-Seulement quelques mois. J’attends d’être assez forte afin de pouvoir, moi aussi, effectuer le pèlerinage dans la montagne. En patientant, j’observe la manière dont les voyageurs se préparent, j’écoute leur retour lorsqu’ils redescendent de la montagne sans avoir réussi à atteindre le sommet, leurs raisons, leurs aventures, les obstacles rencontrés. Je note tout dans un carnet pour éviter tous les dangers qu’ils rencontrent au maximum.
Cette petite était une mine d’or. Avec tous les renseignements accumulés au cour de ces mois passés à travailler là et à écouter les récits des aventuriers, elle en savait plus que n’importe qui, et elle savait lire l’Orisha, étant donné qu’elle en était une. Elle attisait l’intérêt de la sirène. Le vieil homme la sortit de ses pensées :
-Vous voyez, elle est là de sa propre volonté.
-Vous faites travailler une gamine, même si c’est à sa demande, ce n’est pas une manière de se justifier. Vous devriez vraiment avoir honte.
-Votre avis m’importe peu vous savez.
-Est-elle libre de partir librement ? Dès qu’elle le voudra ?
Kimi fixa le vieil homme.
-Euh… Oui bien sûr, mais c’est trop dangereux pour elle, seule, dehors.
Un mensonge, puis une justification sur la raison pour l’empêcher de partir :
-Croyez-vous que les individus de son peuple accepterait que l’une des leurs soit retenue ici à votre service ?
-Les Orishas sont des esclaves ! Partez, partez-vous et vos mauvaises ondes ! Faites-vous tuer dans ces montagnes et n’en revenait jamais ! Partez faire votre fichu pèlerinage et laissez-nous tranquille.
Voilà enfin qu’il dévoilait ses réelles pensées, exténué par la peur qu’elle faisait doucement infuser en lui. Les larmes de Kimi lui montèrent aux yeux. Elle n’avait pas vu son bienfaiteur sous cet aspect-là, mais elle rebondissait tout de suite sur la dernière phrase de celui-ci :
-Vous allez suivre le chemin du pèlerinage ? elle semblait avoir retrouvé son enthousiasme.
-Très bien je pars vieil homme. Oui Kimi, veux-tu venir avec moi ?
-Alors là non, vous ne l’emmènerez pas !
-Oui, je veux venir !
Elle acceptait la proposition d’une parfaite étrangère. Elle était naïve et fonceuse, et c’était très dangereux lorsqu’on avait 12 ans. Nissa se revoyait à cet âge-là, lorsqu’un humain l’avait arraché à l’océan. Elle aurait aimé que quelqu’un se soucie d’elle et vienne la sauver.
-Je l’emmène, vous n’avez pas le choix. Va faire ton bagage jeune fille.
Kimi fonça vers l’endroit où elle reposait. Le vieux barman sembla vouloir s’interposer  mais Land, posté à l’extérieur, avait entendu la sirène hausser le ton, et ouvrit la porte d’un grand fracas. Quant à elle, elle montra au vieil homme le fouet et le couteau de lancer qu’elle avait de suspendus à sa ceinture :

-Je ne vous le conseille pas.
Il se tut, grommela, et elle intensifia la peur qu’il avait d’elle afin qu’il se tienne tranquille. La petite Orisha revint rapidement, un petit sac accroché à son dos :
-On peut y aller ! Au revoir Ardys ! »


D’un franc sourire et d’un geste de la main énergique, elle tourna le dos au chalet, et sortit, Land et Nissa fermant la marche. L’air rafraîchit les saisit immédiatement lorsque la porte se referma :
« Kimi, on va se trouver un endroit où dormir à la belle étoile. Tu as déjà fais ça ? On attaquera l’ascension demain.
-Non jamais, c’est génial. J’ai vraiment hâte d’y être. Tu sais faire du feu ? Moi non, mais je vais voir comment tu fais………………. »
 
