" Faut bien aller au charbon, y'en a un qui a besoin de mes incroyables talents ? Le chaman resta stoïque quelques secondes avant de répondre quelque peu froidement.
- Blarorkh recherche des volontaires pour une escorte de prisonnier. Il prit une légère pause, il venait de penser que cette mission était parfaite pour le cas Latone, il cacha ainsi assez mal son léger sourire en coin. C'est un transfert en direction d'Utopia. Le front de la chamane se plissa, elle avait de suite capté les intentions du maître-chaman.
- Hin… hin… hin… " Elle ne répliqua rien, elle ne savait point comment le prendre.

" Ta présence est la bienvenue, Descente. Elle ricana et donna une tape sur l'épaule de l'orisha.
- Toujours présente pour mes compagnons ! Son regard bleuté s'attarda sur la charrette équipée d'une cage, recouverte d'une épaisse couverture grise. Tu me fais un résumé ? C'était la première fois qu'elle participait à une escorte après tout, d'habitude elle était invoquée pour la chasse.
- Notre gars est un fugitif d'Utopia qu'on a pêché non loin de la ville il y a quelques jours. Nous avons donc eu du contact avec les humains et on a conclu un échange : le prisonnier contre une belle somme. Latone examina à tour de rôles les Marcheurs et les étrangers qui préparaient, chacun dans leur coin, leurs équipements.
- Donc, ce sont des humains. Je me disais bien que je me sentais légère tout à coup ! Blarorkh ricana à son tour, son casque masquait la partie haute de son visage mais sa bouche suffisait à l'expression de ses humeurs.
- L'antimagie, ouais. On fera avec. Il fit un signe à un Marcheur qui alla transmettre le message aux autres. Ils nous ont dit que notre homme avait sûrement encore quelques contacts avec l'extérieur, il faudra s'attendre à de la résistance à partir du Désert. C'est pourquoi ils vont nous aider, et qu'on va les aider.
- Parfait ! Je commençais à me lasser de la neige, un peu de sable chaud ne me fera pas de mal ! Qu'est-ce qu'on attend ? Elle fit joujou avec sa chaîne, mimant un rythme mélodieux.
- Que nos amis les humains soient prêts. " Les Marcheurs, eux, n'attendaient plus que leurs collègues pour démarrer l'escorte, qui sera sans nul doute bien mouvementé, surtout si Latone reste à leurs côtés aussi longtemps.

Mancinia respirait l'air pur de Ciel-Ouvert en fermant les yeux, savourant les multiples sensations qui s'emparaient de son corps. L'inspiration lui chatouillait les narines, le froid s'engouffrait dans ses poumons, la transperçant de sa fraîcheur. En effet, ce vent était tout à fait exceptionnel. A lui seul, il incarnait le changement de paysage, contrastant avec la chaleur ambiante qui régnait dans Utopia, alors que les étendues sablonneuses du Désert cédaient place aux étendues glacées de cette Prison. Dans cette structure démesurée, bâtie à même la montagne, l'Humaine se sentait extrêmement sereine. Une ambiance relativement étrange régnait dans ce petit pays à part du monde. Elle n'avait à se soucier de rien dans l'organisation, puisqu'elle n'était qu'une accompagnatrice prise au hasard. Cela changeait considérablement sa manière de faire, elle qui aimait tout diriger à sa manière...Mais être avec les siens était rassurant. Surtout lorsqu'ils étaient tous en dehors des murs de leur Capitale. La vie était dangereuse lorsqu'on ne possédait pas de magie, mais l'existence serait morne sans un peu d'épices ! Un chant semblait glissé sur le vent, faisant écho à ses pensées, guidant son instinct, une impression amusante au point de la faire sourire. Cet endroit portait bien son surnom de Cité des Chansons.

