Le désert était loin d’être un lien accueillant, mais n’effrayait guère l’Ombre qui était bien décidé à le traverser. Le vent soufflait inlassablement, provoquant par moment de terrible tempête de sable qui balaya tout sur son passage et notamment leur trace de pas. Aaliah n’était seule, sa fille faisait route avec elle. Celle-ci tenait à rester en sa compagnie et souhaitait prouver qu’elle pouvait se révéler forte. L’Ombre avait accepté uniquement parce qu’elle contrôlait le vent, ce qui lui permettait de ne pas subir les attaques des tempêtes. Toutefois, il n’était pas aisé de s’y retrouver. Les panneaux étaient rares pour indiquer une direction à prendre et les voyageurs encore plus. Il y avait bien eu quelques bandits, mais l’Ombre n’avait pas eu la patience de les convaincre de l’aider. D’un coup d’épée, elle en avait tué un tandis que les autres qui avaient essayé de fuir s’était retrouver ensevelir par une tempête de sable. La jeune élémentale n’osa pas reprocher à sa mère d’avoir tué les seuls êtres qui auraient pu les guider dans ce gigantesque désert. Sa mère était encore dans l’un de ses mauvais jours. Après une marche interminable, la fillette entreprit toutefois la périlleuse mission de convaincre sa mère de chercher de l’aide.

« Avec une autre personne avec nous, ce serait bien, non ? »

L’Ombre grommela quelques mots entre ses dents tout en regardant droit devant elle. De ce faite, la jeune fillette ne comprit pas ce qu’elle lui avait répondit. Cependant, elle ne put retenir un sourire amusé lorsqu’elle remarqua que sa mère faisait demi-tour. La sagesse la retint de le lui faire remarquer et elle suivit docilement la jeune femme en silence. Elle quitta le sable du désert pour rejoindre la première auberge qui se trouvait dans le coin. Ce qui prit un temps relativement long, l’Ombre ne voulant pas user de son pouvoir pour voyager plus rapidement. Elle avait besoin de marcher pour réfléchir à la situation…

Dans le cœur du désert, se terrait un fragment de pierre qui avait la capacité de créer du sable. Sceptique au premier abord, elle avait néanmoins fait sa petite enquête par curiosité. L’avantage d’être une Ombre, c’était de pouvoir compter sur la discrétion des morts pour partager leur secret sans le révéler a d’autre. Lorsqu’elle fut certaine du lieu, elle décida d’y aller afin de voir de par ses propres yeux le pouvoir de cette pierre. Dans un premier, ce fut seule qu’elle arpentait le désert pour repérer les lieux… mais rien n’était vraiment repérable. A chaque passage du vent, l’horizon se transformait et il devenait difficile d’identifier les endroits où l’on était déjà passé. Sa fille avait décidé de l’accompagner pour sa deuxième expédition, mais le résultat fut le même. Cette horripilante impression de tourner en rond. Il lui fallait effectivement de l’aide, mais si cela ne la ravissait pas, elle qui appréciait tant la solitude.

Lorsqu’elle arriva à l’auberge, elle ne perdit pas de temps et parla directement au maître des lieux. Elle cherchait après un guide, une personne qui connaissait assez le désert pour pouvoir s’y déplacer aisément sans se perdre. L’homme l’écouta et hocha la tête sans oser contrarier la jeune femme. Son regard et son maintien suffisait à l’intimider quelque peu. Le grassouillet aubergiste était pourtant persuadé que nul ne viendrait aider la jeune femme. Qui serait assez fou pour s’y risquer ?

« Attendez le passage des sages, ils ont des chameaux, des vivres, de quoi voyager en sécurité
— Ce n’est pas d’une protection que j’ai besoin, juste d’une personne assez douée pour se repérer dans un désert. Je veux rester discrète !
— Avec une personne pour vous guider, vous n’irez pas très loin
— La distance que je parcourrai n’est pas votre souci. Je saurais récompenser celui qui m’aidera, transmettez le message, j’attendrai à l’entrée du désert »

L’homme n’eut pas le temps de demander à la jeune femme de rester pour manger ou boire un peu en attendant, qu’elle avait déjà disparu. Il regarda la porte de son auberge, quelque peu hébété par la mystérieuse femme. Il finit par hocher les épaules et à chaque homme qui se plaignait d’un manque d’argent ou d’aventure, il leur parlait d’une étrange dame qui cherchait un guide pour traverser le désert. Certains lui répondirent qu’il n’était pas encore assez soûl pour s’y aventurer, d’autre qu’il avait dû boire un verre de trop que la bonne femme qui lui avait parlé n’existait que dans sa tête.

