque aussitôt la tête vers ce Dave.

   La cuite d’hier soir ? Il fronça les sourcils. Tout ceci impliquait une lourde réflexion, chose qu’il n’était plus vraiment capable de faire, autant par réelle capacité que par fainéantise. Mais quelque chose illumina soudainement son cerveau. Il tressaillit. Cela voulait donc dire que la nuit était passée ? Combien de temps… qu’avait-il fait de toute la nuit ?! Tout était passé suffisamment rapidement pour ne pas dépasser autant d’heures… ou alors, il avait dormi ? Quand ? Il ne se souvenait pas, et pour tout dire, ça lui faisait peur. Vraiment. Il baissa la tête et serra les poings. C’était sa nouvelle préoccupation.

   -Il s’est passé quoi ?... Murmura-t-il.

   En temps normal, jamais il n’aurait osé le demander. Mais bon. Voilà.

   Cole était déjà parti avec son nouvel ami. Il avait du mal à suivre. Et du coup, c’était quoi le jeu ? Il regarda Mihael porter son verre de bière à ses lèvres. Il reposa la tête sur la table. Il n’aimait pas le contact du bois avec sa tempe, mais il avait la flemme de lever ses bras, pour en faire un oreiller confortable.

   -Pourquoi tu bois ?...

   Comment pouvait-il boire autant, et surtout, autant de cet alcool dégueulasse qui laissait un goût amer dans la bouche ? Où trouvait-il de la satisfaction à en consommer ?

   -T’aimes bien être comme ça ?

   Il aimait bien être bourré ? Se sentir… fatigué, vide, mou et inconscient de la moitié de ses actes ? Son attitude l’agaçait, même s’il ne le montrait pas plus que ça.

   -Qu’est-ce que ça t’apporte, je comprends pas…


   Lui, ça ne le faisait que régresser. Alors il ne savait pas comment ça se passait dans la tête de Mihael, mais il doutait que ça soit très différent.

~776 mots~

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Lun 30 Mai 2016, 11:01


« T’en fais pas, c’est pas comme si tu avais raté quelque chose d’important, du moins pour l’instant… Tu es joueur ? Tu comptes participer à leur petit divertissement ? »

  Il reposa son verre sur la table, revigoré par l’éclat doucereux de son nouveau breuvage. Les dernières liqueurs lui avaient proprement retourné le cerveau, et maintenant qu’il était plus disposé à « converser » plutôt qu’à « provoquer » quiconque croiserait sa route, son échange avec Shams se devait d’être, sinon calme, du moins plus détendu.
  Finalement, la question arriva comme un cheveu sur la soupe, au moment où le Réprouvé s’humectait lentement les lèvres.

« Pourquoi-est-ce-que-je-bois ? » reprit-il en se tournant vers Shams, un sourcil relevé.

  Jamais personne ne lui avait demandé ça de manière aussi sérieuse. Pour lui, ça tombait sous le sens. C'était avant tout un plaisir.
  Il posa le coude sur la table et cala son menton dans le creux de sa main, l’air un peu songeur. Puisqu’il avait décidé de ne pas le prendre à nouveau pour un abruti — et ce, de manière bien volontaire —, autant commencer sa bonne action, dès maintenant.
  Ce qui n’était pas chose facile. Il n’était pas vraiment ce qu’on appelle un « enfant de cœur »…

  Les premiers souvenirs qu’il avait de son enfance étaient noirs comme la suie. Et c’était effectivement très jeune qu’il avait entamé le début de sa perdition.

« Je ne m’en suis pas trop mal sorti, finalement » murmura-t-il, inaudible, en étouffant un léger petit rire dans sa main.

« Non, tu es juste en compagnie d’un Réprouvé aussi dépravé que toi, après t’être fait traité par tous les autres comme du bétail… C’est vrai qu’après ça, on peut dire que tu ne t’en es pas trop mal sorti… » se moqua une voix.

  Le sourire de Mihael s’effaça, et tandis qu’il cherchait à réunir ses souvenirs afin d’élaborer un semblant de réponse, Shams réitéra son interrogation en en transformant les termes, approfondissant drastiquement le champ possible d’explication.

« Tu ne peux pas demander à un alcoolique pourquoi il boit, Shams » finit-il par lâcher, peu satisfait de sa réplique, qui, d’ailleurs, n’en était pas vraiment une. Il continua : « en vérité, je suis littéralement « tombé dedans » très jeune, à un âge où les enfants-Réprouvés commencent tout juste à comprendre qu’ils seront rejetés toute leur vie. Certains d’entre nous sont adorés par de simples fous lorsqu’ils sont enfants, puis méprisés, séquestrés, voire torturés quand l’antagonisme de leurs ailes se confirme. »

« Et c’est probablement pour ces derniers que les choses étaient les plus difficiles à gérer. Ressentir un semblant d’amour et se le voir confisqué, au moment même où l’horreur de notre condition s’imprime sur le moindre de nos traits, il était difficile de constater pire… »

« Quoi qu’il en soit, j’étais dans un orphelinat où, tous les gamins du semblant de « groupe » auquel j’appartenais, opéraient sans cesse la nuit pour voler des choses en douce, piquer des bouteilles dans les caves de la surintendante, créer des QG secrets dans les souterrains de l’école… bref, plus tu faisais de c*nn*ries, plus tu avais la chance de pouvoir monter dans les « hautes sphères » de ce monde de gamins perdus, à la recherche d’une réaction quelconque de la part d’un adulte. » Il ne s’était pas arrêté de parler, mais quand il eût terminé sa dernière phrase, un sourire un peu sarcastique se dessina sur ses lèvres. « Des enfants terribles… » acheva-t-il.

