Un peu plus loin du port, avec Kylash, dans la demeure d’un marchand... « Kylash ? » Il grinça des dents, mais ne disait rien. En levant son regard de réprouvé dans sa direction, un petit frisson de mal-être la traversa fugacement. Ils étaient seuls dans une anti-chambre, attendant l’heure d’une entrevue programmée depuis quelques jours. Bien avant l’aube, ils avaient embarqués sur un bateau en direction du continent du matin calme, lui ayant des affaires à régler et elle devant le suivre avec une parfaite obéissance sans avoir le droit de protester. Kiera l’avait volontairement appelé directement par son prénom, il faut dire que depuis quelques jours sa conscience d’être sous-exploité l’agitait. Était-ce légitime ? Lui devait-elle quelque chose ? Était-ce la vraie vie que de subsister à son crochet et de se plier à ses quatre volontés ? Encore dans le flou, elle poussait peu à peu certaines limites à la fois pour se tester mais aussi pour expérimenter les réactions de son maître. Lorsqu’il plongea son regard d’acier dans le sien, un léger glapissement fuita entre ses lèvres, l’habitude de craindre la punition. Mais il n’en fut rien. Toute son attention lui était accordée. « Puis-je prendre du temps libre ? - Mmh... Ouais... Reviens avant la nuit, juste. - J’aimerai aller au port... - Très bien très bien...» Ni une ni deux, elle effectua une légère révérence rapide histoire de le remercier – réflexe après tant d’années de conditionnements – puis tourna les talons pour quitter la pièce. La jeune femme vérifia que son poignard se trouvait toujours dans sa bottine de cuir souple et s’emmitoufla dans sa chaude cape de laine grossière. Par dessous son corps n’était recouvert que par un short et d’une chemise tous deux en lin léger. Un vent frais l’accueillit une fois le nez dehors, un sourire serein étira ses lèvres rosées. Le Port, soleil à peine levé... Lieu de tous les échanges commerciaux et des marchés les plus tendancieux, le port appartenait majoritairement aux Orishas. Aussi la Myland s’y sentait totalement à l’aise, sans encore se douter ne serait-ce qu’une seconde ce qui allait se jouer plus tard... Profonde révélation existentielle en vue, enfin pour le moment elle jouissait de cette véritable liberté de mouvement. En dénouant ses long cheveux blanc, un souffle naturel vint lui effleurer le visage lui arrachant un petit soupir de plénitude. Elle jeta un œil – métaphorique ! Sinon bonjour l’horreur – sur les différents étals. Malgré l’horaire matinale, la plupart des commerçants étaient déjà présents et révélaient leurs atouts. Des bijoux ornés de pierres précieuses reflétant les éclats chatoyants de l’astre du jour, des poissons produits issus des profondeurs océaniques, des tissus soyeux en vue de devenir de somptueuses robes parfaitement taillées, ou encore des épices, herbes de toutes sortes, poisons, plantes médicinales soit disant miracles... Bref, il y en avait pour tous les goûts et pour toutes les bourses. En ce qui concernait la sienne, la jeune femme n’avait pas grand chose. Kylash lui avait concédé de trois pièces d’argent, mais il était hors de question d’être dépendante de sa maigre fortune. En passant près des fruits et légumes, les oranges lui firent cruellement envies. Non seulement elle n’allait pas se plaindre auprès du vendeur afin d’espérer un don gracieux, mais en plus il lui suffisait de simplement se montrer agile pour assouvir son caprice. En s’approchant délicatement, elle adressa un beau sourire à l’homme qui lui faisait face. Ce n’était pas vraiment le bon moment, il pouvait l’attraper la main dans le sac. Mais quelques minutes plus tard un couple fit interruption, s’exprimant bruyamment et prenant visiblement de la place au vue d’une certaine corpulence imposante. « Ooooh chérie ! Regarde moi ces couleurs ! Si vives ! Si fraîche ! Si splendide ! - Oui je te l’accorde, ici on trouve de très belles choses... » L’homme opinait de la tête en répondant distraitement, bien trop occupé à farfouiller l’intérieur de sa poche pour en sortir une bonne poignée de pièces. Il fit alors plaisir à sa compagne, lui offrant chaque fruit et chaque légume qu’elle désirait. Tout en profitant de cette distraction commerciale, la Myland attrapa d’un