Elle débitait à une vitesse impressionnante. Nissa qui appréciait le calme afin de réfléchir était servie. Elle ne répondait pas à la jeune fille, mais celle-ci ne semblait pas le remarquer et continuait en marchant. Elle remarqua le coup d’œil que le loup lui lançait de temps en temps. Il partageait ses pensées, et grognait de temps en temps lorsqu’elle lui tapait trop sur les nerfs.
La sirène marqua une pause, puis descendit ses affaires de ses épaules qu’elle posa au sol. L’Orisha en fut si surprise qu’elle se tut et l’imita :
« Nous nous installerons ici cette nuit.
-Super… Au fait, comment vous vous appelez ?
Nissa leva les yeux au ciel. La petite l’avait suivie sans connaître son prénom. Elle était d'une telle imprudence ! Peut-être qu'elle n'aurait pas dû l'emmener. Elle avait l'intuition qu'elle allait regretter l'opportunité qu'elle avait vu en elle.
 -Déjà, tu peux me tutoyer, ensuite, je m’appelle Nissa. Maintenant on monte le camp. »



Elles s’exécutèrent.

Mots: 1805

Nissa ouvrit les yeux après une courte nuit, réveillée d’une manière plutôt agressive. Elle avait laissé Kimi et Land se reposer la première moitié de celle-ci afin de surveiller les alentours. Elle avait peur que le propriétaire du chalet ait envoyé des hommes à leurs trousses afin de lui reprendre Kimi. Peut-être avait-il compris l’importance qu’elle avait dans la résolution de cette énigme. Elle en était la clé, après toutes les recherches qu’elle avait mené, les témoignages qu’elle avait recueilli, c’était elle qui était le plus près de percer ce mystère, si mystère il y avait vraiment. Il avait laissé l’enthousiasme de la jeunesse faire, à sa place, ce que sa fainéantise n’avait jamais eue le courage de relever. Quelle pauvre gamine : à peine 12 ans et elle avait déjà perdue ses parents et avait été exploitée. Elle ne s’en rendait pas compte, avec son débordement de naïveté et son envie de bien faire. Elle n’avait passée que peu de temps avec elle, mais elle commençait déjà à la cerner. C’était un livre ouvert.La première partie de sa garde, elle observa la petite et Land remuer dans leur sommeil respectif. Son visage si joyeux éveillé prenait des traits soucieux lorsqu’elle dormait. Afin qu’elle passe une bonne nuit, et qu’elle soit en forme le lendemain, Nissa déploya son pouvoir de contrôle des émotions et apaisa la jeune Orisha. Ses traits se détendirent et elle eut l’air de se calmer. Comme le temps commençait à lui durer, elle créa un léger filet d’eau et joua avec, le modelant, le lançant d’une main à l’autre, puis exécutant des figures de plus en plus complexes afin de développer son agilité à manier cet élément. Au bout d’un ultime bâillement, Land se réveilla et vint passer un moment avec elle, le museau appuyé sur ses genoux, puis elle alla se coucher sur l’herbe. Il avait beau faire nuit, l’air restait doux. Heureusement qu’il n’y avait pas de vent. Le temps était agréable au pied d’une montagne. Il en serait autrement en commençant l’ascension.    Ce fut Kimi qui réveilla la sirène. Le soleil se levait à peine et la jeune Orisha était à son chevet, l’observant dormir et la secouant légèrement. Elle avait bien du culot : « Kimi ! Qu’est ce qu’il y a ? -Le soleil est levé Nissa. Tu avais dis qu’on partirait demain et nous sommes demain. -C’est vrai, mais pas demain aussi tôt ! Le soleil se lève à peine. -Oui, j’ai attendu de le voir apparaître pour te réveiller. Je me suis dite que c’était le signal que dont tu avais voulu parler pour commencer l’ascension. » Maintenant qu’elle était réveillée, elle ne pourrait plus se rendormir. Elle se leva, se dégourdit les jambes, plia ses couvertures et les rangea. Elle s’équipa assez chaudement pour l’ascension, se laissant une marge afin de pouvoir se recouvrir de nouveau lorsqu’elle aurait froid : « Kimi, tu es encore en haut à manches courtes. Couvre-toi ! Je ne veux pas t’entendre te plaindre que tu as froid tout à l’heure. »

La petite s’exécuta et s’habilla plus chaudement. Sa patience était déjà mise à rude épreuve de bon matin. Elle n’était pas sa mère, elle n’allait pas être derrière elle tout du long. Elle sortit de la viande séchée de son sac, ainsi que du fromage et du pain qu’elle partagea en deux. Land avait déjà chassé. Elle avala rapidement son petit-déjeuner frugale puis donna le signal afin de partir.
 
