Depuis que Raeden s'était mis en tête de relancer sa forge et son domaine, et qu'il avait changé de race, il avait un peu moins de temps pour s'occuper du jeune génie. Izis ne s'était d'ailleurs pas gêné pour s'en plaindre à haute voix, bien fort, en tapant du pied pour bien faire comprendre son mécontentement de la tournure des événements. Mais en réalité, la situation n'était pas pour le déranger, au contraire. En n'ayant pas l'homme-ours sur le dos à longueur de journée, il pouvait aller quasiment où il voulait et surtout, il pouvait faire ce qu'il voulait. Et ça, pour un gamin farceur et à la limite dès fois de la malhonnêteté, c'était des circonstances quasi paradisiaques. Personne pour le surveiller et lui taper sur les doigts en lui faisant un sermon à chacune de ses bêtises. Il était libre et avec son pouvoir d'invisibilité, il pouvait passer partout, même dans les lieux normalement interdit à un enfant de son âge.

Depuis quelques jours, le génie traînait sur le continent du matin calme et plus particulière à l'arène de cristal, dans le parc. Il aimait bien passer des heures à regarder des combattants s'affronter et surtout à leur jouer des mauvais tours en se rendant invisible et en mettant des pièges et des obstacles sur leur chemin. C'était bien évidemment tout ce qu'il y avait de plus puérile et dangereux à faire, et donc, bien sur, l'attitude la plus à même d'être adoptée par Izis. Faire des croches-pattes aux guerriers, les bousculer ou bien soudain faire voler du sable dans leur yeux, tant d'actions qui le faisaient bien rire et qui pourtant, quand on y réfléchissait bien, risquaient de lui apporter un sacré nombre d'ennui s'il se faisait chopper la main dans le sac. Il était d'ailleurs même étonnant qu'il ne soit pas déjà prit un coup d'épée ou une attaque de l'un des protagonistes, à se glisser ainsi au milieu d'un combat.

Plusieurs personnes, assidues des lieux, avaient déjà remarqué le gamin blond, assis dans les tribunes, et lui avaient proposé de se joindre à lui. Cependant, il avait toujours décliné l'offre. Ce battre, ce n'était réellement pas son truc. Trop de risque de prendre un coup ou d'être blessé et ce n'était vraiment pas une bonne chose quand on était génie. Lui préférait faire usage de sa magie et de son intelligence, même si c'était souvent, malheureusement, au dépend des autres. Il se savait cependant, souvent surpassé dans ses deux domaines là et cela n'était pas pour lui plaire, même si ça ne l'empêchait en rien de faire ses méfaits à sa guise. Mais aujourd'hui, quelque chose le chiffonnait. Sur le coup, ça ne l'avait pas vraiment marqué, mais plus il passait de temps ici, plus il se rendait compte qu'il y avait des choses qui ne tournaient pas rond dans l'arène. Certains des combattants ne paraissaient réellement pas heureux d'être là, au cœur des gradins, dans la fosse, arme au poing. Pourtant, normalement, toute personne qui affrontait un adversaire était une personne consentante. Mais si c'était le cas, pourquoi tremblerait-on comme une feuille, les larmes aux yeux, presque incapable de faire un geste ou de se défendre ?

Depuis les derniers événements qui avaient secoués le monde, le génie était devenu plus observateur et généralement, plus sérieux. Et ses jours passés en ce lieu lui disait de plus en plus qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas dans toute cette histoire. Même si ce n'était pas à son habitude d'être altruiste, il ne pouvait s'empêcher de se dire qu'il fallait quand même qu'il enquête.Et même s'il ne le faisait pas pour les autres, il assouvirait ainsi sa curiosité, pour son plus grand plaisir. Quoiqu'il en soit, pour pouvoir comprendre ce qui se passait, il allait être obligé de s'intégrer aux autres gens, comme par exemple, à toutes ses personnes qui lui avaient déjà proposé de se joindre à elles pour s'affronter. Il n'avait aucune envie de se battre. Il n'était réellement pas assez fort pour ça et même une simple égratignure serait un calvaire pour lui. Le coude appuyé sur le genou, le menton posé sur le poing fermé, l'enfant se demandait donc comme il allait pouvoir aborder soudain les gens sans paraître suspect, sans dire de bêtises et surtout, sans se faire des ennemis.