C'est vrai que ce lieu en lui-même était une oeuvre, un tableau glacé où les lumières solaires ou étoilés se reflétaient dans ses prunelles. Jamais elle n'aurait cru être témoin de pareille merveille car, après tout, Mancinia n'avait entendu parler de cet endroit que par un heureux hasard. Elle était revenue du Temple de Drejtësi armée d'une force nouvelle et avait souhaité rendre visite à Shapûr, dont la sortie de l'hospice était imminente et c'est là qu'elle avait surpris une conversation des plus intéressantes. L'Humaine n'avait pas eu l'intention de se cacher derrière les draps souillés de crasses, mais interrompre une conversation n'était pas dans ses habitudes, surtout qu'ils chuchotaient et qu'elle n'entendait quasiment rien. C'est quand Shapûr avait élevé la voix, visiblement furieux des propos tenus, qu'elle s'était interposée pour calmer les esprits. La vérité était qu'on avait une mission pour lui, mais le guérisseur refusait de le laisser sortir de son lit. Sa blessure était plus grave qu'escompté et sa plaie s'était infectée, une sortie le tuerait assurément. Cette affirmation le rendait bougon, tandis que son ami en riait, disant qu'il irait demander à quelqu'un d'autre. Mancinia s'était porté volontaire pour l'effectuer à sa place. Comme ça, d'un coup. L'homme ne semblait pas plus emballé que ça de sa proposition. Shapûr était une exception pour lui...

Il émit des doutes, que la femme balayait du revers de sa main ; elle aussi a vécu la dureté du monde extérieur, survécu aux événements récents et combattu les hordes démoniaques. Elle était une réserviste des siens et agirait pour eux s'ils en avaient besoin. Sa motivation semblait convaincre, alors on lui expliqua la mission. Mara envoyait des hommes volontaires et dignes de confiance pour procéder à un échange. Celle d'un prisonnier qui s'est enfui au cours des escarmouches et qui devait répondre de ses actes devant la Justice. Ce criminel devait vraiment avoir fait des actes horribles, mais rien dont l'Humaine ne se rappelait. On devait aussi assurer que la récompense des chasseurs ne soit pas égarée. On ne lui précisa pas ce qu'il en était, mais elle n'était pas stupide, il y avait une affaire d'argent là-dessous. Kamiya n'avait pas été ravi de cette décision précipitée, mais le corbeau accompagnait sa maîtresse où qu'elle aille. Et il la protégeait du mieux qu'il pouvait. Mancinia n'avait jamais pris part à des escortes, mais tant que les deux camps ne faisaient rien de préjudiciables, tout devait bien se passer. Elle avait été envoyée en avant avec deux autres hommes pour indiquer que les autres étaient prêts à faire l'échange et était rester deux jours dans ce lieu enchanteur. Elle devait partir, mais elle se promettait déjà d'y revenir...

Sur son épaule droite, le vent extérieur s'engouffrait dans le plumage de Kamiya, gonflant ce dernier et dévoilant ces quelques plumes blanches. C'en était grotesque. Tout le monde était prêt, elle incluse, hormis ses deux compagnons qui lambinaient.

— C'est bien les hommes d'être aussi lents, dit-elle, taquine.
— Oh, ça va, hein ! Pour une fois que c'n'est pas les femmes qui...Aïe !

Mancinia avait abattu son pied sur le sien sans ménagement, conservant son sourire et un regard qui ne lui lassait pas envisager la moindre réponse.

— Les femmes savent faire deux choses en même temps, réfléchir et s'apprêter.

Son compagnon la fusillait du regard, tandis qu'elle continuait de rire de lui.

— Et on ne fait pas attendre une dame ou elle s'en va sans toi. Eh bien, nous y allons ou tu veux mon pied au cul aussi ?
— Eh bien, tu n'es pas patiente, toi !
— Je suis imprévisible.

Mancinia avait accompagné sa remarque d'un petit sourire amusé, ses compagnons n'eurent pas l'idée de donner suite à cette remarque qu'il trouvait fort mérité.

827 mots

" Tout est paré, c'est l'heure de la promenade ! " La voix du maître-geôlier était forte, plus transcendante que le vent. En un rien de temps, le départ s'enclencha en direction d'Utopia.

" On ne se sent pas trop à l'étroit là-dessous ? C'était sa manière d'aborder les gens, une façon de les prévenir dès le début qu'ils auront affaire à une femme relativement instable. C'est une belle lance que tu as là, j'imagine que sa taille doit toucher quelques hommes complexés. En compagnie d'une fille comme elle, la Descente ne pouvait s'empêcher d'être encore plus taquine, complice même ; après tout, elles devaient bien être les femmes les plus impressionnantes du lot. J'espère que tu me laisseras échanger quelques coups avec toi, lors de la prochaine pause ? Cela m'étonnerait que tu trimbales cette merveille juste pour le plaisir des yeux. Elle laissa échapper un bref rire moqueur en laissant sa main aller effleurer le pommeau de sa propre claymore dans son dos. Ne t'inquiète pas, je peux jouer sur le même terrain, avec ma grosse épée. " Qui était la meilleure, entre celle qui avait la plus grande allonge et celle qui avait la plus épaisse lame ? Latone comptait bien trouver une réponse à cette question fondamentale, que l'humaine apprécie son humour douteux ou pas.

