Il était temps de passer à l'étape supérieure. Pour permettre une sorte de réhabilitation à l'espèce vampirique, Yulenka devait combattre l'ignorance. Elle devait faire découvrir à son père la partie obscure, les débuts houleux que chacun gardait bien à l'abri au plus profond de soi comme un secret honteux. Oui les vampires étaient des prédateurs ultimes. Oui ils étaient crains, enviés, redoutés. Mais les gens ne voyaient jamais que la partie émergée de l'iceberg. Combien de ces gens avaient réellement conscience de tous les sacrifices et de tous les tourments que la condition vampirique imposait ? Combien pouvaient se targuer de savoir quelle malédiction était la soif, et le combat de chaque vampire contre elle ? Tellement peu.... Si de base cela ne dérangeait pas outre mesure la jeune impératrice, vis à vis de son père l'histoire n'était pas la même. Lui devait savoir, lui devait comprendre. Il devait comprendre ce qu'elle était.... Avoir un aperçu de ce par quoi elle était passée. Il devait comprendre les vampires pour parvenir à se détacher, ne serait-ce qu'un peu, de cette haine qu'il nourrissait pour eux. Et, peut-être pour la première fois, elle organisa une visite à ce qu'on aurait pu appelé une pouponnière vampirique...

Tout une pléthore de vampires étaient attachés à la recherche et au rapatriement des vampires dit orphelins. Ceux que leur géniteurs et génitrices avaient lâchement abandonnés, engendrant ainsi un des plus graves crimes selon les lois vampiriques. Mais outre châtier les fautifs et les irresponsables.... Il fallait également s'occuper des désœuvrés. Et Yulenka mieux que quiconque savait à quel point il était dur de se réveiller, dans le froid de la nuit et de la mort, en étant seul au monde.... Elle faisait partie des très rarissimes cas de vampires ayant survécu sans géniteur. Elle était très clairement une miraculée, là où quatre-vingt dix-neuf pourcent des vampires abandonnés périssait dans les pires conditions, sous l'indifférence générale. Elle avait très vite refusé cette fatalité pour ceux qui n'était ni plus ni moins que des victimes. Si on ne demandait pas souvent à mourir, on demandait encore plus rarement à revenir en tant que vampire pour être mieux voué à une mort quasi certaine. Mais depuis qu'elle était montée sur le trône, tout cela avait changé.... Des efforts et des moyens considérables avaient été mis en place pour récupérer et rapatrier les pupilles de la nation. Elle avait ouvert des ailes spécialement conçues pour les accueillir, avec un accès simplifier aux cuisines, et surtout tout un personnel de vampires encadrants.

Bien sûr, il n'avait pas été question d'y mettre des brutes épaisses. Ces "tuteurs" avaient été sélectionnés, et même formés. Tout avait été orchestré pour offrir les meilleurs conditions à ces rescapés. Mais... Cela pouvait-il sufir a effacer les traumatismes ? Que dire à ces enfants qui ne comprenaient pas pourquoi ils étaient encore en vie ? Que dire face à cette soif harassante qu'il ne contrôlait pas ? Ceux qui avait été dépossédé de leur géniteur dans des conditions les plus atroces ? En réalité, il était bien compliqué de les aider à passer ce cap.... Il fallait des efforts monstrueux pour y parvenir. Un véritable travail de tous les jours.... Mais pour chaque vampire qui parvenait s'en sortir et qui devenait autonome et fier, c'était autant de merveilleuse réussite. C'était dans ce contexte si particulier que Yulenka avait organisé une visite de ses ailes réservées. Elle avait y avait entrainé son père prétextant avoir besoin de ses lumières en matière d'éducation, ce qui n'était pas forcément faux d'ailleurs. Car l'horreur ne connaissait pas l'âge.... Et alors qu'elle avait guidé son père à travers d'interminables couloirs, ils étaient enfin arrivés à destination. Alors qu'on entendait parfois des vampires hurler leur douleur ou leur désespoir, la jeune reine poussa une porte qui mena.... à une chambre d'enfants....

-Coucou vous trois ! Comment allez-vous aujourd'hui ?

Trois bambins entre huit et onze ans se tournèrent vers Yulenka affichant un sourire en la voyant. Elle avait trouvé ces pauvres gosses retranchés au fond d'une grotte, dans la Montagne Edelweiss.... Vampirisés après qu'on ait tué leur parent.... Elle avait dû les rassurer, et obtenir leur confiance avant de parvenir à les ramener ici. Mais bien qu'elle les avait sauvé d'une mort certaine, leur blessure n'était pas encore refermée. L'aîné était le plus caractériel et le plus dur, c'était lui qui avait protégé comme il avait pu sur sa petite sœur et son petit frère. La petite, aveugle, était totalement dépendante de lui. Mais le plus jeune s'était renfermé sur lui-même. Entre les scènes d'horreur qu'il avait vécu, et la soif avec qui il devait faire avec, difficile pour lui d'avancer.

-Je vous présente Raeden, vous allez voir, il est trèèèès gentil. Il vous a apporté de quoi boire, vous voulez bien manger avec lui ?

Pour impliquer toujours plus son père, elle lui avait confié un plateau de grand bol de sang chaud. C'était là un des meilleurs moyens d'introduire quelqu'un d'extérieur à ces enfants. Les trois petits bouts ne se firent guère prier, faisant confiance à Yulenka. Mais toujours... Le petit dernier restait explicitement en retrait, n'osant même pas regarder Raeden. Yulenka laissa son père faire, observant ses réactions, très attentive à ce qui allait se produire.

Alice lui avait demandé de venir à la Forteresse Ensorcelée. Il n'y avait rien de grave. Pas de quoi s'inquiéter ou de se retourner l'estomac pour ça. Juste quelque chose que la jeune femme tenait à lui montrer et qui semblait important à ses yeux, au point qu'elle veuille que son père comprenne. Il ne savait pas quoi encore, mais il était curieux. Et puis, si cela revêtait une telle solennité dans les propos de l'Impératrice de la Nuit, il ne pouvait que s'y plier. Non pas parce que c'était une obligation, mais tout simplement parce que ça tenait au cœur de sa fille. Il était donc à présent en train de parcourir les couloirs de la demeure des vampires, à la suite de son enfant, dans des zones dont il avait même pas connaissance, portant un plateau contenant plusieurs bols remplit de sang chaud. Jusqu'à présent, le bélua monstre s'était abstenu de poser des questions. Connaissant Yulenka, il était certain qu'elle ne lui répondrait pas, en tout cas, pas avant de l'avoir décidé. Il la suivait donc docilement, attendant le moment qu'elle choisirait, rongeant son frein.

Ils se trouvaient à présent dans une aile que l'Enfant de Phoebe ne connaissait pas. Il était vrai qu'il ne passait pas non plus sa vie à se balader dans les couloirs de la Forteresse ensorcelée, mais il fréquentait assez régulièrement les lieux pour commencer à se repérer assez facilement. Hors, là, il était totalement perdu. Heureusement que ce n'était pas grave et qu'il n'avait qu'à suivre sa fille. Des cris et des gémissements s'étaient fait entendre pendant leur avancée et avaient fait froncer les sourcils de Raeden. Cela avait aussi été le dernier élément qui avait fait sauter sa résolution d'attendre que la dentue prenne la parole.

Alice …. où m’emmènes-tu ? Et surtout … où sommes nous?

Il ne savait pas pourquoi, mais il ressentait comme une gène au fur et à mesure qu'ils avançaient. Ce n'était pas de la peur, mais quelque chose le tracassait, comme si une mouche géante bourdonnait en lui. Si on lui avait demandé de parler de ce qu'il éprouvait, il n'aurait sû le déccrire. Ce n'était pas douloureux, juste légèrement désagréable, comme l'est un moustique qui se pose sur votre peau. Cependant, avant qu'il ne puisse plus avant chercher ce qui provoquait cela chez lui, ils s'arrêtèrent devant une porte. Leur destination. La jeune femme poussa la porte, pénétrant dans la pièce, laissant à son père le loisir de la suivre, sans lui répondre. Une chambre d'enfant. Il ne s'était pas attendu à ça. En fait, il ne s'attendait à rien de précis, mais se retrouver dans la même pièce que trois gamins – quatre si on comptait Alice – ne faisait indéniablement pas partie de cette liste de rien. Il lui fallut quelques secondes d'ailleurs, pour comprendre qu'il n'était pas en face de simples enfants, mais de petits vampires, aussi bien par la taille que par l'âge de leur transformation.

Raeden comprenait à présent pourquoi il avait du se trimbaler un plateau rempli de bol de sang dans toute la forteresse. Il ne savait pas encore dans quel but sa fille l'avait amené ici, mais il était assez intelligent pour comprendre que ces enfants avaient vécu un sacré traumatisme. Doucement, sans geste brusque, il s'installa par terre, assis en tailleur, le plateau posé sur ses genoux.

Bonjour ...

