Peu à peu, la jeune femme que tous semblait connaître s'effaçait, s'évaporait dans les airs avec les longues secondes qui s'écoulaient lentement. Dans ces derniers instants de clairvoyance, Lily-Lune s'était débrouillé pour se vêtir le plus possible, empruntant quelques vêtements dans de vieilles demeures en ruine, désertes depuis surement de longues semaines. Les propriétaires avaient du fuir avec l'invasion,à moins qu'ils soient simplement morts, ou transformés en l'une de ses horribles. La gorge de l'Orine se serra à cette pensée, qui lui rappelait encore davantage que c'était aussi le funeste sort qui l'attendait, à moins qu'elle parvienne à se guérir avant de perde définitivement ses esprits. Il devenait tellement embrumer, tellement confus... Les dernières pensées cohérentes qu'elle parvenait à garder étaient tourné vers sa survie, sa guérison et la direction que ses pas devaient emprunter. Car malgré son état plus que préoccupant et la peur naissante qu'il engendrait chez la jeune femme, Lily-Lune se sentait irrévocablement attiré par autre chose, et animé par cette frayeur. Le cœur battant, elle marchait à vive allure en direction de son village, Maëlith, où les Orines devaient l'attendre impatiemment. A moins bien sûr que l'homme qu'elle avait envoyé ait échoué et que les morts-vivants aient pris le dessus sur son cher village. Inconsciemment, elle pressa le pas. Les mains tremblantes et encore plus blêmes que d'ordinaire, Lily-Lune rabattit la capuche de la longue cape sombre qu'elle avait trouvé dans les décombres d'une vieille masure. Ce bout de tissus décrépis était largement suffisant pour la cacher des regards indiscrets et perspicaces qui ne tarderaient pas à comprendre ce qu'elle allait devenir si personne ne l'en empêchait de quelques manières que ce soit. Sans même contempler son reflet, la jeune souveraine savait pertinemment qu'elle ne devait pas avoir bonne mine. Ses longues cheveux noirs en bataille devaient sembler bien terne, tandis que son visage d'une pâleur de craie respirait la mort jusque dans l'éclat vide de son regard. Ses lèvres habituellement d'une couleur de sang, dans la fraicheur nocturne et sous le joug de la maudite morsure, devenait peu à peu bleutés et prenaient des teintes violacés. La demoiselle si belle, gracieuse et exquise devenait un monstre. Tout simplement.

Lily-Lune errait comme une âme en peine, sans se soucier des quelques regards inquiets ou méfiants que les rares passants lui jetaient. Elle ne devait pas se focaliser sur des futilités, mais bien rester concentrer sur son objectif, simple et cruel : survivre et se faire soigner. Si cela était possible. Des rumeurs circulaient au sujet d'un remède miracle, qui soignait tout les maux des pauvres créatures changer en immondices contre leur volonté. Lily-Lune esperait bien qu'elle pourrait bénéficier de ce traitement. Mais il fallait déjà trouvé quelqu'un qui pourrait l'aider... Ignorant totalement où elle pourrait se rendre et craignait que la vue de Vénus, la Chef du Conseil des Orines attisent les convoitises d'hommes aussi fourbes qu'ambitions, elle préférait ne pas s'attarder dans ses contrées hostiles et s'en tenir à sa première idée : filer aussi vite d'un météore à Maëlith où les muses, après avoir crier d'effroi et débiter leur petit sermon, s'occuperaient d'elle de la meilleure façon qu'il soit. Mais le chemin promettait d'entre long et fastidieux, et la jeune femme craignait de ne pas arriver à temps. Elle serait certainement devenu l'un de ses horribles monstres avant d'avoir franchis les portes du village. Et si elle parvenait jusqu'au Orines dans cet état, elle signait l'arrêt de mort de tout son peuple, qu'elle ne peinerait pas à décimer.

L'esprit à demi mort et tenailler par le doute et l'indécision, Lily-Lune tomba à terre, épuisée et le corps meurtri par milles supplices. Un sentiment qu'elle n'avait jamais ressentit s'empara d'elle, quelque chose de nouveau qu'elle ne connaissait pas. Elle souhaitait mourir, mettre fin à ses jours. Peut-être était-ce la meilleure chose à faire, pour quelqu'un de sa position et dans une telle situation. La mort l'effrayait-elle? Pas vraiment. Le suicide la conduirait surement à revenir sous une autre forme, celle des ombres, à moins que cela ne fasse qu'accélérer le processus de contamination. A terre, Lily-Lune respirait tant bien que mal, le souffle court, le cœur et la gorge serré comme si quelqu'un lui comprimait ou tentait de lui arracher. Faible, elle releva doucement la tête, les yeux humides et le visage peinée. Elle laissa vagabonder son regard dans les alentours, prise d'une certaine lassitude, quoique heureuse de reconnaître vaguement ce paysage blanc à l'horizon. Les montagnes de l'Edelweiss. Au moins se rapprochait-elle de son but. Mais y parviendrait-elle à temps ? Elle sentait que la contamination prenait de plus en plus de parcelle de son âme et de son corps, et que bientôt, il aurait le dessus sur elle. C'était bientôt la fin. Les bras tremblants et tandis qu'une larme roulait sur ses joues blanches, Lily s'allongea lentement dans l'herbe humide et contempla quelques instants le ciel gris et les nuages gorgés d'eau. Délicatement, elle laissa ses paupières se refermer pour s'endormir, paisiblement.