" Qui est le type qu'on escorte, alors ? Lui demanda-t-elle avec un ton un peu plus sérieux que tout à l'heure, bien qu'il dégageait encore un certain enthousiasme. Il vous a volé tout un champ de palmiers pour en arriver là ? " En réalité, elle ne tenait pas vraiment à le savoir, tout ce qu'elle souhaitait c'était s'occuper et gratter quelques informations croustillantes pour relancer le sujet. Les Marcheurs Ternes n'étaient pas connus pour être socialement appréciés lorsqu'ils entreprenaient leur petit commerce, tout le contraire de la furie bleue et, elle l'escomptait, de cette jeune lancière.

Même si un sourire amusé accompagnait chacune des actions de ses compagnons, rien ne pouvait transparaître sur son visage quant à sa possible anxiété. Mancinia ne pouvait pas se permettre de croire que tout lui était acquis, car au cours de cette mission, elle devait aussi faire ses preuves. Elle avait beau être reconnue publiquement en tant que guerrière des Humains depuis un moment, ce n'était pas quelque chose qu'on conservait au moindre écart. Et elle ne désirait pas être un mauvais exemple pour les siens. Ses hommes n'étaient pas ses subordonnés, ils étaient ses camarades et tous les trois étaient sur un même pied d'égalité au cours de ce transfert. Ils aimaient se chamailler comme des gamins, tant c'était en contraste avait la vie qu'ils auraient eu en vivant loin d'Utopia. Une vie triste, sans avenir, à craindre pour sa vie constamment. Si tout semblait favorable à leur expansion ces derniers temps, les Humains ne devaient pas croire qu'ils n'avaient plus d'ennemis. Une voix s'éleva au-dessus des autres, signifiant leur départ immédiat, mettant un terme à sa songerie. Non sans une pointe de regret dans le regard, Mancinia observa une dernière fois Ciel-Ouvert en se promettant d'y revenir lorsque les temps le permettraient. Pour l'heure, une mission devait être accomplie et la troupe se mit en marche.

Si le froid s'était emparé de quelques parcelles de son corps, il fût chassé par l'effort de la marche. L'Humaine prenait plaisir à entendre le son que produisait son pas dans la neige, elle aurait pu faire ça durant des heures ! Mais elle ne souhaitait pas paraître pour une gamine, surtout devant des étrangers dont elle ne connaissait rien et dont les moeurs lui semblaient sans aucune pitié. Derrière elle se trouvait la cage transportant leur prisonnier, celui dont elle ignorait tout et qu'elle n'avait pas envie de connaître. L'Humaine ne prêtait pas trop attention à son entourage immédiat, essayant de réfléchir sur les potentiels obstacles qu'ils devraient franchir et les assaillants qu'ils pourraient, éventuellement, se trouver sur leur route. C'est pour cela qu'elle ne fit pas attention à l'ombre qui vint se mettre à ses côtés avant que celle-ci ne lui adresse la parole. Mancinia fut surprise, mais l'intonation féminine ne laissait aucun doute et un sourire sur le visage de son interlocutrice l'engagea à lui dévoiler le sien. Qui était cette femme ? Si toutefois...Il s'agissait bien là d'une femme. C'était assez surprenant qu'elle doute à ce point, mais elle éviterait de le signifier à voix haute. Quoi qu'il en soit, cette personne semblait avoir un fort caractère. Quoi de plus normal à force de vivre sur ses monts enneigés et escarpés ?

