Le sorcier arpentait de long en large son laboratoire, vérifiait que chaque tube à essais était en place, que chaque cellule était bien fermée à clef et que tous ses sujets d'expérience étaient en parfait été, de son point de vu tout du moins. Il était rare de voir Lucius Mortuarii dans un tel état d'excitation, et il ne l'avait probablement pas été autant depuis sa découverte de l'existence des Dullahans, il y a des années de cela. L'homme aussi saint d'esprit soit-il s'était mit à danser joyeusement avec les morceaux de cadavres qui trainaient encore sur sa table d'opération, en une valse cadencée. L'excitation, l’impatiens mais aussi la joie, toutes ces émotions se lisaient avec la plus grande clarté sur son visage, et le bonhomme s'était d'ailleurs coquettement vêtu pour l'occasion. C'est dire, il s'était même choisit les plus beaux éléments de sa collections pour remplacer un bras dépareiller ou une oreille qui ne serait pas pointue. Lucius se voulait beau, rayonnant, autant que son apparence le lui permettait pour recevoir son invité de marque, qu'il n'allait forcément pas tardé à arriver. Il faut dire que depuis qu'il avait reçus sa réponse de l'alfar, l'intégralité de son attention s'était reportée à la préparation de cette journée, de cette rencontre qu'il espérait inoubliable pour eux d'eux. Cela faisait si longtemps que le sorcier n'avait pas pu inviter qui que ce soit à prendre le thé ! Si longtemps qu'il n'avait pas pu partager avec un confrère l'avancée de ses travaux, mais aussi son ardente passion pour la Mort ! Jamais encore il ne s'était intéressé aux alfars autrement que pour leurs nuances de peaux extraordinaires et leurs oreilles pointus, n'imaginant jusqu'ici ne pouvoir trouver oreille attentive et esprit intéressé que parmi ceux de son peuple et les démons. Mais Lucius, bien plus qu'un simple laborantin, était également un artiste dans l'âme ! Quoi de mieux alors que de rencontrer un être non seulement capable de le comprendre, de l'apprécier, mais également pourvu d'une certaine fibre artistique ? Le Mortuarii avait l'impression d'avoir reçus un cadeau des Hauts Puissants, et ne cessait de chanter leur louange pour les en remercier, en croyant pieux qu'il était. Il avait même allumer de nombreuses bougies à base de graisse humanoïde en don à Ezechyel pour l'occasion !

Un résident du lieu, familier tout comme lui du laboratoire et probablement agacé par tous le remue ménage que provoquait le sorcier, vint à lui. Le visage fatigué, l'air passablement agacé, il n'était pas là pour échanger quelques politesse mais bien pour réprimander le chanteur. « Lucius, on sait tous que tu es très content de recevoir ton ami, mais par pitié, fait un peu moins de bruit. Ça fait trois fois que je tue un sujet en sursautant à cause de tes cris ! » « Mes cris ? Mais je chante voyons ! » « Oui, et bien chante un peu moins fort, ou encore mieux, dans ta tête... » Tout scientifique qu'il était, le sorcier avait tout de même une conscience professionnelle, ce qui le poussa à s'exécuter, retrouvant soudain une attitude un peu plus sérieuse et mon enfantine. « Merci... Au fait, tu as bien fermé les cellules ? Je ne sais pas pourquoi, mais nos échecs semblent un peu agités en ce moment... » Malheureusement pour notre ami, le bougre était bien trop attentif à autre chose pour lui prêter toute l'attention que son collègue méritait, et ne lui répondit que vaguement, sans trop faire attention aux propos qu'il tenait. « Pff... J'espère vraiment qu'il te reste un minimum de bons sens... Je ne donne pas cher de notre peau si certains de nos sujets ratés s'échappent... Surtout les tiens... » Et sur ces vœux qui tombèrent dans l'oreille d'un sourd, le scientifique repartit, une main placée sur son front, en direction de son propre laboratoire. Le sorcier, lui, avait déjà tout oublié de la rencontre et s'assurait une fois de plus que tout était en ordre chez lui, sans penser un seul instant à vérifier qu'il s'acquittait correctement de ses autres taches. Le pire était à prévoir, et encore plus à venir, mais seuls les hommes doués de prescience auraient pu le savoir.

