Qu'elle veuille faire du shopping ne surprenait pas le démon. Depuis le temps qu'elle le rabâchait avec le désir de renouveler sa garde-robe, il n'avait d'autre choix que d'accéder à sa requête. Et puis ce n'était pas un mal, puisqu’ainsi elle aurait ses propres vêtements, imbibés de son âme. Elle n'aurait plus cette contrainte inconsidérée de se fagoter avec les ajustements d'une défunte, qui au demeurant rendait le tout quelque peu morbide. Très bien, c'était donc décidé. Se vêtant d'un costume approprié pour sortir, dépouillé cette fois-ci de parures encombrantes, l'homme préserva une certaine sobriété. Être remarqué avait certes beaucoup d’avantages, mais elle comportait aussi certains inconvénients selon ce que l’on désirait obtenir, et là en l’occurrence, il opta pour la discrétion. Déjà que son physique était atypique, alors si en plus il s'agrémentait de fioritures en tous genres, il ne s'en sortait plus. Bien entendu, cela ne signifiait pas pour autant qu'il s’oubliait, loin de là. Entre le parfum aux effluves capiteux avec lequel il s'était aspergé et sa coiffure d'un aspect à la fois négligé et élégant, il ne lésinait pas sur les moyens pour se sentir le plus à l'aise possible. Lorsqu'il fut enfin prêt, il fit comme d'habitude : Il se livra au pas de la porte et attendit que la jeune Rehla lui donne le top départ. Quand ils quittèrent le manoir, Krog évacua dans la direction contraire en honorant son maître d'un hurlement dominant.

Le cheminement, dorénavant connu par cœur par les deux êtres, se faisait avec la plus grande complaisance. Depuis quelques jours à présent, le duo ne rencontrait plus aucun bandit sur son passage. Ces derniers avaient appris qu'il n'était jamais bon de persécuter un diable, davantage encore lorsqu'il était en présence de Mirari, puisque ces derniers, sans les tuer, leur faisaient subir ce qu’aucun homme ne voudrait éprouver. Le supplice ; un principe essentiel qu'il conduisait d'une main de maître. Nombreux avaient eu le malheur de s'en départir, et à présent, les voilà sereins à chaque fois qu'ils laissaient la demeure, ce qui fut des plus agréables. Enfin, ça lui manquait un peu de ne pas faire souffrir deux, trois personnes en chemin, mais il avait tout la liberté de se rattraper prochainement. « Nous allons diverger un peu de notre route habituelle si tu le veux bien. Fais-moi confiance. » Au lieu de partir franchement vers le port qui se trouvait désormais à deux pas d'ici, Zane changea brusquement de trajectoire, se creusant au travers d'une rangée de buissons dressés sans fautes. Un peu plus loin encore, il fit franchir la forêt à la blanche qu'il guidait du mieux qu'il puisse, les oppositions étant continuellement couvertes sur leurs trajets.

Finalement, ils approchèrent d'une vieille chaumière, délabrée et entièrement recouverte par des immondices, tels que des vers et des moisissures. Si jamais elle avait eu la faculté de voir pareille environnement, probablement l'aurait-elle traité de psychopathe, ou bien elle aurait médité qu'il tentait de mettre fin à sa vie dans un canton plus crédible par ses meurtres récurrents que pour le projet initial qu'ils avaient prévu. Toutefois, il fallait constamment se méfier des apparences. Posté devant la porte, Zane toqua à deux reprises avant de baragouiner quelque chose dans un dialecte complètement incongru. Il ne s'agissait ni d'une langue propre aux démons ni d’une expression censée vouloir dire un quelconque message. À l'image d'un code, la formule déverrouilla la porte d'un faible cliquetis, suite de quoi le démon rentra dans la porte sans l'ouvrir. La magie qui en découlait avait réformé l’ouverture en un portail qui autorisa au couple d'accéder au logement. À l'intérieur, plus rien ne ressemblait à l'extérieur. Somptueusement beau même pour les plus perfectionnistes, ils étaient à présent dans ce qui ressemblait à un atelier destiné aux plus nanties. Bordée de dorures en tous genres un peu partout, la pièce s'éveillait par la transparence de cette caverne à trésors. Un coup d’œil droit devant permettait de contempler le comptoir en or massif sur lequel étaient déposés des tissus d'une incroyable richesse. Zane prit la main de Mirari et lui fit toucher le matériau du bout des doigts, afin qu'elle puisse juger par elle-même à quel genre d'endroit le diable l'avait conduite. « Je te présente la boutique secrète de Monsieur Hoop. Ce type est un génie du textile et de l'habillement. C'est chez lui que j'ai obtenu mes plus belles coutures. Par contre je te préviens, il est un peu... » Mais sa phrase resta en suspens lorsqu'un homme d'une grandeur qui surclassait même le démon fit son entrée.