Les premiers temps du trajet, elle lançait des regards en arrière de temps en temps afin de vérifier que personne ne les suivait. Kimi sortit son carnet :
« J’ai regroupé tous les obstacles selon le numéro de la stèle rencontrée. Avant la première, il n’y a aucun problème. Il suffit de repérer un menhir dressé, puis de prendre le premier chemin qu’il y aura à notre droite. On ne peut pas le louper à ce que j’ai cru comprendre. Nissa tu penses qu’on croisera d’autres pèlerins ? S’ils nous voient, ils voudront nous suivre ou me voler mon carnet. Certains ont déjà essayés lorsqu’ils avaient entendu parler de celui-ci au chalet.
-Ne t’inquiètes pas Kimi, on s’occupera d’eux. Regarde, je crois que c’est le caillou dont tu parlais. »
Pour un caillou, c’en était un imposant : il se dressait verticalement dans la vallée, une pierre majestueuse dominant le paysage, et visible de très loin. La petite troupe s’y dirigea. Ils trouvèrent facilement le chemin dont la jeune Orisha avait parlé : de la plaine, il s’enfonçait dans la forêt qui grimpait le long de la montagne, et s’y engagèrent. Toujours sur le qui-vive, la sirène regardait de temps en temps en arrière. Land fermait la marche et était celui le plus susceptible de détecter des poursuivants, mais elle restait sur ses gardes.
 
Kimi s’arrêta nette, ce qui surprit Nissa qui manqua de la bousculer :
« Regarde, c’est la première stèle je crois. »
Encadrée par du lierre,  une pierre se trouvait là, faisant partie intégrante du paysage, comme si celle-ci prenait racine dans la terre. Un étrange dialecte était inscrit dessus. La jeune femme se pencha afin d’essayer de le décrypter, mais abandonna bien rapidement. Kimi elle, semblait absorbée et lut :
ça veut dire : La première étape du voyage commence ici. Tu découvriras davantage que des paysages. Assemble toutes les pièces de cette énigme pour atteindre le sommet. Je vais l’écrire, ça sera plus simple pour se rappeler de tout à la dernière stèle que de compter sur notre mémoire. »


Kimi nota la première phrase et ils reprirent leur chemin. L’angle de la montée devenait un peu plus abrupt au fur et à mesure qu’ils progressaient, mais l’augmentation des efforts à fournir permettait de contrer le froid qui augmentait. Ils arrivèrent à la deuxième stèle au bout d’une heure.
 Les secrets de la montagne sont en son sein.. 
Encore une fois Kimi le traduisit et écrit la phrase.  Un secret au sein de la montagne ? Intriguant. Plus elle marchait, et plus elle se détendait. Elle pensait être à l’abri de potentielles poursuites orchestrées par le patron du chalet. Dès qu’elle sortait de ses réflexions, Kimi reprenait le cours de son flot de paroles, presque incessants. Etait-ce un pouvoir qu’elle possédait ? Celui de pouvoir parler sans s’arrêter ?
« Sais-tu combien il y a de stèles Kimi ?
-La personne qui a été le plus loin m’en a recensée pas plus de cinq. Certains ont eu des problèmes après la deuxième stèle, et d’autres sont arrivés à la quatrième sans difficulté, c’est bizarre. Stop Nissa ! Tu vois là-bas ? Elle désigna un arbre légèrement incliné, si on marche au milieu du chemin, nous allons écraser une des seules racines qui maintient l’arbre, et il s’écrasera sur nous. Ils contournèrent l’obstacle en suivant l’Orisha.
-Comment l’as-tu vu ?
-C’est une caractéristique des personnes de mon peuple : nous sommes capable de détecter les dangers dans n’importe quel environnement. C’est très pratique. Une petite perle cette jeune fille. Elle replongea la tête dans son carnet. La troisième stèle ne devrait plus être très loin. Il faudra traverser un pont suspendu. »
En effet, ils arrivèrent devant un pont de bois, qui semblait avoir plusieurs siècles.
« Et que pense tes yeux détecteurs de dangers de cette situation ?
Elle avala difficilement mais ne sembla pas se démonter :
-Je pense que l’on peut y arriver. Elle mentait.
-Tu laisses ton rêve obscurcir ton jugement. Je suis désolé, mais nous ne nous y risquerons pas. Faisons demi-tour. »
 