  Là-bas, le moindre fait et geste un peu rebelle n’était qu’une façon de se faire remarquer. Ils se devaient de l’être, pour ne pas sombrer à nouveau dans l’oubli. Mihael serra le poing et porta de nouveau le verre à ses lèvres.

« Et puis, un beau jour, je me suis enfui. Et comme je n’avais pas appris les rudiments de la « bonne éducation », je me suis mis à traîner dans les rues, appliquant les bassesses un peu glauques qui furent ma seule éducation au cours de mon adolescence. Je traînais… et plus je traînais, plus je m’enfonçais dans les abysses d’une vie malsaine. Jusqu’au jour où… »

  Où il rencontrât la personne qui avait littéralement forgé la personne qu’il était aujourd’hui. Son langage et ses sens observateurs furent dès lors de plus en plus pointilleux, tandis que son âme s’enfonçait plus en deçà des ténèbres.
  Mihael se redressa, et prit conscience qu’il venait tout bonnement de raconter sa vie à un autre que lui. Il esquissa un sourire en faisant tournoyer le verre qu’il tenait sur la table. Shams devait bien se foutre de ce qu’il disait, lui qui semblait le détester jusqu’au point de non-retour. Il décida de se faire évasif :

« Enfin… Je bois pour oublier… » commença-t-il, puis, en tapotant le derrière de son dos, désignant ses deux ailes antagoniques : « …qu’ils sont deux à se battre à l’intérieur de mon crâne. Il faut bien en promouvoir un des deux, sans quoi l’ivresse, malgré son charme éprouvant, se révèle bien inutile. » Il souffla, un peu exténué. Les souvenirs l’avaient éreinté. « Mais je monopolise la parole : la boisson est un de mes grands sujets de conversation, le plus inspirant, dirons-nous. Et ce n’est pas un « conseil » que je te donne, de te mettre à boire du jour au lendemain. En revanche, je suis bien curieux de savoir comment ta vie a bien pu se dérouler jusqu’ici. Je n’ai pas vraiment eu le loisir de discuter avec beaucoup de Réprouvés… »

  Il était toujours intéressant de se confronter au cheminement, forcément différent, des suppôts de la race réprouvée. Comprendre comment les mêmes dilemmes étaient interprétés autrement, et par un autre que soi.

« Quand je t’ai vu entrer dans l’auberge, tout à l’heure, je n’ai pas pu m’empêcher de te provoquer. Être renvoyé à sa propre condition quand on essaie d’en oublier les moindres détails, ce n’est pas quelque chose que je maîtrise encore. »

  Il lui lança un petit sourire, à nouveau, terminant le verre qu’il reposa fermement contre le bois de la table. Finalement, s’être épanché sur ses états d’âmes lui avait libéré l’esprit. Le poids douloureux tapi au fond de son estomac, disparaissant lui aussi.

« C’est assez curieux de voir comment l’Ange et le Démon se manifestent en chacun d’entre nous. »




MOTS : 1039

HRP :
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Mar 31 Mai 2016, 22:36

   -Pourquoi ?

   Il ne comprenait pas pourquoi il ne pouvait pas poser cette question. C’était mal, de demander ça, peut-être ? Il culpabilisait un peu. Il ne comprenait pas non-plus pourquoi Mihael commençait à lui déballer sa vie. Il avait voulu une réponse directe, pas toute l’explication à propos de comment il s’était mis à trainer avec l’alcool. En tous les cas, il était parti et ne semblait pas avoir l’intention de s’arrêter avant d’avoir terminé… Shams l’écoutait, à la fois intéressé et pas intéressé. Il aimait bien les histoires, mais il voulait juste sa réponse… M’enfin. Il n’allait pas se plaindre. Pour une fois qu’il parlait et lui foutait la paix en même temps. Finalement, il se demandait s’il le détestait vraiment. Il n’était pas si mauvais, lorsqu’il ne le provoquait pas.

   Ses yeux vides semblèrent reprendre vie lorsqu’il dit « jusqu’au jour où… ». Jusqu’au jour où… ? Quoi ? Il avait piqué sa curiosité. Il voulait savoir ! Mais son voisin de table changea de sujet, pour enfin répondre à sa question. Il avait un don pour l’agacer. Il avait le talent de l’agacer en détournant son intérêt. Le faisait-il exprès ? Ça oui, il en était presque sûr.

   -Pour oublier… Répéta-t-il tout bas. A dire vrai, ce terme le dépassait un peu.