Son regard ne manqua pas de noté que sa peau était à peu près similaire à la sienne. Blême, mais avec ce hâle léger qui trahissait sa fréquentation au Soleil. Sans doute revenait-elle d'une contrée plus chaude ? A moins que ce ne soit cette fameuse légende qui veut que la neige réfléchisse l'astre solaire et donne cet aspect à sa peau ? Dans un premier temps, Mancinia ne répondit rien, craignant que cela ne soit que de la curiosité vis-à-vis de sa race et puis...Elle n'avait pas tant fréquenté d'hommes que ça et ceux qui avaient eu affaire à sa lance n'en gardait pas de bons souvenirs. Ou n'était plus là pour en parler. Son regard s'assombrit au douloureux souvenir de Bodin avant de chasser cette affreuse image. Loin de s'offusquer de son mutisme, cette femme l'invita sans détours à échanger quelques passes avec elle dès qu'elles en auraient le temps. Commentant également beauté de son arme. L'Humaine affichait son étonnement, il était tellement rare que les gens s'intéressent à Nibelungen. Ce n'était pas vraiment le sujet de conversation des femmes et les hommes voyaient plutôt ça comme de la vantardise. Inutile de dire que cette inconnue avait le sens de l'observation. Cela se voyait à son regard. Elle avait aisément compris que sa lance était au-dessus de celle des autres, mais savait-elle à quel point ? Il s'agissait là d'un don de Drejtësi, l'incarnation de la Justice et l'Aether des Humains. Mancinia eu un rire franc quant à sa dernière remarque.

— Si c'est ce que tu veux, mais tu me sembles être une guerrière redoutable qui ne laisse personne insensible. Avec ma force de moineau, tu auras vite fait de faire de moi un bonhomme de neige !

Curieuse manière de dire qu'elle se ferait battre à plat de couture et ne manquerait pas d'être recouverte de neige. L'attroupement poursuivait sa route en dehors de Ciel-Ouvert, en ressentant les rayons dorés contre sa peau, Mancinia sentait ses joues rougies par le froid et cela la faisait rire intérieurement. Elle devait être bien amusante à regarder avec son visage rouge. Observant également la configuration du terrain, qui permit à l'Humaine de se détendre un peu. Une vaste plaine blanche à perte de vue ! Impossible de louper un assaillant, lui-même ne manquerait pas de vous voir venir. Un affrontement en face à face était mieux que tomber dans une embuscade. Un silence s'installa avant que la femme ne reprenne la parole, lui demandant si elle savait quelque chose sur l'homme qu'ils escortaient.

— Je n'ai pas eu plus de détails. Et puis qu'importe. A vouloir trop s'interroger, on finit par tomber en morceaux. Mieux vaut parfois foncer dans le tas et c'est ce qu'on va faire.

Des fois, même l'Imprévisible n'avait pas envie de se compliquer la vie. Des fois, seulement.

— Au fait, moi, c'est Mancinia.

920 mots

" Petit moineau deviendra grand. " Taquina la blonde en appuyant doucement son poing sur l'épaule de la lancière.

" Je vois, tu aimes prendre les devants, ça me plait. Finit-elle par répondre à Mancinia en se tournant de nouveau vers elle. Et moi c'est Latone. J'ai la singulière impression que nous allons être de grandes copines, nous deux. " Elle y comptait bien, Utopia était encore loin d'elles.

" Je te défie en duel, bâtard ! Le condamné sembla enfin faire attention à son intrusion. Prépare-toi à t'en prendre des grosses ! Une main se déposa violemment sur son épaule et la repoussa de la cage. Latone, quelque peu irritée par l'entrée des gardes, se rapprocha d'eux et leur gueula dessus comme s'ils l'avaient empêché de profiter de la dernière part de gâteau. Mais allez les gars, sortez-le de là que je m'échauffe un peu ! Ils la poussèrent une nouvelle fois, ils n'avaient pas froids aux yeux pour s'opposer à elle de la sorte, ils avaient malgré l'avantage du nombre. Je ne vais pas trop le casser, arrêtez de vous affoler ! Rien à faire, ils tenaient à sa santé. Pff, vous n'êtes pas drôles. " Elle se retourna et, juste avant de s'éloigner d'eux, leur fit profiter d'une tape sur la fesse pour les provoquer une ultime fois.

" Tendre Mancinia… Jeta-t-elle presque mélodieusement, voire ironiquement, en dégainant la Silencieuse. Je t'aime bien, je n'ai pas envie d'abîmer ton visage, ni même le reste tiens. Elle broya la neige sous ses bottes. Je suis trop excitée, alors allons-y ! Elle recula de quelques pas et adopta une posture défensive, un grand sourire dément s'empara de ses lèvres et ses pupilles bleutées luisaient de passion. Frappe-moi ! " Il fallait que les échanges soient percutants, il fallait qu'elle ressente de la pression dans la moindre fibre de ses muscles.

