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 L'auberge de Sceptelinôst [PV Saphir]

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Lun 6 Avr 2015 - 15:23




Depuis combien de temps avait-elle les yeux fixés sur l’assiette tiède qui se tenait devant elle ? Saphir avait le regard vide, comme fixant un détail inexistant sur le mur de la taverne. L’établissement était sans doute l’un des endroits les plus accueillants de la ville, bien que cela ne fasse de lui qu’un des rares lieux épargnés par la misère. La salle principale était assez grande, garnie de tables en bois usé entourées de chaises branlantes qui semblait menacer de se rompre à chaque mouvement. La banshee s’était dirigée vers la table la plus proche d’un âtre dans lequel crépitaient quelques buches sombres, diffusant dans la pièce une chaleur agréable. Abel était assis en face d’elle, éprouvé par le long voyage qui les avait menés jusqu’ici. Sceptelinôst… Tout ce qu’ils avaient entendu à propos de cette ville n’avait pu les préparer à ce qu’ils avaient trouvé en débarquant ici. La cité semblait aux prises avec de sérieux problèmes de criminalité, les bandits et autres escrocs en tous genres déambulant presque librement dans les environs.
Le fils de Phoebe s’était déjà trouvé au Circus Brothel pour une sombre affaire, et il s’était juré de ne plus jamais y retourner, mais pire encore que les souvenirs qu’il pouvait avoir de cette expérience dont il se serait volontiers passé, la pauvreté et la désolation semblait avoir frappé la banshee en plein cœur. Elle était d’une nature empathique, et constater le triste sort auquel étaient abandonnés tous ces gens ne devait pas être une épreuve facile pour elle.
« Eh… »
Saphir sursauta et leva l’une de ses mains pour se protéger, comme si elle s’attendait à ce que le bélua la frappe. L’enfant de la lune baissa légèrement les yeux, osant à peine imaginer les comportements qui provoquaient encore aujourd’hui ce genre de réactions chez son amie. Le visage livide de la créature se décrispa quelque peu, et les badauds qui s’étaient retournés pour observer la scène étaient retournés à leurs conversations. D’un geste délicat, Abel vint prendre la main de la banshee dans la sienne, caressant doucement ses doigts presque translucides.
« Dès que nous en aurons finis ici, nous partiront, je te le promets. »
Un léger sourire apparut sur le visage de la créature, mais le fils de Phoebe savait très bien que le cœur n’y était pas. Sans doute aurait-elle voulu dire quelque chose, mais les regards qui se tournaient régulièrement vers celle que certains considéraient comme un mauvais présage lui suffisaient sans qu’elle ait besoin en plus de faire retentir sa voix spectrale dans la taverne. Peut-être Abel aurait-il mieux fait de refuser de l’emmener avec lui… mais à présent il était trop tard.

Alors que l’inattention du bélua venait de laisser son esprit animal s’éveiller, son regard félin se déplaça de table en table, épiant discrètement les autres clients de la taverne. Certains semblèrent disparaître tout bonnement de son champ de vision, tandis que les moindres gestes de certains autres lui sauraient aux yeux comme s’ils avaient été juste à côté de lui. Deux hommes encapuchonnés, un groupe de marins, et un vieillard à l’allure étrange, probablement un sans-abri. Voilà donc les principaux dangers potentiels que l’animal semblait avoir identifiés. Rien de bien menaçant pour l’instant… Le bélua réprima l’envie de sortir au plus vite de cet endroit surchargé de monde que lui envoyait l’esprit félin, et s’apprêta à continuer son repas lorsque la cuisinière qui leur avait amenés leurs plats s’approcha de leur table.
« Tout va bien ici ? Vous semblez bien fatigués, peut-être désirerez-vous prendre une chambre pour la nuit ? »
« Avec plaisir. »
Abel n’était pas d’humeur bavarde, mais la jeune femme accueillit sa réponse avec un grand sourire qui illumina son visage, comme si elle semblait sincèrement heureuse d’avoir des clients supplémentaires pour la nuit.
« Je vais vous préparer ça immédiatement ! »
Le caractère enjoué de la cuisinière semblait avoir détendu la banshee, dont les traits paraissaient moins fermés. Peut-être qu’une nuit de sommeil suffirait à lui faire oublier ses tourments, même si Abel en doutait.

Retournant à la dégustation du plat qu’il avait dans son assiette, Abel constata que la banshee l’imitait, sans doute plus pour ne pas vexer la cuisinière que par réel appétit, car la créature pouvait rester des mois sans manger et n’en ressentir aucun effet.
Lorsqu’ils eurent tous deux terminé leur repas, le fils de Phoebe se leva pour se diriger vers l’escalier qui menait aux chambres, mais alors qu’il s’y dirigé d’un pas lent, un bruit d’argile cassé et des cris provenant des cuisines attirèrent son attention.
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Mer 15 Avr 2015 - 20:16

« Tu ne peux encore sortir Saphir. Elle va le remarquer et elle va te battre ! ».

« Écoute la s'il te plaît. Parle moi encore des arc-en-ciels, ça fera passer notre faim. ».

Non, je ne pouvais les écouter. Madame Rodolf ne nous avait pas donné l'argent pour acheter de quoi nous nourrir depuis des jours, voire plus. Je pouvais tenir, je savais que je le pouvais, mais voir les filles de l'orphelinat de plus en plus pâles et faibles m'était insupportable. C'était... non, je  ne pouvais pas. La Démone qui gérait l'orphelinat me faisait peur, pire, elle m'horrifiait, mais si je ne faisais rien, si je ne prenais pas le risque de sortir une seconde fois, la mort ne tarderait pas à emporter les plus jeunes. J'avais déjà volé une fois dans une auberge. Je n'en étais pas fière et ne l'avais dit à personne, mais lorsque j'avais vu leurs yeux à toutes s'illuminer de bonheur, la honte avait cédé la place au soulagement. Si je me faisais prendre, je risquais gros, surtout à Sceptelinôst. Il était fréquent que l'on coupe la main aux voleurs, si ce n'est plus. Mais que devais-je faire alors ? Rester là à attendre que la maladie n'arrive ? Qu'elles s'éteignent à tour de rôle à cause de cette... Le mot était trop dur, trop fort, et, pourtant, je le pensais. Plus que la crainte, c'était la rage qui s'était emparée de moi. J'avais la rage, celle qui prend aux tripes. Je la sentais en moi alors que je serrai les poings. Comment cette femme pouvait-elle nous laisser là, à moisir dans un établissement qui devenait humide à chaque pluie ? Comment cette femme pouvait-elle ne pas nous donner le sous pour acheter notre nourriture ? Comment pouvait-elle nous oublier ? Je ne tardai pas à écarter Ami de moi, la petite Magicienne aveugle qui souhaitait que je lui parle des arc-en-ciels.