Là, au milieu de l'arène, en contrebas de la position d'Izis, se trouvait justement l'un de ses combats louches. Le gamin au cœur des lieux paraissait avoir dans les quinze ans et claquait tellement des dents qu'on les entendait jusqu'ici, à tel point que cella en donnait mal à la mâchoire, au génie. Ce dernier s'était redressé et s'était avancé de quelques pas parmi les gradins quand il entendit un sanglot non loin de lui. Une femme, ratatinée sur elle-même plutôt qu'assise, était en train de pleurer en observant le combat – ou plutôt le massacre – qui avait lieu sous ses yeux. Sa chevelure grise argentée était négligemment attachée en un chignon sur l'arrière de son crâne. Les quelques mèches qui dépassaient de l'attache, pendaient mollement sur ses épaules, sans énergie, presque sans vie. A regarder la silhouette de cette dame, on pouvait ressentir toute la tristesse et le découragement qui se dégageaient d'elle. Et ses sanglots, qu'elle essayait pourtant de retenir, n'était rien pour arranger la situation, encore plus déchirant pour le coup.

hmm

Le regard du faiseur de vœu passa de l'affrontement à la vieille femme plusieurs fois, comme s'il ne savait pas sur quel événement il devait se focaliser, avant de finalement s'arrêter sur la pleureuse. Lentement, paresseusement, les mains dans les poches, il se dirigea vers cette dernière, mine de rien, comme s'il avait simplement l'intention d'être un peu plus proche du pôle central. Son regard avait d'ailleurs quitté la femme pour se reporter de nouveau sur les deux combattants. Ce fut certainement pour cela qu'il ne fit pas trop attention où il marchait et que son pied vint taper dans aspérité du sol. Une flopée de juron s'échappa d'entre ses lèvres tandis qu'il sautait à cloche pied en tenant l'extrémité meurtrie et en la frottant pour essayer de faire partir la douleur, même si c'était peine perdue. La femme sursauta et se retourna brusquement pour observer Izis. Lorsque celui-ci fixa son regard sur elle et reprit sa marche, boitillante, elle écarquilla les yeux et commença rapidement à quitter les lieux, comme s'il lui faisait peur et qu'elle ne voulait pas qu'il l'approche.

Non ! Attendez ! J'veux juste vous parler ! Partez pas!

Mais c'était déjà trop tard, elle avait filé, disparaissant au premier tournant. Izis poussa un nouveau juron et se laissa lourdement tomber sur un siège. A ce moment là, il cri retentit dans l'arène ; le jeune combattant, celui qui ne semblait pas volontaire, venait de prendre un mauvais coup d'épée et était en train de se vider de son sang par une plaie béante au niveau de la jambe. Le blondinet grimaça, se frottant machinalement la cuisse, comme s'il pouvait ressentir la douleur du blessé. A part si quelqu'un avec un sort de soin se trouvait dans le coin, il n'y avait que très peu de chance que le jeune homme s'en tire.Il était déjà devenu tout pale, étendu sur le sol, une flaque carmin s'élargissant autour de lui, le sable incapable d'absorber assez vite toute cette quantité de sang. Izis se demandait si le futur mort faisait partie de la famille de la dame qui avait fui … son petit fils peut être, vu leur âge respectif. En tout cas, si c'était ça, c'était peut être mieux qu'au final, il lui ait fait peur et qu'elle n'ait pas assisté à cette fin.

~Bon … faut que je me bouge moi et que je découvre ce qui se trame ici avant qu'il n'y ait d'autres morts.~

Il n'avait pas vraiment d'idée de comment il allait faire ça et ce qu'il avait vu ne l'avait pas plus avancé que tout à l'heure. Il décida donc de devenir invisible et de suivre le guerrier encore debout, qui venait de faire demi-tour et d'abandonner le mort au milieu de l'arène. Le petit génie se dépêcha de le rattraper avant qu'il ne disparaisse, sans faire de bruit, allant même jusqu'à retenir sa respiration pour que l'on n'entende pas son souffle. C'était certainement idiot et il en faisait trop, mais mieux valait prévenir que guérir et le gamin était sur et certain qu'il ne ferait pas le poids face à l'homme si celui-ci le repérait. Il fallait donc jouer de discrétion et le suivre pour savoir où il allait et peut être espionner ainsi une conversation qu'il aurait avec d'autres personnes qu'il rencontrerait. Car après tout, ce n'était pas vers la sortie qu'il s'était dirigé, mais vers les sous-sols du lieu.