Dès son apparition, l'essence qui se dégageait de lui ne laissa aucun doute sur son appartenance à la race des démons. Il disposait d'un physique aberrant qui ne laissait pas de marbre. Peut-être un peu plus large de carrure par rapport à son homologue, il était très pâle de peau, et encore, le mot était faible. Ce qui attirait le plus le regard, c'était la flamboyance de ses yeux rouges, en concordance idéale avec celle du sceptre qu'il disposait à la main droite et le pendentif renvoyant le même éclat. Il étendit fièrement les bras en s'avançant d'un pas excentrique « Zaza ! Mon vieil ami ! Ravi de te revoir. Oh, je vois que monsieur ne se prive de rien. Qui est cette exquise créature ? » extravagant et pas des moindres, il posa ses deux mains blanchies sur le visage de Mirari en même temps qu'il exposa sa partenaire, lui expliquant toute l'histoire d’A à Z. Ils semblaient si bien s'entendre que la complicité des deux démons ne passait pas inaperçue. Comme pour rassurer son amie, le brun posa sa patte sur le crâne de celle-ci, lui astiquant frugalement la tête. En effet, le gérant de la boutique était maintenant en train de palper ses formes sans éprouver un embarras particulier. Il tâtait sa taille, sa poitrine, ses fesses, rien ne lui échappait. C'était le métier qui voulait ça, et rien d'autre. Une fois qu'il eut terminé avec les commodités, ce dernier s'enticha d'un rire joyeux puis d'un coup sec, il frappa l'extrémité de son sceptre sur le sol, comme il l'aurait fait avec une vieille canne. « Nous allons faire de toi une déesse, joli cœur. Suivez-moi tous les deux. » Se conformant aux ordres du gestionnaire, celui-ci les gouverna dans une vaste pièce où une foule de rideaux dorés siégeaient. Derrière ceux-ci, un nombre pharaonique de tenues plus belles les unes que les autres s'y trouvaient. « Fais des essais et nous te conseillerons chérie. » La voix de Zane retentit comme l'ultime encouragement de deux professionnels de la mode. Elle n'avait aucune chance de ressortir d'ici sans un artifice digne des nobles les plus courtisés.

Les essais séquentiels de Mirari étaient tous plus réussis les uns que les autres. Évidemment, la beauté qui en ressortait conciliée à cette élégance était majoritairement due à Hoop qui maîtrisait d’un bout à l’autre son métier. Il savait radicalement enjoliver les personnes, qu’importe leur enveloppe. Avec la non-voyante, il avait une nouvelle fois mené à bien sa mission, si bien que Zane adressa une sorte d'acclamation aux deux individus, félicitant cette dernière de sa métamorphose. En revanche, il ignorait ce qu’ils avaient pu se narrer lors des finitions, ne cherchant pas plus à le découvrir puisque ça ne le concernait en rien. Suite à ça, la Rehla semblait vouloir écourter leurs séjours, ce qui de toute façon était dans ses prévisions puisqu’il n’avait plus rien à faire ici, pas plus qu’ailleurs cela dit. Se levant de sa chaise, l’homme acheva son verre en une seule fois puis serra chaleureusement la main de son ami, le remerciant de sa collaboration tout en s’engageant à lui rendre la pareille un de ces jours. Ce dernier approuva avant de faire une accolade à son visiteur, recentrant ensuite toute son attention sur la cliente qu’il louangea une nouvelle fois en lui procurant un baisemain. Lorsque toutes les procédures furent enfin satisfaites, le duo évacua la pièce en empruntant une autre porte. Ils se retrouvèrent automatiquement à l'intérieur d'une arrière-boutique du port, là où Zane avait fait la connaissance de Mirari pour la première fois.