« Je ne fais que répéter ce qu’elle m’a dit. Vous n’avez qu’à vous rendre à l’entrée du désert, elle attend celui qui pourra l’aider
— Ouais ouais, sert nous plutôt à boire, nos godets sont vides»

L’aubergiste décida de les ignorer et envoya l’une de ses servantes s’occuper de la table des soûlards.

798 mots

Le destin avait un sens de l'humour particulier et plutôt déplaisant pour l'Ombre qui ne comprenait pas toujours son décharnement envers elle. A croire qu'il appréciait, pour une raison qu'Aaliah ignorait, s'amusait avec elle. Aujourd'hui encore, son sens de l'humour était indéniablement différent du sien... Ce qui n'était, en soi, pas vraiment difficile puisque l'Ombre n'avait guère beaucoup le sens de l'humour. Elle fronça les sourcils en voyant la silhouette qui se dirigeait vers elle. Était-ce son guide? Ou du moins une âme charitable pour l'aider... L'Ombre détestait d'avancer cette idée, mais elle n'avait pas le choix. Elle se contenta de rester fière et droite, prête à faire un effort pour ne pas chasser l'individu de suite. Les volontaires étaient plutôt rares à vouloir se promener dans le désert. Elle devrait au moins attendre d'avoir mis la main sur sa pierre avant d'envoyer l'inconnu paître comme un sale morceau de tissu.

Cependant, outre le silhouette vaguement masculine, elle remarqua la présence d'une autre personne, une femme, aussi qu'un chameau... Seul ce dernier lui semblait vaguement sympathique. Il semblait transporter des affaires, probablement de l'eau et de la nourriture pour traverser le désert. L'Ombre eut presque ricaner d’amusement si l'absence de ce genre de besoin ne présentait pas parfois un poids difficile à porter. Toutes ses saveurs qu'elle ne pouvait plus éprouver. Elle fit la grimaça en réalisant qu'elle n'avait pas pris la peine de donner le change en emportant également des vivres. Aaliah n'avait qu'une simple gourde et un peu de nourriture pour Lisseth, cachés sous sa longue cape. Au pire, l'individus la prendrait pour une irresponsable de ne pas avoir emporter plus pour eux deux; il n'avait pas besoin de savoir qu'elle n'avait ni besoin de se sustenter ou de s'hydrater.

Elle était prête à s'adresser poliment, du moins, avec toutes la gentillesse qu'elle parvenait parfois à faire preuve. Sauf que l'individu enturbanné parla le premier et que l'Ombre reconnu instantanément sa voix, ainsi que le surnom qui lui donnait. Dame tempête... Une seule personne l'avait appelé ainsi dans un passé pas assez lointain à son goût. Même si n'importe quelle autre personne ne l'aurait guère ravie, au moins, ne lui aurait-elle pas provoquer une telle aversion. Elle serra les poings d'énervement tandis que sa fille reconnu l'homme également. Ses doigts bagués surtout. Ses yeux bleus se posèrent dessus, étonnée par leur beauté et leur nombre. Combien donc en possédait-il? N'osant pas prononcé un mot, la fillette présenta sa main où elle arbora la bague qui lui avait offert à la forge. L'Ombre inspira profondément pour retenir toutes sa colère en se demandant ce qu'elle avait bien pu faire un jour au destin!