Mancinia n'en prenait conscience que maintenant, mais sa manière de dire les choses devaient sembler brusque à son interlocutrice. Elle s'en voulait d'être aussi familière avec quelqu'un, mais elle n'avait pas l'habitude de converser de manière si agréable avec d'autres personnes que des Humains. Lorsqu'elle sortait d'Utopia, sa présence n'inspirait que méfiance, avec une pointe de dégoût lorsque son antimagie infectait les alentours, mais celle à ses côtés eu un sourire face à ses dispositions et ne semblait pas s'en offusquer outre mesure. Tant mieux. Elle lui donna une tape sur l'épaule en lui rappelant le vieil adage, celui que toutes petites créatures pouvaient devenir grandes. La jeune femme ne rougissait pas de sa musculature inexistante, parce qu'elle avait tout de même survécus à plusieurs combats, dont quelques-uns d'envergures. Depuis la disparition de la Souveraine Démoniaque, les Démons se contentaient de sévir aléatoirement sans pour autant envisager de grands assauts : leur nation était devenue instable et cela jouait en faveur des siens et de leurs alliés. Est-ce que Neah était retourné chez lui sans dommage... ? Chassant le souvenir de son pseudo Ange Gardien, elle reporta son attention sur ce qu'il se passait ici et maintenant. Faire des suppositions ne l'aiderait pas.

Mancinia releva son nez vers le ciel bleuté, vers le petit point noir qu'était Kamiya. Ce dernier avait pris son envol avant leur départ pour s'assurer que tout irait bien en avant, même si l'utilisation de magie pouvait le leurrer, comme ce fût le cas la dernière fois. C'est vrai que lorsqu'il était sorti de son oeuf, son compagnon était si chétif. Il était devenu si fort et fier, entendant que le fait qu'elle soit aussi fonceuse semblait convenir à son interlocutrice qui lui dévoila alors son identité : Latone. Avant de précisé qu'elle comptait bien devenir sa camarade. Cette remarque remplit de plaisir Mancinia, cela lui changeait des allusions douteuses venant de personnes mal intentionnées. Elle ne put retenir un sourire ravi.

— Ce serait avec plaisir !

Mancinia était heureuse de cette marque de confiance, aussi veilla-t-elle à ne pas la perdre dans les minutes qui suivirent en la questionnant un peu de trop. Elles échangèrent quelques paroles, comme deux bonnes amies le feraient, mais on ressentait bien que l'Humaine était un peu hésitante et tendue. Au moindre faux pas, elle risquait bien de perdre ce nouveau lien qui lui importait grandement. La marche dans la poudreuse lactescente la frigorifiait ses extrémités malgré tout l'équipement qu'elle pouvait avoir pour se prémunir de la morsure de la bête glaciale. L'Humaine ne pouvait pas vraiment marcher à son rythme habituel et cela l'agaçait un peu. Puis, vint le temps d'une pause. Elle était la bienvenue, car la jeune femme avait bien envie de grignoter un peu de viande séché et en proposa à Latone qui refusa. C'était une vraie force de la nature pour ne pas avoir envie de manger après autant de temps à marcher ? Était-ce une habitude ? Un reliquat d'une vie de privations ? Cela l'intriguait, mais la question demeurait dans son esprit. On ne se confiait pas à une inconnue que l'on ne connaissait que depuis moins d'une journée ! L'Humaine posa à ses pieds sa lance pour ne pas que cette dernière la gêne durant son repas et soit facilement accessible en cas d'attaque surprise sur les flancs. Une remarque de Latone la déstabilisa avant que celle-ci ne saute sur ses pieds et se lance en direction de la charrette. Elle disparut de son champ de vision.

Devait-elle discuter avec les gardiens ? En tournant la tête, elle vit ces derniers un peu plus loin. Fronçant les sourcils, Mancinia se redressa en prenant sa lance au cas où et vit alors la scène dans laquelle sa nouvelle camarade se faisait extirper de la geôle amovible en protestant. Pourquoi ? Avait-elle quelque chose contre le prisonnier ? Cela ne la surprendrait pas vraiment. Ce gars devait avoir fait de vilaines choses pour qu'on veille le ramener à Utopia. Latone se mit devant elle, la dominant de toute sa hauteur. En cet instant, elle eu envie de s'enfuir en courant. Elle avait visiblement envie d'en découdre et sa promesse d'échanger quelques passes demeuraient dans l'esprit de la donzelle. Bien qu'elle n'avait pas envie de l'abîmer, elle avait encore plus envie de se battre et en reculant d'un pas agile, se mit en position d'attende avec un sourire de provocation. L'invitant sans détour à la frapper alors qu'un cercle se formait autour d'elles.