Le concernant, il n’avait pas grand-chose à faire ici, pour ne pas dire rien du tout. Par contre, il savait que sa jeune disciple désirait lui présenter ce prétendu instructeur spécialisé dans les astres. Il n’avait rien contre cette race puisque ses deux plus belles trouvailles appartenaient à ce peuple, mais c’est sûrement car il s’agissait de femmes et non d’hommes. Du côté masculin, le démon pouvait uniquement s’entendre avec ceux qui étaient capables de lui tenir tête, autant par la force que par la raison, ce qu’il doutait réellement venant d’un illustre anonyme. Le regard saturé tourné vers sa charmante compagne, le représentant du mal s’exprima froidement. « Je ne vois pas l’intérêt de m’aventurer davantage ici. Je te laisse partir à la rencontre de ce… minable. Amène-le au manoir au plus vite que je puisse le juger. Demain sera mon dernier jour sur ce continent, après ça je devrais changer d’horizon, avec ou sans toi. » Conformément à son statut qui s’améliorait de jour en jour, non seulement ses responsabilités lui imposaient de se rendre un peu plus souvent en enfer, mais en plus de ça, sa liberté présumée ennuyait fortement celui-ci lorsqu’il restait trop longtemps au même endroit. Le besoin incessant de fluctuer pour découvrir d’autres contrées était une profitabilité. Si Mirari devait se douter qu’il s’en irait un jour ou l’autre, cette fois-ci, il le confirmait officiellement. Sans conteste, il savait que c’était tout de même loin d’en être terminé pour eux deux, ce n’était même que l’avènement.

« Nous discuterons de tout ça plus tard. Essaie juste de ne pas me faire perdre mon temps. » Ces derniers jours, ils s’étaient trop divertis, négligeant la vraie implication de leurs rapprochements de départ. En rectifiait le tir de façon aussi pragmatique, il espérait aussi qu’elle rentre dans de meilleures conditions, avec encore plus de hargne qu’elle en avait actuellement. Tapotant sur la tête de la jeune fille comme s’il s’adressait toujours à une enfant malgré son nouveau linge, le mystificateur s’en alla, laissant la blanche vaquer à ses obligations. Durant le trajet du retour, Krog fit lui aussi son arrivée en émergeant de la forêt, échangeant un bref regard avec son maitre avant de le suivre aussi spontanément que s’il s’était trouvé à ses côtés depuis le début. C’est avec du sang sur les mains qu’il regagna quelques minutes plus tard son domaine, le loup ayant lui aussi les canines barbouillées d’un liquide dégoulinant. Dans l’autre main du diable se trouvait le corps décharné d’un homme, celui-ci bénéficiant d’un symbole représentant une étoile sur le front. Visiblement, cette marque avait été faite par quelque chose de sensiblement effilé, telle que des griffes. Il balança vulgairement le cadavre sur le pas de la porte, déclarant ni plus ni moins qu’il ne souhaitait pas la bienvenue au prochain vagabond. Une sorte de provocation dont il était particulièrement vaniteux. De toute évidence, le brun ne laissait rien au hasard, ce qui laissait présager qu’il se comportait ainsi pour mieux voir à qui il aurait à faire.