« Je vais sortir. Vous, restez là. Et si elle vient, dîtes lui que... dîtes lui la vérité. De toute façon, elle ne viendra pas. Le temps ne va pas tarder à tourner et elle ne vient jamais quand il pleut parce que sa peau ne supporte pas l'humidité. ».

C'était sans doute un prétexte pour fuir la vérité : les trous dans le toit qu'elle ne souhaitait pas faire réparer car c'était soi-disant « trop cher ». Pourtant, avec la maison des plaisirs, elle avait une fortune colossale. Il fallait juste être réaliste : nous ne représentions, pour le moment, qu'un coût à ses yeux, le temps d'atteindre le bon âge, celui où elle pouvait nous louer comme prostituée.

Sans entendre les protestations des filles, je pris un vieux drap que j'enroulai autour de moi, me servant d'une partie de ce dernier pour me faire une capuche de fortune. Personne ne me remarquerait ainsi, personne ne me reconnaîtrait. Il me suffirait de m'introduire dans la cuisine d'une auberge et de voler quelques provisions. Je rembourserai un jour, c'était une promesse que je me faisais à moi-même. Car oui, si j'avais eu de l'argent, j'aurai payé. Je n'étais pas malhonnête, du moins, refusais-je de le penser.

-

J'avais pris un peu de pain et quelques morceaux de charcuterie. C'était peu. Mon regard ne tarda pas à se tourner vers un morceau de fromage assez conséquent. Je n'allais pas l'emporter en entier. Aussi, je posai mes provisions sur une petite table avant de prendre un large couteau, coupant quelques tranches de fromage. Je ne pouvais prendre plus, sinon, cela se verrait. Néanmoins, en partageant, nous pouvions réussir à tenir au moins un jour, du moins, il le fallait. Après, nous n'avions plus qu'à espérer que Madame Rodolf revienne avec de l'argent pour payer le père de Pierrot. C'était lui normalement qui nous fournissait en vivres et, comme tout bon commerçant, il n'avançait pas la marchandise. Peut-être le faisait-il avec quelques clients sûrs, mais la Démone était très loin de l'être.

Une bruit me fit sursauté et je lâchai le couteau qui tomba au sol dans un son indiscret. Une voix s'éleva et, mon cœur battant la chamade, je pris la première chose qui me tomba sous la main, c'est à dire le fromage, avant de décamper aussi vite que je le pouvais. L'appréhension me rendait aveugle et sourde. Seuls les battements de mon cœur résonnaient à mes oreilles. J'avais peur, j'allais mourir. Je me voyais déjà prise la main dans le sac et conduite devant Madame Rodolf qui n'aurait aucune pitié pour moi. Peut-être est-ce que cela la ferait réagir quant à nos conditions de vie ? Non... non, c'était inimaginable. Je n'avais pas le droit de sortir en plus de cela... si l'on me prenait...

Je finis par rentrer dans quelque chose. Je levai les yeux. Quelqu'un. J'étais paniquée, je ne savais que faire. Il allait me conduire à la gérante de l'auberge, c'était certain. Le souffle court, je ne savais que dire pour ma défense. Les larmes montèrent, doucement mais sûrement.

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Dim 3 Mai 2015 - 21:59




Encore une journée de plus passée à servir les clients douteux d’une auberge minable. Ce n’était clairement pas la vie qu’avait espérée Sarah quand elle était montée à Sceptelinôst. Elle avait fui la misère d’une vie paysanne pour venir détruire en ville ce qu’il restait de ses rêves de petite fille. Où étaient donc les étalages plein d’étoffes et de parures, les matelas en plumes d’oie et les mets épicés dont on lui avait vanté les mérites dans sa jeunesse ? Il n’y avait ici que le malheur et la corruption. La jeune femme essuya machinalement ses mains sur son tablier usé et balaya la salle principale de ses yeux fatigués, pour voir si l’un des poivrots qui fréquentaient l’établissement avait besoin de ses services. Au fond de la pièce, il y avait deux marchands rondouillards, des habitués. Après un repas tiède et quelques chopes, elle devait sans cesse les reprendre concernant les familiarités qu’ils se permettaient. Après tout, la seule consolation qu’elle retirait de son travail à l’auberge était qu’elle n’était pas obligée de se prostituer pour vivre, bien qu’il n’était pas rare que certains clients lui proposent des sommes parfois importantes pour un petit peu de « compagnie », comme ils appelaient ça. Elle avait toujours refusé, sans doute par principe. Beaucoup avaient des mœurs plus légères, et il était fréquent de voir des hommes riches en compagnie de femmes qui ne prenaient même pas la peine de cacher leur profession. Il y en avait quelques une, ce soir, et Sarah les maudissait déjà pour les draps qu’elle aurait à laver le lendemain matin. Ne restait dans la salle que des gens plus discrets, sans doute des voyageurs. Deux orishas au teint mat, un vieillard encapuchonné, un groupe d’humains à l’accent prononcé, et une créature blafarde accompagnée d’un homme aux traits félins. Ils avaient eu beau avoir fait preuve de plus d’éducation que la plupart des autres clients, Sarah se réjouirait quand cette messagère de mauvais augure aurait quitté l’établissement. Servir les morts, et puis quoi encore ? Quant au bélua qui l’accompagnait, elle savait à quoi s’en tenir avec ces sauvages.

Le regard de la jeune femme croisa celui de la banshee, et elle détourna les yeux après lui avoir fait un grand sourire, comme il était de mise. Assez flané, elle avait pris beaucoup de retard dans le service, et il valait mieux pour elle que les assiettes et les chopes soient propres avant que les premiers clients ne montent dans leurs chambres, sans quoi elle allait encore devoir rester jusqu’à la tombée de la nuit. Après le coucher du soleil, les rues devenaient encore moins sûres qu’elles ne l’étaient de jour, et il n’était pas rare de croiser des individus mal intentionnés au détour d’une ruelle. Bien sûr, l’endroit où elle logeait, si elle pouvait l’appeler comme ça, était aménagé dans une grange aux abords de la porte Nord, bien loin du centre où se trouvait l’auberge. Parfois, elle rentrait de nuit, mais elle faisait tout pour l’éviter chaque fois que c’était possible, même si cela attirait parfois la colère du propriétaire.
Agrippant autant d’assiettes qu’elle le pouvait et prenant au passage trois chopes de sa main restante, elle se dirigea vers la cuisine pour les plonger dans une grande bassine. L’une des chopes lui échappa des mains pour venir rouler sur le sol, s’immobilisant un peu plus loin. Non sans pousser un grand soupir de frustration, Sarah se releva pour aller la chercher, mais au moment de se relever, elle sentit quelque chose heurter sa jambe par le côté. Surprise, la jeune femme fit un pas en arrière pour tomber nez à nez avec une fille aux cheveux blonds et aux oreilles pointues, les bras chargés de provisions. Elle venait du garde-manger, et se dirigeait en toute hâte vers la porte de sortie. Il n’y avait pas besoin de réfléchir longtemps pour comprendre ce qui se tramait… Sarah dévisagea la jeune elfe l’espace d’un instant, avant de remarquer les larmes qui montaient dans ses yeux. L’aubergiste était d’humeur mélancolique, comme souvent. En voyant le visage terrifié de Saphir, elle hésita un instant. Après tout, son travail n’était pas de faire la chasse aux voleurs…