Il tendit au plus vieux des gamins, un brun aux yeux bruns et à la mine revêche, la première coupole, que ce dernier transmis délicatement à sa sœur, une petite bouille blonde qui semblait atteinte de cécité. Le troisième bambin du lot, lui aussi blond, avec des yeux marrons virant sur l'ambre, était resté en retrait et n'avait pas même souris lorsqu'Alice avait annoncé qu'ils avaient apporté à boire. C'était à peine, en fait, s'il quittait ses chaussures du regard. Sans geste brusque, l'homme-ours déploya ses ailes rouges sang. De la pointe de l'une d'elle, il fit glisser jusqu'aux pieds du plus jeune, le dernier bol. Après cela, il les laissa négligemment reposer sur le sol. Il avait appris, il y avait bien longtemps de cela, aussi bien quand il était lui même enfant, que lorsqu'il était devenu père pour la première fois, que les ailes avaient toujours un attrait sur les plus jeunes. Pourquoi ? Il n'en savait rien, il n'avait pas réussi à résoudre ce mystère. Tout ce qu'il savait, c'était que c'était généralement un bon moyen pour fendre la glace.

Il jeta un regard à Alice, en haussant un sourcil interrogateur. Pourquoi exactement l'avait-elle fait venir en ce lieu ? Avait-elle besoin de lui pour quelque chose en particulier ? Voulait-elle des conseils pour s'occuper de ses enfants ? Espérait-elle que la présence de l'Immortel agisse positivement sur eux et notamment sur le renfermé ? Raeden ne pouvait s'empêcher de le regarder. Il avait l'impression que le gamin était un livre ouvert dans lequel il pouvait voir toute sa souffrance., même si cela n'était pas possible. Il fronça une nouvelle fois les sourcils, sa main venant frotter sa tempe, un léger mal de crâne venant de s'être installé sous son crâne.

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Jeep aidait sa sœur Chloé à se nourrir, comme souvent. Mais tandis que les deux premiers se nourrissaient, Louis restait en retrait. D'ordinaire, Chloé une fois nourrit venait l'inciter à manger à son tour, le rassurant, l'encourageant. Mais Yulenka souhaitait qu'il en vienne à se nourrir par lui même. Qu'il s'ouvre davantage, et ose sortir d'une bulle malsaine dans laquelle il s'enfermait. Elle ne la connaissait que trop bien cette bulle.... Elle observait tour à tour son père et l'enfant, faisant comprendre dans un message tacite qu'elle espérait son aide vis à vis de ce petit bout de chou. Il avait été et était son père. Il avait déjà élevé des enfants. Qui mieux que lui pouvait savoir quoi dire, quoi faire, pour consoler ces petits être fragiles ? Bien sûr il y avait Chess, mais la jeune impératrice n'était pas sûr que Louis soit en état d'affronter l'apparence singulière du gardien félin. Raeden avait une stature de père, il en avait le charisme, l'expérience. Les vampires étant rarement parents de manière générale, ou du moins pas dans ce sens là, il était compliqué de trouver quelqu'un possédant les dispositions nécessaires pour ce genre de cas. Il ne fallait pas seulement quelqu'un doué en matière de psychologie, il fallait quelqu'un de compatissant, d'humain si on pouvait s'exprimait ainsi.

Dans un sens, la jeune vampiresse avait fait mouche dans son choix, mais elle ne se doutait pas à quel point son père pouvait être empathique. Chose qu'ils allaient bientôt tout deux apprendre à leur dépend.... Mais pour l'heure, Louis observait du coin de l’œil le bol de sang posé devant lui. Il avait jeté des regards rapides et fuyant sur les ailes de Raeden, parce que c'était des ailes et que c'était cool des ailes. Il avait faim... Ou plutôt soif. Mais il avait tellement de mal à se faire à l'idée de ce qu'il avalait. Il connaissait la nature de cette "soupe rouge". Yulenka n'avait pas voulu qu'on leur mente. Bien qu'elle avait prit le temps et les formes, elle leur avait finalement tout expliqué de ce qu'ils étaient devenus. Le coup fut rude à accuser, mais la présence de Yuli et l'encadrement dont ils disposaient à présent avait beaucoup aidé. Ils étaient à l'abri, dans une demeure spacieuse et confortable, ne manquant de rien. Ce qui pour eux était bien différente de leur précédente vie. Mais la soif venait ternir ce tableau. Ils étaient devenus ce qu'ils avaient toujours considérés comme étant des monstres. Ce n'était pas chose facile à accepter, que l'on soit petit ou grand.

Jeep était le plus pragmatique des trois et avait décidé de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Il voyait le bon côté des choses, du moins du mieux qu'il le pouvait. Jusqu'ici, Yulenka ne lui avait pas menti, et ils avaient été mieux traité que jamais. Chloé avait quant à elle, conclut que tant qu'ils restaient tout les trois en sécurité et bien traité, le reste était bien secondaire, voire n'avait pas spécialement d'importance. Mais pour Louis.... Entre la mort de sa mère et le fait de devenir ce qui avait perturbé sa vie.... Il était perdu. Il ne savait plus trop quoi penser. Il redoutait que cette nouvelle vie aux apparences douces, ne soit qu'illusoire. Après tout.... Avant aussi il se croyait en sécurité. Il avait peur.... Il ne comprenait pas.... Et cette soif.... cette douleur.... La perte de sa mère.... Tant de choses à gérer pour sa petite tête. Chloé, bien qu'aveugle, connaissait son petit frère. Elle savait qu'il n'avait pas toucher à son bol, et même qu'il devait le fixer, comme si le sang allait venir tout seul à lui.

Allons Louis, mange, ça va refroidir !

Sous l'impulsion de sa grande sœur, l'enfant se décida à placer ses mains de chaque côté du bol. Mais il ne parvint pas à le soulever.... Ses petites mains tremblaient comme craignant de trop s'approcher de ce liquide. Yulenka vint poser une main dans le dos ce son père. Il savait peut-être quoi faire quoi dire.... Jeep lui continuait de manger et de nourrir sa sœur tout en regardant Raeden, puis Yulenka. Il finit par dire.

Vous inquiétez pas, on va l'aider aussi, il a toujours du mal mais ça viendra.

Yulenka avait déjà essayé de faire manger l'enfant. Il n'était pas farouche, et mangeait lorsqu'elle lui plaçait la cuillère devant sa bouche. Mais elle avait l'impression qu'il ne faisait cela que par gratitude de l'avoir sauvé. Avec son père, ça serait différent. L'enfant ne lui devait rien, et il pourrait être un peu plus libre avec lui. Elle voyait son père se masser les tempes, mais elle croyait que c'était parce qu'il réfléchissait à cette situation pour le moins délicate.

Le plus vieux frère et la fille avaient pris leur bol sans rechigné, certainement affamés, vu la façon dont ils avaient commencé directement à boire. Raeden se souvenait, douloureusement, il fallait le reconnaître, de la renaissance de sa fille et de la soif et la colère et la douleur dont elle avait fait montre quand elle était revenu tragiquement à la maison. Ce jour là, il aurait aimé comprendre ce qui se passait et que quelqu'un puisse aider son enfant. Il s'était retrouvé totalement démuni devant la situation . Il était heureux qu'Alice vienne en aide aux personnes qui subissaient la même chose qu'elle avait connu quelques années auparavant, d'autant plus si c'était des enfants. Par contre, d'une certaine façon, cela ne faisait rien pour aider à améliorer la vision que l'homme-ours avait de ces vampires qui en transformaient d'autres avant de les abandonner, sans aucune responsabilité, simplement pour assouvir une soif de sang, ou pour passer le bon temps ou quelque soit la cause.

Aux regards que lui communiquait l'Impératrice de la Nuit, le dernier des enfants, le plus jeune, Louis, si on en croyait l'exclamation de sa sœur aveugle. Cette dernière devient bien connaître son frère pour savoir qu'il n'avait pas esquissé un seul geste en direction du bol, alors qu'elle était aveugle et occupée elle-même à boire. Raeden observa donc attentivement le gamin blond, sans pour autant faire peser un regard lourd sur lui, ce qui risquerait de le mettre plus mal à l'aise encore qu'autre chose. Et au vu de la façon dont les mains du gamin tremblaient rien qu'en tenant simplement le bol, l'Enfant de Phoebe imaginait très bien ce qu'il ressentait. En fait, bien plus que de l'imaginait, il le ressentait, comme si c'était lui qui devait ingurgiter ce liquide qui lui faisait horreur, qui lui rappelait ce qu'il était devenu, que ses parents étaient morts par les mêmes monstres du peuple auquel il appartenait à présent. Le Paternel se secoua la tête, comme s'il s'ébrouait après avoir pris une douche. Il ne comprenait pas vraiment ce qui lui arrivait, mais il mettait ça sur le compte de ce que sa propre famille avait vécu.

Voyant que Louis ne se décidait toujours pas - ce qu'il pouvait comprendre -le bélua étendit ses jambes devant lui, laissant toujours ses ailes négligemment étirée autour de lui et prit la parole.

