Lisseth regardait par la fenêtre de ses appartements et soupira légèrement. Sur les vitres, une fine couche de buée s’étendit. La fillette frotta celle-ci d’un coup de manche rapidement et désinvolte. Cela ne servait à rien de tout façon, avec ou sans buée, elle ne parvenait pas à voir assez loin ; la nuit empêchait de guetter par-dessus l’horizon. Il se passait d’étrange chose, mais elle était trop jeune pour y assister. Elle devait rester à l’intérieur du château et ne pas en bouger. Le monde extérieur était devenu soudainement son ennemi et cela l’attristait. La fillette aimait voyager avec l’Ombre, aussi loin que la portait son errance. C’était sa seconde mère et elle ne voulait pas la perdre. Or, les temps sombre n’auguraient rien de bon. Une telle période avait déjà eu lieu et avait emporté ses parents… Elle craignait que cette nouvelle ère chaotique n’emportât celle qui l’avait accepté comme sa fille à part entière. Personne ne parvenait à la rassurer, et pourtant ils étaient nombreux à avoir tenté, mais certains ne se convainquaient pas eux-mêmes. Les Ombres les plus faibles venaient à disparaître et cela, ce n’était guère une bonne nouvelle. Et même si la fillette ne comprenait pas tout, elle pressentait le pire. Surtout depuis que sa mère était partie pour chasser un groupe d’illuminés qui considéraient les Ombres responsables.

***

Lisseth n’aurait pas dû savoir, mais la curiosité l’avait poussée à écouter aux portes. Ce n’était pas son genre, elle avait été plutôt bien éduquée et savait éperdument que cela ne se faisait pas. Aussi, elle se mordit la lèvre inférieure pour se punir de son acte malvenu, mais ne retira pas son oreille de la serrure. L’Ombre avait décidé d’aller retrouver ce groupe avant qu’il n’arrivât au Royaume des Abîmes. Ils ne devaient pas atteindre le Royaume, aussi en cas d’échec, une autre Ombre veillerait à s’assurer de leur mort certains. Lisseth déglutit difficilement, sa mère ne pouvait pas échouer, car cela signifiait le pire alors et elle n’osa même pas y penser. Elle devait les arrêter et l’ombre semblait certaine d’y parvenir. Cela ne rassura pas la fillette qui fila dans les couloirs lorsque les pas de sa mère raisonnèrent vers la porte. Lisseth ne devait pas se faire voir, car elle ne devait pas être là. Silencieuse comme l’Ombre, elle se cachait derrière une décoration et observa sa mère disparaître au loin. Elle partait chasser les mécréants sans l’aide du dragon, seule la louve l’accompagnait. Elle voulait une attaque discrète et seul l’animal au pelage sombre se fondait aisément dans la nuit. Lisseth allait lui emprunter le pas lorsqu’elle aperçut que l’Ombre faisait demi-tour. La fillette se tassa dans son coin, suffisamment pour que l’Ombre pensive ne pensât à regarder sur le côté. Lisseth se mordit les lèvres en se rendant compte qu’elle prenait la direction de sa chambre ! Avant de partir, elle comptait probablement la voir, surement pour lui demander de l’attendre sagement. Lorsqu’elle disparut au fond du couloir, la fillette se redressa et emprunta un tout autre chemin pour rejoindre sa chambre dans les plus brefs délais. Heureusement, elle avait passé plus de temps au château que sa mère et connaissait bien mieux les nombreux couloirs qui serpentaient dans le majestueux château de la reine des Ombres. En peu de temps, elle se retrouva face à la porte de ses appartements et s’engouffra précipitamment sous les couvertures, non sans attirer l’attention du jeune Loth qui la regarda en penchant la tête, l’air étonné de voir de retour sitôt. Ce qui ne fut pas pour lui déplaire, il n’appréciait guère la solitude. Cependant, il n’eut pas le temps de lui bondir dessus pour l’accueillir que déjà la porte s’ouvrit une seconde fois, laissant place cette fois à l’Ombre. Loth était plus que ravi de voir que tout le monde revenait près de lui. Il changea de direction pour rejoindre Aaliah qui gentiment le réprimanda pour qu’il restât à sa place tandis qu’elle s’approcha du lit pour se pencher vers la fillette. Celle-ci fit semblant de s’éveiller et sourit innocemment à sa mère. Et la rassura sur son retour rapidement, mais l’informa toutefois de veiller sur Loth si son absence devait se prolonger. Lisseth hocha la tête en murmurant un « je t’aime » à l’Ombre qui repartait déjà.