Elle eut à peine le temps de tourner le dos au pont et au ravin que la jeune Orisha posait le premier pied sur le pont et s’engageait dessus. De simples cordages usagés par le temps le maintenait suspendu, et il eut l’air de grincer des dents lorsque la toute mince Kimi commença à le traverser :
« Kimi reviens !
-Je vais réussir Nissa ! »
Elle ne se retourna pas et continua de progresser sans s’appuyer aux cordages, simplement en posant un pied devant l’autre et en progressant doucement au centre . Un simple coup de vent et elle aurait basculé :
« Vous pouvez me rejoindre ! »
La jeune femme lança un regard sceptique à la construction précaire. Maudit soit cette fille, elle n’allait pas la laisser percer seule ce secret. Land traversa sans problème, mais lorsqu’elle fit deux ou trois pas, le pont émit des grincements de plus en plus menaçants :
« ça va lâcher Kimi. Je suis trop lourde.
-Il faut que tu te mettes à quatre pattes, comme Land !
-Quoi ?! Tu es sérieuse ?
-Oui, c’est comme ça que certains voyageurs ont fait. Va-y . »
Voilà qu’elle écoutait les conseils d’une gamine. Elle se mit à genoux puis avança comme la jeune fille le lui avait indiqué. Elle resta paralysée quelques minutes en fixant le gouffre au-dessous d’elle que l’espace entre les planches lui permettait d’apercevoir. Elle fixa son objectif, l’autre côté et avança. Elle mit une dizaine de minutes à faire ce que Land avait parcouru en quelques secondes. Se redressant sous les applaudissements de Kimi, elle lui déclara d’un ton sec :
« Ne recommence plus jamais ça si tu tiens à la vie jeune Orisha. Son enthousiasme fut étouffé. Nous trouverons un autre chemin pour redescendre. En aucun cas nous ne repasserons par là. »
Elle ouvrit la marche et laissa ses deux compagnons derrière elle en se parlant à elle-même :
« A quatre pattes, et puis quoi encore… »
 
Elle aurait bien pu choisir de contrôler ses propres émotions, mais elle préférait les exprimer une bonne fois pour toute afin d’évacuer la peur et l’angoisse qu’elle venait de vivre. Elle s’arrêta devant la troisième stèle. Celle-ci était plus grande et la dominait d’au moins deux têtes, diverses offrandes se trouvaient à son pied, que ce soit des plantes séchées, des objets, des écrits… Sans doute que ceux ayant passée cette épreuve ressentait le besoin de se porter chance pour la suite.
Kimi s’avança et gribouilla une troisième phrase sur son carnet qu’elle montra simplement à la sirène : "Ce que tu fais ici n’est rien comparé à ce que tu devras faire là-haut."
 Et bien, elle n’était pas au bout de ses peines. Etait-ce des messages destinés à décourager les fous se lançant là-dedans ? Kimi en était déjà à se concentrer sur la quatrième stèle :
« Nous pouvons prendre deux chemins : le premier passe au milieu du territoire de Khejatàrs, et le deuxième est connu pour être une piste à avalanche. Je dirai les Khejatàrs ! Elle commença à emprunter ce chemin. Nissa la retint par le bras, pour avoir déjà vu ces félins-là, elle ne souhaitait pas retomber dessus, surtout avec Land et une petite fille, ce sera les avalanches jeune fille ! »
 
Elle l'attira en direction du second chemin. La nature était peut-être plus puissante, mais la sirène préférait l'affronter elle plutôt qu'une horde de prédateurs affamés, surtout si elle devait défendre plus que sa personne.
 