« Vous... »

Le ton était un subtil mélange entre la colère, le mépris et la jalousie. Car oui, Aaliah jalousait quelque peu cet homme qui parvenait à faire sourire sa fille. Et si celle-ci n'était pas là, elle aurait bien prit le déchu par la peau du cou pour le menacer de l'envoyer six pieds sous terre s'il continuait de faire des gentillesses à Lisseth. Bien sûr l'enfant méritait un peu de bonheur et même si l'Ombre ne pouvait pas tout lui donner, elle n'appréciait pas qu'un autre prît sa place! Cependant, elle ne pouvait pas le rejeter. Elle était obligée de faire route avec lui. D'abord, parce qu'il connaissait peut-être mieux le désert qu'elle; encore qu'elle pouvait en douter au vue de sa maladresse dont elle avait déjà subit les conséquences. Ensuite, parce que cela faisait plaisir à Lisseth d'avoir cet homme à ses côtés et qu'elle ne pouvait décemment par lui faire de la peine.

« Soit » finit-elle par lâcher pour dire qu'elle l'acceptait comme guide..

Aaliah se contenta d'un signe pour l'inviter à la suivre dans le désert sans lui adresser plus de mots. Pas d'explications, pas de renseignements, pas d'inutile bavardage. L'Ombre pouvait parfois faire dans le très simple, lorsqu'elle ne sombrait pas à la limite de l'impolitesse. Cependant, elle n'avait guère fait allusion à sa maladresse ou à sa soi-disant soeur, du moins, par encore, ce qui en soit, était un signe d'une énorme politesse pour la jeune femme. Lisseth fut par contre un peu plus sympathique et adressa un sourire chaleureux au dénommé Fitz en s'intéressant de plus prêt à sa compagnie.

« Qui est-ce? demanda-t-elle en désignant la jeune femme qui l'accompagnait avant de se tourner vers l'animal, intriguée. C'est un... un quoi?
— Un chameau...»

La réponse de la mère fila aussi agressive qu'une flèche qui transperce sa cible, et il était difficile de savoir si ce n'était pas une manière d'insulter le déchu au passage.

760 mots

Aaliah fit semblant de ne pas entendre les dires du jeune homme, n'ayant que faire de ces remarques qui sonnaient de manière horripilante à ses oreilles. Elle avait un don indéniable pour attirer les énergumènes les plus pitoyables que les Terres du Yin et du Yang avaient pu engendrer. L'Ombre ne supportait pas sa façon de s'émerveiller du fait qu'elle se souvenait de lui... En même temps, comment aurait-elle pu l'oublier? Il l'avait bousculer, c'était moquée ouvertement d'elle et pour couronner le tout, avait offert une bague à sa fille dont elle ne pouvait l'en priver sans lui faire de la peine. Elle était donc condamner à voir cette bague brillé au doigt de l'enfant et de se souvenir de celui qui lui avait donner. Une véritable torture et pourtant, la Gardienne avait aisément l'habitude d'être torturer; dans l'âme comme dans l'errance... Elle se contenta de soupirer ouvertement, ne voyant pas quelques mots étaient utiles pour répondre à cela. Elle serait forte et ne rentrerait pas dans son petit jeu. Les pitres, franchement, ce n'était pas son genre!

Le pire dans tout cela, c'était qu'elle avait besoin de lui... Vraiment. Et la seule chose qui hantait ses pensées, c'était qui ne le lui fasse pas remarquer. L'Ombre savait qu'elle avait un caractère plutôt détestable et peu de gens acceptaient de rester en sa compagnie trop longtemps. Il fallait dire aussi qu'elle appréciait peu de demander de l'aide parce qu'elle supportait encore plus l'idée de devoir remercier ses compagnons de fortune. Remercier, c'était une manière d'ouvrir son cœur vers une possible amitié, et ça, c'était difficilement faisable aux yeux de l'Ombre. Surtout envers l'individu qui continuait sa discussion avec Lisseth. Il lui présenta Jinna, la fille qui l'accompagnait et que l'Ombre avait nié avec toute la splendeur dont elle pouvait parfois faire preuve. Elle ne rectifia nullement le tir, sa fille étant là pour sympathiser avec la dénommée Jinna si nécessaire. Aaliah, elle, avait autre chose à penser. Encore que, avec les paroles du déchu, ce n'était pas une entreprise aisée. Il parlait inlassablement. Pis qu'un chameau, c'était un véritable moulin à parole. Décidément, elle avait l'art de tomber sur des pitres bavards... Le destin lui en voulait vraiment beaucoup; il faudrait peut-être une fois qu'elle lui demande la raison d'une telle haine envers elle.