Tu sais, moi je me transforme en ours polaire. En quand je suis en ours, je mange des pingouins. C'est pourtant mignon et tout gentil les pingouins, mais c'est comme ça, je peux pas m'en empêcher, parce que les ours polaires, bah, ça mange les pingouins, comme les chats, ça mange les souris. C'est l'ordre naturel des choses. Les oiseaux volent, les chats attrapent les souris, les ours blancs se nourrisent de pingouins et les vampires vivent de sang!

L'Immortel ne savait pas si c'était la meilleur chose à dire, mais ça lui était venu naturellement. Evidemment que lui aussi, au début, il avait été perturbé par ses instincts animals, mais maintenant, il avait compris qu'il devait faire avec. Non pas lutter ni se laisser contrôler, mais simplement trouver un juste milieu. Lui sourit à l'enfant.

Vas-y … boit .. ça te fera du bien, tu verras. Au moins une gorgée … si tu le fais, je te laisserai toucher mes ailes.

Oui, c'était clairement du chantage. Et Raeden alla même jusqu'à légèrement faire bruire ses ailes, pour que la lumière vienne se refléter dans les plumes, pour les rendre plus attirante. Cependant, il avait beau sourire, son mal de crâne s'accentuaient de plus en plus et le faisait cligner des yeux un peu trop.

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Pour le plus grand soulagement de Yulenka, son père sembla avoir saisit le message et il s'approcha un peu plus de l'enfant hésitant. Le petit bonhomme continuait de fixer ce liquide carmin qui lui faisait à la fois tant envie et horreur. C'était là un spectacle presque surréaliste pour lui. Là, dans ce bol, y avait-il réellement une personne ? Quelqu'un qui était mort pour le nourrir lui ? Avait-il souffert ? Avait-il eu peur ? Avait-il essayé de se défendre ? Tant de questions qui se bousculaient dans une si petite et jeune tête.... Allait-il lui aussi devenir un monstre ? Allait-il lui aussi tuer des mamans et transformer des petits enfants ? Il ne voulait pas tuer de mamans.... Il ne voulait pas faire d'orphelins.... Et pourtant.... ce corps lui disait qu'il n'avait pas le choix. Il lui hurlait de prendre et de boire ce sang dont il avait vitalement besoin. Que faire ? Comment faire ? Son regard alla en vitesse sur les jambes de Raeden avant de fuir de plus belle, comme s'il n'avait pas le droit de le regarder. Il entendaient le bruissement de ses ailes. Attentifs bien que silencieux, Chloé et Jeep ne perdait pas une miette de ce qu'il se passait. Après tout c'était de leur petit frère dont il était question, et bien qu'en sécurité, tous trois étaient très soucieux et réactifs les uns envers les autres.

L'homme ne fit cependant que parler.... Gentiment. Les deux autres purent alors se détendre un peu. Il ne faisait qu'encourager leur frère à manger. Et cela dans un discours qui eu le mérite de susciter l'intérêt de l'enfant. Un homme... Qui se transformait en ours ? Et qui mangeait des pingouin ? L'idée était tellement folle qu'elle aurait presque pu en être risible pour ce petit être. Louis écoutait le bélua. Il était obligé de manger des pingouins qu'il trouvait mignons et gentils.... Et les vampires étaient obligés de boire du sang.... Ils étaient obligés de manger pour survivre.... Cela l'enfant le comprenait. Manger un animal ne l'avait jamais dérangé, surtout qu'il savait qu'il n'aurait jamais à le tuer. Mais là... C'était des messieurs et des madames qu'il fallait tuer et manger.... Des papas et des mamans.... L'enfant se rendit compte alors que les animaux qu'il avait mangé jusqu'ici étaient peut-être eux aussi des papas et des mamans de bébés animaux.... Alors.... était-il déjà un monstre ? Cette réalisation le perturbait énormément. Il fixait à présent le bol de sang avec stupeur. Il avait toujours été ce monstre.... il ne le savait juste pas.... Et en fin de compte... Les animaux aussi étaient des monstres. Ne se mangeaient-ils pas entre eux ?

La situation devenait de plus en plus compliquée dans la tête de l'enfant. Ce monde était-il peuplé de monstres ? Non.... ça n'avait pas de sens. Il fallait bien que les animaux vivent..... Il fallait bien que les humains tuent des animaux pour se nourrir eux aussi.... Mais.... Fallait-il que les vampires tuent les humains pour se nourrir ? L'idée était là..... Il lui fallait faire son chemin. Désacraliser la place de l'être humain, pour finalement se rendre compte qu'il n'était ni plus moins qu'un animal parmi les autres. Mais cela demanderait du temps.... Et pour l'heure tout cela était encore très flou et complexe pour lui. Et il était toujours dubitatif devant son bol de sang ! Un pingouin..... Un ours.... du sang..... et lui. Le monsieur disait que les choses étaient ainsi. Peut-être avait-il raison. L'enfant avait soulevé le bol, et l'observait, toujours assez peiné. Le papa ours pas en peluche usa alors d'une vieille technique de parents, la technique de la carotte ! Toucher des ailes.... Des grandes ailes.... Pas des ailes de poulets, des vraies avec qui on pouvait voler ! L'enfant lança des regards furtifs vers l'homme. Il avait envie de toucher ces ailes qui avaient l'air si douce....

Il observa la bol de sang.... Il fallait qu'il mange... Comme les ours... avec les pingouins.... Il n'avait pas le choix. Et puis ça éviterait que Chloé le houspille parce qu'il mange pas sa "soupe" ! Il pris une gorgée, comme lui avait demandé l'homme, pour qu'il tienne sa promesse. Mais.... Les effets de cette gorgée le soulageaient tellement. Il se sentait si apaisé si bien lorsqu'il buvait ce liquide si particulier. Comme s'il s'agissait d'une potion miracle qui soignait tous les problèmes de son corps. Les gorgées se succédèrent comme à chaque fois qu'il commençait à boire. Le sang était plus qu'une nourriture pour un vampire. C'était une délivrance. La fin de la soif qui les tourmentait au delà de leur raison, jusqu'au tréfonds de leur âme. L'espace d'un instant, il n'y avait plus de tourment. Le sentiment de soulagement, d'apaisement était plus fort que tout. Et lorsqu'il eu fini de boire. il reposa son bol, se surprenant à chaque fois de l'avoir terminé sans plus de difficultés que cela. Alors que cela lui était si pénible de commencé.... Mais... Il avait réussi ! Ce qui a chaque fois était une mini victoire. Il n'osa pas regardé l'homme, ni même lui réclamer son dû. Il attendait que les ailes viennent à lui. Il jouait distraitement avec ses doigts, trahissant une impatience frustrée par sa timidité. Il finit par dire d'une voix mal assurée.

J... .... j'ai mangé mon pingouin.....

Yulenka elle souriait. Fière de son papounet, et fière du petit bonhomme. Elle était contente de voir que la présence et le discours de son père avaient fait mouche. Surtout que ce n'était là que le début. Elle lui réservait par la suite un... spectacle bien plus dur à voir et à supporter.... Surtout pour lui. Mais c'était là une autre étape cruciale à son sens. Lui permettre de voir d'un œil extérieur, une des scènes des plus sombre de leur passé commun....

Louis rebutait toujours visiblement à boire son bol, sa pitance. Il n'avait pas une seule fois regardé Raeden en face et à chaque fois que son regard se posait sur l'homme, il s'empressait de le détourner, comme si rien que ça était mal ou qu'il ne se sentait pas assez pur et sain pour avoir le droit de faire une telle chose. Evidemment, tout ceci était faux, mais ça, personne ne pouvait le décider à la place du gamin. Il était le seul à pouvoir surmonter cela et à faire le premier pas. Puis le Bélua sentait bien que ême si jusqu'à présent, le grand frère et la sœur n'avaient pas fait grand chose, leur tension était monté quand l'attention du Paternel s'était porté plus particulièrement sur le petit dernier de la fratrie. C'était normal, ils voulaient prendre soin les uns envers les autres et l'homme ne pouvait en aucun cas le leur reprocher, au contraire. Il avait toujours soutenu et encouragé la cohésion de groupe et le soutien familial et fraternel. La famille, qu'elle soit de sang ou non, était importante.

Pour ne pas mettre la pression à Louis et lui laisser faire son choix seul – même s'il l'avait quand même un petit peu manipulé avec la proposition des ailes – l'homme-ours reporta son attention sur les deux autres enfants. Eux avaient bu leur bol sans rechigner, comme s'ils s'étaient fait à l'idée de ce qu'ils étaient devenu. Bien sur, le drame de la perte de leurs parents était toujours là, omnniprésent, mais ils avaient compris qu'ils ne pouvaient rien changer de leur état et ils essayaient donc de faire avec, de s'y habituer et de s'y accomoder, pour vivre au mieux et pouvoir recommencer une nouvelle vie. Même si l'écart d'âge n'était pas très important entre l'ainé et le benjamin, ces quelques années suffisaient pour rendre l'appréhension de la situation différente. Même si le regard de Raeden n'était plus porté sur le blond, une partie de son attention était toujours tournée vers lui, pour savoir ce qu'il ferait, ce qu'il déciderait.