Mots: 1806

Avait-elle bien fait d’imposer à Kimi de passer les chemins ou il y avait des risques d’avalanche ? La petite avait quand même la capacité de voir lorsque des problèmes ou des pièges à l’avance selon les directions qu’elle empruntait. Elle l’avait suivie sans piper mots, comprenant sans doute que la sirène serait intransigeante sur le parcours à emprunter, surtout après l’épisode du pont. Elle était résolue à ne plus jamais la laisser prendre les commandes. C’était une tête brûlée qui ne se rendait pas compte des dangers. Déjà qu’elle trouvait que c’était un gros défaut chez elle, alors si elle devait superviser une enfant qui avait le même, elle ne voyait pas comment cela pourrait bien tourner. En tête de leur expédition, elle commençait, tout de même, à se poser des questions sur sa décision.  La pente était abrupte, et plus elles progressaient, et plus celle-ci grimpait et leur imposait de dépenser plus d’énergie et de faire plus d’efforts afin de continuer à avancer à bon rythme, avec en prime, l’air qui se raréfiait. Elle l’avait devinée car ses muscles se fatiguaient plus vite qu’à l’accoutumée avec la privation de l’élément carburant du corps. De plus, ses poumons n’étaient pas satisfaits de ce qu’elle aspirait et en redemandaient un peu plus. Land marchait moins vite, il adaptait son pas à son environnement et faisait de plus petits pas, afin de s’économiser. Elle se calqua sur son comportement : « Ralentissons un peu Kimi. Comment vas-tu ? -Pourquoi ralentir ? La quatrième stèle n’est pas positionnée trop loin de la troisième. Elle se trouve à la rencontre de ce chemin et du second que tu n’as pas voulue que nous empruntions. Une fois qu’on l’aura atteinte, on sera débarrassée de ce danger. -Tu te fatigues, il vaut mieux arriver plus tard et en vie, que ne pas arriver du tout… Ne commence pas à être bornée petite. -Bornée ? Nous avions plus de chance d’échapper à des Khejatàrs qu’à mère nature avec une avalanche.