***

Lassé de regarder par la fenêtre, la fillette avait décidé de laisser tomber son obéissante. Elle s’inquiétait de trop pour restait devant cette fenêtre un instant de plus.  Elle s’emmitoufla dans une chaleureuse cape et entreprit d’arpenter les couloirs jusqu’à la sortie pour rejoindre sa mère. Sauf que la tâche ne fut pas aisée, l’inquiétude grandissant au sein du château, de nombreuses Ombres allaient et venaient. Alors qu’elle allait tourner à droite, une force la retint par le bas de sa cape et la forçant à se retourner pour voir ce à quoi elle s’était accroché. Elle aperçut le jeune Loth qui la tira légèrement arrière, l’invitant à revenir dans sa chambre. Lisseth refusa d’abord, insistant sur le fait qu’elle devait rejoindre sa mère. Cependant, aussi léger fut son murmure, il attira des bruits de pas. La jeune élémentale n’eut d’autre choix que de suivre le dragon et de retourner dans sa chambre. Elle soupira, se maudissant d’être aussi peureuse pour ne pas oser affronter les couloirs et courir droit devant pour rejoindre l’extérieur. Les coups de griffes de Loth raisonnant sur la vitre attirèrent son attention. Lorsqu’elle posa son regard sur l’animal, celui venait tout juste de parvenir à ouvrir la fenêtre. D’un simple regard, il l’invita à monter sur son dos. Lui aussi semblait inquiet et avide de rejoindre l’Ombre. Lisseth hésita deux secondes, histoires de donner bonne impression à sa conscience, puis grimpa sur le dragon qui s’envola dans la nuit.


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1/4 Lisseth

L’Ombre n’était pas vraiment rassurée, pourtant cela n’était pas la première fois qu’elle partait affronter des gens peu aimables. A une certaine époque, ce fut même monnaie courant pour elle. Cependant, elle n’avait pas autant de responsabilité qu’à présent. Elle était une gardienne, une Ombre importante dans la hiérarchie et Aaliah avait, dans la mesure du possible, respectée la hiérarchie qui régissait le peuple auquel elle appartenait depuis fort longtemps. Avec le temps, elle avait fini pas mieux comprendre son rôle et l’appréciait. C’était encore bien souvent un fardeau et une malédiction, mais elle parvenait à voir le côté moins sombre du monde de la mort.

Chevauchant Lalaith sa licorne et suivie par Luuna sa louve, Aaliah quitta le royaume des Ombre au triple galop pour atteindre le groupe d’individus qui souhaitaient faire du mal aux siennes, les croyants responsable du mal qui sévissait sur bien des continents. Connaissant les chemins rapides et exemptés d’obstacles, la jeune femme traversa la nuit avec une grande rapidité. Elle avait convenue avec les Ombres de laisser une chance aux fous venus se perdre en ce lieu de conserver la vie. La Terre des Ombres était neutre, mais nuls étrangers ne pouvaient venir fouler le sol sans être considérés comme des ennemis. Les Ombres les plus fragiles faiblissaient, voire disparaissaient ou redevenaient humaines, il fallait protéger celles qui restaient. Aaliah aussi ressentait le mal qui s’insinuait en elle, sa magie semblait moins puissante qu’à l’ordinaire, mais elle n’avait heureusement pas encore perdue toute ses capacités naguères. Elle avait toujours son agilité et sa maîtrise des armes, s’il fallait reprendre sa rapière pour chasser les indésirables, elle le ferait.

