Elle était là, à me regarder comme si j'étais un ahuri… Comme elle m'agaçait ! Et elle continuait, inlassablement, sur la voie qu'elle traçait, faisant tout à fait fi des gens autour d'elle qui tentaient de l'interrompre, de la dévier, persévérant dans son idée, sa voie. Vu comme ça, j'aurai peut-être été plus tolérant voire admiratif. Mais il était certain que je n'avais pas le temps de philosopher avec autant de poésie en l'heure actuelle et qu'elle fasse aussi peu attention à mes remarques m'agaçait…

Je lui jetai alors un regard noir. Qu'avait-elle à ainsi m'ignorer, hein ? Est-ce que quelqu'un sur cette terre était en mesure de me répondre ?

- Pourquoi ne réponds-tu pas à mes questions ? essayai-je d'avancer.

Mais elle continuait à parler, tentant plus ou moins de fournir ce qui pouvait sembler être une explication…

Finalement, elle finit…

Bouillant, j'étais sur le point de lui hurler dessus et il me fallut serrer les poings pour me contenir. Sur un ton grinçant, je répondis :

- Insinues-tu que j'aurais du prendre le temps de disséquer un elfe avant ton entraînement pour deviner quels étaient les détails de vos métabolismes que je devais connaître pour ne pas mettre ta vie en danger ?

Je n'arrivais déjà plus à me contenir, à tel point que ma magie jaillit d'elle-même hors de mes poings fermés tandis que je lançai sur un ton menaçant :

- Si tu y tiens, on peut arranger ce malentendu. J'ai justement à disposition un sujet bien portant dont l'étude sera fort intéressante… !

Je parlais évidement d'elle-même et il n'y avait aucun doute sur mes intentions à cet instant. Mais, soudain, un bruissement dissipa mon attention et une partie de ma colère. À mon côté, voletant dans sa taille rapetissée, Mélinda venait de sortir des feuillage. Elle semblait pas savoir ce qu'il se passait ici mais fonçait droit sur Lumi avec un air inquiet :

- Vous allez mieux ?

Elle fit volte-face dans les airs pour me regarder et dire dans un rapide révérence :

- Excusez-moi de vous déranger, je tenais à m'assurer que la jeune dame avait retrouvé ses forces.

Je ne pouvais la blâmer, c'était si poli et correct de sa part… Je me contentai d'un signe lui signifiant que son intervention n'était pas un problème. Elle se retourna alors vers Lumi et continua d'une voix douce et agréable :

- Il faut pas vous mettre en danger comme ça, hein ! Vous ne saviez pas qu'il vous faut des plantes et de la lumière pour vivre sainement ? Vous ne pouvez pas suivre un entraînement de la part de mon maître sans l'informer de tout cela ! Allons !

Elle posa sa toute petite main sur le visage de la jeune elfe avec un regard plein de bonnes intentions.

- Vous avez un si joli visage, ce serait triste de le revoir abîmé comme il l'était tout à l'heure !

Puis elle s'approcha de l'oreille de mon élève et lui glissa des mots que je ne su entendre.

- Vous êtes très jolie ! Peut-être allez-vous le faire craquer. C'est un homme parfois particulier mais qu'il faut savoir apprécier et l'amour saurait éclairer ses journées, j'en suis certaine !

Elle se recula de nouveau et lâcha à notre attention à tous les deux.

- Bon ! Vous avez l'air d'aller mieux, j'ai la conscience tranquille, je vous souhaite à tous deux une bonne journée, j'ai un jardin qui n'attend pas !

Et ainsi disparut-elle à travers les plantations.

Je soufflai… Je n'avais pas envie de m'énerver pour si peu mais les réflexion de l'elfe m'agaçait au plus haut point… Pourquoi fallait-il que tout soit aussi compliqué avec elle ?

- Tu es prête ? On enchaîne ?

J'attendis qu'elle me fasse un signe m'indiquant qu'on pouvait poursuivre.