Sarah tourna son regard vers la porte du garde-manger, puis vers celle qui donnait vers la sortie. Un long silence retomba sur la pièce, grave et pesant. Enfin, la serveuse soupira. Elle porta lentement l’un de ses doigts sur ses lèvres pour faire comprendre à l’elfe de ne pas faire de bruit, puis s’écarta de son chemin, laissant libre le passage vers la sortie. L’aubergiste croyait faire une bonne action, mais alors qu’elle détournait les yeux pour faire semblant de ne pas voir l’elfe partir, la porte s’ouvrit violemment. La silhouette imposante d’un homme d’âge mur apparut dans l’encadrement et ses yeux se posèrent sur Sarah, avant de remarquer Saphir. Le tenancier de l’auberge écarquilla les yeux lorsqu’il vit les provisions que l’elfe emportait, et il foudroya la serveuse du regard. Refermant la porte d’un coup sec en faisait clairement comprendre aux deux intéressées qu’elles ne s’en tireraient pas comme cela, le propriétaire de l’auberge peinait à contenir sa colère. Ce n’était pas la première fois que des vivres manquaient au compte.
« Qu’est-ce qu’il se passe ici, on vole dans ma réserve ? Et toi Sarah, tu laisses les voleurs s’enfuir sans rien dire ? Vous savez ce qu’on fait aux voleurs et à leurs complices ici ? »
Le tenancier semblait avoir perdu tout contrôle alors qu’il s’avançait d’un air menaçant vers les deux femmes.
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Mer 16 Sep 2015 - 17:15

Nuit après nuit, j'étais hantée par ce qu'il s'était produit dans le monde. A présent à l'abri avec les filles, mon enfance en avait pris un coup. L'éducation de Madame Rodolf n'était rien face à ce que j'avais vu se dérouler sous mes yeux. L'horreur absolu continuait de m'effrayer, mes cauchemars me réveillant la nuit avant que je ne me rappelle de l'endroit où je me trouvais. Le continent naturel avait souffert, mais ce n'était rien par rapport aux autres. Je n'étais pas assez cultivée pour savoir que seul le continent mystérieux avait été épargné par les tremblements. Chaque jour, je vivais avec la peur au ventre, et même si nous formions une communauté, qu'ici personne ne pouvait lever la main sur nous, je continuais à éprouver des sentiments contraires. J'étais rassurée d'être partie de l'orphelinat et, pourtant, j'avais toujours peur qu'elle revienne nous chercher, nous arracher à cet endroit. Parfois je me répétais que j'avais bien fait, d'autres fois je donnais des excuses à Madame Rodolf. Peut-être était-ce moi qui était ingrate face à cette femme qui m'avait recueilli et élevé ? J'étais peut-être sous son emprise, sous l'emprise d'un syndrome bien particulier qui me faisait aimer mon bourreau quelque part. Néanmoins, la présence des filles me rassurait et arrivait à calmer mes angoisses. Quant au chaos de notre environnement, je priais Phoebe chaque jour pour qu'il cesse définitivement. Un matin, une nouvelle nous parvint.

« Le Volcan Ardent est entré en éruption !! »

La foule se réunit vers l'homme. Moi-même, je sautai de mon lit pour me renseigner. Ce n'était pas une simple éruption, du style de celles qui ravageaient tout sur son passage. C'était également la clef d'une énigme.

« Les Masques d'Or fondent ! »

Sur tous les visages, il y avait ce soulagement que j'attendais depuis des jours et des jours. Je me sentis prise d'une émotion de gratitude qui me mit la larme à l’œil. A partir de là, les choses s'améliorèrent d'elles-mêmes, comme si tous les malheurs avaient décidé de fuir en même temps. L'on ne devait plus se cacher dans les caves, l'on ne devait plus vivre dans le noir total la nuit, ni même s'empêcher de parler normalement. Toutes les mesures qui avaient été prises pour éviter au maximum d'attirer l'attention des Masques d'Or ou d'autres pillards, étaient à présent révolues. Mon esprit commença à s'apaiser, sauf pour une chose, une personne : Abel. Les événements nous avaient séparé et, depuis, je ne pouvais l'oublier. Il avait fait tellement pour moi, pour les filles, il nous avait aidé et guidé. Tous les soirs je pensais à lui, dans l'espoir de le retrouver un jour, dans l'espoir d'apprendre qu'il était encore vivant. Quand je pensais qu'il avait pu périr, ma gorge se serraient et je devais retenir mes sanglots. Je ne pouvais pas rester dans l'incertitude, il fallait que je le vois, que je puisse constater par moi-même qu'il était encore de ce monde. Aussi, je commençai à parler de mon projet fou autour de moi. L'on me disait souvent qu'il valait mieux que je reste là, pour veiller sur les filles, pour ma propre sécurité mais également parce que les Terres étaient bien trop vastes pour que j'ai une chance de revoir un homme sur lequel, au final, j'ignorai tout. Pourtant, je continuais d'en parler. Un jour, je tombai sur un Orisha. Sa peau noire avait une jolie couleur que j'aurai aimé avoir et ses yeux reflétaient la liberté. Je ne savais pas pourquoi il était là, mais mon histoire l'intéressa et il me promit de m'amener à Sceptelinôst dès que son navire serait en état de fonctionner.

Voilà comment, moi, orpheline en cavale, je foulais à présent le sol de la ville des pirates dans l'espoir de revoir un homme qui n'avait qu'une infime chance d'être en ces lieux. J'avais laissé les filles et j'étais prête à parcourir le monde dans son ensemble pour le retrouver. Il m'était spécial, je n'aurai su dire comment ni pourquoi, mais je l'aimais. Je voulais le voir, je voulais le remercier. Je n'attendais pas quelque chose de particulier en réalité... J'étais sans doute folle même mais je n'avais pas assez de raison pour empêcher mes sentiments d'agir pour moi. Je me jetais corps et âme dans cette aventure et si je ne le trouvais pas ici, alors je retracerai le parcours que nous avions emprunté plus tôt, je marcherai sur les chemins, encore et encore, jusqu'à ce qu'il se tienne près de moi.