Elle tourna la tête pour vérifier que sa louve la suivait toujours sans difficulté et fut soulagé de la voir tenir la distance. La lune était pleine lorsque l’Ombre entendit des voix s’étendre à l’horizon. Elle ralentit l’allure et sauta sur le sol pour se tapir dans les ténèbres. Elle n’eut guère besoin d’ordonner à la licorne de se cacher que celle-ci avait déjà disparu malgré sa blancheur contractante avec la nuit noire. La louve sur les talons, Aaliah s’approcha des échos discrètement, tendant de voir par quel côté apparaître. Ils étaient nombreux, plus qu’elle ne s’y attendait et avide de taper sur une Ombre égarée. La colère était si grande en eux qu’ils feraient des ravages s’ils atteignaient le royaume des Abîmes ; le cœur des Ombres. Ils étaient également armés, ce qui n’arrangerait rien à la situation déjà fort délicate. Armés par la rage, les hommes furieux avaient pris les premiers outils pointus et tranchants qu’ils avaient probablement trouvés à proximité. La jeune femme aperçut ainsi le métal étincelant de fourches, d’haches, d’épées et même un fléau. Heureusement, la moitié semblait souffrir également de la perte de magie, tout comme certains ne semblait pas savoir utiliser leur arme de substitution. L’Ombre su toutefois qu’elle devrait rester sur ses gardes pour éviter un mauvais coup.

Absorbée par son observation, elle sursauta en sentant une main se poser sur son épaule. Un doigt rapidement posé sur sa bouche lui évita heureusement de laisser s’échapper un cri de surprise malvenu. Elle fronça les sourcils devant l’Ombre qui lui faisait face et qui était venu lui donner un coup de main. Aaliah s’aperçut rapidement qu’elle n’était pas seule, un petit groupe l’accompagnait prêt à défendre leur territoire. La gardienne ne put leur en vouloir, elle comprenait leur envie et au vue de la foule enragée, des bras en plus ne seraient pas un luxe. Ils étaient moins nombreux, mais avaient l’avantage d’avoir encore un minimum d’esprit de logiques. Garder l’esprit serein serait leur atout. Elle hocha la tête pour accepter leur venue et de quelques signes agiles de la main façonna une stratégie rapide. Ils n’avaient pas le temps d’opter pour un plan détaillé et ce dernier se résuma simplement à faire fuir les indésirables en évitant toutefois de les tuer, histoire de rester neutre dans la bataille. Tous savaient cependant que ces individus n’obéissaient pas et franchissaient le territoire des Ombres, c’était la mort qui les attendait sans autre préambule qu’une mélodie mortelle en dernier chant d’adieu.

Ce fut l’Ombre la plus faible du groupe qui apparut en premier devant la foule. Celle-ci s’arrêta, d’abord surprise par cette apparition soudaine. Le meneur motiva bien vite sa troupe en pointant le jeune homme d’un doigt malpoli en hurlant qu’il s’agissait d’une maudite Ombre. La foule emportée par la voix dirigeante de l’homme leva les armes en l’insultant et en l’accusant du mal qui s’abattait sur eux. Ils exigèrent de lui qui les laissât entrer au sein du royaume des abîmes, lui laissant éventuellement ce qui lui restait d’existence sauve. Face à son refus catégorique, des sourcils se froncèrent dans un seul mouvement et des grognements mécontents se firent entendre ci et là dans la foule.


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1/4 Aaliah

Bien qu’accrochée fermement au dragon, les mains de la jeune Lisseth tremblaient. Peut-être un peu à cause du froid qu’il régnait dans le ciel nocturne, mais également parce qu’elle ne parvenait pas calmer son angoisse. Elle avait peur pour sa mère, mais aussi peur de ce qu’elle venait de faire. Ce n’était pas dans ses habitudes de désobéir. Cependant, elle ne pouvait décemment pas rester dans sa chambre à tourner en rond et à se ronger les ongles. Et puis, la fillette avait connu tout aussi pire phénomène. Elle était restée coincée sur le haut d’un arbre, perchée tel un chat apeuré, tandis que des zombies tentaient de la faire tomber pour la dévorer. Une scène qui l’avait marqué et l’empêchait toujours de s’exprimer librement. Cette nuit, ce n’était pas des zombies, mais bien des êtres vivants en colère contre le peuple des Ombres. A vivre avec une Ombre, la jeune Lisseth avait fini par vivre avec la mort, à ne plus la craindre et même à la comprendre. Mourir ne l’effrayait plus autant qu’avant, parce qu’elle savait qu’une autre vie l’attendrait. Du moins, en principe, le cycle avait été perturbé, elle n’en connaissait pas toutes les conséquences, mais peu importe, la mort était un passage obligatoire pour quiconque n’était pas éternel. Ce qui l’effrayait principalement, c’était de perdre sa mère, sa seconde mère. Elle n’en voulait plus d’autre et savait que Loth pensait comme elle, sinon, il n’aurait pas filé dans la nuit en la prenant sur son dos. Bien sûr, elle n’était pas aussi forte que l’Ombre, faible déjà par nature et à cause de son jeune âge, la disparition de la magie l’avait affectée rapidement. Cependant, elle préféra ne pas y penser. Loth saurait la protéger et puis, sa petite taille lui permettrait de se cacher des méchants. Et puis, elle était bien plus courageuse que ce que les adultes voulaient bien le croire.  