geste vif une orange près du bord et s’éloigna sans se presser. Il ne fallait pas se trahir par un surplus d’empressement. Plusieurs mètres plus loin, hors de portée de voix et de vue, elle se réjouissait du bon déroulement de son larcin. C’était si facile de voler, sa rapidité était la clef de sa réussite. Soudain un rayon de soleil fit jouer la brillance d’un morceau de rubis, ce qui lui tapa dans l’œil instantanément – là encore ce n’est qu’une image pour démontrer toute la magnificence de cette pierre précieuse. Au bout d’une très courte réflexion spirituelle, sa décision était prise. L’Orisha termina son orange, avalant le dernier quartier sucré mâchouillé, puis jeta les morceaux d’écorce au sol d’un geste négligé. Elle ouvrit sa cape en laine, l’enleva, et la laissa dans un coin d’une ruelle. Après tout, ce n’était pas un vêtement d’une grande  valeur, peu de chose comptait à ses yeux. Le plus important résidait dans sa totale liberté de mouvement, la température avait en outre gagné quelques degrés donc sa très légère tenue lui convenait tip top. Short, chemise. Affriolant pour les uns, outrageant pour les autres, parfait pour elle. Kiera prit un air on ne peut plus naturel, s’approcha à pas souple de l’étal, et laissa sa main glisser innocemment sur le rebord. Adroitement, elle déroba le petit rubis mais en s’éloignant une voix criarde fit bondir son pouls. « Voleuuuuuuuuuuse ! » Ni une ni deux, la Myland prit de vitesse la victime de son crime. Fort heureusement sa célérité lui assura de prendre suffisamment de distance pour se perdre dans la foule de plus en plus dense du port, en effet l’activité gonflait constamment entre ceux qui venaient d’amarrer et ceux qui préparaient de longs voyages en terres inconnues. Ainsi elle était hors de danger. Mais dans sa course elle jetait plus de regards vers l’arrière que vers l’avant. BOUM. Choc inévitable. La jeune femme entra en collision de plein fouet dans une personne inconnue, ou plutôt UN inconnu. Elle s’étala de tout son long sur l’humain, perdant tout son sens de l’équilibre. La situation était plutôt cocasse, d’autant que sa poitrine était assez développée et ses vêtements minces. Mais avec un petit rire amusée, Kiera observa l’étranger puis lui lança le plus naturellement du monde.. « Belle journée non ? On peut découvrir de bonnes choses dans le coin à ce qu’on dit » Sans effectuer la moindre contorsion pour se relever, l’Orisha lui souriait et s’appuyait même sur un coude. Leurs visages étaient proches, les nez pouvaient se toucher, les souffles se confondaient... Peut être il serait fâché et la bousculerait, mais cette situation la rendait encore plus enjouée que sa folle poursuite dans le vent. A propos de celui-ci, il jouait avec ses cheveux qui lui tombait de part et d’autre de sa figure, libres.

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Avant qu'elle ne puisse rire pleinement de ce pétrin, le marchand l'avait finalement rattrapé et la houspillait longuement. Kiera ne savait pas comment elle s'en sortirait, et puis c'était bien la premières fois qu'on venait de la prendre sur le fait. Ordinairement son agilité lui permettait de passer entre les mailles du filet, mais la malchance avait dû la prendre pour cible cette fois-ci. Ses yeux s'ouvrirent grand quand elle vit le commerçant se diriger vers sa poitrine sans aucune hésitation, et dire qu'il allait la palper sans gêne ! De rage elle se débattait mais sa force n'était guère suffisante pour échapper à sa poigne de fer. Par un bien heureux hasard, l'inconnu renversé venait de se relever et lui prêta main forte. Il empêcha le vendeur d'entamer sa fouille plus intimiste avant de procéder à une tentative d'humiliation devant la foule ébahie. Ce qui marcha à la perfection. L'homme bafouillait des excuses et s'en allait, grognant d'un pas à la fois hâtif et énervé. Ouf, c'en était moins une. La Myland devait une fière chandelle à l'étranger qui venait de lui sauver la mise, et notamment la main. Dans leur époque, un vol était punis par la main coupée. A cette idée elle tressaillit, mais se reprit vite par le ton chaleureux de son sauveur. " D'habitude je sais éviter les obstacles, mais il faut croire qu'aujourd'hui la bonne fortune n'est pas