Cependant, elle ne pouvait pas se retourner pour lui intimer l'ordre de se taire. Déjà, parce qu'elle ne tenait pas vraiment à le faire fuir ─ même si ce n'était pas l'envie qui lui manquait ─ mais elle avait besoin de sa présence. Ensuite, parce qu'il donnait un cours de chameau et autres créatures du désert à sa fille. Aaliah étant peu bavarde par nature, elle n'avait pas grandement l'occasion d'expliquer les choses en détails à sa fille. Aussi, autant en profiter. En plus, c'était gratuit et cela faisait plaisir à sa fille qui regardait d'un air admiratif le jeune homme. La fillette buvait ses paroles à un point tel qu'elle faillit ajouter « maman aussi » lorsqu'il lui confia que le chameau était capable de faire longtemps sans boire ni manger. Un regard sombre de part de ladite maman fut suffisant pour empêcher Lisseth de prononcer la moindre phrase. Il était plutôt malvenu de confier la capacité de l'Ombre à errer sans satisfaire aux besoins les plus primaires. La jeune Elemental resta silencieuse, hochant simplement la tête devant le discours du déchu pour ne pas commettre d'autre impair.

Le sujet dévia ensuite sur une grande expédition de déchu au sujet du guivre du désert. L'Ombre arqua les sourcils devant l'information, se demandant alors si la raison de son accompagnement dans le désert n'était pas lié à cette histoire d'oeuf d'or. Toutefois, elle ne dit rien, continuant de marcher devant comme si elle cherchait à fuir le flot interminable de paroles. Comment pouvait-on être aussi bavard? Finalement, elle apprécierait de se perdre dans ce désert, loin de lui. Enfin, seulement si elle n'avait pas besoin de la pierre qu'elle était partie chercher...  Intérieurement, elle pesta et fut prête à se retourner pour indiquer que c'était tout de même lui le guide et qu'il était donc censé marcher devant et non discuter derrière avec sa fille. Le rire du déchu l’irrita et fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. L'Ombre se retourna pour lui intimer l'ordre de se taire et de passer devant lorsqu'elle se retrouva face à une question. Il lui demanda de but en blanc ce qu'elle venait faire dans ce lieu de désolation. Elle hésita un instant à lui répondre sèchement le calme et la solitude lorsqu'elle réalisa que ce n'était guère la bonne tactique à prendre puisque c'était elle-même qui avait cherché après un guide... Prise à son propre piège, elle se contenta de soupirer une nouvelle fois d’agacement avant de reprendre contenance.

« Eh bien, aidez-moi à trouvez et vous saurez! lui répondit-elle sur un ton si glacial qu'il aurait pu transformer le sable du désert en glace. Et puis, passez devant! C'est vous qui connaissez le désert alors pourquoi c'est moi qui marche devant? »

Tout en parlant, Aaliah fit signe au déchu de passer devant elle, le dévisageant sombrement. A croire qu'elle devrait encore tout faire! Comme une réponse à sa colère, le vent se leva rapidement, soufflant une vague de sable dans leur direction. Cependant, la Gardienne n'avait pas vraiment envie de se faire ennuyer par une tempête de sable, pas après avoir dû subir le long dialogue de Fitz. C'était déjà largement suffisant comme difficulté pour le moment. D'un geste agile et rapide, elle tendit le bras en direction de la tempête de sable et l'arrêta nette dans sa course pour la faire dévier. Déboussolés par l'attaque de l'Ombre, les grains de sable tourbillonnèrent dans les airs avant de leur retomber dessus. La Gardienne se contenta de se frotter les manches pour chasser les grains indésirables.

« Le désert va pas non plus se mettre à m'ennuyer! murmura-t-elle agacer avant de redresser la tête vers le déchu. Je cherche un petit objet, probablement caché... Alors si vous avez une idée de cachette, c'est le moment de nous guider sauf si vous souhaitez que je laisse la prochaine tempête de sable vous ensevelir. Ce sera moins pratique pour vous parler...» rajouta-t-elle ironique.