— J'ai pas envie.
— Allez, Matasif, tu ne peux pas refuser un si beau duel ! Va et fais-nous honneur !

Devait-elle râler et traîner des pieds ou y aller gaiement ? Elle choisit la première option et prit Nibelungen fermement dans ses mains, en position défensive.

790 mots

" … C'est une blague ? Latone fixa Mancinia, en position purement défensive. Généralement, quand la dégénérée prononçait ces mots, les Marcheurs devinaient qu'elle pouvait devenir soudainement impulsive ; et autant dire qu'un incident diplomatique entre Ciel-Ouvert et Utopia n'était pas du tout dans leur agenda. La donzelle frappa deux fois son plastron, pure provocation à l'encontre de l'humaine. Hé, j'ai dit "frappe-moi" !
- Ça suffit, Latone. Blarorkh était d'habitude pas contre un peu d'action, mais il préférait en finir rapidement avec cette mission et en découdre plutôt avec de potentiels libérateurs du prisonnier.
- Allez, s'il te plait !
- Mais tu t'en prends à l'unique humaine de la troupe, ce n'est pas très galant de ta part ! Pour une fois, la bleue se montra indécise. C'était un bon point.
- … Tu as raison. Si quelqu'un venait me provoquer alors que je traîne avec vous autres, vieux ours mal léchés, je le prendrai sûrement mal ! " Elle rengaina suite à cette pique ironique, sans aucune rancune évidemment.

" Tu as tenu tout ce temps sous fusion ? La concernée étira un grand sourire, aussi imposant que sa fierté.
- C'n'est pas difficile, je suis une génie !
- Mouais, il y a anguille sous roche. Elle ricana.
- Non mais bien sûr, quand vous dormiez, j'ai laissé ce corps se reposer. Ce n'est que pure entraînement ! Va en discuter avec Tlaalee-Aan si ça te chante. "

" Vous avez fait vite, c'est tout à votre honneur. Un homme habillé chiquement, tout de confection humaine, s'avança en compagnie d'une bonne poignée de gardes. Blarorkh s'avança avec quelques uns de ses hommes, d'autres tirèrent la marchandise. Pour une fois. Souffla le dignitaire en regardant la charrette passer des Marcheurs aux humains.
- "Pour une fois" ? Répéta l'orisha, piqué à vif, il ne s'était pas attendu à celle-là.
- Ne vous fourvoyez pas, Marcheur, j'apprécie vos efforts à leur juste valeur. Il fit un signe et deux de ses fantassins apportèrent les sacs d'or. Mais il y a une chose à laquelle votre groupe n'a pas répondu : pourquoi des hommes à vous se trouvaient à Utopia lors d'une attaque des démons ? L'orisha jeta un regard à ses collègues, puis se retourna vers l'accusateur, la tête penchée.
- Vous voulez dire lors de la dernière bataille ? Déjà ce n'était que trois hommes, de surcroît des humains – et une petite fille apparemment, mais ça ce n'est qu'un détail – et ensuite, ils n'étaient là que pour écouler de la marchandise. Aussitôt votre état d'alerte lancée, ils se sont portés volontaires pour vous apporter ces vivres et ce matériel, pour fortifier votre armée. La Marche Terne n'a pris parti que pour les défenseurs de la paix, on ne lambine pas avec les démons.
- Si vous le dites, mais je ne pense pas avoir entendu parler de leurs exploits sur le front. N'êtes-vous qu'une bande de couards sous couverture marchande ? Latone haussa un sourcil, était-ce une occasion d'en découdre un peu ?
- Ecoutez, si vous avez un problème avec trois de mes gars, vous n'avez qu'à leur rendre une petite visite. Moi, je n'ai fait que mon boulot : on me demande d'envoyer des vivres, j'envoie des vivres. C'était le bordel pour tout le monde, alors vous n'allez quand même pas vous plaindre juste parce que trois glandus n'ont pas levé l'épée sous votre drapeau !
- Ne commencez pas à hausser le ton, je vous prie.
- Hé, patron ! Blarorkh se retourna vers la chamane, qui se tenait aux côtés de Mancinia. On peut partir ? On a fini avec l'échange !
- J'aimerais bien rentrer aussi, mais notre joyeux partenaire souhaite, on dirait bien, faire un scandale pour des broutilles. Latone étira un sourire amusée, ce fameux sourire qui trahissait une idée farfelue tout droit sortie de sa caboche.
- S'il veut un scandale, j'en suis ! La chamane attrapa les bras de la frêle lancière, la fit pivoter en sa direction et l'embrassa, tout simplement. Le baiser de quelques minimes secondes fit siffloter la plupart des spectateurs mâles et secouer quelques têtes, notamment l'émissaire qui était trop vieux pour ces idioties. La bleue ricana après avoir rompu le baiser et recula en fixant la pauvre humaine. Petit moineau deviendra grand. " Dit-elle une nouvelle fois pour la taquiner, ou pour elle-même, difficile à dire. Elle leva le poing, d'autres Marcheurs firent de même et ils s'en allèrent en festoyant. Blarorkh suivit, dépité, il allait avoir de belles choses à rapporter aux Guides en rentrant…