   A croire, en tout cas, et puisqu’ils étaient maintenant en train de discuter autour d’une table, que l’alcool ne l’avait pas mené beaucoup plus loin que lui…

   -Je comprends pas… Tu veux oublier, mais tu n’oublies pas…

   Il se redressa doucement. Mihael ne faisait que repousser un problème, au lieu d’essayer de le résoudre, ou de le lui rendre favorable, d’une façon ou d’une autre. Leur nature les enfermait déjà dans un cercle vicieux, et il en créait un nouveau avec l’alcool. Ca l’irritait.

   -Combien de temps ça va durer… ?

   Comptait-il faire ça toute sa vie ? Il serra les poings. Son cercle vicieux lui faisait peur. Il baissa un peu la tête. Et lui ? Il lui demandait comment s’était passé sa vie jusqu’ici. Soudainement, il se sentait mal. Sale. Comme s’il venait de réaliser ce que représentait l’alcool.

   -Tu as déjà vu ton père ?

   Lui, une seule fois. Il ne savait pas s’il regrettait. Au fond, il trouvait important de savoir qui il était.

   -Tu comprendras qu’après l’avoir vu faire des choses horribles à ma mère et à ma sœur, posséder une partie de sa nature… démoniaque… Il marqua une pause pour réfléchir. Me terrifie…

   Les images qui défilaient derrières ses yeux le dégoûtaient. Des visages déchirés par des cris, du sang… du viol… et un sourire qui le faisait trembler. Il avait tant souhaité mourir. Il avait tant souhaité que son père le tue pour lui épargner ces images. Mais il avait eu le sadisme de ne jamais rien lui faire. Et il l’avait abandonné avec deux cadavres sous les yeux. Ce jour-là, il avait découvert que le rouge était une couleur affreuse. Une couleur qui laissait bien longtemps des traces, si ce n’était à vie.*

   -J’essaie de détruire mon Démon. Rigole, si tu veux, je m’en fiche…

   Lui, au moins, il ne l’assommait pas simplement en buvant. En tuant cette part de lui, il voulait se venger, éviter que ce qui était de son père ne se propage et se libérer de son atroce emprise.

   -C’est pas toi qui me disait de porter ma condition, tout à l’heure ?

   Bien que sa question eût un penchant sur la provocation, son ton ne l’était pas. Il se souvenait de chaque mot qu’il avait prononcé.

   Parler, quant à lui, ne l’avait pas du tout libéré, au contraire. Il se sentait très mal. Il était entré dans une phase de tristesse assez profonde, mêlée à de la colère et de la rancœur. Sa gorge était serrée.

   -Si tu le dis…

   Lui trouvait ça chiant, d’être divisé en deux. L’un devait partir… A ce moment-là, il n’avait jamais semblé aussi déterminé à se défaire de sa partie maléfique. Si c’était seulement possible… Il ne voulait qu’y croire. Il devait y croire… Mais il était si loin du but…

   Son poing s’abattit sur la table et il se leva. Sa respiration s’était intensifiée.

   -Tu me dégoûtes.

   Il le dévisagea, entrouvrit la bouche dans l’intention d’enchaîner sur cette réplique, mais se ravisa. Il se dirigea vers la sortie. Il aurait aimé pouvoir résister, mais il allait éclater. Il ouvrit la porte et se précipita à l’extérieur. Ses pas le dirigèrent vers une petite ruelle, coincée entre deux murs, dont l’un appartenait à l’auberge. Il y envoya son poing. Ses phalanges y laissèrent un peu de sang. Il avait mal. Mais il s’en foutait. Il devait trouver un moyen de se défouler. Il cogna encore une fois, poussa un cri, puis, haletant, se laissa glisser par terre.


   Sérieusement, qu’est-ce qu’il foutait là ? Qu’est-ce qu’il foutait là, à céder à la Colère ? Ne venait-il pas dire, quelques minutes plus tôt, qu’il voulait détruire l’être sombre qui l’habitait ? Il éclata en sanglots. Il était stupide. Il faisait tout de travers. Sa volonté n’avait aucune emprise sur le reste de lui-même. Il voulait se surpasser, être fier de lui au moins une fois dans sa vie, et voilà qu’il était en train de chialer, alcoolisé, entre deux baraques. Il était nul. Il abandonnait dès que l’un des piliers de sa nouvelle charpente tremblait. Il cassait tout. Il se frappa la tête. Et il se lamentait. Il n’en finissait donc jamais, de se plaindre ! Il se plaignait de se plaindre ! Il renifla et calma sa respiration. Il ravala ses larmes, même s’il n’en avait pas envie. Son cerveau lui ordonna de rentrer à l’intérieur. Ses jambes prirent plus de temps à réagir. En fait, il attendait toujours. Et puis, il supposait que le jeu avait commencé… Il n’avait pas envie d’y jouer…