- La suite de l'entraînement aura lieu dans le cimetière. Le principe est simple. Il va te falloir modifier un détail, quelque chose d'infime, que tu vas chercher à représenter différemment. Mais il ne s'agit pas de juste changer la décoration de ton environnement. Il s'agit de faire naître en moi des émotions qui ne sont pas présentent à la base grâce à un unique détail. Garde en mémoire que tes illusions ne peuvent t'affecter toi. Il est donc deux mondes lorsque tu pratiques la magie des illusions : le réel, celui que tu vois, et le monde modifié, celui que tu imagines dans ta tête et que ta victime voit. Mais si ton illusion n'a aucun effet sur ta cible, comment savoir si elle a véritablement marché ? C'est pour ça que tu dois toujours chercher à influencer celle-ci. Tant que ce n'est pas le cas, considère que ton illusion est un échec. Par ailleurs, ne cherche pas tout de suite à transformer l'impossible. Il te faut te concentrer sur de minuscules détails, infimes. Plus réel devient irréel et plus tu as de chances de ne pas réussir ton entreprise. Commence par simple mais efficace. Si tu as bien suivi ce que nous avons faits dans nos exercices précédents, tu dois à présent savoir un peu mieux comment sélectionner ces "détails" pour qu'ils influencent une être vivant. Quand tu es prête, on y retourne.

Cet exercice allait se révéler plus long et fastidieux que les précédent mais, dans un certain sens, elle ne pouvait pas se tromper, en théorie tout du moins. Elle réussirait à provoquer une illusion, c'était certain. Restait à savoir quoi et avec quel niveau de finesse elle allait réussir à façonner son monde…

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Les yeux rivé dans les siens je retiens de justesse un soupir. Il ne comprends donc rien. Ou bien il ne veut pas comprendre. Je peux concevoir une différence entre les méthodes d'apprentissage et d'enseignement entre les peuples maléfique et les autres cependant, il y a une chose immuable. Savoir de quoi on parle. « Et bien oui. Oui, si la dissection est le seul moyen que tu a pour connaître un sujet alors oui tu aurais du. Savoir à qui on enseigne est l'une des bases concernant tous les enseignements. Ce que je vais dire peut sembler évident suite à ce qu'il vient de se passer je vais quand même le dire. Tu ne peux pas enseigner de la même manière à deux personnes de race différentes. Quel que soit la manière dont tu regarde la chose, ce n'est pas possible. » La suite de sa phrase me tire un sourire. Tout d'abord car j'ai enfin réussis à le pousser à bout, bien que cela ne soit pas volontaire je me délecte de sa réaction, mais aussi car sa phrase sous entends clairement qu'il pense pouvoir venir à bout de moi. J'ignore sa puissance réelle cependant, je pense pouvoir affirmer qu'en cas d'affrontement direct je ne serais pas celle en mauvaise posture. D'autant plus qu'au milieu de ce jardin je suis dans mon environnement. Ce qui est loin d'être son cas.

Un mouvement dans les feuillages met un terme à la discussion. Surgissant comme une tornade miniature une fée se précipita vers moi visiblement inquiète par la situation. Surprise par cette apparition soudaine je reste un instant muette alors qu'elle me pose ses premières questions. Répondant d'un simple mouvement de tête je l'écoute, un sourire au bord des lèvres. À l'entendre et à voir la manière dont elle me traite il ne fait presque aucun doute que c'est grâce à elle si je me sens mieux maintenant. Pourtant, aussi agréable soit-elle je ne parviens pas à comprendre réellement ses intentions. Dans un sens elle semble réellement inquiète pour moi cependant ses paroles donnent à penser qu'elle idéalise Romulus à un point à peine concevable. À cette pensée mon sourire n'est pas retenu et est clairement visible. Comment quelqu'un pourrait-il ne serait-ce qu'envisager le respecter ? Secouant doucement j'écoute la suite de ses paroles, me retenant de justesse d'éclater de rire. Que moi je sois avec lui… Cette idée est encore plus ridicule que l'autre. Néanmoins elle a raison sur un point. Il est seul. Et cela ne lui ferais pas de mal d'avoir une personne à ses côtés.