-C’est que tu n’en as jamais affrontée et que ça n’aurait pas été toi qui t’en serais chargée. Land et moi aurions été tes boucliers et je préférai m’en passer.
-Tu préfères affronter une avalanche ? Car ça arrive ! »
Les yeux paniqués qu’avait la jeune Orisha et les plaintes que se mettaient à pousser Land pour l’avertir lui confirmèrent qu’elle n’essayait pas de se jouer d’elle. La terre se mit à trembler sous leurs pieds, et un nuage blanc s’élevait dans l’air. Il était trop tard pour sortir du chemin de l’avalanche. Elle leva la tête vers les hauteurs, attrapa Kimi par le bras et l’entraîna.  Land suivait, ils courraient en direction de l’avalanche, mais elle avait repéré un rocher qui surplombait un peu le paysage et qui pourrait servir de tremplin à l’avalanche, sans les toucher si ils se trouvaient dessous, mais il fallait qu’ils l’atteignent à temps. L’avalanche était sur eux, c’était comme si un mélange de masse nuageuse et de vague déferlante qui écrasait tout sur son passage. Nissa planta son katana au sol afin de créer un point d’ancrage au petit groupe. Néanmoins, elle ne pouvait pas tenir Land et la panique la gagna. Kimi, terrifiée, essayait de tenir Land et Nissa afin d’être un maillon de la chaîne retenant le loup, et se retenant à la sirène. La sirène mit les mains de la petite fille sur le katana et tenta de la ligoter. Soudain, des chaînes apparurent dans les mains de Kimi, qui se prolongèrent jusqu’à Land, le ligotant et le liant à elle. Ces chaînes se lièrent aussi à elle-même qui vint tenir le katana. Ils étaient tous les trois enchaînés et deux à tenir leur point d’ancrage. L’avalanche frappa le rocher, et se sépara en deux, continuant de se déverser de part et d’autre de celui-ci. Elle passait aussi par-dessus, coulant juste  dans le dos de Kimi. L’avalanche mit une trentaine de minutes à se terminer. Lorsqu’ils sortirent de leur abri, Kimi enleva les chaînes qu’elle avait créées, évitant ainsi qu’ils se fassent tous emportés :
« Tu vois que…. »
Nissa l’attira contre elle et la serra dans ses bras. Elle n’était pas adepte des démonstrations d’affections, même avec sa meilleure amie, elle ne faisait jamais cela. Kimi les avait sauvé mais avait surtout sauvé Land, car les deux auraient pu s’accrocher à son arme, mais pas le loup. La petite ne pipa plus mots puis La jeune femme reprit son arme en la détachant avec difficulté du sol puis ouvrit la marche. Au lieu de remonter par le centre du chemin recouvert par les restes d’avalanche, ils se dirigèrent, avec bien du mal, sur le côté du chemin, où il était praticable. La quatrième stèle se dressait à son sommet, des bougies étaient allumées et disposées de manière à ce qu’elle soit toujours illuminée. La nuit, elle devait être un phare dans l’océan de neige.
Le feu éternel de cet endroit brule comme au sommet
Kimi traduisit l’énigme à Nissa, l’informant que les bougies étaient composées de feu éternel et qu’il y en avait au sommet, pour vérifier, elle tenta de souffler dessus. Elle constata qu’aucune ne s’éteignait.  Que pouvait-il bien y avoir sur ce sommet ? Cette fois-ci, se fut Kimi qui ouvrit la marche, le nez dans ses notes :
« C’est en général après juste après cette stèle que les pèlerins se retrouvent bloqués avant la cinquième. Rien de dangereux selon eux, mais il faut résoudre une énigme afin d’ouvrir une porte et de pénétrer dans la montagne. »
Le petit groupe suivit donc le seul chemin qui s’ouvrait devant eux. Rapidement ils arrivèrent devant un escalier naturel fait dans la montagne qui grimpait d’une manière très abrupte jusqu’à une plateforme où l’on apercevait des torches brûlants au sommet. Ils commencèrent l’ascension : la jeune femme laissa passer Land puis Kimi afin d’être là pour les réceptionner si ils glissaient. Heureusement le loup était agile et la jeune orisha était toute petite donc ses pieds n’avaient pas de difficultés à prendre appuis sur la roche. Ce fut elle qui dérapait de temps en temps et manqua plusieurs fois de partir en arrière, entraînée par son déséquilibre. Au bout d’une heure de grimpe, ils arrivèrent tous sains et saufs sur la plate-forme. Une haute porte creusée dans la roche, se dressait devant eux et une énigme était écrite en Orisha, une nouvelle fois.
Seuls les etres acceptes par les creatures de legendes peuvent entrer grace a l’armure de leur carapace. Possedez seulement un fragment et les portes s’ouvriront.