~978 mots~

*:
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Mar 12 Juil 2016, 20:23


  A l’évocation de son père, Mihael se mit à rire nerveusement. Lorsqu’il était à l’orphelinat, les nuits blanches entre pensionnaires étaient imprégnées de leurs histoires respectives. Chacun s’imaginant l’apparence de la mère, du père ou d’un parent de l’autre. Distinguant les traits, moquant la couleur des cheveux d’un tel, ou bien la caractéristique déroutante quoique touchante d’un autre. Les histoires originelles y allaient de bon train, en somme.
  Or, sa vie à lui, toute entière, avait été bâtie sur une énigme, un mystère, qu’il tentait de résoudre en se perdant à chaque pas conquis.
  La vérité, c’est que Mihael ne connaissait pas son père. La seule chose qu’on lui avait dite, lorsqu’il était encore tout jeune mais bien en capacité de comprendre, c’était que son Ange de père infâme –cruelle destinée– ne le désirait aucunement à l’intérieur des portes closes de sa citadelle d’Argent.
  Et lorsqu’il entendit Shams développer sa propre histoire, qu’il semblait, par un heureux hasard, connaître belle et bien, Mihael eut un pincement au cœur. « Au moins as-tu vu son visage. Tu l’as entendu, tu as pu le palper, le frapper de toute ta haine. Tu avais le choix de pouvoir le faire ». Le Réprouvé se ravisa de répliquer quand il entendit Shams parler de sa mère… et de sa sœur.
  Non pas qu’il eût désiré avoir un quelconque sentiment de culpabilité à son égard –pour lui, les Réprouvés méritaient d’être punis par leur simple existence, que ce soit par leur origine directe, ou par la façon qu’ils avaient de tenter de maîtriser leur cœur. En eux, rien n’était à prendre. Ni même à chérir. Et c’est une chose qu’il avait ressentie de tout son être–.

  Alors, la vérité était ailleurs…

  Il ne dit rien, pour la simple et bonne raison qu’il respectait, pour une fois, le droit de parole de Shams.
Parler de cette façon, le cœur libre et les épaules moins encombrées par l’insolence manifeste de ses ailes antagoniques –qui représentaient elles-mêmes sa condition propre– était un gage de valeur à ses yeux. Il se mit à l’envier, secrètement ; l’herbe étant toujours plus verte dans le pré du voisin.
  C’était le sentiment qui pénétrait son âme en l’écoutant. Car jamais, il n’avait eu l’occasion de parler ainsi à quelqu’un de son espèce, encore moins pour entrer dans son intimité la plus suprême qu’incarnait la substance même de ses origines à lui.
  Il allait poser une question quand Shams lui asséna un regard inexprimable avant de dire qu’il le dégoûtait. Et tandis qu’il s’en allait, à nouveau, pour sortir de l’auberge, Mihael sentit tout son corps se crisper.

« Eh, ça va ? Il est passé où l’autre gus ? »

  Le Réprouvé dévisagea Cole quelques instants qui venait de revenir, seul.

« J’sais pas… Je… »

« Je le dégoûte ».
A ces mots, Mihael se redressa, frappant du poing sur la table. Il se leva devant les yeux inquisiteurs du Démon, et emboîta le pas à son acolyte Réprouvé, bien décidé à en découdre pour de bon.

  Une fois à l’extérieur, il mit quelques temps à localiser Shams. Son instinct réprouvé songea directement à la petite ruelle d’à côté, perdue entre deux auberges.

« C’est bon, t’as fini ton cirque ? » gueula-t-il à l’attention de Shams. « C’est bon, rentre, tu vas commencer à attirer des gens. »

  Mihael se sentit tout à coup désespéré. Il s’avança à la rencontre de Shams qui semblait avoir décidé de ne pas lui répondre. Parvenu à sa hauteur, sa main se posa –aussi délicatement qu’il le pût– sur son épaule.

« Aller, ramène-toi, Shams » dit-il, tout doucement.

  Il exerça une légère pression de la main, essayant tant bien que mal de ramener son acolyte de Réprouvé à la vie. Pour l’instant, l’Ange était de son côté, et prenait une large part dans son esprit, sans faillir devant les arguments de son « double démoniaque ». Ainsi, Mihael se sentait pleinement en contact avec ses propres envies, élans de bonté et autres caractères vertueux qu’il n’avait guère eu le loisir de montrer à Shams. Il allait donc en profiter, si les circonstances lui en donnaient bien évidemment l’occasion.

« Si tu te sens défaillir là-bas… » Il donna un coup de menton vers la droite pour désigner l’auberge. « … tu me le diras, et on ira faire un tour, d’accord ? »

  Il sourit, l’encourageant du regard.
  Plus loin, à l’orée de la petite ruelle, venait de s’arrêter une silhouette, emmitouflée dans une cape. Cette dernière était rouge. Rouge sang.



MOTS : 738 || Cole -  #000033
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Jeu 14 Juil 2016, 20:15

   Mihael avait fini par le rejoindre. Shams avait détourné la tête. Il ne voulait pas qu’on le voit dans cet état. Il était ridicule, il en était conscient et en avait honte. Pourquoi était-il venu, l’autre ? Qu’est-ce qu’il en avait à foutre de lui, après tout ? Il était venu pour le frapper, c’est ça ? Pour lui dire de venir « jouer » avec eux ? La mâchoire crispée, il gardait le silence. Non, en fait il ne savait plus ce qu’il voulait. Qu’on l’aide et qu’on le laisse tranquille… Il savait que si Mihael décidait de le laisser croupir là, il se sentirait encore plus mal. Mais il n’avait aucune envie d’entendre ses reproches et ses injures, ni même une quelconque invitation à retourner boire un verre d’une soi-disant liqueur relevant plus du poison que de la boisson. Un poids se posa – ou s’abattit, lui-même ne savait pas trop – sur son épaule. Il sursauta. Ses yeux mouillés se tournèrent automatiquement vers le Réprouvé. Bizarrement, le comportement de ce dernier avait changé. Il s’était comme calmé. Le brun le regardait avec une pointe de fascination. Il s’était calmé. Il renifla.