Loth descendit et la fillette se pencha pour observer les environs. Elle dû plisser les yeux pour voir des silhouettes se distinguer au niveau du sol, tant la brume se faisait épaisse. Lisseth inspira profondément, réalisant pleinement qu’elle venait de quitter la protection que lui offrait le royaume des Abîmes et ce sans aucune autorisation. Pour sûr, sa mère ne serait pas ravie ! Elle préféra ne pas y penser et s’accrocha un peu plus au dragon lorsque celui-ci entreprit de descendre un peu plus à pic. Il atterrit un peu loin de la foule et du grabuge, pour éviter de se faire voir. Quelque peu secoué par l’atterrissage, elle plongea son regard dans ceux de Loth, cherchant le réconfort devant sa folle décision. Il lui passa un coup de langue sur le visage pour la rassurer avant de blottir sa tête contre son torse. Elle l’accueillit à bras ouvert avant de les referme sur ses écailles rugueuses, mais ô combien réconfortante. Avec lui à ses côtés, elle ne craignait rien, il saurait la défendre comme il l’avait toujours fait et comme l’Ombre lui avait toujours demandé. Loth ayant encore la possibilité de changer de taille malgré le fléau qui régnait les Terres du Yin et du Yang, il rétrécit légèrement afin de pouvoir suivre la jeune élémentale plus discrètement.

La fillette s’avança dans les ténèbres de la nuit, guidée par le bruit métallique des armes qui s’entrechoquaient et des voix qui s’insultaient mutuellement. Caché derrière un arbre, elle put enfin les voir nettement ; les Ombres courageuses qui affrontaient les gens venus leur chercher querelles. Elle déglutit difficilement devant certains corps déjà allongé sur le sol. Elle reconnut certains visages comme étant des Ombres qui vivaient peu de temps encore au château. La bataille était rude et la fillette ne put empêcher quelques larmes de perler le long de ses joues blanchies par le froid. Devant le métal étincelant sous la lune, Lisseth se rendit compte qu’elle n’avait pris aucune chose capable de servir d’arme de défense. La fillette n’avait rien sur elle et ne vit pas non plus sa mère dans la foule, ce qui ne fit qu’accroire son angoisse. Qu’avait-elle fait ? Pourquoi n’avait-elle pas obéit ? Elle réalisa que sa faiblesse pourrait desservir à sa mère si elle se mettait dans une situation délicate. Faire demi-tour ? Impossible, elle ne parvenait pas à retirer ses genoux de la boue, obnubilée par sa peur et la recherche du visage de sa mère. Où était-elle ? Ses yeux fouillèrent le combat, se ferma de temps à autre face à un échange de coup violent avant de reconnaître la longue chevelure ébène de sa mère qui intervenait pour sauver une Ombre.

La voir toujours vivante la rassura et son cœur fit un bond dans sa poitrine. Une joie de courte durée lorsqu’elle vit un homme avec une arbalète pointé en direction de l’Ombre. Par réflexe, elle empoignait une pierre qu’elle lança sur l’individu. La chance lui sourit car le caillou frappa l’homme à la tête qui tomba aussitôt sur le sol. Mais sa chance fut aussi courte que sa joie précédente. Elle venait de se faire voir et pas par sa mère ! D’un coup sec, Loth la tira en arrière pour la forcer à se mettre à courir et la tirer de sa stupéfaction. Le petit dragon n’avait pas le temps de reprendre une taille plus adéquate pour la porter sur son dos. Il fallait fuir. Un regard en arrière lui permit de constater avec horreur que l’homme hurlait à ses amis de le suivre avant de prendre sa direction. Elle courut aussi vite qu’elle le put pour s’abriter sur le royaume des Abîmes, Terres des Ombre et Terre d’accueil pour elle.