Alors vous deux, comment vous appelez vous ?

Un léger bruit de raclement au sol se fit entendre quand Louis prit le bol et le porta à ses lèvres. Celle de l'Enfant de Phoebe s'étirèrent à leur tour. Son petit manège avait marché, l'enfant avait bu. Et pas seulement qu'une gorgée. A peine le liquide carmin avait-il franchi les lèvres du plus jeune qu'il avait continué à boire, une sensation de bien être et de soulagement se déversant de lui. Encore meilleur qu'un beaume que l'on aurait posé sur une brûlure. Le regard de l'Immortal se porta un instant sur sa fille, comme s'il découvrait une nouvelle facette de ce qu'elle vivait au quotidien. En fait, d'ailleurs, il ne réalisait même pas qu'à l'instant, il ressentait les émotions de Louis, comme s'il les vivait lui même. Il savait juste des choses, des sensations qui l'habitaient, sans savoir d'où elles venaient … sans même réaliser en fait que ce n'était pas les siennes, ni même une révélation que son esprit aurait eu en observant ses enfants.

Louis annonça qu'il avait mangé son pingouin. Il ne rajouta pas qu'il méritait donc sa récompense, à savoir toucher les ailes du bélua, mais ça s'entendait bien dans sa voix et surtout dans la façon qu'il avait de tripoter et de tordre dans tous les sens ses mains, comme pour les retenir d'aller toutes seules jouer avec les plumes.

Aaaahhh

Expirant l'air de ses poumons dans cette exclamation, Raeden se laissa tomber sur le ventre, comme un grand pacha paresseux, étendant au maximum ses ailes. Ces dernières vinrent recouvrir et chatouiller aussi bien Louis que Jeep et Chloé et manière douce et nonchalante. Il ne fallait pas non plus les effrayer avec une action trop brusque. Ce n'était pas le but recherché. Sur un ton de conspirateur, il murmura aux enfants, mais de façon à ce que sa fille puisse quand même entendre :

Faut rien dire à Yulenka, hein, les enfants. Sinon, elle va faire sa jalouse alors qu'elle peut les avoir quand elle veut!

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Jeep, Chloé et Louis. Tels étaient les prénoms des trois enfants que Yulenka avaient récupéré et qui étaient donc devenu pupille du peuple Vampire. Leurs aventures, péripéties et difficultés face à la vie n'étaient pas terminées, loin de là, mais à trois, unis comme ils l'étaient, ils arriveraient à les surmonter, Raeden n'avait aucun doute là dessus. Il leur fit d'ailleurs la promesse tacite et silencieuse de venir les voir aussi souvent que possible et s'il ne pouvait se déplacer, il prendrait quand même de leurs nouvelles auprès de l'Impératrice de la Nuit qui, il en était sur, ne manquerait pas d'avoir toutes les dernières informations sur eux et leur progrès. Pour l'heure, il leur donnait un peu de bonheur et de joie, à sa façon. Ils en avaient besoin, ne serait-ce que pour oublier pendant quelques instants ce qu'ils avaient vécu et la situation dans laquelle ils se retrouvaient à présent. Ce n'était pas grand chose, mais c'était déjà un pas dans la bonne direction pour eux.

L'ours en peluche mais pas en peluche éclata de rire en entendant la réplique de sa fille, ce qui fit encore plus rire les enfants, tout comme sa mimique boudeuse. Il n'en fallait pas plus pour amuser la galerie et parfaire au mieux cette rencontre. Cela n'avait été qu'une pause dans la tempête, mais elle avait fait du bien à tout le monde, pour ressourcer et redonner des forces de façon à affronter le reste avec le plus d'armes possible en main. S'il l'avait fallu, le Bélua aurait été prêt à rester ainsi des heures, affalé au sol tel un pacha, pour le plaisir des enfants et entendre leur rire. Ce son, surtout depuis qu'il était devenu père, était l'un des plus beaux au monde, selon son avis et pour rien au monde il n'aurait souhaité qu'il disparaisse. Mais chaque bonne chose avait une fin et il était venu le temps pour la fratrie de se rendre à l'école, comme l'Enfant de Phoebe l'apprit quand une femme entra dans la chambre pour venir les chercher et les accompagner. Le Paternel les regarda partir, toujours étendu par terre, avant de finalement se redresser quand la porte se referma et que le silence revint dans la chambre.

L'Impératrice les firent tous les deux sortir et ils repartirent dans les couloirs. Elle ne disait toujours rien quant à la suite du programme qu'elle réservait. Ils arrivèrent à destination, prêt d'une balustrade surplombant une salle, une fosse. Un vampire armé se tenait au même niveau qu'eux. Sur un signe de tête de sa reine, il quitta les lieux sans un mot. Raeden le suivit du regard tandis qu'il s'éloignait, demandant à sa fille :

Qu'est ce que tu me réserves maintenant?

Quelque chose lui soufflait à l'oreille que ce pour quoi elle l'avait amené ici était beaucoup moins simple et abordable que les trois enfants un peu plus tôt. Alors qu'il fixait du regard Alice, ses yeux dérivèrent et vinrent se poser sur Nathan, comme attirés par un aimant. Il déglutit soudain difficilement, comme s'il était malade. Pour un peu et il avait l'impression de revivre les symptômes de sa crise de foie après avoir trop mangé de chocolat, mais en dix fois pire. Pourtant, il n'avait rien mangé ni rien fait qui puisse le mettre dans cet état. Ce n'était quand même pas la vu de l'adolescent visiblement souffrant, en contrebas, qui le mettait dans une telle situation ? Si c'était ça, il s'était bien ramollis ! Cependant, il dut tendre une main en avant et se rattraper à la balustrade, sa vision se troublant tandis qu'il avait l'impression que son cerveau était en train de bouillir, prêt à exploser. Il ne savait pas ce qui lui arrivait, il ne comprenait pas. D'ailleurs, plus ça allait et moins il arrivait à réfléchir posément. Ses deux mains sur la rambarde se refermèrent et se crispèrent, les jointures blanches, presque jusqu'à faire gémir le métal sous la pression.

Alice ….

Les mâchoires crispées à en faire grincer les dents, ceci était un appel à l'aide et en même temps une mise en garde, pour la prévenir que quelque chose n'allait pas avec lui, qu'il ne savait pas ce qui était en train de se passer et qu'il avait peur des réactions qu'il pourrait avoir. Ses jambes se dérobèrent sous lui pendant qu'il poussait un grognement de douleur et que ses mains vinrent se refermer sur sa tête. Recroquevillé au sol, en position foetale, comme si cela pouvait le protéger de quoique ce soit, il poussa un hurlement de souffrance, au même instant que la rage de sang prenait le pas dans l'esprit du jeune vampire Nathan. Mais tout ceci avait été balayé de la pensée de Raeden. Tout ce qui restait était le corps torturé du Bélua, qui ne présentait pourtant aucune trace de blessures extérieurs ni mêmes internes, ni non plus enchantement magique. Et pourtant, il était là, par terre, incapable de faire autre chose que d'hurler à s'en arracher les cordes vocales et à s'en faire exploser les poumons.

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Le spectacle était difficilement supportable pour un vampire. Eux mieux que quiconque savait ce que ce jeune vampire endurait. Ils étaient tous passé par là.... Yulenka observait la scène, l'air grave et digne. Elle aurait voulu l'encourager et le rassurer ce pauvre vampire. Mais ce n'était pas son rôle aujourd'hui. Il devait passer par cette étape pénible et douloureuse. Bien qu'insoutenable, tout ce qui se passait jusqu'ici était "normal" ou du moins préparé. Il fallait encadrer les crises, pour mieux apprendre à les contrôler, à dominer la soif. Un exercice fastidieux mais inéluctable. Toutefois.... tout ne se déroulait pas comme prévu.... La jeune Impératrice entendit son père l'appelé d'un ton tendu, crispé, qui n'annonçait rien de bon. Et lorsqu'elle se tourna vers lui en fronçant légèrement les sourcil, elle le vit s'effondrer au sol en poussant un hurlement à l'unisson de celui de Nathan.

-PAPA !

Yulenka panique et se précipita au chevet de son père. Elle l'appelait, lui demandait de lui dire ce qu'il se passait, ce qu'il avait, elle l'implorait d'essayer de se calmer. Mais rien n'y faisait. Le garde, alerté par les cris de la reine et les hurlements différents de celui de Nathan, se précipita à son tour au chevet du bélua. En contre-bas le vampire fut quelques peu perturbé d'entendre un autre hurlement déchirant de souffrance, mais il ne s'attarda guère dessus. Il avait un jeune vampire à gérer, et il ne pouvait pas se laisser distraire. Le garde était là pour palier à tous problèmes éventuels. Complètement paniquée face à l'état incompréhensible de son père, Yulenka employa toute sa magie blanche pour essayer de soigner un mal dont elle ignorait tout. Le garde vampire observa le bélua circonspect, avant de finalement lâché, assez incrédule de ses propres propos.