   -Oui, pardon, je… merci.

   Maintenant que la pression était retombée, il avait le sentiment de geler sur place. Ses mains notamment, étaient glacées. Il baissa les yeux. Ses phalanges étaient rouges.

   -On va rentrer… Je suis fatigué, je crois…

   Il était fébrile. Une bonne nuit de sommeil lui ferait du bien. De nouveau, l’image d’un lit devenait une utopie, un graal. Et pendant ce temps, il se rendait aussi compte que la présence de son acolyte ne l’oppressait plus comme avant. En fait, plus du tout. Il lui souriait, et Shams savait qu’il était sincère. Il posa lui aussi une main sur son épaule.

   -Ca ira.

   Il ne défaillirait pas. Il sécha brièvement ses yeux avec sa manche. Il était déterminé : à partir de demain, il ne défaillirait plus.

   Shams venait d’avoir un « déclic du soir ». Cela consiste à prendre une décision, après avoir fait le bilan de quelque chose – souvent de ce qui s’est passé dans la journée, ou avant. Il se fait donc généralement le soir, lorsque toutes les contraintes de la journée son passées. On est alors bien motivé. Cependant, on ne se rend compte qu’à partir du lendemain de ce que cela implique réellement, et on abandonne.

   Ses jambes acceptèrent enfin de le ramener à l’auberge. Il l’imaginait comme un endroit bien plus accueillant que quelques minutes auparavant. Il s’apprêtait à sortir de la rue, lorsqu’on attira son attention. Le pas suivant fut plus hésitant. Ses yeux étaient collés sur cette silhouette rouge. Il sursauta, s’arrêta, puis s’empressa de reprendre sa marche. Il avait la désagréable sensation d’être observé. Un frisson lui parcourut l’échine. Il ouvrit la porte – il prit du temps – et se dépêcha d’aller s’assoir à leur table. Cole les attendait, un verre à la main. Il le regarda arriver avec étonnement.

   -Bah alors ? T’étais où ?

   -Prendre l’air.

   Il baissa la tête. Ses mains étaient posées, fermées, sur ses cuisses. Il avait pris soin de ne pas les mettre à la vue de tous.

   Il n’allait pas défaillir. Mais pourquoi était-ce à cet instant, alors qu’il venait de faire resurgir de vieux et terribles souvenirs, alors qu’il s’était donné un objectif, que le sang devenait, ou semblait devenir omniprésent ? Qui était cette personne, à l’extérieur ? Que faisait-elle là ? Y repenser lui donnait la chair de poule.


   -Ca va gamin ? Demanda Cole.

   Shams se redressa vivement.

   -Oui, c’est bon, tout va bien. Je… euh… le jeu. Il y avait un jeu, non ?

   Certes, il était crevé, ses idées n’étaient pas toujours claires, mais il n’était plus sûr de vouloir se retrouver seul. Au moins, ici, il aurait de la compagnie pour oublier tout ce qu’il y avait à oublier, c’est-à-dire les chimères. Du coin de l’œil, il ne pouvait s’empêcher de surveiller l’entrée.

   Cole le considérait avec une incrédulité qu’il n’avait encore jamais vue. Il prit d’abord un air inquiet, puis éclata de rire.

   -L’air t’as retourné la cervelle, ou quoi, gamin ? Ou c’est princesse, qui t’a fait passer un pari ?

   Il garda le silence parce qu’il ne comprenait pas ce qu’il racontait. Le Démon fit glisser son verre plein jusqu’à lui.

   -C’est ça, le jeu. Mais il faut être plusieurs. T’es sûr de vouloir participer ? T’as vu ta tronche ?

   La clochette de la porte d’entrée retentit. Retenant son souffle, Shams fit volte-face. Ce n’était qu’un vieux barbu, tout ce qu’il y avait de plus normal… Alors que le battant se refermait doucement, la silhouette rouge sembla surgir dans le cadre qui définissait l’extérieur. Le Réprouvé se détourna. Il ne pouvait pas cacher son angoisse. Il décida de centrer toute son attention sur le verre d’alcool qui lui faisait face.

   C’était donc ça, ce qu’il ressentait. C’était pour cela que Mihael buvait. Pour se distraire du problème qui le préoccupait. Il comprenait, maintenant. Il fuyait sa condition, comme lui voulait effacer tout ce rouge.

   Il attrapa le verre. Mais était-ce défaillir, que de se mettre à boire ? Non, c’étaient les choses qu’il voulait justement oublier, qui le faisaient défaillir. Il but une gorgée. C’était amer et étouffant. La voix de Cole lui fit se souvenir d’un détail. Ses mains.

   -Bon sang, ne me dites pas que vous vous êtes encore battus !


   Il était furieux, ou désespéré. Ou les deux. Shams n’était plus sûr de faire la différence.