Sans m'en rendre réellement compte je rive mon regard dans le sien, me perdant dans mes pensées. Est-il seulement capable d'aimer ? Je ne peux pas vraiment dire l'avoir côtoyé de manière régulière ou quoi que ce soit cependant, à mon égard tout du moins, il n'a jamais fait preuve d'une quelconque marque d'attention. En revanche je ne peux pas non plus dire qu'il ai été totalement dénué de sentiment. Il ne m'aurait pas fait sortir de cette cellule dans le cas contraire. Tout comme il ne m'aurait pas aidé à sortir de cette grotte le jour de notre première rencontre… Il est regrettable que la situation soit ce qu'elle est actuellement. Je suis persuadée que dans d'autre circonstances, si j'avais par exemple choisi d'embrasser la voix des ténèbres comme cela à l'air de lui tenir à coeur.

Un énième soupir retentit dans l'air environnement alors que je l'écoute m'expliquer la suite des opérations. Au moins peut importe les événements et ce que je peux être amenée à dire il reste cohérent dans ses idées. Aucune pause durant l’entraînement et nous avançons coûte que coûte. Même si la dernière épreuve ne semble pas réellement m'avoir fait avancer, je ne vais pas me prononcer sur le résultat. Je lui fait confiance et qui sait, il n'est pas impossible que je découvre un résultat m'ayant échappé. J'écoute sans broncher son explication me contentant de hocher la tête de temps à autre afin de lui signaler que je l'écoute toujours et prends bien en compte ses paroles. Dans un certain sens bien que plus compliqué cet exercice semble plus simple que les précédents. Au moins cette fois je sais ce que je dois faire.

Une fois son récit terminé j'attends qu'il se lève et parte en direction du cimetière pour le suivre. Arrivé à destination je reste quelques secondes immobile afin d'avancer d'un pas que je veux sûr. Debout au milieu des tombes je ferme les yeux le temps de m'investir de l'atmosphère du lieu. Les secondes s'égrène lentement et au terme d'une légère attente je me retourne doucement vers lui, prête à tenter de résoudre cet exercice.

Un instant…

Court. C'est en effet la caractéristique même de cette scène hors du temps qui a lieu. Pendant un instant, j'oublie qui je suis, où je suis et ce que je fais… Il n'y a plus qu'une forme, devant moi, allongée, prenant racine au sol et s'élevant pour s'interrompre en une dégradé lent allant du cylindre à la forme bosselée parsemée de trait de couleurs comme autant de coup de fins pinceaux, si délicats, organisés dans leur désordre. Trônant, dans un disgrâce parfaite, une couleur se divisant et multipliant s'ancre dans l'apparition filiforme, dégageant un calme et une certaine forme d'harmonie…

Soudain la couleur se mit en mouvement et deux taches azur se dévoilèrent, enfermées dans un espace blanc. Lumi venait de rouvrir les yeux.

Retournant à la réalité, oubliant complètement ce moment incohérent, je me surpris à lui adresser un sourire plutôt sympathique avant de sortir de ma poche un mouchoir de soie blanc.

- J'ai réfléchis et je vais être un peu plus directif, histoire de ne pas te perdre tout de suite. Je te proposes de ne pas perdre de temps à chercher sur quoi tester ta magie et de le faire sur ce mouchoir.