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2/4 Lisseth

La foule n’avait guère apprécié le refus catégorique de l’Ombre qui s’était mise en travers de leur route. Cependant, cela finit par les faire plus sourire que grimacer. Ils avaient une bonne raison pour se permettre de l’agresser, non pas qu’ils en avaient réellement besoin pour être agressif, mais cela leur donnait une motivation en plus. Non seulement les Ombres étaient des âmes maudites, mais en plus elles avaient mauvais caractère. Ils étaient venus pour les martyriser plus encore que le destin ne le faisait. C’était certain au vu de la manière dont ils sautèrent sur le jeune homme, arme et poing dressé pour le molester. La gardienne leva la main précipitamment, donnant ainsi le signal aux autres de sortir de la brume pour repousser les malvenus. Sa louve profita de la noirceur de son pelage pour se faufiller à travers les gens et déconcentrer les attaquants à coup de morsures dans les chevilles.

La surprise ne les dérouta qu’un court instant, ce qui ne plus pas à l’Ombre qui aurait aimé les voir terrifié un peu plus longuement. Mais le meneur était doué dans les paroles et savait exactement les mots à utiliser pour motiver ses troupes. Aaliah fut persuadé qu’il lui aurait suffi d’une simple injonction pour pousser tout ce beau monde au suicide. Les autres étaient comme des moutons. Ils suivaient aveuglément le chef de file, sans se poser de question, sans même savoir si l’attaque était une bonne idée. La présomption d’innocence n’avait aucune valeur à leurs yeux. Les Ombre étaient coupables juste parce qu’un seul homme avait réussi à les convaincre. Si la gardienne voulait empêcher cette foule enragée de pénétrer dans le royaume des Ombres, il faudrait mettre à genoux le meneur. Il était le cœur de cette haine et sans lui, les foules se disperseraient probablement aussi vite qu’elle s’était formée.

Usant de son épée pour se frayer un passage à travers les armes, elle tentait d’atteindre cet homme. Il était grand, fort et muni d’une volonté incroyable. Un véritable fanatique, probablement atteint quelque peu du cerveau. Il n’avait pas l’air d’avoir toutes facultés mentales intactes. Cependant, il restait malin, restant au centre de la foule pour se servir de leur corps comme d’un bouclier. Bien qu’il fût armé, il ne se battait pas, préférant encourager ses hommes à grand coup de cri. Aaliah pesta tandis qu’un coup de marteau la força à reculer d’un pas. D’un coup d’épée, elle parvint à briser le manche vermoulu de l’outil, puis assena un violent coup de coude dans la mâchoire de l’individu qui avait tenté de l’assommer. Il eut un craquement sonore et l’homme cracha une gerbe de sang. Elle le frappa dans les chevilles pour le déséquilibrer et pour lui faire comprendre qu’il n’était pas le bienvenu, lui balança un coup de pieds dans les côtés. Il n’était pas mort, mais au moins, il resterait à terre assez longtemps pour la laisser tranquille. Lorsque la gardienne posa les yeux vers l’endroit où se trouvait le meneur, il n’était déjà plus là. Heureusement, sa voix véhémente lui permis de le localisé. Elle tenta une seconde approche, toute aussi infructueuse que la première. Il était aussi agile qu’il avait la haine facile.

Sur le sol, des Ombres gisaient désormais impuissantes et cela attrista la gardienne. Une tristesse qui réveilla sa colère et d’un geste vif, décrocha un violent coup de pieds dans le ventre d’un de ses adversaires pour s’en débarrasser avant de se retourner vers ses congénères. Le combat était inégal et il fallait mieux se replier. Ils avaient essayé de les repousser, mais puisqu’ils voulaient tant visiter les royaumes des Abîmes, alors les Ombres allaient leur montrer comme elles accueillaient les indésirables. Le requiem n’était pas souvent entonner, mais les Ombres n’avaient pas vraiment le choix. La foule scellerait son sombre destin dès l’instant où ils souilleraient leur royaume de leur marche inquisitrice.