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Aussi poétique était la mort, aussi belle était-elle lorsqu’il l’offrait, Kohei semblait toujours la poursuivre, sans relâche, ne parvenant qu’à l’effleurer du bout de sa lame. Il aimait par-dessus tout torturer ses victimes, préférant de loin sentir la mort se présenter lentement, pour qu’elle reste le plus longtemps possible à ses côtés, plutôt que la voir aller et venir en un éclair, le moment du coup de grâce. Le dément chérissait la voir se refléter dans les pupilles des futurs défunts, l’entendre dans des cris de douleurs, la sentir dans de douces flagrance écarlate, la goutter dans les délicates notes sucrées du liquide vitale, la sentir lorsque les os se brisaient de ses mains. Là étaient toutes les doucereuses pensées le traversant de part en part lorsque, prit dans l’ivresse de l’instant, il tuait ce pauvre fou qui avait tenté de lui extorquer sa bourse dans cette discrétion légendaire de voleur des rues. Son rire déformé par la folie était à l’image de sa réflexion, « quel drôle d’hasard, une envie de meurtre si commune », le jour même où il avait l’intention de rendre visite à cet artiste macabre. C’était peut-être son impatience, le fait qu’il trépignait tant à l’idée de le rencontrer, qui avait laissé à ses pulsions libre court. Heiko était tout excité à cette idée. L’être cadavérique faisait naître en lui toute sorte de rêverie, de désirs, de joies. La seule pensée que son amour pour l’art de la mort était partagé l’enivrait. L’Alfar repassa cependant chez lui dans le seul et unique but de se changer rapidement. Il n’allait tout de même pas se présenter tout tâché de sang, si ? Mais cet acte fut bien rapide, Kohei n’avait aucunement envie de perdre du temps.

Après un assez long voyage fatiguant mais plein d’heureuses pensées et d’entrain, le versatile arriva enfin dans le domaine du manoir Eternam. Se fiant donc aux instructions laissées, il entra donc dans la demeure et y présenta son invitation. La curiosité le rongeait petit à petit, et son désir de connaître les expérimentations de Lucius se répandait peu à peu dans son esprit. Il était de plus impatient de simplement le revoir, gardant un souvenir exaltant de leur rencontre. Quelques secondes après avoir passé la grille, ses yeux entrèrent en contact avec ce magnifique jardin de Fae dont il se souvenait avoir entendu parler dans son échange de lettre. Les odeurs qu’il sentait lui évoquaient toute sorte de choses, et l’inspirait assez pour la décoction de nouveaux parfums, aussi, il réfléchissait à cela pendant toute sa marche, et ne se rendit pas compte qu’on l’avait enfin guidé jusqu’à son hôte. Toute l’impatience qu’il refoulait au fond de lui finissait par s’estomper puisqu’il avait enfin atteint son but. « Je vous salue, Lucius Mortuarii. » S’était-il incliné dans ce terrible sourire qu’il aimait tant arborer. « Quelle joie de vous revoir ! Ne vous ai-je pas trop fait attendre ? » Son petit imprévu n’avait fort heureusement pas tant que ça eu l’occasion de le retarder. Les yeux vifs du blond voyagèrent tout autour du laboratoire, lui offrant une vision paradisiaque. Quel bonheur cela devait être de pouvoir travailler dans un tel milieu ! « Je vous remercie de m’avoir invité, et à vrai dire, il me tardait de vous revoir. » En plus de sa démence habituelle, le sourire d’Heiko semblait exprimer une sorte de joie presque enfantine face à quelque chose de beaucoup moins innocent. Il était simplement heureux de pouvoir passer un moment avec un être tel que Lucius, de pouvoir ainsi converser d’un sujet le prenant à cœur, et mieux encore : de pouvoir découvrir des expérimentations passionnantes.

Il entama une légère marche autour des lieux, ne faisant qu’observer chaque élément qui pouvait s’offrir à ses yeux. « Quel endroit agréable ! Serait-ce ici que vous faites vos recherches ? » La mort semblait présente partout, ravissant sans ménagements les azurs de l’Alfar qui ne cessaient de scruter les étagères sans cependant toucher à quoi que ce soit. Il aurait été stupide d’abîmer l’une des fioles ou autre chose ! « Je suis impatient de voir le résultat de vos recherches. » Fit-il dans un frémissement de bonheur qu’il se fichait bien de contrôler. La mort… Il voulait la voir ! Il voulait se sentir près d’elle ! L’observer au travers de ces expériences jouant la frontière entre la vie et la non vie. A cette pensée, et après avoir fini sa phrase, il détacha son intention du décor pour plonger son regard dérangé dans celui du sorcier.