Aaliah évita toutefois de préciser que ledit objet qu'elle cherchait était une pierre possédant un mystérieux pouvoir et que la cachette de cette dernière était probablement bien cachée et bien protégée. Et que de ce fait, elle préférait largement qu'il passât devant, histoire de prendre les premiers coups ou pièges...

1093 mots

Décidément le jeune homme avait un talent indéniable pour lui être irritable. Que cela fût dans ses gestes ou ses paroles, chaque chose en lui provoquait chez l’Ombre une irascibilité de plus en plus perceptible. Il fallait dire aussi qu’elle ne prenait pas beaucoup la peine de masquer sa colère alors qu’elle avait largement la possibilité de montrer un visage plus affable. Elle n’avait juste pas envie de faire plaisir au déchu en lui paraissant aimable et se contentait de rester enfermer dans son énervement. Et même la présence de sa fille ne suffisait pas à la mettre dans de meilleures dispositions, cela permettait juste au jeune homme d’être encore en vie. Ce qui n’était pas si mal déjà aux yeux de la Gardienne. Il ne fallait jamais trop lui en demander en même temps. Aussi, elle préféra ne pas répliquer lorsque le déchu lui précisa qu’il l’aurait averti si elle avait opté pour une mauvaise direction. Elle parvint même à conserver un visage de marbre, comme pour indiquer que la suite de ses paroles ne l’intéressait guère.

Lorsqu’il lui tendit deux foulards, l’Ombre arqua un sourcil suspicieux. Que diable lui voulait-il avec ces horribles bouts de tissus ? Il lui fournit rapidement l’explication qui allait avec et le regard de la jeune femme s’assombrit plus encore. Les foulards donnés avaient pour but de les protéger des grains de sables qui pouvaient se loger désagréablement dans leur bouche ou leur nez et ainsi, rendre le voyage dans le désert plus confortable. Comme Aaliah n’était plus vraiment faite de chair et de sang, cela ne la dérangeait pas vraiment. Il lui suffisait de prendre une apparence plus brumeuse pour s’en débarrasser et n’avait de toute façon guère l’attention de tenir de longue conversation avec le déchu. Aussi, des grains de sable dans la bouche, ce n’était ce qui l’irritait le plus… Non, plus tôt le fait qu’elle n’avait pas pensé à sa fille qui elle, pouvait subit les assauts du sable. D’ailleurs, celle-ci n’attendit pas la permission de sa mère pour prendre l’un des foulards tendus et le mettre aussitôt sur son visage. Intérieurement, l’Ombre pesta de ne pas y avoir pensé plus tôt et si elle eut été un chien, elle aurait grogné sur l’homme crocs en avant. D’autant plus qu’Aaliah ne pouvait pas lui dire qu’elle n’en avait guère utilité. Il s’interrogerait probablement, chercherait à savoir, à comprendre… D’une main négligente, elle attrapa le foulard qui lui était destiné et le noua autour du cou avant de le relever sur son nez autant pour faire semblant de se protéger du sable que pour éviter dire au déchu qu’il pouvait aussi bien se pendre avec son fichu foulard. Encore que, le suicide n’était pas totalement une bonne idée. Il deviendrait une Ombre et devrait alors le supporter pour l’éternité, à moins que la mort le rendît moins bavard. Elle préféra toutefois éviter de tenter l’expérience et se contenta de le suivre sans un mot de remerciement pour le foulard. De toute façon, sa fille lui avait déjà dit merci, c’était largement suffisant.