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Sam 3 Oct 2015 - 21:22




Gideon était pour ainsi dire né marchand. Son père lui avait fait faire plusieurs fois le tour du continent avant qu’il ne soit en âge de marcher, et cela ne s’était arrêté qu’à sa mort dans les émeutes de la faim, lorsque la magie avait disparu ces terres. L’alfar avait alors repris le commerce familial et, accompagné de sa femme, il s’était mis à son tour à suivre les routes marchandes dont recelaient les livres de comptes dont il avait hérité. Fort de son expérience, il n’avait eu aucun mal à pérenniser son activité, leur assurant un avenir radieux, à l’ombre du besoin. Les récents événements avaient nettement ralenti ses transactions, mais à présent que les choses rentraient peu à peu dans l’ordre, Gideon se voyait déjà reprendre les affaires comme si rien ne s’était produit, laissant derrière lui les troubles qu’ils avaient traversés. Peut-être même aurait-il pu s’arrêter de travailler quelques temps, pour mieux profiter de l’arrivée de l’heureux événement dont sa femme lui avait parlé. En somme sa vie était merveilleuse, et son futur aurait pu l’être encore plus. Mais il suffisait d’une mauvaise rencontre au détour du mauvais chemin. Tout allait-il donc finir ainsi ?
L’alfar était sonné, son esprit embrumé. Il peinait à se rappeler de ce qu’il s’était produit. Il avait tenté de donner le meilleur des deux chevaux qui tiraient son chariot mais il avait perdu le contrôle de l’attelage au gré d’un virage trop brusque. Alors qu’il tentait de se relever, il vit deux yeux jaunes surgir dans son esprit, et une poussée d’adrénaline lui permit de se dresser à nouveau sur ses pieds. C’était ça qu’il fuyait, il s’en rappelait maintenant ! Il le voyait clairement, le monstre à ses trousses. Il ne devait pas rester ici.
« Kara ?, appela-t-il en commençant à chercher autour de lui. »
La vision de l’alfar était trouble. Il se rendait difficilement compte des dégâts qu’avait subit le chariot, dont les débris s’étalaient tout autour de lui. L'attache du harnais des chevaux avait été brisée dans la chute, et ils en avaient profité pour s'enfuir. C’était un miracle qu’il soit toujours en vie après cela. Titubant vers le gros des débris, Gideon eut un mauvais pressentiment, de ceux qui ne trompaient pas, de ceux que l’on avait juste avant de découvrir un désastre.
« Kara ! »
Le marchand se précipita auprès du corps sans vie de sa femme, écartant les planches qui la couvraient en partie pour tenter de la secourir, mais il ne tarda pas à comprendre, ressentant le contact de sa peau déjà glaciale. Frappé de stupeur, l’alfar réagit à peine lorsqu’il entendit un souffle rauque derrière lui. Il se retourna machinalement pour voir le monstre qui avait causé tout ça : un félin énorme dont le corps était recouvert de plaques luisantes aux couleurs d’ébène. Sa gueule s’entrouvrit pour laisser apparaître une rangée de crocs acérés et un léger râle sembla s’échapper de ses poumons. Gideon tomba à genoux, écartant les bras comme pour accueillir la mort elle-même.
« Pourquoi ? »
« Pour Dhitys, répondit une voix inhumaine. »
L’alfar sursauta en entendant la panthère à plaques parler. Il n’avait pas réalisé qu’il avait affaire à un bélua, mais à présent qu’il connaissait sa race, ses chances s’étaient encore amoindries. Même s’il ne s’était pas rendu au continent naturel depuis bien longtemps, il savait ce que son peuple y avait fait. Les deux royaumes étaient devenus des ennemis jurés après la destruction de la capitale du peuple animal.
« Mais… Je n’ai rien à voir là-dedans, je n’y étais pas. Je suis marchand, pas soldat, je suis innocent ! »
« Innocent ?, cria la panthère en s’approchant. Aucun des vôtres ne l’est ! »
La dernière chose que vit Gideon fut une forme noire bondir sur lui. Il ressentit un choc au niveau de sa tête, puis plus rien. La panthère poussa un rugissement puissant alors qu’elle malmenait de ses crocs la dépouille de sa proie, mais l’alfar ne sentait plus rien.

C’était le troisième depuis qu’il était revenu. La rage d’Abel l’aveuglait complètement, la limite entre le bien et le mal n’existait plus en son esprit. Les hommes, les femmes, les enfants, tous étaient coupables du massacre perpétré au continent naturel. Le bélua n’avait plus aucun contrôle sur son totem dès lors qu’il voyait l’un deux, et même s’il l’avait eu, il n’était pas bien sûr qu’il l’aurait empêché de les tuer. La Lune méritait encore bien d’autres sacrifices avant qu’Abel n’ose marcher à nouveau parmi les siens.
Le bélua avait repris forme humaine, ramassé deux ou trois bricoles, un sac de thé, une miche de pain et une demi tome de fromage qu’il avait glissés dans sa besace magique, avant de quitter le lieu du crime. Le fils de Phoebe reprit sa route vers Sceptelinôst. Quoi de mieux qu’une ville de forbans pour cacher un meurtrier ? De plus c’était le seul endroit qu’il connaissait ici, où il avait rencontré et apprécié quelqu’un. Peu de temps après la tombée de la nuit et alors qu’il marchait dans une ruelle sombre qui remontait vers le port, Abel se surpris à se demander ce qu’étaient devenues la serveuse et la fille des forêts.
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Mer 7 Oct 2015 - 22:40

Sceptelinôst m'effrayait, je ne pouvais le nier. J'avais peur de tomber sur Madame Rodolf mais l'espoir de revoir Abel était bien plus fort que l'ombre de celle qui m'horrifiait tant. N'importe qui m'aurait dit que mon entreprise était quelque peu perdue d'avance, mais je voulais y croire. Partout dans le monde, et à travers le temps, des peuples avaient été esclavagés, torturés. Néanmoins, c'était sans doute cette croyance qu'ils avaient nourri, cette croyance d'un avenir meilleur qui les avait fait tenir, qui les avait délivré. Dans les moments les plus difficiles de l'existence, je pensais qu'il était important de continuer à garder espoir. La déception pouvait être grande mais, quelque part, l'espoir était si puissant que j'aimais à croire qu'il exhaussait ceux qui le ressentaient.