Il.... Il fait une crise de soif ?

-C'est impossible ! Ce n'est pas un vampire !

Et pourtant, la magie de la jeune vampiresse était bien inefficace pour son père.... De son côté, l'aîné qui était avec le jeune vampire en crise de soif, s'occupait à le guider. Car c'était là le rôle du vampire qui essuyait à présent les attaques de Nathan. Il l'aidait à apprendre à contrôler et juguler cette soif. Un acte impensable impossible pour tous les jeunes vampires, tant elle était puissante à leurs yeux. Et il était vrai qu'il fallait du temps pour parvenir à la dompter. Le vampire parait les coups, et ne cessait de parler à Nathan, l'invitant inlassablement à se calmer, à se ressaisir, l'appelant par son nom. Il l'attrapa, le sanglant avec l'un de ces gros bras pour l'empêcher de le frapper, et lui mettant le second sous le cou pour l'empêcher de mordre. A partir de là, ayant maîtrisé Nathan, il lui parla encore et encore, lui disant quoi faire, le conseillant, l'entravant pour lui permettre à son esprit de reprendre le contrôle de son corps. Et après d'interminables minutes qui furent d'un tourment ineffable, Nathan s'effondra dans les bras de son aîné. Ce dernier le retint pour l'empêcher de tomber au sol. Le pauvre garçon, qui avait retrouver la couleur de ses yeux, tremblait de tout son être, en proie à une crise de larmes. La pression était retombée et laissait place à la dépression. Il se sentait si faible, si démunie face à sa propre nature. Si misérable de ne pas être parvenu à se contrôler et avoir attaqué un vampire qu'il semblait estimer. Il souffrait, épuisé et encore un peu confus.

La crise de Nathan terminée, une autre s'acheva de concert..... Dans une simultanéité qui interpella et choqua la reine et son garde. Pourquoi..... Un bélua souffrait-il de crise de soif, en présence d'un vampire assoiffé ? Le vampire attaché à la sécurité restait sur ses gardes. Un vampire assoiffé attaqué à l'aveugle, et il y avait un risque que l'homme se mette à attaquer sa reine. Auquel cas, il devrait agir et d'interposer pour la protéger. Yulenka fut néanmoins soulagée de voir son père être plus calme. Elle prit doucement sa tête entre ses mains, serrant cette dernière contre elle. Elle lui parlait doucement, très perturbée néanmoins par ce qu'il venait de se passer.

-C'est fini..... C'est fini.... Calme toi.... Respire doucement....

Cela ne devait pas se passer ainsi.... Cela n'aurait jamais dû se produire. Que s'était-il d'ailleurs passé au juste ? Pourquoi cette réaction ? Nathan fut évacué par son précepteur, qui le portait presque. Il l'encourageait lui disait qu'il avait fait des progrès, qu'en continuant ainsi, tous cela ne serait bientôt plus qu'un mauvais souvenir. Il lui avait donné une petite gourde de sang pour lui redonner un peu de force. Un tout qui permit au jeune vampire de se requinquer un peu et de le consoler. L'apprentissage était dur et douloureux, mais on l'aidait bien. Après un petit moment, Yulenka aida elle aussi son père à se relever, décidant d'arrêter là l'immersion dans le monde caché des vampires. La journée avait été assez éprouvante pour tout le monde. Elle remercia le garde, lui assurant qu'elle prenait les choses en mains et qu'elle serait prudente. Le vampire ne pouvait de toute manière pas aller contre ses ordres. Il laissa le père et la fille s'éloigner, espérant qu'il ne regretterait pas son acte. Le duo Liddell arriva dans la chambre de Yulenka, où elle allongea son père sur le lit.

-Comment te sens-tu ? Que.... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Son corps se liquéfiait. Son sang était devenu plomb en fusion, dévorant chaque parcelle de son être, irradiant chaque terminaison nerveuse, tétanisant et réduisant en tas de chair informe ses muscles, tendant à les en faire rompre ses tendons et ses ligaments. Ses yeux ne voyaient plus rien, ses oreilles avaient cessé d'entendre. Chaque respiration lui donnait l'impression d'avaler des milliers de morceaux de verre et de lames aiguisées. Le monde autour de lui avait totalement disparu, remplacé simplement par une vision carmin. Il en avait même oublié qui il était et ce qui se passait quelques secondes plus tôt. Il sentait des mains sur lui, mais c'était à peine plus que des touchers d'ailes de papillons, quelque chose de si lointain, de si léger qu'il n'était pas certain que tout ceci fut vrai. Il n'arrivait pas à se détacher des émotions qui l'assaillaient de toutes parts. Il n'arrivait pas à faire la part des choses. Il se noyait sous chaque impulsion électrique, incapable de reprendre pied dans le monde réel. Tout ce qu'il savait, c'était cette douleur, cette souffrance qui le dévorait de l'intérieur.

Puis lentement, comme si la marée était passée par là, tout ceci reflua pour s'étioler et disparaître, laissant Raeden pantelant et secoué sur le sol froid de la Forteresse. Son corps tremblait, incapable de s'arrêter, comme s'il était en situation d'hypothermie, ou quelque chose du genre. Il clignait des yeux, ayant du mal à retrouver une vision nette, comme si son cerveau était encore coincé dans les tourments qu'il venait de vivre. Peu à peu il se rendit qu'il était par terre et de la présence de deux personnes, sa fille et un garde … celui-là même qu'elle avait renvoyé un peu plus tôt. Il n'arrivait pas à avoir un souvenir net de ce qui venait de se passer. Il ne comprenait pas tout, tout comme le fait que sa tête reposait à présent entre les mains d'Alice, lui murmurant des paroles apaisantes. C'était habituellement lui qui faisait ça, qui agisait de la sorte, présence rassurante. Mais là, les rôles avaient été inversés et il était encore trop confus pour réaliser réellement.

Il ferma un instant les yeux, suivant les conseils judicieux de l'Impératrice de la Nuit. Il avait la gorge aussi sèche qu'un désert et chaque parcelle de son corps lui donnait l'impression d'avoir été roué de coups, pourtant, il savait que ça n'avait pas du tout été le cas. Enfin, lentement, le Bélua se remit debout, aidé par son enfant. C'était à peine s'il arrivait à tenir debout tout seul. Il était à présent habité par de la crainte et de l'inquiétude, même si encore une fois, il ne comprenait pas les raisons de telles émotions en lui. Il avait l'impression de ne plus avoir aucune emprise sur ses sentiments. Une nouvelle fois, Yulenka renvoya le vampire tandis que tous les deux regagnaient posément la chambre de la jeune femme. Elle fit installer son père sur son lit avant de se poser à côté de lui pour le questionner. Elle aurait aimé savoir ce qu'il venait de se passer. Si seulement. Tout tourbillonnait dans la tête de l'Enfant de Phoebe, à tel point qu'il en avait le vertige. Il n'arrivait déjà pas à se décrire à lui même ce qui était en train de lui arriver. Comment pourrait-il donc le partager à autrui.

Ses mains tenaient encore sa tête, comme si elle était toujours sur le point d'exploser. Etendu sur le matelat, il n'arrivait pas à se détendre, à faire le calme et le vide en lui. Il sombrait corps et âme dans toute cette mélasse. Lui avait-on jeté un sort ? Dans ce cas là, qui et pourquoi ? Tant de questions, pas de réponse et rien qui ne s'arrangeait. Il avait beau essayer de prendre de profondes et lentes inspirations, son cœur ne donnait pas l'impression de vouloir calmer ses battements, ni même la douleur sourde sous son cuir chevelu. Ses doigts se refermèrent un peu plus fermement sur ses cheveux, comme pour trouver un appui à quelque chose de concret, de tangible. Il crispa un peu les mâchoires avant de se forcer à les détendre pour pouvoir sortir quelques mots.

J'ai …. l'impression de devenir fou …. Je ne comprends pas … Je ne sais pas ce qui m'arrive … Raah ma tête …. une forge s'y est installée !

Son corps tremblait encore légèrement, tandis que des gouttes de sueurs perlaient sur son front, suivant lentement leur chemin le long de son visage.

Je brûlais de l'intérieur … voyait rouge... et tout le reste avait disparu …. Juste cette souffrance insoutenable ...