Aussi silencieux qu'un vers de terre en train de ramper, Izis continuait à suivre le combattant. En même temps, ce n'était pas difficile de se faire discrêt , au vu du boucan que faisait celui qui marchait devant lui. Entre son attirail qui tintait à chacun de ses pas et la lourdeur de sa marche, même un sourd l'aurait entendu approcher. D'ailleurs, la présence du guerrier avait été remarqué puisque des faibles gémissements et sanglots commencèrent à monter entre les murs de pierre du sous-sol. En tout cas, ça prouvait une chose, c'était que la présence de l'homme que le petit génie suivait, n'annonçait rien de bon. Sinon, pourquoi des gens – que le gamin ne percevaient pas encore – auraient réagis de cette façon en entendant ce pas approcher ? L'arène de cristal n'était pourtant pas un lieu sensé posséder des géôles, ni même des prisonniers. Bon .. si, d'accord, elle en avait eu par le passé, lors des joutes de gladiateurs, mais normalement, tout cela était terminé à présent. Même si le blondinet n'y avait jamais réellement réfléchi, il avait toujours pensé que tout cela avait été fermé ou détruit quand les jeux sanglants avaient pris fin.

Apparemment, il s'était trompé. Car après un tournant, son guide et lui tombèrent dans un nouveau couloir. Sauf que cette fois-ci, au lieu d'être entouré à droite et à gauche par des murs de pierre, c'était des cellules. Et certaines étaient remplis de gens. Des enfants et des adolescents pour la plupart, quelques femmes des fois. En tout cas, tous faisaient tout leur nécessaire pour paraître le plus petit et insignifiant possible devant le guerrier. Tout pour ne pas attirer son attention, pour ne pas être choisi par lui dans le but d'affronter quelqu'un dans l'arène. Izis ne savait toujours pas pourquoi toutes ces personnes étaient là, enfermées et obligées de se battre contre quelqu'un, contre leur gré. Mais avant de pouvoir redevenir visible et de pouvoir se renseigner auprès des premiers concernés, c'est-à-dire les prisonniers, il devait attendre que le guerrier s'en aille. Celui-ci continuait d'avancer, jetant à peine un coup d'oeil de temps en temps aux pauvres hères enfermés.

Il gagna le fond du couloir où se trouvait une porte qu'il franchit. Après avoir haussé les épaules pour lui-même, le génie décida de le suivre et se faufila juste avant que la porte ne se referme. Il s'agissait d'un bureau, plus ou moins. A l'intérieur, des personnes s'y trouvaient déjà. Une dame et un jeune homme, d'une quinzaine d'années. Tous les deux paraissaient sur les nerfs, nerveux. Le garçon n'arrêtait pas de jeter des coups d'oeil autour de lui et sursauta même quand la porte claqua, tandis que la femme tordait et chiffonnait dans ses mains un pauvre morceau de tissu, certainement un mouchoir au vu des yeux rougis qu'elle posa sur le combattant. Les deux gens en avaient peur, c'était indéniable. Il était tout aussi impossible de manquer le fait qu'ils étaient à sa merci et que chacune des personnes présentes dans la pièce, les visibles et les dissimulées, le savait. La guerrier prenait d'ailleurs un malin plaisir à faire trainer le temps, à s'asseoir sur sa chaise, à remettre des semblants de papier en place … tout pour faire grimper encore la tension chez les deux personnes assises en face de lui.

Alors … Juliette …. j'espère que tu peux régler tes dettes aujourd'hui ...

Les mains de la femme se crispèrent encore plus sur le bout de tissu, jusqu'à se que ses jointures deviennent blanches. Encore un peu plus, et Izis était certain que le mouchoir se déchirerait sous les assauts que lui infligeait sa propriétaire.

C'est que …. monsieur …. je suis toute seule …. mon mari …. Je ne peux pas payer … s'il vous plait … j'vous en supplie … donnez moi un peu de temps … j'vous rembourserai … je vous le jure.

Les derniers mots de la dénommée Juliette s'étaient presque perdus dans les sanglots qui avaient envahi sa voix. Elle regardait son bourreau d'un regard suppliant et humide, au bord des larmes. Même Izis, qui pourtant n'était pas le plus attentif à la douleur et à la détresse des gens, avait pitié de cette dame. Malheureusement, il semblait que le combattant soit encore moins sensible à cela que le génie.

Ah … Juliette …. Juliette …. vous êtes une gentille femme pourtant, sérieuse et toujours prête à aider votre prochain. Ce n'est pas grand chose ce que je vous demande … Juste de me rendre l'argent que vous me devez.

Je sais .. monsieur … mais … la semaine prochaine, je pourrai vous rembourser … je vous le promet.

L'homme laissa planer plusieurs secondes de silence, prenant la pose comme s'il était en train de réfléchir réellement à la proposition qui venait de lui être faite.

Je crains que la semaine prochaine ne soit trop tard. Si vous ne pouvez cependant vraiment pas payer, je suis prêt à accepter que vous me laissiez votre fils comme combattant pour l'arène. C'est soit cela soit l'argent immédiatement. A vous de voir!