Mes pas me conduisirent vers l'auberge où j'avais rencontré le Bélua pour la première fois. L'établissement semblait avoir repris contenance et les clients se poussaient à l'intérieur. Le paysage était encore chaotique mais, partout, les individus reconstruisaient. Sceptelinôst était toujours la même, une ville mal famée où les brigands côtoyaient les criminels. Ici, il semblait que personne ne dictait les règles, hormis les plus forts et les plus riches. Le climat y était étrange tant la bipolarité des Réprouvés s'y exerçait. Le Démon qui sommeillait en chacun d'eux pouvait s'éveiller et étancher sa soif de violence. Les visiteurs pouvaient trouver la mort à n'importe quel moment et la jalousie était un bon prétexte pour conduire les êtres à leur perte. C'était d'ailleurs ce qu'il se produisait en ce moment même au sein de l'auberge sans que rien pourtant ne paraisse. La plupart des serveuses de l'établissement avaient trouvé la mort, ainsi que le cuisinier, et tout ce beau monde avait dû être remplacés avec soin. Sarah était bien vivante, mais entourée à présent de pimbêches qui détestaient cordialement la nouvelle cuisinière, une femme d'une beauté incroyable. Tous les clients la reluquaient du matin au soir, admirant les boucles de ses cheveux qui faisaient de légers va et vient à chacun de ses mouvements. L'on disait qu'elle avait des doigts de Faes et les plaisanteries graveleuses ne manquaient jamais d'épicer les discussions. Cette femme était sans histoire, aimant simplement faire la cuisine. Ses plats étaient tous des chefs d’œuvre et, bien entendu, à la fois belle et compétente, elle était totalement détestée par la gente féminine. Sarah ne voyait en ces comportements de haine qu'une conduite pathétique, mais elle était bien la seule à penser cela. Toutes cherchaient un moyen de faire tomber la cuisinière et lorsqu'un vol fut commis une première fois dans la cuisine, les serveuses trouvèrent là un bon filon. L'idée germa, celle de voler elles-mêmes de la nourriture mais de semer suffisamment d'indices pour pouvoir faire accuser leur collègue. Sarah préféra ne pas prendre part à cela, restant digne. Elle n'avait néanmoins pas la force de les arrêter, ayant été particulièrement affaiblie pendant les événements récents. Elle avait déjà de la chance d'avoir été prise de nouveau comme serveuse.

Lorsque je m'arrêtai près de l'auberge, la porte s'ouvrit sur Sarah. Elle semblait fatiguée mais n'avait pas tellement changé ; quelques cernes en plus peut-être. Il lui fallut un moment avant que son regard ne se pose sur moi mais quand elle me reconnut enfin, un sourire vint illuminer son visage ! Elle s'avança, prenant mes joues entre ses mains.

« Tu es vivante ! ».

Son exclamation me faisait vraiment chaud au cœur. Voir quelqu'un qui avait vécu la même chose que moi me remplissait de joie. Nous avions fuis ensembles Sceptelinôst, accompagnées d'Abel. Le lien qui nous unissait était fort, même si nous ne nous connaissions pas vraiment.

« Sarah... as-tu des nouvelles d'Abel, l'homme qui m'accompagnait ? »

Cette dernière regarda autour de moi, comme si elle avait pensé un instant qu'il serait à mes côtés malgré mes dires puis, d'un geste désolé de la tête, elle répondit par la négative.

« Je vais aller voir s'il n'est pas dans la cité. Je vais revenir plus tard... On mangera ensemble si tu as le droit et puis tu pourras me raconter ce que tu as vécu après notre séparation... ».

« Manger je ne sais pas... c'est assez tendu en ce moment... Mais après mon service, tu pourras venir chez moi ! Ma maison est neuve, on l'a reconstruite de toutes pièces ! ».

« Tendu ? ».

« Je te raconterai ça ce soir. ».

Puis, elle me fit un clin d’œil avant de tourner les talons pour reprendre son service. Je souris, doucement, espérant que son soucis n'était pas trop grave. Moi aussi je devais retourner à mes occupations : chercher Abel. Je fis quelques pas, mes yeux cherchant dans toutes les directions. Puis, comme un mirage, une silhouette que je connaissais se dessina au bout de la rue. Je m'arrêtai, incertaine, avant de me mettre à courir, me jetant dans les bras du Bélua sans aucune retenue. J'espérai simplement ne pas avoir rêvé, ne pas l'avoir confondu avec un inconnu. La tête contre son torse, je finis par dire tout ce qui me passait par la tête.

« Oh Abel ! Tu m'as tellement manqué ! J'ai eu peur pour toi ! Je... J'ai vu Sarah... Elle va bien ! Elle nous invite chez elle ce soir ! Je... Mais qu'est ce que tu fais là ? Tu n'as rien au moins ? ».

Un grand ramassis de tout et de n'importe quoi en somme.

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Dim 24 Jan 2016 - 20:53




Sceptelinôst avait bien changé. Lorsque la terre avait tremblé, Abel avait été trop pressé par les évènements pour s’intéresser à ce qui se jouait tour de lui, mais à présent que le calme était revenu, il pouvait contempler l’ampleur du désastre. Rares étaient les bâtiments encore debout, et même parmi ceux-ci, les dégâts étaient considérables. De grandes fissures lézardaient les murs, chaque édifice menaçant de s’écrouler pour venir rejoindre ceux qui avaient fait les frais des séïsmes et des vagues. Abel pouvait remercier son totem pour cet étrange instinct qui lui avait fait quitter les côtes, sans qu’il ne comprenne bien pourquoi jusqu’à ce jour. Les habitants avaient nettoyé le plus gros de la boue, mais les pierres basses portaient encore les traces de la montée des eaux, témoignant de ce qui s’était produit après leur départ. La colère de la nature avait emporté des dizaines, des centaines, peut-être des milliers d’âmes piégées par les flots, et elle avait transformé le paysage en une ruine sinistre. Lorsqu’il était venu ici pour la première fois, Abel s’était demandé comment Sceptelinôst aurait pu être plus misérable. Aujourd’hui il avait la réponse.