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Qu'est-ce qu'il s'était passé.... C'était là le mystère du siècle. Pourtant tout avait été soigneusement préparé pour que tout se passe bien. Il n'y avait rien de foncièrement dangereux, même pas de contact réel avec des vampires adultes, alors.... Pourquoi ? Le pauvre homme parvenait à peine à marcher, sa fille l'ayant presque transporté jusqu'au lit. Et même allongé, il semblait encore si perturbé, si troublé. Il avait tout de même finit par parler, mais cela n'arrangea pas vraiment leur affaire. Son discours était brouillon, confus, et ne donnait guère d'explications rassurantes à la demoiselle. Et pourtant elle en aurait bien eu besoin en cet instant ! Assise à côté de son père, elle réfléchit à ses propos. Elle songeait de nouveau à ce que ce garde lui avait dit. Une crise de soif..... Mais c'était impossible ! Il aurait fallu qu'il soit vampire pour cela, de près ou de loin. Et s'il y avait eu la moindre parcelle de vampire en lui, elle l'aurait immédiatement senti. Et pourtant..... La description qu'il faisait de ce qu'il avait ressenti.... Son état, cette.... Crise..... Tout s'y rapportait. La jeune Impératrice n'y comprenait plus rien. Un état de soif chez un non vampire, on lui aura tout fait.

-Tu.... Je ne saurais pas te l'expliquer mais.... Tu... tu présentes les symptômes d'un vampire.... Lorsqu'il fait une crise de soif.... Je n'ai aucune idée de pourquoi....

La jeune fille était bien placée pour savoir à quel point cela était déjà insoutenable pour un vampire, qui lui y était soumis régulièrement. Alors pour un bélua qui ne savait pas ce que c'était, cela avait dû être un choc terrible. Yulenka se tordait distraitement les mains, très inquiète et perturbée. En fait, elle ne savait pas vraiment quoi faire ni quoi dire. Elle était cela dit soulagée que cela se soit fini. Car s'il avait eu une crise de soif complète, une vraie, si on pouvait s'exprimer ainsi, il aurait fini par attaquer quelqu'un à la recherche de sang. Et cela, elle ne le savait que trop bien. Elle ne put s'empêcher de penser une fois encore à ce fameux soir. Ce triste soir. Avec le recul elle savait à présent qu'elle était sous l'emprise de la soif elle aussi. Et ce fut la réaction paniquée de son frère et de sa mère qui eurent fini de l'achever. L'instinct vampire, l'instinct de survie, même complètement biaisé par la confusion, avaient reprit le dessus.

Elle se souvenait encore de cette douleur, de cette fureur qui l'avait envahie. Son être tout entier en avait vibré, comme si les émotions résonnaient en elle. Il n'y avait dès lors plus rien, plus de monde, plus de famille, même plus elle en fait. Il n'y avait que des pulsions.... Qui ordonnaient la survie.... Qui ordonnait le combat.... Qui ordonnait l'extermination. Il n'y avait plus que des cibles, des dangers, qu'il fallait mettre hors d'état de nuire. Il n'y avait plus que des sources de sang, qui était nécessaire à la survie, à l'apaisement. Il n'y avait plus de fille, ni de sœur, juste un corps, avec des capacités et des besoins. Les sensations étaient toujours là, vivantes comme au premier soir, Comme si cela s'était passé hier. La jeune fille en vint jusqu'à déglutir, en se massant les yeux. Les souvenirs étaient parfois bien vivaces. Beaucoup plus qu'elle ne pouvait elle-même l'imaginer d'ailleurs. Son rythme cardiaque en avait lui même changé, un peu plus rapide sous la tension. Elle avait pourtant étudié la chose longuement. Sa raison lui avait d'ailleurs permit la conclusion de se dire qu'elle n'était pas réellement responsable de ses actes ce soir là. Qu'elle n'aurait pas pu échapper à sa soif.... Et que tout cela était tristement et durement une désastreuse succession de malchance. De quoi apaiser un peu les remords qui l'avaient si longtemps et si durement torturée. Mais toute la raison du monde ne suffisait pas à faire taire complètement l'affectif. Une partie d'elle regrettait et regretterait toujours ces actes. Quand bien même elle savait que cela ne lui servait strictement à rien, et qu'en plus c'était injuste. Mais les choses étaient ainsi. Et la folie sanguinaire qui l'avait frappé ce soir là, dont elle se souvenait encore parfaitement, allait de nouveau frapper. Dans un cercle vicieux, une spirale infernale qui semblait ne jamais vouloir finir.... Le tout dans le secret et le mystère complet.

Les mots d'Alice résonnaient sous le crâne de Raeden, mais il n'arrivait pas à les comprendre. Ou plutôt, il les entendait parfaitement, connaissait chacun d'eux, mais était incapable d'intégrer le sang de la phase. Ce qu'elle disait était tout bonnement impossible. Lui, un bélua, avoir une crise de soif de sang ? Les mêmes symptômes et les mêmes réactions qu'un vampire ? Cela n'avait ni queue ni tête. Si de telles choses pouvaient arriver, ça se saurait, les gens en auraient déjà parlé. Et on n'avait jamais encore entendu ou lu quelque part que les béluas carnivores pouvaient soudain être prit d'une violente et insoutenable envie de dévorer tout le monde pour avoir de la chair fraîche et du sang chaud. Il secouait la tête en signe de dénagation, mais cela ne faisait que raviver son mal de crâne. Il devait forcément y avoir une autre explication. Une maladie quelconque ? Non … Alice l'aurait découverte lorsqu'elle avait tenté de le soigner à la magie blanche un peu plus tôt. Un revers et un effet à rebours de son changement de race ? Possible mais peu probable, même s'il ne fallait écarter aucune hypothèse.

De nouveau, telle la vague d'un tsunami, le voile rouge sang s'abattit sur Raeden. Ca recommençait, sans qu'il ne sache pourquoi ni comment. Il en suffoquait sous la charge puissante et virulente, tout son corps tremblant. Chaque seconde et micro-seconde s'égrainant étaient en train de réduire à grande vitesse, en peau de chagrin, la pensée cohérente du Bélua. Le sang battait à ses tempes comme un roulement de tambour surpassant et détruisant tout sur son passage. L'ours en lui ne demandait qu'une seule chose : sortir et répandre de l'écarlate partout sur son chemin pour s'en repaître et s'y complaire. L'Immortel résistait, ne voulant pas que ça arrive, mais ses dernières forces mentales cédèrent et l'animal fut libre. On aurait dit qu'il éventrait le pauvre homme pour sortir, tandis qu'un hurlement mi-humain mi-animal se faisait entendre, avant que seulement le grondement d'un plantigrade ne résonne entre les pierres de la forteresse. Disparu totalement, l'ours polaire en peluche. Ce qui se tenait présentement devant l'Impératrice de la Nuit était simplement une masse de muscle, de crocs et de griffes qui avait perdu toute humanité, tout raisonnement, toute conscience.

C'est ainsi, qu'éventrant le lit sur lequel la bête était, elle fit un bon en avant pour porter atteinte à l'intégrité physique de la jeune femme. Il n'y avait d'ailleurs plus de vampire, de Yulenka, d'Alice, de fille, ni même de jeune femme. Juste un tas de chair vivante qui offrait tout ce dont on avait besoin pour peu que le lui arrache. Tout ça à porté de griffes. Il n'en fallait pas plus pour que l'animal allonge puissamment la patte pour griffer l'air en face de lui, dans le but d'ouvrir en deux cette chair si fine et délicate pour laisser sortir et se répandre sur le sol tout ce qu'elle retenait. Son regard ne revêtait plus rien de sensé ni d'intelligent. Juste de la rage et bien au delà ? Juste la Mort pour quiconque le croiserait. Pourtant, au premier sang qui perla, une sonnette retentit dans le cerveau de l'ours. Il ne pouvait pas. Pas sur cette personne ! Sa rage décupla … mais au lieu de continuer à tenter de tuer l'être en face de lui, il s'en prit au mobilier de la chambre, à tout ce qui lui tombait entre les pattes et les crocs, sans aucune pitié, sans aucun sursis ni aucun répit. Un ouragan, une tempête qui faisait tout voler dans la pièce et ne laissait plus que des meubles brisés et bons pour faire du petit bois pour le feu.

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Tout s'était passé si soudainement.... Trop soudainement pour la jeune femme. Elle avait vu son père se changer brusquement en ours. Mais pas l'ours presque en peluche, pas son nounours de père. Non, c'était là une bête sauvage, mais même pas avec sa splendeur naturelle. Car les traits de l'ours étaient déformés par une fureur et une folie sanguinaire qui ne lui étaient pas naturels. Alice eu tout juste le temps d'éprouver de la peur, de figer ses grand yeux bleus dans le regard aliéné de son père, que ce dernier frappa. La vampiresse poussa un petit cris tandis que les griffes massives et tranchantes de son père avait déchiré, tranché sans le moindre ménagement, aussi bien ses vêtements que sa chair. Sous le choc de l'attaque, Alice était tombée en arrière, sa tête venant rencontrer le coin de la table de chevet. Un second cris avant une inconscience, peut-être préférable au final. Mais pour elle seulement.... Car le pauvre bélua essuyait à présent une lutte intérieur avec une rage qu'il devait extérioriser. La forteresse entra alors en action. Douée de sa propre volonté, elle vint trouver Yclipt dans son bureau, et l'expulsa de ce dernier pour le faire atterrir dans la chambre royale.