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Lun 18 Juil 2016, 10:40


  Après quelques instants d’incertitude, Shams décida finalement de suivre Mihael et tous deux se dirigèrent lentement vers l’auberge. En sortant de la petite ruelle, l’attitude de son acolyte l’interpella. Il venait de s’arrêter, légèrement crispé, le regard pétrifié en direction de la silhouette à la cape rouge.

« Eh, ça va ? » demanda le Réprouvé en jetant un œil dans sa direction.

  Mais Shams ne lui répondit pas et continua son pas, l’air étrange. Celui-ci ne le quitta pas, même lorsqu’ils s’assirent pour retrouver Cole.
  D’un naturel méfiant, et toujours aux aguets, Mihael resta pensif, sans pour autant poser de questions. Shams avait enfin l’air de tolérer sa présence, il n’était pas de bon augure de le forcer à nouveau à faire, ou même à dire, quoi que ce soit. Ses coups d’œil en direction de la porte ne lui échappèrent aucunement, et c’est avec une certaine insistance qu’il l’examina plus en profondeur.
  Pendant ce temps, Cole échangeait avec Shams, toujours fidèle à lui-même.« Princesse »… Le terme que le Démon venait d’utiliser le tira de ses pensées suspicieuses. Il inspira profondément et lui jeta un regard, visiblement lassé. Cole ne lui prêta aucune attention et continua sur sa lancée, expliquant plus largement les règles du jeu à boire. Non loin de leur table, les comparses de Dave se préparaient tous à y participer, remplissant leurs verres dans une bonne humeur qui commençait à être sinon conviviale, surtout bruyante.

« Voyons, Cole, on s’est déjà battus tout à l’heure. Tu ne crois pas qu’on diversifie nos activités ? » lança Mihael. Il venait d’attraper la question du Démon au vol, comme décidé à ne pas laisser Shams s’embarquer dans une nouvelle angoisse. « J’ai dit à Shams de m’en mettre une, mais tu me connais, j’ai tendance à esquiver les coups quand j’en ai l’opportunité. Bref, son poing a rencontré dans le mur. C’était le jeu. On recommencera tout à l’heure, pas vrai ? »

  Le Démon cligna des yeux, sans comprendre. Il regarda Mihael, puis Shams, et balaya le sujet de conversation d’une main, désintéressé. A défaut de comprendre quoi que ce soit, les éraflures sur les mains du garçon seraient vite oubliées par le Démon.

« ‘Toute façon, j’comprends pas c’qui vous arrive les gars. Alors buvez un bon coup, et foutez-moi la paix ! »

  Mihael sourit et leva son verre pour trinquer avec Shams. Après quoi, Dave vint les rejoindre, l’air joueur.

« Alors, brièvement… On m’a dit de vous faire commencer soft, histoire de vous mettre un peu dans l’ambiance. Mais ça se compliquera légèrement par la suite. Vous connaissez tous le jeu du vendredi soir ? » fit-il en brandissant un paquet de cartes. « Mihael, tu commences, pour montrer l’exemple ? »

  Le « jeu du vendredi soir »… Cette fin de soirée promettait d’être ennuyante. Le vendredi soir accueillait généralement une foule de gens dans les auberges de Stenfek, et, par tradition, ce jeu était celui qui ouvrait les festivités ici-même. Le Réprouvé serra la mâchoire et inspira légèrement. Il avait bien hâte que les choses se corsent un peu, les jeux aussi « lents » que celui-ci le rendait vite désagréable.

« Aller… »

  Dave retourna le paquet face cachée sur la table et saisit une carte de sorte à ce que Mihael ne la voie pas.

« Rouge ou noir ? » demanda-t-il ensuite.

  Sérieusement, c’était tout ce qu’il avait trouvé pour pimenter la soirée ? Le jeu du « rouge ou noir » ? Arquant le sourcil, mauvais, le jeune homme lança :

« Noir. »

  Dave retourna la carte face visible sur la table, un sourire aux lèvres. Un neuf de pique.

« Bien vu. Cole, Shams, vous devez boire et nous révéler une vérité vous concernant. Sinon, vous devrez boire votre verre, et cul sec. »

  Dave avait l’air de s’amuser, et avec Cole, ils semblaient bien être les seuls. Mihael but tout de même une gorgée, de façon à retourner plus rapidement dans son état d’ivresse initial. Cela n’allait pas réveiller son Démon intérieur, mais si Dave continuait à l’irriter, peut-être n’allait-il pas pouvoir le renvoyer plus longtemps dans sa tanière. Il ne savait pas pourquoi, mais ce genre de personnes enjouées, qui semblaient arborer un masque de jovialité et de caractère bon vivant, l’agaçaient au plus haut point.

« Une vérité ? Mais Dave, j’suis un Démon, la vérité, ça n’a jamais été mon fort… Bon. » Il se gratta la gorge. « Eh bien je me lance dans une grande aventure : je pars à la recherche des fragments ! »

  Mihael roula des yeux avant de déclamer :

« Cole, t’es en boucle. Si tu continues, tu bois ton verre cul-sec. »

  Dave se mit à rire, et le Réprouvé sentit une pointe d’énervement lui titiller le ventre à nouveau. Mais il se contint et recommença à boire. Était-ce parce qu’il n’éprouvait plus de rancœur à l’égard de son acolyte qu’il reportait son énervement latent sur l’autre ?