Seuls les êtres acceptes par les créatures de légendes peuvent entrer grâce a l’armure de leur carapace. Possédez seulement un fragment et les portes s’ouvriront ? Nissa porta son regard sur un orifice à côté de la porte. Effectivement, elle pouvait y inserer un mince objet. Mais y mettre une armure ou une arme c’était impossible :
« Faire fondre du métal peut-être…
-Ce ne sont pas des créatures de légendes qui portent du métal. Qu’elles sont-elles ?
-Des gryphons ? Des pégases ? Des dragons ?
-Les dragons ont une armure ! Tout leur corps sont une armure grâce à leurs écailles !
-Kimi nous n’avons pas d’écailles de dragons… Même pas d’écailles. Land lui mordit le mollet, elle lui jeta un regard mauvais, mais il recommença.
-Pourquoi fait-il cela ?
-Je ne sais pas… Nouveau coup de dent, tu vas abîmer mes jambes Land ! Une idée la frappa. Elle avait actuellement des jambes, mais sur sa queue de sirène, elle avait des écailles. Cela ne coûtait rien d’essayer. Ecoute Kimi, je vais essayer quelque chose, et pour cela tu vas voir quelque chose de surprenant. »
Elle la fixa d’un air interrogateur pendant qu’elle ouvrait sa gourde remplie d’eau et qu’elle enleva ses chaussures et tout ce qu’elle portait en bas. Se déshabiller dans un environnement aussi froid n’était pas une partie de plaisir, mais elle ne voulait pas craquer ses affaires. Elle se versa de l’eau sur les jambes et le processus fut presque instantané et se retrouva au sol, avec une queue de sirène :
« Wahou !! Nissa tu es une sirène ! Elle est trop belle ta queue, je peux toucher ? Elle détestait qu’on lui pose cette question. Elle n’allait pas toucher les jambes des autres, mais elle comprenait la curiosité qu’elle manifestait.
-Va-y… La petite orisha caressa les écailles de la jeune femme, arrache-en une.
-Mais tu vas avoir mal, et un trou !
-Ne t’inquiètes pas, j’en ai en-dessous celles que tu vois. Va-y nous testerons si mes écailles seront suffisantes pour passer la porte. »
Kimi ferma les yeux et serra les lèvres comme si c’était à elle qu’on enlevait un bout de peau. Néanmoins elle tira d’une manière ferme et forte : une écaille bleue ciel vint du premier coup. Nissa tendit ses bras devant elle et expulsa toute l’eau se trouvant sur sa queue afin de pouvoir retrouver ses jambes, puis se rhabiller. Elle prit son écaille de la main de la jeune fille puis l’inséra dans l’espace qui se trouvait à côté de la porte :
« Le moment de vérité… »
Au début rien ne se passa, puis un grincement tonitruant résonna dans toute la montagne et la lourde porte s’entrouvrit suffisamment pour qu’ils puissent passer chacun leur tour. La cinquième stèle se trouvait devant la porte. Kimi était toute excitée et ne cessait de pousser des exclamations. Elle écrivit directement la traduction de la cinquième qui n’était pas la plus intéressante puisqu’elles avaient déjà dépassé l’énigme avec la porte : « seul la légende vous jugera digne ou non. »
Une légende ? Cela ne suffisait-il donc pas qu’ils aient été jugés digne de passer par cette porte. Techniquement, les écailles de Nissa n’étaient pas des armures, mais elle pouvait considérer sa race comme un être de légende, elle n’avait pas besoin de prouver, une nouvelle fois, sa valeur. Le groupe emprunta le large corridor qui s’enfonçait dans la montagne. Son diamètre était gigantesque, une armée de quelques milliers d’hommes aurait pu circuler dans ce tunnel. Quels étaient les individus qui avaient creusé cela ? Comment était-ce possible ? Le tunnel était éclairé tout du long par des torches disposées sur les façades des parois. Après une trentaine de minutes de marche, le couloir s’élargit et s’ouvrit sur une large caverne disposant d’un lac ou des plantes lumineuses se trouvaient, éclairant d’une lumière bleutée tout l’environnement. Kimi en resta muette de contemplation, ce qui semblait ne pas être commun chez elle. Nissa parcourut la caverne du regard, émerveillée par ce que l’eau avait creusé dans la roche. C’était fabuleux. Dans son observation, elle n’aperçut rien qui aurait pu les aider sur la suite de l’énigme. Etait-ce cela le fin mot de l’histoire ? La découverte d’une caverne. Elle observa Kimi en espérant qu’elle ne soit pas trop déçue, mais celle-ci fronça les sourcils en fixant du regard un rocher à côté de l’eau :
« Ce n’est pas un rocher…
-Qu’est-ce que tu veux dire ?
-Ce n’est pas un rocher ! »
Land dressa les oreilles, et il ne fut pas le seul, car le rocher en question décolla sa tête du sol et la tourna vers le petit groupe. C’était un dragon.

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