" … Et donc, après, Latone a embrassé cette fille. Tlaalee-Aan ne l'avait pas vu venir celle-là, ni personne sans doute.
- Je vois, elle est donc définitivement comme toi. Léto mit beaucoup de temps à faire le rapprochement, elle était devenue rouge pivoine tout à coup.
- Comment ça ?!
- Eh bien, étant donné que Latone semble être une projection de ta propre personnalité, il est possible que son geste traduise ta plausible attirance pour les filles lorsque tu te travestissais durant ton adolescence.
- Mais… je n'ai jamais embrassé de fille ! Elle leva les yeux au plafond. Je ne crois pas.
- Ce n'est pas ce que j'ai dit… Enfin tant pis. Ils burent chacun un peu de leur chocolat chaud, le temps était rude dehors. L'essentiel, c'est que l'échange se soit bien passé, si on excepte ce dérapage.
- Il va arriver quoi, au prisonnier ?
- Je l'ignore. Ce ne sont pas les affaires de la Marche Terne. "

Mancinia était capricieuse. Elle n'avait rien contre un échange, mais était-ce vraiment le moment ? Ils venaient à peine de conclure leur repas et la marche ne manquerait pas d'être longue. Perdre ses forces maintenant ne l'inspirait guère, surtout avec le risque d'une attaque surprise destinée à libérer le prisonnier que les Marcheurs et les Humains menaient ensemble vers sa destination finale : une cellule ingrate de la Capitale des Humains. Sans omettre le fait que la guerrière était blasée de tous ces combats, elle qui en menait depuis plusieurs semaines contre des adversaires divers et variés. Certes, son titre de Matasif avait été acquis avec la force de son poignet, mais il n'en demeurait pas moins qu'une pause dans tous ces soucis lui aurait fait plaisir. Latone ne semblait pas ravie de sa plaisanterie, ce qui eut pour effet de faire hausser un sourcil à l'Humaine. Elle était au contraire tout à fait sérieuse, même si son attitude laissait croire le contraire. Mais son adversaire du moment essayait de la convaincre de la frapper en appuyant sur un endroit d'attaque potentiel. Mancinia allait finir par lui donner ce qu'elle voulait quand quelqu'un les interrompit avant que la mêlée ne commence. La guerrière remit sa lance droite et s'appuya un peu dessus alors qu'elle s'enfonçait dans la neige.

— Il faudrait vous décidez, hein.
— Laisse, Mancinia. Et puis, c'est toi qui ne voulais pas te battre.
— Justement...

Il y eu aussi quelques plaintes déçues venant de l'attroupement en cercle s'étant formé près d'elles, mais Mancinia ne tenterait pas le diable maintenant. Elle verrait à Utopia si Latone se sentait encore d'attaque. Cette dernière vint s'excuser de sa soudaine monté de combativité - avec une moue boudeuse - mais celle qu'elle avait défié n'y voyait pas de mal. Et les choses reprirent leurs cours comme si rien ne s'était produit. La marche vers Utopia reprit au travers des étendues neigeuses, la troupe laissant derrière elle une traînée de pas qu'une cascade de flocons ne manquerait pas d'effacer. Au fur et à mesure de leur progression les conduisant aux abords du Désert, l'Humaine se détendait sans relâcher sa vigilance, mais le terrain familier de sa patrie la mettait en confiance. Aucun adversaire ne pourrait surgir des dunes sans se trahir au préalable. Le froid céda à un climat tempéré avant que la chaleur ne s'installe, de plus en plus accablante et Mancinia se surprit à se demander comment les Marcheurs faisaient pour ne pas s'effondrer. L'habitude ? Peut-être était-ce pour cette raison que certains avaient été choisis pour cette mission. Elle serait bientôt de retour chez elle avec un moment d'absence assez court, mais qui lui aurait demandé bien de l'énergie. Voilà pourquoi elle ne s'était pas engagée dans l'armée Humaine...