« Aller, Shams, à toi : une vérité ou ton verre en entier. Et ainsi de suite jusqu’à ce que mort s’ensuive. »

  Tu parles… En attendant que ce dernier réfléchisse, Mihael tourna la tête en direction du bar, juste à côté de l’entrée. L’aubergiste les regardait avec les amis de Dave, ils avaient tous un sourire moqueur aux lèvres.
  Il les ignora mais ne put s’empêcher de sentir que quelque chose ne tournait décidément pas rond par ici.
  Dave réitéra ses gestes, se tournant à présent vers Shams :

« Rouge ou noir ? »

  Avant même que Shams ne puisse répondre quoi que ce soit, la porte de la taverne venait de s’ouvrir avec fracas et laissait se dessiner la silhouette qu’ils avaient tous les deux aperçue tout à l’heure.

« Rouge » souffla-t-elle, le ton morbide.

  Et tous les regards se tournèrent vers la personne emmitouflée dans ce morceau d’étoffe à la couleur sang.




MOTS : 955  ||  Cole - #000033
Dave - #006666
   X - #660000

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Mar 09 Aoû 2016, 14:50

  Shams ne comprenait pas pourquoi Mihael mentait. Et il n’aimait pas ça. Il en profitait pour le faire prendre pour un abruti. Mais Shams se contenta de garder le silence. Il n’avait toujours pas décollé son verre de la table. C’était comme si son bras refusait de répondre à ses commandes. Il n’osait pas. Cela n’empêcha pas Mihael de trinquer avec lui. Il avait vraiment du mal à le cerner…

   Le « jeu » venait tout juste de commencer. Shams ne saisissait pas les règles. Que son acolyte commence le rassura, jusqu’à ce qu’on lui donne le choix entre raconter une vérité sur lui-même, ou boire l’intégralité de son verre… jusqu’à ce que mort s’en suive ? Etait-ce vraiment un jeu ? Il se voyait mal révéler quoi que ce fut… Ce serait forcément douloureux… Mais boire autant… jusqu’à la mort… Qu’avaient donc les gens, avec la mort ? … Après le sang… Non, il n’allait pas mourir, c’était stupide. Oui, c’était vraiment un jeu, et ce n’était qu’un jeu, il le savait. Après un regard à ses interlocuteurs, et des efforts lourds, il porta finalement le verre à ses lèvres.

   Comment était-il censé boire tout ça cul sec ? Chaque gorgée était pire que la précédente. Il avait la réelle sensation de se noyer.

   Il reposa bruyamment son verre et prit une grande bouffée d’oxygène. Il toussa plusieurs fois. Son estomac avait du mal à encaisser le choc. C’était toujours aussi brûlant et amer. Il considéra Dave un moment, sans comprendre que son tour était venu. Une vois retentit lorsqu’il s’apprêtait enfin à répondre. Il ferma la bouche, puis, avec du retard, se retourna. Son sang ne fit qu’un tour. Il détourna les yeux. Il devait bien être le seul à le faire. Mais ce type lui faisait peur. Que faisait-il là, qu’est-ce qu’il voulait ? Shams était persuadé que ses yeux étaient posés sur lui. Dave tourna la carte, face visible. Roi de carreau.

   -Bien ! Tu joues aussi, donc ? Dit Dave. Bon, vous trois, vous connaissez la suite. Et ne reste pas là, viens t’installer.

   Le type en rouge obéit et alla s’assoir près de Shams. Celui-ci se décala un peu, presque terrifié. Il fixait le nouveau verre plein qui l’attendait. Il n’avait plus du tout envie de jouer. Il songeait plus à partir, ou au moins à faire disparaître cet individu. Mais il était cloué à sa place.

   -Et j’veux pas t’vexer, mais ça te dérangerait d’retirer c’te cape ? Demanda Cole après avoir terminé son verre.

   -Je ne pense pas que je serais la personne la plus dérangée.

   Dave, lui, était plus intéressé par son jeu. Il s’adressa à Shams, qui n’avait toujours pas choisi son gage.

   -Ca va ? T’es pas obligé de boire, tu sais, tu peux nous raconter ta vie, ou même plus, on peut passer à l’étape supérieure ! Allez, en plus ce sera vraiment ton tour à la suivante !

   « Allez… un verre de plus ne te fera pas de mal…Susurra son Démon intérieur. L’Ange ne répliquait pas. Après tout, les autres solutions n’étaient pas meilleures. Ca te permettra d’oublier ce type… Des deux partis, il ne savait pas à qui appartenait cette voix. Il avait trouvé un commun accord avec lui-même, malgré les quelques réticences de sa part angélique. »

   Son ventre était plein, mais seules les premières gorgées furent difficiles. Il but tout avant de s’affaler sur la table, le front contre le bois de celle-ci. Il n’allait pas tarder à rendre. Le type en rouge émit un rire, qui se rapprochait beaucoup du ricanement.

   -Noir. Murmura Shams.

   Il rit encore. Le Réprouvé se sentit encore plus mal.

   -Raté. Relève-toi, un nouveau verre t’attend. Ou une vérité. Ou un gage. Tu sais chanter ?