Mesurant ses propos en craquant son poing droit, la créature maléfique transmit un message à son animal d’après son sourire de prédateur. « Tu es prêt à l’accueillir comme il se doit, partenaire ? » Un grognement approbateur ratifia que Krog n’appréciait guère l’idée de recevoir un autre homme. Dominant dans le règne animal, à ses yeux son maitre était aussi le seul dominant des siens, et quand il pensait aux siens, il songeait aux mâles, ne se limitant pas aux seuls démons. Et en un sens, c’est ce qu’il était. Exposer sa suprématie était certainement l’une des choses les plus prépondérantes pour lui, ce qu’il ne manquerait pas de prouver. « Mettons-nous dans de bonnes conditions. » Il se rendit dans la salle de séjour, écharpa le haut de sa tenue sans prendre la peine de la retirer afin de s’entrainer une nouvelle fois à peaufiner sa musculature. Il n’omettait aucune partie de son corps ; pompes, tractions, développés, abdominaux. Tout était bon pour se mettre d’aplomb jusqu’au fameux rendez-vous.

La préparation physique était en accord avec celle du mental. Pour s'armer comme il se doit, Zane mettait toutes les chances de son côté avant de recueillir l’élément perturbateur, celui qu’il projetait non pas comme un rival, mais comme un basique ennemi. Le démon n’invitait jamais d’hommes dans sa demeure et encore moins avec la tête sur leurs épaules. Il avait seulement rompu cette règle généralement inviolable pour faire plaisir à Mirari et rien d’autre, ce qui rien que ça représentait déjà une grande preuve d’affection. Alors que les enchaînements intempestifs du guerrier aguerri se persévéraient, l’invité mystère escorté de la blanche firent enfin leurs tendres apparitions. Ne sachant pas s’il avait réussi son coup par rapport à l’intimidation, l’hôte eut néanmoins besoin d’un seul regard pour vérifier qu’il lui était en tout point inférieur. La première aperception ne trompait jamais ce dernier qui avait pour habitude de jauger physiquement pour déconstruire tout le reste, et à moins de bien cacher son jeu, il ne disposait d’aucun atout pour faire sensation, pas même un semblant d’élégance.

Quand bien même, il n’était pas bon de se méprendre sur le brun, qui, heureux de recevoir de la visite, alla accueillir son convive comme il se doit. S’approchant du Rehla à vive allure, il se rendit maître de sa main pour lui presser brusquement, laissant sa force parler pour lui lorsqu’il serra de plus en plus la prise, venant à peu de chose près à lui broyer quelques os. « Alors c’est toi le fameux Caramel. Drôle de nom, mais bienvenue chez moi. » Lui et les noms, ce n’était jamais une grande histoire d’amour, et quand il n’avait aucune estime pour ladite personne, c’était encore pire. Il était désormais destiné à s’appeler ainsi durant tout l’entretien. La bonne réception disposait de certaines règles basiques pour qu’elle se passe pour le mieux, et la première d’entre elles constituait une invitation à rentrer dans la salle de séjour. D’après ses souvenirs d’ailleurs, elle n’avait jamais aussi bien porté son nom, et ce pour un tas de raisons, à commencer par trois nouvelles dépouilles répandues sur le sol, étripé comme il se doit. « Oh ne vous inquiétez pas pour ça, c’est une coutume dans ma famille. Tous les soirs de pleines lunes, nous éliminons un homme au hasard, de préférence un Rehla, mais malheureusement vous n’étiez pas encore sur les lieux. » Le plus frappant chez lui restait la manière aussi naturelle que possible qu’il avait à formuler cette barbarie. Si rien ne choquait le démon, lui qui ne s’assignait jamais aucune limite, il doutait qu’il en soit de même dans l’esprit d’un sain. La décoration avait été scrupuleusement réarrangée pour paraître plus sombre, plus sanguinaire, parsemée de signaux dont seul le voyant était en mesure de reconnaître.