Un peu en retrait, Latone conversait avec d'autres Marcheurs. Mancinia voyait bien que sa nouvelle amie affichait une moue emplie de déception, malgré les sourires de fierté. A croire que sa combativité ne l'avait pas quitté et qu'elle regrettait de ne pas s'être défoulée sur la tête de quelqu'un. Au fond, elle était ravie que ce ne soit pas la sienne. Elle se voyait mal survivre à un affrontement pareil et à cette espèce de bestialité qui se dégageait de sa personne, comme une volonté indomptable. Son regard croisa celui de son lieu de résidence et, inutile de le dire, l'Humaine était ravie de voir les hautes murailles de sa ville. Ils n'avaient plus rien à craindre de la part de personne mal intentionné. Aux abords de la Porte Principale, L'Humaine descendit de sa monture pour accueillir ses camarades avec respect. Elle avait en sa possession un titre, mais cela ne l'obligeait pas à mépriser ceux ayant choisi la voie militaire. Chacune des deux parties devaient désormais exécuter des tâches plus administratives. Écoutant l'échange houleux entre les siens et les Marcheurs, elle retint un long soupir. Ils devraient être reconnaissants de ne pas les avoir comme ennemis en ces temps troubles. Leurs alliés n'étaient pas nombreux. A vrai dire, il n'y avait bien que les Anges, les Marcheurs ou les membres de la Coterie de Bois-Lune qui daignerait se déplacer pour affronter des engeances démoniaques.

Rien. Ils ne possédaient aucuns alliés qui viendraient les secourir en cas de coup dur. Et les politiques ne semblaient pas très soucieux de ce détail en voyant le comportement de celui qui leur faisait face. A quoi s'attendait-il en les traitants de lâche ? Ces hommes et ces femmes avaient plus de poigne que lui. Elle-même était sans doute capable de lui en coller une de le faire valser dans le sable. Elle le pensait très fort, mais ne moufterais pas. Mancinia n'était qu'une citoyenne parmi tant d'autres. Latone avait bien plus de réaction et se proposa à faire scandale. Quand l'Humaine cru qu'elle défierait le marchand en duel, elle sentit une main sur son épaule et sa tête se tourna instinctivement vers elle. Une surprise de taille l'attendait, car comme toute réponse illogique au possible à cette situation ; elle sentit des lèvres contre les siennes. Ce contact ne dura que quelques secondes, mais il suffit à lui couper le souffle. En se retirant, Latone la taquina avec un sourire avant que les Marcheurs ne décident à se mettre en marche sous son geste. Mancinia papillonna des yeux quelques instants avant de rependre contenance, ce n'était pas vraiment la première fois qu'elle se faisait embrasser par surprise, ou contre son gré. Elle se retourna et vit le groupe un peu plus loin avant d'essayer de les rattraper d'un pas rapide.

— Attends, Latone !

Sans doute voulu-t-elle l'ignorer. Jusqu'à ce que Mancinia ne la rattrape, l'obligeant à se retourner pour lui sauter dans les bras pour arrêter sa progression, ce qui ne manquait pas d'en surprendre plus d'un. C'était mieux qu'une gifle, non ?

— On se fera un beau duel la prochaine fois ! Entretien bien tes muscles, Partenaire, ou je risque fort de te surpasser !

Relâchant son étreinte, elles savaient que c'était une promesse scellée. Complètement. La guerrière observait Latone progresser au loin en lâchant un soupir. C'était la seconde femme qui l'embrassait de sa vie et l'Humaine s'était à nouveau fait surprendre. Pourtant, Mancinia aurait voulu de se faire embrasser par Neah si elle avait eu le droit de choisir. Pourquoi est-ce que ça me traverse l'esprit maintenant ?

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Défi ○ Faire un câlin à quelqu'un que vous ne connaissez pas, ou peu
Merci Léto, huhuhu *3* <3