Je lui tendis, la main à plat et le carré de soie délicatement posé dessus, afin qu'elle puisse l'observer avec attention. Tout en conservant la main ouverte, sachant qu'elle regardait l'objet, je poursuivais :

- Comme tu peux le voir, ce mouchoir est immaculé. Je le sais puisqu'il a été lavé au manoir et qu'il me sert de référence pour m'assurer que les lessives sont impeccablement réalisées par mes domestiques. Bien entendu, quand on pense à en faire une illusion, on imagine éventuellement des choses complètement extravagantes comme un monstre mouchoir qui grandit soudainement, le mouchoir qui se transforme en acide ou bien qui se met à hurler ou je ne sais quoi encore. Et c'est justement ce genre d'illusions que je veux que tu oublies pour l'instant ! Aujourd'hui, il ne s'agit pas de créer l'irréel à partir du réel, il s'agit dans un premier temps de réfléchir à une autre réalité qui aurait pu être en l'instant présent à la place de notre réalité. Une autre réalité… Mais une réalité quand même ! Dans un second temps, il s'agit de constituer une réalité qui soit si peu différente de la notre qu'il en devient impossible de les discerner. Car contrairement à ce que l'on croit, quand il s'agit de réalités, un détail changeant est bien plus difficile à remarquer.

Je marquais une pause, ramenant ma main et le mouchoir vers moi, avant de poursuivre :

- Donc, s'il s'agit d'appliquer un changement de réalité, ce mouchoir peut changer de couleur, de forme, de taille… Tout en restant dans l'infiniment ressemblant. Il faut que ta victime puisse regarder ce mouchoir et se contenter de penser : "tiens, il me semblait que… J'ai du me tromper !". Dès que ta victime en arrive au point de penser : "Ça alors, ce mouchoir n'est plus le même, ce n'est pas normal !", c'est raté. L'indicateur, c'est assurément le "ce n'est pas normal". Bien sûr, ce que je te dis est fictif. Tout d'abord parce qu'une illusion agit tant et si bien que même ce qui semble irréel ne peut révéler sa nature de faux à la victime tant celle-ci est piégée, et ensuite parce que si je te demande cet exercice, c'est précisément parce que tu ne peux pas faire plus pour l'instant, aussi peux-tu être assurée d'échouer avant même que j'ai eu le temps de penser : "ce n'est pas normal… ". Comprends néanmoins la puissance d'une illusion, même si elle est aussi simple que celle que je te demande. Visualise. Tu emportes un mouchoir que tu sais immaculé et lorsque tu le sors de ta poche, il est légèrement plus foncé. Tu ne peux t'empêcher de te poser des questions ! "Est-ce que cela veut dire que je l'ai salis ? Ma poche est-elle sale ? Ou bien ai-je utilisé ce mouchoir par réflexe, sans y penser et ai-je aussitôt oublié ?" Ça c'est la phase de doute, mais vient ensuite la phase de peur ! "Qu'ai-je essuyé avec ? Et si ce détail qui m'a semblé insignifiant à cet instant était en fait capital ? Et si on m'avait lancé un sort pour oublier ?". On penche vers la paranoïa ! Avec une simple détérioration illusoire de la couleur d'un morceau de tissu ! Tu saisis ?

J'attendais paisiblement qu'elle confirme, au cas où il m'aurait fallut ré-expliquer, et finalement lançai l'exercice. Mais alors qu'elle avait commencé à se concentrer et que cela ne faisait même pas quelques dizaines de secondes qu'elle s'exerçait, je pris conscience d'un détail important :

- Ne regarde pas le mouchoir. Regarde-moi dans les yeux. Je veux que tu fixe mon regard comme si tu cherchais un indice te permettant de savoir si je compte d'agresser dans la seconde qui suit ou non, comme le ferait une proie face à un prédateur. Je t'ai dis que tu ne verrais pas ta propre illusion c'est pourquoi tu risques de te perturber en fixant ce mouchoir que tu tiens tant à voir changer de couleur alors que cela n'arrivera pas ! Tout est dans ta tête, tu dois le visualiser et pour cela tu ne dois pas regarder le mouchoir. Fixe-moi ! achevai-je avec force.

Lumi… Possèdes-tu un talent pour les illusions ? Si oui, tu auras le courage l'intelligence et la puissance nécessaires à une tentative d'élargir ton illusion. Tu me surprendras…

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