Invitant ainsi son nouvel ami à dénicher une place adéquate pour le bon déroulement de la relation sociale, la créature des enfers alla piocher dans sa réserve de boissons. Un homme, un vrai, avait incontestablement besoin de quelque chose en mesure d’éveiller tous ses sens, de le ragaillardir comme il se doit. Par égard pour se dernier, il opta pour son alcool le plus fort, celui-là même capable de rendre un ours ivre de folie au bout de la première gorgée. Il versa donc le contenu dans deux verres distincts et arrêta son choix sur pour un liquide moins endurant pour le troisième qu’il destinait à ça chère et tendre. Le visage réjoui qui siégea sur le visage du mercenaire était étrangement peu rassurant dès lors qu’on en connaissait sa réelle signification. Le simple fait que Mirari soit dénué du sens de la vue rendait l’atmosphère encore plus lugubre, et c’était devenu palpable a la seconde où il s’était adressé au second professeur. Tandis qu’il lui tendit chaleureusement la boisson avec une politesse des plus pétrifiantes, il tenta d’en savoir plus à son sujet. « Je suis curieux. Je me demande ce qu’un amorphe peut apprendre aux autres, éclairez-moi. » Il ne passait pas pour quarante chemins. Direct et vraisemblablement mauvais certes, mais il était bon de lui émettre dans quelle catégorie il le fixait, car aux yeux du maître des lieux c’était ainsi que lui était apparu le visionnaire.

En accord avec son attitude, il ne doutait en rien de ses aptitudes en tant que Relha puisqu’il s’agissait de son domaine, mais qu’en était-il de son affectation en tant qu’homme ? Avait-il les épaules pour mener une fille comme Mirari ? Pire encore, avait-il simplement le savoir-faire de circonstance pour ne pas gâcher l’enseignement sur la force qu’il inculquait lui même à cette dernière ? Consommant le verre en un tour de main, le prestidigitateur se mut d’un pas lourd vers le blondinet. Il s’arrêta à quelques centimètres de lui, ses yeux amèrement dressés dans les siens. Zane lui fit face comme un challenger, mais au lieu de souhaiter bonne chance au compétiteur, il en fit autrement. « Apprends-lui comment fonctionne une boussole si tu le souhaites. Par contre, si lors de mes propres enseignements j’estime qu’elle s’est affaiblie, c’est à moi que tu auras à faire. » Une lutte imminente aurait pu éclater à n’importe quel moment. Si l’un réagissait, nul doute que le second répondrait aux avances.

Le duel tourna court dès l’instant où Mirari haussa le ton. Elle montait sur ses grands chevaux, en colère après les deux hommes qui avaient l’air de se disputer un morceau de viande. Si elle était bien au centre de l’altercation, c’est surtout l’orgueil qui faisait protester les deux hommes dans l'aspiration de prouver qui était le patron. Si Caelum faisait tout son possible pour ne pas perdre la face, son discours souffrait d’arguments décousus d’après le démon qui savait on ne peut mieux comment devenir endurci, pour preuve ce qu’il était lui-même devint après toutes ses années. Jamais il ne s’était reposé sur ses atouts de démons, et encore moins sur ses acquis en tant qu’homme prêt à tous les sacrifices pour arriver à ses fins. La blanche avait beau lui vociférer toute sa haine, elle savait très bien qu’elle n’irait pas loin sans son influence. En revanche, il ne put refouler un sourire lorsqu’elle accrocha le col de son ami le blond. À son tour, il dut subir l’irritabilité de la jeune Rehla, qui clarifia les choses vis-à-vis de la formation. Elle avait en grande partie raison, tous deux étaient uniquement là pour la consolider, tant sur le plan spirituel que sur le plan physique. Zane qui se chargeait sans contredit de la partie "intense" voyait en ce changement brusque d’attitude un espoir dont il n’avait jamais rien perçu auparavant. Ainsi, il n’était pas mécontent qu’elle se reprenne enfin en main, cherchant à se rebeller contre deux hommes, immensément plus athlétiques qu’elle de surcroit. En simple spectateur, ne réagissant à aucune scène qui se déroulait face à lui, le démon écarquilla les yeux lorsque l’échine de l’aveugle fit des siennes. Se tordant de douleur, visiblement inapte à saisir ce qui survenait dans son organisme, elle subissait une mutation qu’il connaissait bien. Les os qui la confectionnaient se battaient en son sein, impatients de trouver une issue à leurs pénitenciers devenue manifestement trop étroite. Jamais encore il n’avait vu cette dernière dans une telle géhenne, tandis qu’elle fit tout son possible pour endiguer cette affreuse agonie.