de mon côté " dit-elle avec un petit rire, soulagée que finalement la situation précédemment dramatique se soit bien terminée. Elle passa une main dans ses cheveux pour tenter de les dresser, mais peine perdue ils étaient rebelles à ce jour et n'avaient pas l'intention de se laisser faire. L'Orisha baissa les bras, peu motivée à se lancer dans une bataille capillaire d'ores et déjà perdue. Son regard vairon chercha frénétiquement son rubis rouge, petite pierre qu'elle avait malencontreusement laissé tombé lors de la collision. L'affrontement avec le marchand avait détourné son attention de son trésor mais maintenant que le calme était revenu, elle était perplexe. En farfouillant le sol, rien. Et elle n'avait pas de poche, ni rien dans ses bottines hormis son poignard toujours bien dissimulé. Bon... Mais histoire de ne pas paraître impolie, elle répondit à la proposition de l'étranger sans réellement se méfier. " J'accepte volontiers " La situation l'amusait car au fond c'était la jeune femme qui lui devait quelque chose, mais il est vrai finalement que c'était lui la cause de tout ça. Sans sa présence, la Myland serait parvenue à semer le marchand furieux et s'en serait pleinement sortie sans aucun problème. Aussi elle accepta de se faire payer un verre et lui montra une taverne qui était au bout de la rue. " Par là ? " proposa t-elle avec un autre sourire sympathique.

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Kiera ne se méfiait pas des étrangers en règle générale, il faut dire que son manque de mésaventure en était la cause. Aussi, elle emboîta le pas à l'inconnu sur un rythme léger et presque guilleret. Cette journée prenait une tournure bien plus agréable que lors de sa mauvaise rencontre avec le marchand, même si la disparition de son rubis continuait de lui trotter dans la tête. Une fois installés, son interlocuteur entama d'emblée la conversation. Elle lui répondit sur un ton sympathique, tout en le regardant droit dans les yeux. - Je me balade, je profite de la vie quoi ! La jeune femme eut un petit rire, ne soulevant pas le " jolie demoiselle ". Il faut dire que son maître la couvrait d'ores et déjà de multiples compliments, et ce depuis for fort longtemps. Ces deux mots ne lui firent ni chaud ni froid, c'était habituel qu'on la qualifiait de la sorte pour ainsi dire. Puis un serveur se présenta pour prendre leur commande, sachant qu'on lui offrait un verre elle opta pour une chope de lait chaud. Classique mais c'était ce qui passait le mieux dans sa gorge sensible, la moindre goutte d'alcool la rendait malade comme couvant le pire des microbes de ce monde. L'Orisha ouvrit la bouche pour poser une question à l'étranger, notamment pour savoir comment il s'appelait, mais n'en eut pas le temps. Il sortit SON rubis de sa poche pour le mettre sur la table, avec un semblait d'air malicieux. Ses lèvres formèrent un parfait O de surprise, avant de se crisper et de se serrer, révélant sa contrariété. Cette pierre lui appartenait, à partir du moment où sa main était entré en contact avec ce petit bijou c'était devenu sien. Non ? La serveur avait peu avant cette révélation amener leur commande. Dans un premier temps déstabilisée, elle mit ses deux mains autour de sa choppe et fixait son interlocuteur de ses yeux vairons, en plissant légèrement les paupières lorsqu'il évoqua l'idée de récompense. - C'est exact, le marchand cherchait ça. Et ça m'appartient. Lâcha t-elle lourdement. Sans quitter l'étranger des yeux, elle but une partie de son lait chaud. Que faire ? Aucune idée ne lui traversa l'esprit. C"était frustrant de constater à quel point sa matière grise refusait de l'aider. Prenant le soin de reposer calmement sa choppe sur la table, histoire de ne pas céder à une pulsion colérique, la Myland prit son temps pour choisir soigneusement ses prochains mots. - Et que veux tu ? Qu'est-ce que tu espères ? La jeune femme se sentait à la fois démunie et perdue. Durant un instant elle se demandait si la liberté résidait dans le fait de pouvoir s'accaparer ce que l'on veut comme on veut. Après tout dans ce monde le principal était de garder la tête sur les épaules, littéralement et métaphoriquement non ?

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