Quoi de mieux pour honorer cette belle journée ensoleillée que d'aller fouler des terres inconnues qu'il n'avait encore jamais vu ? Devaraj ne se lassait jamais de découvrir de nouvelles choses, quel qu'en soit leur contenu... Et aujourd'hui il allait encore se comporter comme un gamin allant à la découverte du monde, puisque la caravane qu'il accompagnait venait enfin de quitter le désert pour entrer sur les terres d'Emeraude. Ces dernières restaient un immense terrain inconnu à ses yeux, et c'était pour en découvrir les secrets qu'il s'était coltiné -avec douleur- la traversée d'un désert et la compagnie parfois lassante d'une caravane entière de Voyageurs. Enfin, il y avait aussi une deuxième raison beaucoup moins gratifiante, qui était de gagner un peu d'argent durant le voyage. Gambader dans le monde entier, c'est cool... vu de loin. Une fois qu'on y est et qu'on a bien couru de droite à gauche en s'émerveillant sur chaque caillou, on se rend compte qu'on a plus d'argent pour dormir au chaud, que le sol est dur et les nuits sont froides, qu'on finit par ressembler à un clochard habillé en fripons et que parfois -souvent même- on a des mauvaises surprises... Il faut avouer que le chaman commençait à être physiquement épuisé par sa vie nomade. Il faudrait qu'il arrive à se poser quelque part avant de s'écrouler mort -et sans un sou- au sol. Il avait apprit beaucoup de choses en parcourant le monde depuis son départ de la montagne, mais rester dans une ville et devenir sédentaire un petit moment lui en apprendra sûrement d'autres après tout... Leur destination Stenfek semblait être une belle ville d'après les dires de ses camarades, il avait hâte d'y être malgré toute la fatigue qu'il pouvait ressentir.

Comme il commençait à être en manque de solitude et de calme à force de rester avec la bruyante caravane tout les jours depuis un mois, il restait souvent tout devant en éclaireur, ou à l'écart derrière, délaissant les discussions animées au sujet de leur prochaine livraison, et préférant contempler le paysage, qui à vrai dire, en valait vachement le coup !  A force de voir des dunes de sable à l'infini, il avait presque eu l'impression d'être devenu aveugle... Voir de la verdure, des arbres et de l'herbe, ça le faisait revivre ! Et puis au moins, il n'était plus en train de suer comme un porc sous le soleil brûlant et étouffant du désert. Et il n'était apparemment pas le seul à ressentir cela parmi les Voyageurs, puisque la bonne humeur semblait revenir à grand pas dans la caravane. Il afficha un sourire un peu idiot et repensa à tous ses compagnons. Driel avait disparu de la circulation... m'enfin ce n'est pas comme si Devaraj s'en inquiétait beaucoup, car il savait que le cerf était drôlement intelligent, voir plus que son maître parfois. Mais tout de même, il pensait souvent à son animal et sa compagnie avait fini par lui manquer. Ne restait avec lui que Khaal, qui parlait de moins en moins et ressemblait de plus en plus à un vrai fantôme, et Cendres qui vagabondait autour de la caravane, surveillant de loin ce qu'il se passait, probablement peu envieux de rester entouré d'une troupe bavarde et tapageuse.

Maintenant qu'ils avaient laissé derrière eux ces maudites tempêtes de sables et autres désagréments, ils avançaient beaucoup plus vite, la plaine étant un endroit facile et agréable à traverser. La journée se passa sans même qu'il ne s'en rende compte et le chef de la caravane donna bientôt l'ordre de monter le camp pour la nuit, près d'un point d'eau. Devaraj descendit de sa monture, une sorte de dromadaire qu'on lui avait prêté et qui était aussi aimable qu'une porte de prison, et l'attacha avec les autres montures à l'endroit prévu. Ensuite, il alla directement chercher des provisions d'eau et de bois, laissant les autres monter les tentes. Au début, il avait eu du mal à suivre le mouvement correctement, mais maintenant il avait l'impression qu'il avait passé toute sa vie -voir plus- à faire ça. Vivement qu'ils atteignent la ville avant que le chaman oublie tout ce qu'il avait vécu avant de rejoindre cette caravane !  Il ramena machinalement des seaux d'eau et quelques tas de bois, avant de s'écrouler dans un coin et de s'autoriser une pause. Le repas viendra dans une heure ou deux, et ensuite arriveront les histoires au coin du feu et les hommes à moitié bourrés, et ensuite le silence de la nuit. Il connaissait le déroulement par coeur et cela le rendait presque malade. Il adorait voyager, mais la monotonie c'était vraiment pas son délire... Quelque part, il souhaitait presque que l'apocalypse s'abatte sur le camp, histoire qu'il s'ennuie un peu moins !

Il soupira, alla chercher sa ration et s'éloigna pour s'installer tranquillement près du cours d'eau. Cendres vint se coucher -ou plutôt s'écraser lourdement- sur ses pieds et ronronna un peu avant de s'endormir à moitié. Le chef avait bien choisi son endroit pour s'arrêter, c'était joli et agréable... L'eau chantante lui berçait les oreilles et l'air frais lui vivifiait la face. Le ciel était entièrement dégagé et on pouvait voir toutes les étoiles s'allumer un par une... A quoi bon dormir sous une tente dans un endroit pareil ?! Le chaman finit par céder et alla se chercher une couverture pour dormir à la belle étoile. Il s'installa derrière une buisson et regarda un long moment la nuit étoilée avant de s'endormir... et d'être aussitôt réveillé par Cendres qui grognait.
-"Quoi encore..." se plaignit-il, ne comprenant pas ce qu'il se passait.