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Jamais le sorcier n'avait été aussi impatient de sa vie. Depuis sa découverte des zombies et le début de ses recherches, il y a des années de cela, pas une seule fois Lucius n'avait reçus d'éloges de qui que ce soit. Tantôt certains jugeaient ses travaux comme étant une perte de temps, tantôt certains s'amusaient à le tourner en dérision, lui, le Fiancé de la Mort. Hors, aujourd'hui, il allait recevoir un homme qui avait comprit sa science, qui s'intéressait de près à son art, et cela le mettait dans une joie qu'il était difficile de mesurer avec exactitude. Alors qu'il s'afférait aux dernières préparatifs, exposant ses instruments les plus beaux, rassemblant les comptes-rendus les plus probants de ses expériences, il fut interrompu -et surpris- par trois coups brefs qui furent frappés à sa porte. Ne retenant pas sa réaction, il fit volte-face avant d'illuminer son visage décomposé d'un large sourire balafré. « Messire Emon ! Je ne vous attendais pas aussi tôt ! Mais entrez ! Entrez ! Faites comme chez vous ! » Puis de nouveau, visiblement survolté, le mort-vivant se retourna, arrangeant à la va vite ses derniers schémas et échantillons. « Tout le plaisir est pour moi ! Et ne vous en faites pas... Je m'étonne même de l'intérêt que vous me portez ! Il est rare de nos jours de rencontrer quelqu'un comme vous... » Une fois satisfait de son travail,il prit enfin le temps d'une pause et attrapa sur une étagère, à côté de bocaux aux contenus étranges, deux verres ainsi qu'une bouteille de rouge, qu'il posa sur son plan de travail. « Mais c'est tout naturel voyons ! Jamais je n'aurais manqué de présenter mes recherches à une personne douée d'une telle sensibilité ! Puis-je vous servir un verre ? C'est un breuvage artisanal dont notre famille se transmet la recette de générations en générations ! » Et sans même attendre de réponse, il versa délicatement sa liqueur d'une couleur rouge pourpre très prononcé et dont la consistance épaisse ne laissant en rien supposer l'origine. Ce dont le Mortuarii se gardait bien de parler à qui que ce soit, c'était bien du nom de famille de sa mère, qui ferait frémir d'horreur le plus vigoureux des démons. Après tout, l'anthropophagie n'était pas une pratique réputée... bien que les Dementiae en aient fait leur marque de fabrique.

« Mes recherches ? Oui ! Oui ! Le manoir Eternam permet à nous autres, scientifiques peu appréciés par ces ignares qui peuplent notre terre, de nous installer dans ses laboratoires sous-terrain. C'est un peu... la deuxième activité du lieu, si vous préférez. » Et à ces mots, Lucius ne se gêna pas pour attraper derrière lui quelques documents et dessins de sa plume, tout en avalant une longue gorgée de son breuvage préféré. « Et puisque vous le dites... Voilà déjà un aperçus ! » Il laissa ensuite toute la liberté à l'alfar d'observer ces comptes-rendus. Il s'agissait, entre autre, de plusieurs rapports d'expériences, certains marqués au rouge comme étant des échecs - suivis d'un petit E pour signifier si la créature était toujours en vie - et d'autres en orange, comme étant des avancées majeures. Pour cette dernière catégorie, tous les sujets étaient toujours plus ou moins bien portants... Plusieurs papiers mentionnaient également quelques expériences que le scientifique avait effectué sur lui-même, son corps étant après tout l'un de ses tous premiers outils de recherche. « Si cela vous tente, j'ai justement reçus un nouveau cobaye ! La pratique ne vous est guère déplaisante, j'imagine ? » Déjà, le sorcier se frottait les mains à l'idée de pouvoir démontrer l'étendue de ses progrès. Il est vrai qu'aux yeux de quelques incultes, les avancées du savant fou pouvaient sembler insignifiantes. Mais essayez un peu de créer une créature mi-morte, mi-vivante, dotée de toutes ses capacités intellectuelles ? Le cerveau, au grand damne de Lucius, était malheureusement le premier organe à être touché en cas de mort impromptue... « D'ailleurs, nous pouvons même aller cherchez maintenant notre heureuse victime ! Oh, mais peut-être avez-vous dans un premier temps des questions à me poser ? » Il est vrai que de nature, le Mortuarii avait tendance à réfléchir un peu trop vite et à ne pas laisser le temps à ses interlocuteurs de prendre quelques instants pour enregistrer la quantité d'information qu'il pouvait fournir en quelques secondes. Peut-être était-ce d'ailleurs la raison pour laquelle aucun de ses apprentis n'avaient tenus bien longtemps à ses côtés... Quoi qu'il en soit, tout trépignant qu'il était, Lucius prit soin de vérifier chacune de ses coutures avant de se lancer dans tout opération. Il était si dommage d'être interrompu par quelque perte de membre !

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