Le démon aurait facilement pu s’approcher d’elle afin qu’elle parvienne à soulager ses pulsions. Voir son alliée gagner en pouvoir était quelque chose d’assez fantastique pour être souligné. Avec ce don du ciel, elle aurait de quoi devenir encore plus bénéfique qu’elle ne l’était. Malgré tout, les déambulations aériennes étaient loin d’être enfantines au départ. Il en avait lui-même fait l’expérience à plusieurs reprises. Combien de fois s’était-il gravement blessé à cause d’un atterrissage chaotique ? Combien de fois s’était-il affalé contre les innombrables obstructions qui jalonnaient son parcours ? Bien trop pour qu’il puisse considérer cette expérience comme agréable. Une nouvelle fois, l’utilité de l’enseignant ne se restreindrait pas à l’éradication de la faiblesse. Il avait désormais une autre raison de la prendre sous son aile. L’homme, plus serein que jamais, se risqua à s’approcher d’elle, passant à côté du blond sans même lui adresser la parole, la tension étant toujours tangible entre eux. Il se mit face à Mirari, pencha faiblement son corps en avant pour lui faire face et planta finalement son regard si particulier dans ses prunelles. « Ne panique pas ma belle. Tous les changements apportent leurs lots de souffrances. Ce n’est rien comparé à ce que tu vas devoir subir à l’avenir. Caramel à raison sur un point, je serais ton pire cauchemar durant ton initiation. Je n’entraine pas les faibles d’esprit. » À sa façon de créature maléfique, il n’enhardissait jamais par le cœur ou par la raison, supputant que cette instruction douteuse ne rendrait jamais quelqu’un plus fort. Un mental d’acier dans un corps de béton, rien ne résumait mieux ce dicton que le programme à venir. Elle désirait devenir plus puissante ? Alors c’était maintenant ou jamais. La bête imprévisible fit son retour lorsque sans que personne ne le voie venir, Zane fit s’effacer son bras dans un uppercut qui se requérait dynamique. Sans contenir une seule once d'agressivité émanant de son poing, il percuta vulgairement la mâchoire de Mirari qui prit son envol sur plusieurs mètres, achevant de s’aplatir sur le plancher ciré.

Offensé par un comportement aussi incisif, Caelum tenta de s’élancer en avant, soit pour aller le frapper à son tour, soit pour voler au secours de son amie, mais son essor fut brusquement interrompu par le loup qui émergea à ses pieds, les crocs apparents d’une salive peu réconfortante et pimentée d'un grognement affecté à lui prohiber toute intervention imprudente. Krog comprenait mieux que personne ce que son maitre avait en tête. Le coup inattendu qu’il avait porté à la jeune femme, aussi véhément soit-il, avait contribué à la modulation des ailes, si bien qu’elles étaient maintenant étendues comme il se doit. Il se tourna ensuite d’un air condescendant vers le blondinet. « Si un jour tu as de quoi rivaliser contre moi, je la laisserais entièrement à tes soins. En attendant, c’est moi qui dicte les règles ici. » Il fit signe au loup de le laisser passer, suite de quoi Zane laissa le bienveillant personnage s’accorder à s'occuper de sa douce. De son côté, il s’apprêtait à partir.