   Lentement, il se rassit correctement. Le type en rouge le fixait. Il n’osait lui lancer le moindre regard. Il se sentait jugé, menacé, oppressé… L’alcool accentuait sa peur en même temps qu’il l’atténuait, et plus que jamais, il avait besoin d’air. Tout lui bouffait son oxygène. Pourtant, il ne pouvait plus sortir. Il s’était promis de tenir et de ne plus faire d’histoires. Il était coincé dans un nouveau cercle vicieux, où l’alcool et le stress le rendaient malade, et où il s’interdisait de l’être.

   Il se saisit du troisième verre. Dans son esprit, le Démon riait. Ce jeu l’amusait de par cette accumulation de déchéance. L’Ange n’était plus là que pour plomber l’ambiance.

   -Dave, tu vois bien qu’il tiendra pas un verre de plus. Puis, s’adressant à Rouge. Nan, franchement, ça m’dérange de pas savoir avec qui j’joue. J’suis sûr les deux p’tits ils sont d’accord avec moi.

   L’homme eut un rictus. Il posa une main sur l'épaule de Shams. Celui-ci tressaillit. Son teint blanchissait à vue d'oeil.

   -Vu comment lui est terrifié, j'en doute fort. Après tout, il a ses raisons...

   Il était en train de sous-entendre qu'ils se connaissaient ? Fébrile, Shams bougea la tête de droite à gauche en signe de négation. Il ne connaissait pas cet homme. Il ne connaissait pas cette voix. Qu'il puisse oublier une telle chose l'angoissait. Mais ce n'était pas le cas. Il en était certain, pour une fois. Presque. Le type rit. Lisait-il dans ses pensées, ou l'expression que prenait ses traits était-elle si drôle ? En tous les cas, il appréciait son statut, d'une certaine façon supérieur. Il ne comptait pas s'en défaire aussi facilement. Il lâcha le Réprouvé et passa sa main sous sa cape sanglante.

   -Je me disais qu'il serait plus amusant de se connaître grâce à un autre jeu...

   Rien à voir avec cette déclaration, Shams avait le tournis. Il se pencha et posa son front dans ses paumes. Les yeux écarquillés, il s'efforçait de fixer un point, une irrégularité qui caractérisait le bois de la table. Cole le considèrait avec inquiétude, tandis que Rouge leur dévoilait un paquet de cartes - rouges - ainsi que deux dés.

   -Vous découvrirez les règles bien assez vite. Il se tourna vers son voisin, qui n'était pourtant plus vraiment en état. Pour lui, tout le monde jouait. Shams, si tu veux bien commencer. Tu n'as qu'à lancer les dés et prendre le nombre de cartes indiqué.

   Entendre son nom sortir de la bouche de cet inconnu de pétrifia. Il eut un haut-le-coeur, mais se retînt. Comment savait-il ? En plus, tout sonnait... mal, dans ses paroles, tout ce qu'il disait lui faisait peur. Il avait aussi peur de son jeu, et peur de sa réaction s'il ne lui obéissait pas. Sa main droite glissa vers les dés. Il les jeta si faiblement, qu'ils roulèrent à peine. Un et trois. Donc... euh... il piocha une carte, puis trois autres et les rapprocha, au ras de la table, jusqu'à ce qu'elles ne soient plus qu'à une dizaine de centimètres de ses yeux. Les cartes n'étaient pas normales. Ne figuraient dessus que des images. Pour sa part, un Démon, une tête de mort, une carte totalement rouge et un couteau. Shams posa sa main à plat. Il avait beau être avachi sur la table, il était toujours aussi malade. Rouge demanda à chacun - en prenant soin de les appeler par leur nom - de prendre quatre cartes et se servit en dernier. Shams fut alors contraint de commencer en déposant une carte. Il en choisit une au hasard. Le Démon. Au fond, il était soulagé de s'en débarrasser. Quoiqu'elles étaient à peu près toutes au même niveau.

   -Hm... ceux qui se sentent personnellement concernés par cette carte peuvent jouer, et ainsi de suite jusqu'à ce que votre main soit vide. Ça constitue une manche, suite à laquelle chacun pourra tenter de deviner quelque chose sur l'autre. Une nouvelle manche commence en lançant les dés, comme Shams vient de le faire. Il n'y a pas de tours.

   Le jeune Réprouvé n'était pas sûr d'avoir tout capté. Il était plus concentré sur la tâche "ne pas vomir" qu'autre chose. Dave semblait un peu déçu des règles.

   -Pas de beuverie ?

   -Le dernier à avoir des cartes en main à chaque manche.

   Rouge joua. Une carte totalement blanche. Hésitation. Shams, plus pâle qu'un linge, finit par poser la suivante : le couteau. Nouveau haut-le-coeur. Cole se leva et s'apprêtait à le porter à l'extérieur, mais Rouge lui conseilla plutôt de se rassoir. Le Démon voulut protester.

   -Non, chut, j'ai dit... j'ai dit j'allais tenir. Rétorqua Shams.

   Rouge déposa une nouvelle carte. Shams se figea. Il plaqua sa main contre sa bouche, dans l'espoir d'éviter la catastrophe. Il était vraiment mal. Il venait de réellement réaliser la signification du couteau... meurtre... ?


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