Le bélua remontait lentement la ruelle qui menait à la taverne dans laquelle il avait rencontré Saphir et Sarah. Il était fatigué de toute cette violence qui ne l'avait plus quittée depuis qu'ils avaient fui la cité. Le contact rêche des peaux de bêtes avait racorni ses épaules et ses bras, tout ce qu'il avalait avait l'arrière goût du sang. Les cris et les râles d'agonie résonnaient à ses oreilles des heures après qu'ils se soient tus. Cela faisait des jours qu'il ne dormait que d'un œil, craignant de voir surgir un elfe noir vengeur venu mettre un terme à sa croisade de haine. Aujourd'hui, il ne cherchait plus qu'un refuge, un endroit familier dont il pourrait faire un sanctuaire où prier et tenter de se ressaisir, d'oublier tout ce qu'il avait fait. Il s'était alors dirigé vers l'auberge. Après tout, c’était le seul endroit qu’il pouvait se targuer de connaître dans la ville. Avec un peu de chance, il serait encore là…
En approchant un peu plus, le fils de Phoebe constata que non seulement il était encore là, mais qu’il semblait encore en état de fonctionner, des clients entraient et sortaient du bâtiment sans se préoccuper de son état inquiétant. Parmi eux, Abel reconnu instantanément une démarche familière. Ce fut son totem qui l’alerta le premier, par la manifestation d’une réaction affective à laquelle il ne s’attendait pas. Il comprit rapidement en voyant l’elfe courir vers lui et se jeter contre lui. Avant qu’il n’ait eu le temps de dire un mot, la fille des forêts avait refermé ses bras autour de sa taille. Abel mit quelques secondes à se remettre du choc, avant de l’enlacer à son tour, serrant son corps contre le sien en caressant lentement les cheveux de Saphir. Mais ce débordement d’affection généra une sensation étrange dans le cœur du bélua. Il ne la méritait pas. L’elfe serrait dans ses bras un meurtrier, un monstre. Elle n’avait pas idée des horreurs qu’Abel avait commises depuis qu’il avait appris la destruction de la capitale du peuple animal par les alfars. Si elle l’avait su, elle aurait sans doute posé sur lui des yeux plein de dégoût, l’aurait blâmé, haï comme tout être censé. Mais elle le serrait contre lui comme on sert un ami, un être cher. Avait-il le droit d’en profiter ?

La voix rapide de l’elfe témoignait de son soulagement. Elle semblait s’être beaucoup inquiétée pour lui. Tentant d’ignorer sa culpabilité, il resserra légèrement son étreinte l’espace d’une seconde.
« Saphir, je croyais ne plus jamais te revoir. Quand nous avons été séparés, je me suis attendu au pire… Je suis content que tu sois en vie. »
Abel était réellement sincère, mais sa voix trahissait son malaise. Il préféra laisser redescendre son bras le long du dos de l’elfe, s’éloignant après quelques instants.
« Quelques égratignures, mais à part cela je vais bien. »
Lui, oui. Mais pas ceux qui lui avaient infligé ces blessures. Le marchand et sa femme, les voyageurs, le groupe d’orphelins. Abel voyait surgir les visages des alfars qu’il avait tués. Son accès de haine avait déjà fait trop de victimes, et pourtant, à chaque fois qu’il recroisait un elfe noir, l’esprit animal était beaucoup trop fort pour qu’il puisse le retenir. Le bélua avait eu beau renforcer ses capacités et son affinité avec son totem, lorsque ce dernier voulait quelque chose, il l’obtenait. La part humaine n’avait pas son mot à dire lorsqu’il s’agissait de venger les siens. Et à vrai dire, il n’était pas vraiment sur d’en avoir envie. Peut-être se cachait-il derrière l’esprit sauvage pour camoufler ses crimes. Peut-être était-ce tout ce qu’il était au fond : une bête sauvage, un assassin, tueurs de femmes et d’enfants sans défense.

Les mains rugueuses d’Abel glissèrent le long des bras de l’elfe pour venir saisir les siennes, s’autorisant un petit peu de douceur après des jours et des jours d’inimité.
« Et toi, comment as-tu survécu ? Les autres filles de l’orphelinat sont avec toi ? Sarah... »
Le bélua leva les yeux vers l’auberge, espérant apercevoir la serveuse qui avait partagé leur escapade. Si elles avaient toute deux réchappé à l’horreur de ce chaos, le sort des milliers d’autres habitants de Sceptelinôst lui importait bien peu.


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Jeu 3 Mar 2016 - 13:55

Je mis un instant à comprendre que l'homme venait de resserrer ses bras autour de moi. Surprise, je n'osai plus bouger. Le mieux était sans doute de profiter de l'instant. Ne déplaçant pas ma tête, je fermai les yeux, écoutant le bruit de son cœur battre dans sa poitrine. Le Bélua était important pour moi. Il m'avait aidé et protégé. J'étais certaine que si les filles étaient saines et sauves aujourd'hui, c'était en grande partie grâce à lui. Touchée de son geste, je pensai un instant qu'il n'était pas comme les autres, ceux qui venaient à la maison des plaisirs. Il me semblait plus gentil, plus juste. Oh je ne le connaissais pas si bien que cela mais j'avais une haute estime de lui. Je me sentait bien en sa compagnie. Appréciant ses caresses dans mes cheveux, je sentis une douce chaleur s'emparer de ma poitrine. Je ne me posais pas beaucoup de questions sur la signification de cette réaction physiologique, me disant que c'était sans doute naturel lorsque l'on retrouvait quelqu'un pour qui l'on s'était énormément inquiété. J'avais sans doute un problème d'attachement. Il y avait ceux que je considérai comme mes bourreaux et ceux pour qui j'aurai fait n'importe quoi. Abel faisait partie de ces derniers. Je ne savais pas pourquoi. Je lui étais reconnaissante, il ne m'avait pas rejeté, au contraire. Contre lui, je me mis à penser à quelque chose sans réellement m'en rendre compte. Je me disais que s'il venait vivre avec les filles et moi, j'aurai sans doute moins de mal à m'endormir le soir. Je me sentais protégée quand il était là.

Sa voix vint troubler mes pensées. Je le sentais légèrement étrange. Peut-être était-ce la surprise ? J'essayai de ne pas y penser, mes yeux fixant son visage quand il s'écarta de moi. Des égratignures ? J'étais soulagée, bien que je doutai, en réalité, qu'il s'agisse réellement que d'égratignures. Souvent, les filles minimisaient leur souffrance pour ne pas m'embêter. J'avais l'habitude de déceler les petits mensonges. J'espérai donc qu'il ne faisait pas pareil à l'heure actuelle. Le contact de ses mains sur moi me donnait une drôle de sensation et j'eus envie de le prendre encore dans mes bras. Je me retins. Même si je voulais lui montrer mon affection, j'avais peur d'en faire un peu trop. Je ne voulais pas qu'il pense que j'étais une femme perdue qui s'accrochait à n'importe qui. Je ne voulais pas qu'il soit mal à l'aise ou qu'il me fuit.

« C'est un peu flou... J'ai rejoint un groupe qui partait vers Libertas. Quand nous avons pris le navire, l'Océan était déjà plus calme et... »

Caressant doucement le dos de ses mains avec mes pouces, je laissai un petit temps s'écouler avant de continuer.