La pauvre conseiller ne comprit absolument rien de ce qu'il venait de se passer, tenant encore à la main la plume, avec laquelle il rédigeait des directives et des courriers. Jamais la forteresse ne lui avait fait un coup pareil, ce comportement là n'était pas normal. Mais lorsqu'il perçut la chambre complètement retournée et éventrée, son sang ne fit qu'un tour. Il se releva d'un bond entendant les grognements et les hurlements de l'ours, qu'il reconnu comme le père de sa reine. Sa reine.... Où était-elle en cet instant visiblement critique ?! Il esquiva les attaque de l'ours, s'apprêtant à appeler l'Impératrice lorsqu'il la vit, allongé par terre, blessée et surtout inconsciente. Son cœur cessa de battre l'espace de quelques secondes, tandis que cette scène cauchemardesque et surréaliste le saisissait.

YULENKA !!!

Yclipt réagit très vite, gardant son sang froid. Révélant alors une puissance qu'il se gardait bien d'afficher, il brava ni plus ni moins l'ours à mains nues. Il lui décocha une fabuleuse droite, usant d'une vitesse déstabilisante pour éviter les coups, et profitant d'avoir un peu étourdi l'ours, il lui choppa la gueule d'une main ferme, le forçant à croiser son regard. Affichant un air déterminé et assuré, il ordonna à Raeden sur un ton autoritaire.

REGARDE MOI !

Le pauvre bélua n'avait pas trop le choix et Yclipt devait faire très vite s'il ne voulait pas se manger un coup de patte qui l'aurait envoyé balader. Mais sa magie puissante opérait déjà. Et en bon vampire, la magie d'aliénation n'avait aucun secret pour lui. Il prit ainsi le dessus sur le bélua, devenant temporairement son maître, à qui il ne pouvait refuser l'obéissance. Obéissance qui serait de toute manière grandement aidé par le fait que Yulenka était sonnée et donc incapable d'avoir de ressentiments négatifs. Sans perdre la moindre seconde, Yclipt ordonna à Raeden de se calmer et de ne plus bouger. Le vampire se précipita vers Yulenka, l'estomac serré. Pourquoi est-ce que cette famille était toujours comme ça ?! A provoquer des situations incompréhensibles et impossibles ! Il examina sa blessure, fébrile. Les griffes de l'ours avait fait des vilaines déchirures du cou de la demoiselle jusqu'à sa clavicule. Une chance qu'il n'avait pas touché une artère !

Yulenka ! Yulenka réveillez-vous ! Majesté ! LYZZIIIIIIIIIIE !!! LYZZIIIIIIIIIIIIIIIE !!!

La forteresse frappa de nouveau, et la pauvre gouvernante se retrouva avec une pile de linges entre les mains au milieu de la chambre dévastée. Ne comprenant pas trop, elle envoya le linge paître voyant un ours dans une chambre et sa reine inanimée.

MADEMOISEEEEEELLE !

Lyzzie ! Des linges et des soigneurs ! Je la mène dans la chambre d'à côté !

Les blessures visibles n'étaient pas mortelles pour le conseiller, loin de là, mais il ne savait pas si la jeune fille était blessée autre part. Une fracture ou une hémorragie, ça ne se voyait pas toujours. Il la porta dans la chambre annexe, tandis que la gouvernante était venue avec des linges. A peine allongée que Yulenka commençait à bouger la tête, avant de finalement ouvrir les yeux. Yclipt fut soulagé de la voir se réveiller, et Lyzzie aussi, elle laissa échappé un soupir de soulagement. La vampiresse à poils bleus ramena ses mains à sa tête en grimaçant.

-Aouch..... Y... Yclipt ? Où.... Où est mon père ?

Avant que je fasse venir votre père altesse, vous allez m'expliquer ce qu'il s'est passé.... Et ne vous avisez pas d'essayer de m'entourlouper ou je vous promets que je vous fais passer un sale quart d'heure....

Lyzzie vint éponger les plaies, tout en écoutant attentivement la vampiresse. Tout comme Yclipt, elle avait eu une sacrée frayeur. D'ailleurs le ton intransigeant de ce dernier n'en était que l'expression déguisée. Faisant le tri dans ses pensées, Yulenka rassemblait ses souvenirs, un peu confus, surtout avec ce mal de crâne.

-On... On discutait.... Mon père a... a fait une crise de soif... et.... Je l'ai amené dans la chambre pour qu'il se repose.... Et soudain.... il s'est transformé et.... il m'a... Je.... Je ne sais pas ce qu'il s'est passé Yclipt.... Je ne comprends pas....

Si son discours était incohérent et difficilement croyable, son regard hagard et désemparé lui ne laissait aucun doute quand à sa sincérité. Sa jeune reine était véritablement perdue en cet instant. Il voyait bien qu'elle cherchait dans son regard, un semblant de réponse, n'importe quoi qui aurait pu la rassurer, lui donner une explication rationnelle. Lyzzie jeta un regard à Yclipt, elle aussi troublée par cette réponse. Yclipt se leva, et appela.

Monsieur Liddell..... Pouvez-vous venir s'il-vous-plaît....?

Yulenka avait dû subir un choc. Il n'était pas étonnant qu'elle n'ait pas les idées clair. Peut-être que son père lui pourrait lui en dire plus. Après tout, il le muselait magiquement, l'empêchant pour l'heure de faire autre chose qu'accomplir sa volonté. Il comptait bien rendre la liberté au bélua une fois assuré qu'il ne représenterait plus aucune menace pour personne. Le regard du conseiller dispensait tout dialogue. Il voulait avoir des explications, et l'ours les lui donnerait.

Frapper encore et encore. Réduire tout en charpie, incapable de s'arrêter et de se contrôler un seul instant. Impossible de se raisonner à part le fait qu'il savait qu'il ne fallait pas qu'il se retourne, qu'il ne fallait pas qu'il voit le corps inerte d'Alice et tout le sang qui s'échappait de la plaie. Rien que l'odeur l'enivrait et décuplait sa rage. Déjà, plus rien n'était récupérable dans la chambre de l'Impératrice de la Nuit. Il faudrait tout refaire, du mobilier, jusqu'aux tapisseries des murs. Et si ça ne s'arrêtait pas bientôt, il faudrait peut être même refaire les murs eux-même au des entailles déjà profondes inscrites dedans et qui faisaient voler un peu de poussière dans le lieu. Il était d'ailleurs étonnant que tout le boucan provoqué par l'ours n'ait pas déjà rameuté les gardes vampires. Mais c'était sans compté la volonté propre de la Forteresse qui préféra faire appel directement à Yclip, ni plus ni moins. Cela eut le mérite d'arrêter l'acharnement du plantigrade vis-à-vis de la pièce en elle-même. Malheureusement, toute cette fureur était à présent dirigée contre le Conseiller !

Un nouvel être de chair, d'os et de sang. De quoi étancher cette soif et cette rage qui bouillonnait dans l'animal. Sans réfléchir, mu par la puissance animale, l'homme-ours chargea, attaqua, trancha l'air de ses griffes, mais le vampire lui échappait toujours, aussi souple et rapide qu'une brise dans le vent. Il allait finir par l'avoir ! Sauf que les choses ne se passèrent pas du tout comme cela …. bien au contraire même. La situation s'inversa totalement. Yclipt dégagea une puissance insoupçonnée en assénant une droite monumentale à l'ours polaire. Cela stoppa net l'animal pendant quelques secondes, incapable de retrouver une vision nette. Avant qu'il ne puisse réagir, deux mains se refermèrent autour de sa gueule, tentant de le forcer à fixer son regard dans celui du dentu, en même temps qu'une voix autoritaire l'y ordonnait. Les crocs de l'ours était à quelques centimètres seulement de la gorge et du visage du Conseiller. Une brusque poussée, un mouvement vif et il pourrait lui arracher la gorge, lui ravager sa face. S'aider de ses pattes et de ses griffes pour le terrasser.

Cependant, avant qu'il ne puisse esquisser le moindre geste, le Bélua se retrouva bloqué, incapable de bouger. Il était sous l'emprise entière d'Yclipt. Il ne pouvait faire autrement que d'obéir à l'homme qui avait à présent l'emprise sur lui. Il lui ordonna de rester immobile et de reprendre ses esprits tandis qu'il se jetait presque auprès d'Alice, toujours inconsciente et ensanglantée au sol. Les yeux de l'ours suivirent l'avancement du vampire. Ses flancs s'abaissaient et se soulevaient au rythme de sa respiration encore précipité après la rage qu'il venait de dépenser. Quand son regard se posa sur le corps de son enfant, il se mit à trembler. Qu'avait-il fait ??! Qu'était-il en train de lui arriver ? Il avait agressé sa fille. Il aurait pu la tuer, comme ça, d'un simple geste, dans son moment de folie. Il fallait qu'il arrête ça, qu'il mette fin au danger qu'il était apparemment devenu. Tandis que Lysis, qui avait fait son apparition de nul part, et Yclipt emmenait Yulenka dans une autre pièce, Raeden reprenait forme humaine. Il ne pouvait pas bouger, le Conseiller le lui avait interdit et la magie de l'aliénation l'entravait à cet ordre. Mais cela n'empêchait pas son cerveau de tourner à plein régime, au risque de faire des nœuds dans ses méninges.