Les cris. La souffrance et le désespoir. Autour de la jeune femme, de sombres silhouettes dansaient frénétiquement. Était-elle en train de rêver ou aux portes de la mort? Elle ne parvenait pas à se décider. Mais au moins avait-elle la satisfaction de constater que peu à peu, elle revenait à elle. La brume épaisse qui s'était installé dans son esprit s'en allait peu à peu pour laisser l'éclair de la lucidité et de la cohérence prendre le dessus. Mais tout ses membres étaient endoloris et lourds, ses paupières semblaient refuser de s'ouvrir. Elle demeurait simplement allonger dans un coin, inerte mais pourtant consciente. Consciente ? Oui. C'était donc cela. Les muses devaient être partie à sa recherche, angoissées et peu patiente, l'absence de leur reine avait du être éprouvant pour elle. C'était au moins une bonne nouvelle. Le village devait être sauvé. Cette pensée aurait presque pu arracher un sourire à Lily-Lune, mais son visage, calme et neutre, ne s'illuminait d'aucune expression, quelle qu'elle soit : pas une once de douleur, de satisfaction ou de peur. Elle devait plus ressembler à un cadavre qu'autre chose. Des voix ténus parvenaient jusqu'à elle, et parfois, l'Orine crut reconnaître la voix de Thalie ou d'Uranie, qui cherchaient désespérément à faire revenir Lily-Lune à elle. Elle sentait qu'on lui serrait la main et qu'on s'occupait d'elle, mais rien n'y faisait, elle ne se réveillait pas.

Combien de temps cette mascarade dura-t-elle? Dur à dire. Recluse dans le petit monde caché au fin fond de sa tête, Lily-Lune avait perdu toute notion du temps. Et cet isolement lui fit le plus grand bien. Mieux encore, elle se sentait apaisée. Alors pourquoi revenir dans le vrai monde, celui des peines et des monstres ? Parce que c'était celui qu'elle aimait, en fin de compte? Lily était loin d'être un ange. Elle pouvait être aussi gentille et attentionnée que cruelle et insensible, aussi belle qu'un océan déchainée, aussi calme que calculatrice, elle pouvait sembler bien paradoxale et donc, dure à cerner. Même elle devait se perdre. Mais maintenant, elle se sentait bien. Et c'était suffisant.

« Je pensais que Sa Majesté aurait au moins pu dédaigner revenir à elle pour me remercier. La moindre des choses, après tout. J'ai foncé tête baissée dans ce piège et je ne vous en veux même pas, au bout du compte. Un sourire m'aurait plut.»

Cette voix-ci ne lui était pas familière. Elle n'appartenait pas à l'une des muses, et à vrai dire, ce n'était même pas une voix féminine, mais bel et bien masculine. Un ton suave et doux, des intonations de velours, comme murmurer à l'oreille. La curiosité est un bien vilain défaut, et il eut un effet immédiat. Lentement, les grands yeux noirs de Lily-Lune s'ouvrirent. Après quelques courts instants, la jeune femme se releva et distingua au fond de sa grande chambre, assis sur une chaise, la silhouette fine et élancée d'un jeune homme. Celui qui venait de parler.

« Caleb, je suppose.»

Ce n'était pas vraiment une question. Plutôt une évidence. Le silence s'installa et les deux êtres se dévisagèrent tant bien que mal dans le noir. Agacée et irritée, Lily-Lune ne tarda pas à se relever pour tirer les rideaux des grandes fenêtres. Le rehla accourut pour l'en empêcher, et attrapa dans ses bras musclés la jeune femme qui chancelait.

« Vous êtes bien trop faible pour le moment pour faire quoique ce soit. Reposez vous et manger quelque chose. Ordre de vos Muses.»

Il sourit. Lily-Lune posa délicatement sa main sur l'épaule du jeune homme et planta son regard dans le sien. Il en parut troublé, mais se détendit immédiatement en voyant le sourire de la Reine.

« Et bien voilà..»