« Les filles vont bien, ne t'inquiètes pas. Je pense que leur vie ne peut qu'évoluer favorablement à partir de maintenant. ».

Je m'en voulais terriblement de penser une chose pareille mais les événements récents nous avaient sauvé. Là où ils avaient fait bien du mal, ils avaient changé notre existence à jamais. A présent, chaque orpheline pourrait choisir son destin. Aucune ne serait obligée de devenir prostituée.

« Elles te sont tellement reconnaissantes tu sais... Beaucoup parlent de toi. Elles souhaitent te revoir. Beaucoup veulent que tu reprennes une forme animale pour pouvoir monter sur ton dos. Je leur ai dit que ce n'était pas correct mais, tu sais... je crois qu'elles t'aiment beaucoup... ».

J'hésitai un moment avant de préciser.

« Que nous t'aimons beaucoup. ».

Je ne souhaitais pas qu'il croit que ce n'était pas mon cas, bien au contraire. J'aurai tant voulu passer plus de temps avec lui, apprendre à le connaître dans un climat plus favorable. Ce soir, peut-être que ce serait l'occasion, quand nous serons tous les deux chez Sarah.

« Nous verrons Sarah ce soir pour dîner. » fis-je en percevant son regard.

« En attendant, que dirais-tu de faire quelque chose, tous les deux ? ».

Je n'avais aucune idée de ce que Sceptelinôst pouvait nous offrir comme distraction. Je n'avais pas envie d'aller dans un bordel en compagnie du Bélua. Peut-être pouvions-nous simplement manger quelque chose ou...

« Oh... l'on pourrait boire pour fêter ça ! ».

J'étais sans doute un peu trop enjouée à cette idée mais j'avais entendu dire que lorsque deux êtres proches se retrouvaient, il était coutume de boire un coup. Je n'avais jamais bu d'alcool de ma vie mais pour une première fois, autant que ce soit avec lui.

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Dim 3 Avr 2016 - 20:26




La présence de Saphir avait quelque chose d’apaisant pour le bélua. Sa gentillesse et son innocence apparentes faisaient plaisir à voir dans un monde qui n’était que trop dominé par les affres de la guerre et de la malveillance. Abel était venu à se persuader qu’il était rare de rencontrer des gens réellement bien intentionnés, et, même s’il ne la connaissait en réalité que très peu, il avait l’impression que l’elfe était l’une d’elles. Au milieu de ceux qui avaient brûlé Dhitys et bien failli détruire son peuple, ainsi que de ceux qui avaient été complices de ces horreurs en ne faisant rien pour les empêcher, il était bien peu de gens qui ne rappelaient pas au bélua les sombres évènements qu’il avait vécus aux côtés des siens. Les elfes et les faes étaient de ceux-ci. Leur proximité avec la nature leur assurait un point commun avec les béluas et leur caractère, souvent tourné vers l’altruisme et la compassion, pouvait parfois endormir la méfiance constante qu’Abel ressentait envers les autres depuis que son peuple avait été attaqué. C’était agréable de pouvoir considérer quelqu’un qui n’appartenait pas à son peuple autrement qu’en imaginant en lui un ennemi potentiel.
Le fils de Phoebe écouta Saphir lui parler de ses mésaventures, de ce qui leur était arrivées lorsqu’ils avaient été séparés. Au moins elle semblait envisager l’avenir avec espoir, ce que le bélua n’était plus parvenu à faire depuis bien longtemps.
Les compliments de l’elfe lui arrachèrent un sourire discret, qui s’estompa bien vite lorsqu’il se rappela qu’aucune des orphelines ne l’avait jamais vu sous son véritable jour.
« Je n’ai rien fait d’exceptionnel, tu sais ? Vous étiez dans le besoin, je ne pouvais pas vous laisser ici. Nos peuples sont amis. La lune n’aurait pas toléré que je vous abandonne. »
Comment souvent, le bélua dissimulait ses propres volontés derrière des justifications religieuses. Tant que ses actes étaient en accord avec la volonté de Phoebe, il aimait à se dire qu’il agissait pour elle et non en son propre nom. Mais dans le cas des orphelines, s’il avait toujours vu la lune comme une entité bonne et miséricordieuse, c’était bien son cœur qu’il avait suivi.
Lorsqu’il entendit parler de sa forme animale, le visage d’Abel s’illumina, tant il savait que cette seule pensée suffisait certainement à toucher son ego félin. En temps normal, la frontière entre ce qu’il était prêt à accepter et ce qu’il considérait comme une insulte envers son Totem était assez ténue, fluctuant au gré des personnes qu’il avait en face de lui. Mais de savoir que ces fillettes avaient apprécié de le voir sous son apparence animale, et qu’elles n’en avaient pas peur, était assez rare pour qu’il le leur accorde s’il les revoyait.
« Il est rare que je croise des gens qui désirent revoir cette partie de moi. Mais si cela peut leur apporter un petit peu de bonheur, je pense que l’Autre acceptera de servir de monture… si vous promettez de ne pas le raconter à tout le monde. »
Après tout, il me doit bien ça après tout le sang que je l’ai laissé verser. Abel aurait voulu le dire, comme pour se libérer du poids de la culpabilité, mais si la droiture lui donnait envie de lui dire quel monstre il était réellement, il ne voulait pas que le regard de Saphir ne change.  

Lorsqu’elle lui proposa d’aller boire, le bélua fut surpris. Elle n’avait pourtant pas l’air d’être habituée à consommer de l’alcool, pas plus que lui ne l’était. Abel avait grandi bien loin des principaux regroupements béluas, et même là, l’alcool était souvent vu comme un poison qui avait cours dans les contrées civilisées. Jamais il ne lui serait venu à l’esprit d’en consommer pour son plaisir. Cependant, il n’avait pas envie d’accueillir la proposition de Saphir avec autant de froideur. Embêté,  Abel passa l’une de ses mains dans sa barbe naissante.
« Bien sûr, mais peut-être plus tard. En attendant, j’aimerais te montrer quelque chose. Je voudrais que tu voies l’endroit où j’ai vécu avant de revenir ici. J’aimerais te raconter… ce que j’ai fait, avant de revenir. »
Le bélua n’était pas encore bien sûr de ce qu’il voulait lui avouer, mais elle apprécierait sans doute la nature qui entourait l’arbre creux dans lequel il avait dormi après avoir passé de nombreuses nuits à rôder. Sa tanière n’était pas très loin, à proximité d’un petit ruisseau qu’ils pourraient facilement remonter s’il arborait sa forme féline. L’elfe ne le remarquerait probablement pas, mais il s’agissait là d’un moyen pour Abel de l’inviter dans son intimité, une possibilité qu’il n’offrait pas au premier venu.