Ses explications furent également suffisantes à faire comprendre à l’ange déchu ce qu’elle cherchait dans ce désert. C’était un pitre bavard, mais pas totalement dépourvu de cerveau apparemment.  Du moins, savait-il écouter les histoires et les retenir. Bon nombre de voyageurs avaient déjà tenté, en vain, de se le procurer à leur risque et périr. Cependant, la jeune femme n’avait pas peur de la mort, puisqu’elle en était, d’une certaine manière, elle-même une branche… C’était plutôt pour sa fille qu’elle se méfiait et qui lui faudrait doubler de vigilance. Au loin, elle pouvait voir les fantômes de ceux qui avaient péri lors de leur dangereuse expédition. Elle les ignora superbement, reportant son attention sur son guide à la parole inaltérable et son amie dont le silence lui donnait presque envie de se lier d’amitié avec elle. Leur présence la rassurait, au moins, en cas d’attaques ou de pièges, ils seraient là pour intervenir, ou du moins, servir de bouclier en cas de repliement stratégique. Ce qui rassura moins l’Ombre, c’était la façon dont le déchu parla de la guider jusqu’à l’endroit où il pensait que l’objet en question était caché, sous prétexte que tous les voyageurs qui le recherchaient s’y rendaient.

« Vous pensez  ou vous savez? l’interrogea-t-elle en insistant bien sur les mots « pensez » et « savez» afin d’enlever tout doute. Je n’ai pas spécialement envie de visiter le désert, aussi, ne vous trompez pas de chemin. Car dans ce cas, si vous ne revenez pas entier de cette expédition, ce ne sera pas la faute du désert…»

Elle laissa sa phrase en suspens, dévisageant le déchu sans sourciller. La Gardienne savait qu’elle n’avait pas besoin de préciser que ce serait elle la responsable de son démembrement en cas d’égarement, tout comme elle ne rappela pas l’argent promis en retour de cette expédition. Pour le moment, il n’avait pas encore fait grand-chose pour mériter cela et préféra ne pas lui remettre en tête qu’elle avait demandé elle-même un guide. Elle détestait cette position de faiblesse.

852 mots

Spoiler:

Il le faisait exprès, elle en était certaine. Il la narguait avec son sourire qu’il parvenait aisément à arquer sur son visage d’idiot. C’était de la provocation, purement et simplement. Elle le voyait ainsi et devait contrôler ses émotions pour ne pas donner un vilain coup d’épée dans le torse de son guide. Pourtant ce n’était pas l’envie qui lui manquait et elle aurait cru que son regard sombre suffisait à le tenir à distance. Il semblait que le déchu aimait jouer avec ses nerfs, ne résistant pas à la provoquer sur un terrain pourtant dangereux.  Il lui souffla dans un murmure la difficulté d’élever un enfant car l’on ne pouvait penser à tout. L’Ombre aurait aimé qu’il ne lui rappelât pas l’oubli de protection pour le sable. Heureusement, il eut la décence de rajouter qu’elle s’en sortait bien. Aaliah ne répondit pas et préféra conserver son visage de marbre, dépourvu de la moindre émotion. De toute façon, le déchu n’attendait pas vraiment de réponse de sa part, alors pourquoi user sa salive pour prononcer des mots inutiles ?

Même ces menaces ne semblaient pas le moins du monde inquiéter son guide. Il arbora un sourire déplaisant et si l’Ombre eut été un chien, elle aurait grogné. Elle fronça des sourcils, l’air suspicieuse devant sa démarche de félidé sournois, qu’allait-il encore lui sortir comme bêtise ?  Il la mit en garde contre l’idée de le tuer, car s’il venait à mourir, elle ne pourrait pas sortir aisément du désert ou du moins, pas dans les délais requis pour y survivre. La mort n’effrayait pas la jeune femme qui pourrait vivre indéfiniment dans ce lieu désertique, puisque ni la nourriture, ni l’eau ne lui était nécessaire. Et la remarque du déchu valait autant pour elle que pour Lisseth. Elle grimaça devant les paroles du jeune homme qui savait prononcer les mots qu’il fallait. Pour la jeune élémentale, il lui faudrait supporter ce pitre souriant et même pis, s’assurer de sa survie pour quitter ce désert en toute sécurité une fois l’objet désiré retrouver.