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Izis en avait assez entendu pour comprendre ce qui était en train de se passer. Tous ses pauvres bougres enfermés dans les anciennes geôles remises au goût du jour devaient être des membres de famille qui ne pouvaient pas régler leur dette à ce bourreau, qui faisait aussi certainement office de prêteur sur gage, ou tout autre dénomination qui voulait dire la même chose en fait. Il abusait des pauvres gens juste pour son bon plaisir et pour sa satisfaction de contrôler et de rabaisser les autres. Vraiment un sale type, pour sur. Oh, bien sur, le petit génie avait lui aussi fait bien des vacheries dans son temps et il continuait des fois à en faire. Ca avait même été des fois vraiment sadique et malsain, mais là … ça dépassait tout simplement les limites fluctuantes que lui même s'imposait. Il ne pouvait donc pas rester là, les bras croisés à continuer d'écouter ce type s'amuser à paniquer et terroriser cette pauvre femme et son fils. Il fallait qu'il fasse sortir tout ce beau monde d'ici pour mettre un sacré coup dans l'organisation de cet homme !

Pour parfaire son plan, le gamin avait besoin des clés des cellules. Seul petit hic, c'était que le maître des lieux semblait tout le temps les porter sur lui. Izis les avait vu se balancer à sa ceinture. Il aurait bien tenté sans, mais on ne pouvait pas vraiment dire qu'il était doué pour le crochetage de serrure. Ca serait peut être d'ailleurs une compétence à acquérir en y réfléchissant bien … mais pour le moment, il avait d'autre chose à penser. Comment par exemple, comment récupérer les clés. Peut être qu'en se montrant très discret et agile de ses doigts, il pourrait les subtiliser directement à la ceinture pendant que l'autre était occupé à palabrer devant ses victimes. Rien n'était garantis, mai il fallait quand même tenter. Sans faire un bruit, le Faiseur de vœu s'approcha de l'homme.Il eut l'impression que ce trajet fut le plus long qu'il n'ait jamais fait de sa vie alors qu'il n'y avait seulement que quelques mètres. Finalement, il arriva à côté du bourreau sans éveiller les soupçons de personnes. Les pleurs de la femme avaient redoublés, son fils était en train d'essayer de la consoler, en lui disant que ce n'était pas grave, qu'il allait se battre, mais on voyait bien qu'il avait peur de ce qui pourrait lui arriver dans l'arène.

Se mordillant la langue, signe de concentration chez lui, Izis se pencha et commença délicatement à détacher les clés. Il devait faire attention au mouvement de l'homme et surtout, à ne pas faire tinter les clés entre elles. Plus d'une fois, il se figea net, alors que le guerrier se redressait sur sa chaise, ayant eu l'impression d'entendre du bruit, mais la femme et de l'enfant désespérés sous ses yeux était trop jouissive pour qu'il s'intéresse vraiment au reste. C'est ainsi que le blondinet réussit à récupérer son trousseau et à gagner l'extérieur de la pièce, ni vu ni connu ! Maintenant, libérer les prisonniers ! Pour cela, il n'avait plus besoin d'être invisible ! Et heureusement, parce que ça commençait à bien l'épuiser, cette utilisation de pouvoir. Faisant signe d'un doigt en travers de la bouche, de se taire aux gamins enfermés dans la première cellule, il introduisit une clé …. ce n'était pas la bonne ! Il dut en essayer deux autres avant de trouver celle qu'il fallait et encore il perdait du temps, car plus les secondes tournées plus le stress de se faire chopper montait en lui.

Les enfants sortirent tous, pressé de quitter ce lieu. Qu'ils s'entraident ou pas, cela, le génie s'en moquait un peu. Tout ce qu'il souhaitait, c'était qu'il ne le gène pas pendant qu'il tentait d'ouvrir la seconde et dernière geôle et qu'ils sortent au plus vite sans faire de bruit. Le blondinet ne savait pas ce qui se passait dans le bureau, mais il était persuadé, au vu de la situation quand il était sortie, que le trio ne tarderait pas à faire son apparition. D'ailleurs, alors que la serrure de la grille cédait enfin et que celui-ci s'ouvrait en grinçant, la poignet de la porte du bureau tourna pour laisser apparaître le combattant. Celui-ci stoppa net dans l'embrasure, tandis qu'il analysait ce qui était en train de se passer. Réalisant enfin, il poussa un cri et s'élança dans le couloir, mais c'était trop tard ! Tous les jeunes gens et moins jeunes s'étaient échappés. Le petit génie nargua le prêteur sur gage en lui tirant la langue et disparut ! Mission accomplie!

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