L'enfant de la Lune l'entraîna à travers la ville en direction de la porte Est, ou plutôt de ce qu'il en restait, et, une fois qu'il fut à une distance raisonnable de la cité, il reprit sa forme féline en invitant Saphir à grimper sur son dos. Comme prévu, ils arrivèrent rapidement là où Abel voulait l'emmener. Ralentissant l'allure, la panthère de Bois-Lune longea un petit ruisseau qui serpentait paisiblement dans la plaine, se glissant entre de hautes collines qui surplombaient un petit bosquet discret, un petit peu à l’écart. C'était sans doute cela qui lui avait plu lorsqu'il était arrivé ici pour la première fois. Le félin se faufila entre les arbres jusqu'à un chêne massif dont le tronc avait été creusé par les âges en un renfoncement assez grand pour accueillir un homme de taille adulte. A seulement quelques mètres, l'eau butait contre des galets aplatis en provoquant un clapotis constant, agréable et reposant. Non loin de l'arbre, des pierres blanches avaient été disposées en cercle, et une empreinte de patte marquait le centre de l'étrange symbole. Invitant l'elfe à descendre de son dos, il lui laissa le temps de contempler la beauté de la nature environnante, et vint ajuster la forme décrite par les galets comme on range en toute hâte une chambre en désordre.
"Voilà, c'est ici que j'ai vécu tout ce temps. Après ce que j'ai fait, je ne pouvais pas entrer en ville comme si de rien était. Je pense que j'avais besoin d'un peu de temps."  


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Mer 6 Avr 2016 - 2:35

La lune... Je n'avais pas beaucoup d'éducation religieuse en réalité, même si je savais que la lune faisait référence à une Déesse que nos peuples respectifs priaient. Mon peuple, cette notion même me semblait totalement floue. J'étais une Elfe mais, dans le fond, je n'avais aucune idée de ce qu'était réellement un Elfe, ce qu'il était sensé faire, savoir ou dire. Je n'étais qu'une femme, fragile et ignorante, qui avait été laissée de côté par ses parents. Peut-être n'était-ce pas la vérité peut-être n'avaient-ils jamais voulu m'abandonner, mais je ne le saurai probablement jamais. Alors, je n'avais eu aucune éducation, du moins, pas celle pour devenir une Elfe. Je n'étais qu'un être vivant à la recherche d'une identité et, surtout, j'avais peur de ce monde. Je voulais m'attacher à quelqu'un, à quelque chose, mais les autres m'effrayaient tellement que ma vie semblait parfois bien amère hors des murs de l'orphelinat. Pourtant, c'était mieux, mieux mais angoissant. Néanmoins, malgré toute la crainte que je pouvais éprouver avec autrui, je me sentais bien avec Abel. Il savait d'où je venais et il me semblait que je n'avais pas à justifier quoi que ce soit en sa présence. Je souris quand il parla de « l'autre », trouvant la chose étrange. Je ne connaissais pas grand chose mais je me dis que j'aurai tout le temps de lui poser la question plus tard, lorsque nous serions dans un endroit un peu plus tranquille. Cet endroit ne fut en aucun cas une taverne comme je l'avais pensé au début mais un lieu plus secret. J'aurai beaucoup aimé « fêter » nos retrouvailles mais quand il évoqua la possibilité pour moi de partager quelque chose avec lui, je ne pus refuser.

Sur son dos, une étrange impression s'empara de moi. C'était bizarre quelque part de monter ainsi sur un animal qui, en réalité, était aussi un homme. Je me demandais s'il me trouvait lourde ou non. Pourtant, après la gêne qui persista quelques minutes, je commençai à prendre goût à l'exercice. L'air parcourait mes cheveux avec la vitesse et, sous moi, je pouvais sentir les muscles du félin se tendre et se détendre sous le coup des mouvements qu'il faisait. J'avais une impression de liberté et de chaleur. Bien sûr, je me voyais mal lui avouer ce que je ressentais, il ne le prendrait sans doute pas forcément bien mais j'aimais être sûr lui, m'agripper à son cou. Aussi, quand il ralentit et que j'eus moins la nécessité de me tenir, je me redressai un peu, passant mes mains dans son pelage comme pour compenser ma position. Je me mis donc à le caresser un peu, un petit sourire sur les lèvres et, ce, jusqu'à ce que nous arrivions.

A vrai dire, même si j'avais vécu à Sceptelinôst presque l'intégralité de mon existence, je préférai réellement cet endroit. La nature était reine et l'environnement semblait tellement paisible qu'une impression d'intimité se dégageait de lui. Il n'y avait jamais de réel silence au cœur de la nature. L'eau se mêlait au son de la végétation qui dansait au rythme du vent. Les animaux venaient se mêler à l'ensemble pour donner ce qui semblait à mes yeux être une mélodie. Je descendis du dos d'Abel, m'avançant vers l'arbre pour poser lentement ma main sur son tronc. Je restai là un instant avant de me retourner pour le regarder. Je souris.

« Je trouve cet endroit très joli. J'aurai bien voulu rester ici avec toi si j'avais pu. ».

Bien sûr, cette pensée était purement utopique. J'avais guidé les filles jusqu'à Libertas. Même sans cela, je doutais qu'il aurait bien voulu de moi ici. Rien que d'imaginer, cela me faisait rire. Je l'aurai plus embêté qu'autre chose en restant auprès de lui. Je me demandais d'ailleurs comment il avait fait pour tenir ici si longtemps. Il y avait certes de l'eau mais... oh... il avait dû chasser pour se nourrir. Je pinçai mes lèvres, le regardant sans rien dire. Ses paroles m'avaient fait prendre conscience qu'il s'était vraiment passé quelque chose d'horrible. S'il s'était isolé là, il devait y avoir autre chose que les tremblements de Sceptelinôst et les Masques d'Or. Je m'avançai donc vers lui, ma main venant se faufiler sur son cou affectueusement. C'était étrange mais quand il était sous la forme d'un animal, j'avais du mal à considérer qu'il s'agissait d'un homme. J'avais juste envie de le toucher, de le caresser et de voir si les panthères étaient capables de ronronner à l'image des chats. Pourtant, à ce moment précis, j'étais plus inquiète qu'autre chose. Je l'observai un instant avant de demander doucement :

« Qu'est ce que tu as fait, Abel ? ».

Je n'avais aucune envie de le juger, je voulais juste savoir, qu'il me parle. Si ça le préoccupait, alors peut-être qu'en discuter pourrait l'apaiser un peu.

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Désolée, je suis trop occupée à m'occuper de ma purge pour continuer ce rp o/
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L'auberge de Sceptelinôst [PV Saphir]

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