Il ne pouvait détacher son regard de ses mains ensanglantées, de celles-là même qui, équipées de griffes d'ours, avaient tranchés les chairs de son enfant et avait fait répandre son liquide carmin vital sur le sol de la chambre. Un peu plus haut, un peu plus de force, un peu plus profond et il l'aurait tué, purement et simplement, avant même d'avoir le temps de s'en rendre compte et de réagir. Il avait été incapable de se contrôler et rien ne garantissait que ça ne recommencerait pas, n'importe où, n'importe quand, avec n'importe qui. C'était trop dangereux. Il ne pouvait rester ainsi alors que sa seule présence pouvait être synonyme de mort pour toutes les personnes l'entourant. Il ne voyait qu'une seule solution et plus il y réfléchissait, moins il ne voyait d'autres options. Alice ne serait certainement pas heureuse d'entendre ce qu'il avait en tête, mais de toute façon, il ne comptait pas lui laisser le choix. C'était trop risqué.

Yclipt appela, lui disant de les rejoindre dans l'autre pièce. Raeden se déplaça, ses yeux ayant du mal à lâcher du regard ses mains teintes de rouge. Lentement, son regard remonta le long du lit pour venir fixer sa fille des yeux. Avant qu'elle ne puisse dire quoique ce soit, ou que quiconque s'exprime, l'homme-ours prit la parole.

Je … Alice … Tu … Il faut me faire interner. Appeler l'Asile et m'y faire séjourner. Je ne sais pas ce qui m'arrive … Je suis devenu trop instable …

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Yulenka fut soulagée de voir arriver son père ! .... En tenue d'Adam. Le pauvre homme était tellement retourné qu'il n'avait pas songé un instant à sa nudité. Lyzzie devint rouge pivoine, lâchant son linge, tandis que Yulenka se précipita pour couvrir ses yeux avec ses mains avant qu'elle ne fasse une syncope. Yclipt ne l'avait pas vu venir non plus, et se racla bruyamment la gorge. Cette famille décidément.... Il s'empara d'un drap, et dans un mouvement fluide, il enveloppa le bélua dedans. Un peu de tenu que diable ! On était dans la demeure royale, pas dans un bordel, et monsieur le père de son Excellence ne pouvait pas se permettre de déambuler nu devant le personnel, et encore moins devant sa fille ! Bien que les circonstances semblaient être de plus en plus particulière aux yeux du conseiller. L'homme ours fixait obsessivement ses mains ensanglantées. Le conseiller pouvait comprendre que cela le choquait. Visiblement sa reine ne lui avait non seulement pas menti, mais le principale suspect -et coupable d'ailleurs- était lui aussi incapable de comprendre ce qu'il s'était passé. Yclipt fronçait les sourcils en réfléchissant. L'homme était visiblement en état de choc. Et la demande qu'il vint faire par la suite ne fut pas sans écho.

-QUOI ?! Non mais tu raconte n'importes quoi ! Moi, te faire interner ?! Tu as perdu l'espr.... Enfin c'est hors de question ! Tu n'es pas fou ! Il doit y avoir une explication rationnelle à tout cela ! C'est juste que.... qu'on ne l'a pas encore trouvé !

Majesté, cessez de vous agiter vous aller aggraver vos blessures.... Et que font les soigneurs ?! Je vais aller les chercher.

Comme c'était à prévoir, la simple idée d'enfermer son père dans un asile était une chose absolument intolérable pour Yulenka. C'était même pas la peine de lui en parler. Yclipt, lui, voyait la chose de manière plus objective. Raeden semblait vraisemblablement en proie à un mal inconnu qui lui faisait perdre complètement la raison.... Jusqu'au point d'en attaquer sa propre fille. Connaissant un peu le bougre, la confusion qui devait régner dans son esprit pour parvenir à ce résultat devait vraiment être importante. Il observa la blessure de Yulenka. Il savait sa reine forte et endurante. Mais.... un autre vampire aurait-il sa chance ? Tous ses sujets n'avait pas sa puissance.... Et l'émoi dans lequel le bélua était plongé à cause de son acte n'était pas sain non plus pour lui. Raeden avait raison.... Il avait besoin d'être aidé et encadré. Pour sa sécurité et celle des autres. Mais il savait aussi que Yulenka allait être très difficile à convaincre là-dessus.... Le problème allait être épouvantablement délicat. Le vampire attrapa un fauteuil, et le mit à disposition de Raeden l'invitant à s'assoir.

Majesté.....

-C'est hors de question Yclipt, tu m'entends ?! JAMAIS !

Nous ne pouvons laisser votre père dans cet état.... Il serait cruel de le laisser souffrir ainsi.

-Mais nous ne le laisserons pas ! Nous serons là pour lui ! Je serais à ses côtés et nous trouverons une solution ensemble ! On ne va quand même pas me dire qu'avec tout les soigneurs, guérisseurs et médecins du royaume, il n'y en aura pas UN pour le soulager ?!

Quand bien même majesté.... Monsieur peut-être dangereux pendant ses crises. Et il est bien moins facile à maîtriser qu'un jeune vampire en proie à une crise de soif. Vous avez eu de la chance Altesse.... Mais tous les vampires de cette demeure ne pourront pas en dire autant. Monsieur votre père est conscient de ce qu'il se passe, de ce qu'il fait. Ce n'est pas vous qui lui imposer quoique ce soit, cela est son choix.

-Je n'abandonnerais pas mon père Yclipt ! Le confier à des inconnus dont on ne sait rien ?! Dont on ignore même s'ils sont compétents et s'ils savent ce qu'ils font ?! Enfermer mon père dans une cellule ?! Et pourquoi pas une camisole tant qu'on y est ?! A t-on seulement déjà entendu un seul patient ayant séjourné chez eux en ressortir guéri ?!

Altesse.... calmez-vous.... Personne ne vous parle d'abandonner votre père.

Yulenka durcissait le ton et son expression à vu d’œil. Elle avait l'impression qu'on voulait lui prendre son père, qu'on allait le jeter et le faire croupir dans une cellule le reste de sa vie, comme une bête galeuse et condamnée. Elle était sur la défensive, et sa meilleur stratégie défensive étant l'attaque, elle était prête à défier le monde s'il le fallait. Yclipt essayait de faire redescendre la pression qui subjuguait sa reine. Il n'arrivait à rien si elle ne se calmait pas, car elle se braquerait. Il se tourna vers Raeden, à deux ils auraient plus de poids, et aussi pour lui expliquer quelques détails sur son emprise.

Monsieur Liddell, vous excuserez mon initiative, mais je vous ai temporairement... ..... Asservi. Vous êtes actuellement sous ma domination. Rassurez-vous cela n'est que temporaire, juste le temps que nous trouvions une solution à votre état. Tant que je maintiens ce lien de subordination, même si vous êtes instable, vous serez incapable d'aller à l'encontre de ma volonté. Je jugule ainsi vos crises.

-Et bien parfait, il n'y a qu'à faire cela !

Majesté, voyons.... Je ne peux pas soumettre votre père à jamais, et être constamment sur son dos. Il a le droit à sa liberté, ne pensez-vous pas ? Et cessez de vous agiter vous être entrain d'ouvrir davantage vos plaies ! Je peux comprendre votre émoi Altesse, mais votre père est encore lucide. Il dispose de sa propre volonté sur sa vie et sur comment la gérer non ? Qu'en pensez-vous Monsieur ?

Un véritable bras de fer, et Yclipt n'aurait que trop besoin de l'appuie paternel pour pouvoir ne serait-ce que faire un pas en avant. Mais cela ne suffirait pas et il le savait. Il allait falloir faire un travail bien plus important, et impliquer bien plus de protagoniste. Les tenanciers et responsable de l'Asile par exemple. Faire des visites de l'établissement, permettre d'éliminer les craintes de la jeune fille, établir un dialogue avec le dirigeant de l'établissement. Le conseiller espérait que ce dernier soit extrêmement compréhensif et pédagogue. Car pour pouvoir rassurer et.... Affronter Yulenka, il aurait besoin de tout son professionnalisme, d'une patience exemplaire et de compétences en psychologie poussées.... Il connaissait sa reine. Il savait que sous ses airs bon enfant et candide, elle pouvait être bien plus redoutable que la plupart des grands de ce monde. Qu'elle pouvait être l'Impératrice de la Nuit, fidèles aux visions les plus cauchemardesques qu'on pouvait en faire.... Les temps compliqués s'annonçaient.