La jeune femme silencieuse qui accompagnait le déchu se changea en louve et ouvrir la marche tandis que son ami ôtait ses protections contre le sable. Une nouvelle fois, il se retourna vers elle afin de lui adresser la parole. Il lui fit remarquer qu’elle devait être contente de ne pas devoir payer ses services. Apparemment, il la trouvait attachante… l’Ombre arqua les sourcils, surprise par cette révélation. Elle, attachante ? La Gardienne ignorait s’il était sincère ou simplement moqueur, dans les deux cas, elle préféra ne pas révéler cette remarque et de le suivre dans la cavité. Cependant, il semblait que le déchu n’en avait pas fini de lui parler. Était-il seulement capable de rester silencieux plus de cinq minutes ? Dans un sourire agaçant, il s’interrogeait sur les raisons qui le rendaient agaçant aux yeux de l’Ombre… Pour toute réponse, elle poussa un soupir agacé !

Le déchu lui présenta la guivre du désert, qu’il avait lui mal combattu et donc le squelette trônait au centre de la salle tel un trophée oublié. L’Ombre se contenta de l’enjamber comme les autres, sans même prendre la peine de félicité le déchu pour avoir vaincu un tel serpent. Elle n’était pas là pour le flatter, même si elle appréciait de voir que son guide était capable d’affronter certains dangers. Aaliah suivit son conseil et marcha dans ses pas, nullement gênée par l’obscurité puisqu’elle pouvait aisément déambulait dans le noir. Elle attrapa sa fille par la main, essayant de la guider tandis que l’homme entreprit d’allumer une torche afin d’avoir un peu de lumière. Arrivé à un étrange tunnel, le déchu observa le mur à l’aide de sa torche qui dévoila une myriade de petits trous assassins. L’Ombre devina aisément ce qu’ils abritaient, pour avoir la capacité de voir les nombreux morts qui hantait encore ce lieu. Elle les ignora et reposa son regard sur le déchu qui proposait déjà de traverser ledit tunnel à quatre pattes ; personne n’étant à l’épreuve des fléchettes. La Gardienne fronça les sourcils avant de lever la tête dans un mouvement altier. La jeune femme avait tout de même sa fierté et ses limites.

« Je ne vous ferai pas l’honneur de ramper devant vous ! »

La remarque était cinglante et un brin méprisante. S’il voulait ramper, libre à lui, mais elle ne s’abaisserait à une telle mascarade. Ô, bien sûr, l’homme devait trouver sa fierté bien mal placé en cet instant, probablement même était-il en train de se demander comment elle comptait dès lors traverser ce tunnel mortel. Elle se fichait de toute façon éperdument de ce qu’il pouvait penser à ce moment-là et réajusta son large capuchon sur sa tête avant de s’engouffrer dans le passage, non sans les avoir avertis d’attendre qu’elle bloquât le système de jet des flèches qui devait se trouver de l’autre côté. Sous sa large cape, elle entreprit de retrouver son apparence première ; un simple amas de brume noirâtre et glissa sur les dalles, agile et aérienne à la fois. Quelques flèches, plus sensible à sa présence, filèrent hors de leur cachette. Cependant, leur pointe acérée ne fit que la traverser pour s’encastrer dans le mur en face, dans un déchirement métallique. Peu patiente, la jeune femme traversa le tunnel rapidement, sans même prendre la peine de s’arrêter pour faire semblant d’éviter les quelques attaques de flèches. Arrivée de l’autre côté, elle reprit son apparence humaine et tourna vers l’engrenage qu’elle aperçut près du mur. Le système était rudimentaire, le simple fait d’effleurer le sol suffisait à faire tourner les engrenages qui enclenchaient le lancement des flèches mortelles. D’un coup d’épée, elle trancha les cordes et stoppa le piège.

« Vous pouvez avancer dans le tunnel, vous ne craignez plus rien… Et pas besoin de ramper », rajouta-t-elle à l’attention du déchu.

En les attendant, l’Ombre analysa la pièce dans laquelle elle se tenait. Cela ressemblait à un sas puisqu’elle distingua plusieurs tunnel, tout aussi rempli de fantôme les uns que les autres et donc, probablement autant piège, si ce ne fut plus que celui qu’ils venaient d’emprunter. La jeune femme attendit la lueur de la torche du déchu pour mieux observer les détails avant de mettre le pied sur un éventuel piège dérobé.

« Lequel ? » demanda-t-elle alors au déchu en lui présentant les différents chemins.

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