Tandis que la plupart de ses congénères parvenait à s’éloigner des hommes, Aaliah aperçut l’une d’elle en difficulté. Il y avait déjà suffisamment d’Ombre à terre pour les laisser en emporter une de plus. Invitant sa louve à suivre les autres pour les protéger de leurs poursuivants, elle se dirigea vers son amie. Elle lui envoya un coup d’épée dans la cuisse qui lui lacéra les chairs dans un cri de douleur. Elle l’envoya valser sur le sol en lui donnant un coup de pied sur la blessure qu’elle venait de lui faire. Alors qu’elle invita l’Ombre à se replier avec elle, celle-ci s’étrangla sous la terreur. Aaliah se retourna vivement pour comprendre l’objet de son inquiétude lorsqu’elle vit le métal d’un carreau étinceler à travers la brume. Cependant, avant que l’arbalétrier n’eût le temps d’utiliser son arme, une gerbe de sang jaillit du haut de sa tête et il tomba sur le sol. La gardienne ne chercha pas à comprendre ce qui s’était passé, car déjà le hurlement de sa louve la rappelait à l’ordre. La foule s’était dispersée, mais la voix puissante de leur meneur raisonnait encore dans leurs oreilles. Il fallait arrêter leur progression et vite. Ignorant une fatigue naissante, l’Ombre se dépêcha de rejoindre les autres.

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2/4 Aaliah

Malgré la froideur de la nuit, Lisseth avait chaud. Elle sentait des gouttes de sueur perler sur son front et avait du mal à respirer tant ses poumons étaient en feu. A chaque bouffée d’air, elle avait l’impression que sa poitrine allait exploser. Elle s’était pourtant déjà débarrassée de sa lourde cape pour gagner en vitalité et apprécier la fraicheur nocturne sur sa peau moite. Cependant, le poids perdu en abandonnant sa cape derrière elle, elle le récupérait en fatigue. Elle était à bout de souffle, ses jambes semblaient vouloir abandonner la course, ses poumons eux voulaient se faire la belle et derrière elle, ses poursuivants ne semblaient guère prêts à s’arrêter. La douleur d’une course trop vite entamée se fit sentir dans le creux de ses reins. Elle se força pourtant à continuer de courir, mais son allure diminua. Chaque foulée devint aussi violente qu’une bouffée d’air, transformant sa fuite en une véritable épreuve. Ses pieds chopèrent contre une pierre lâchement cachée dans les ténèbres et la fillette s’étala sur le sol. Épuisée, elle ne trouva pas la force de se redresser sur ses jambes et parvint seulement à se retourner pour voir le visage ravi de ses poursuivants.  

Loth intervint, se place entre la fillette et les hommes armés. Il était parvenu à changer de taille, mais la magie utiliser pour ce faire l’avait quelque peu épuisé. Pourtant, il ne laissa rien transparaître, tendant les ailes pour paraître plus impressionnant encore. Il fit claquer ses mâchoires pour prévenir les attaquants. Ce fut ce geste qui trahit sa fatigue aux yeux de la fillette. Loth n’était pas un dragon bagarreur par nature, il était du genre doux et affectueux. Il ne prenait part aux combats que s’il n’avait d’autre choix, or il avait un autre choix. Avec sa taille, le dragon aurait pu porter la jeune Lisseth sur son dos et l’emporter loin de là. Cependant, il ne le fit pas, ce qui signifiait qu’il se sentait incapable de la portée sur une longue distance. En réalisant cela, la fillette trembla, de froid prioritairement, depuis qu’elle n’était plus en mouvement, la nuit lui rappelait sa froideur, mais également de peur pour son dragon préféré.

Une fois la terreur passée, les trois hommes qui l’avait suivie reprirent contenance, bien décidé à ne pas laisser un dragon les empêcher de s’en prendre aux Ombres. L’un deux se prit un coup de queue dans le ventre et fut projeté violemment sur le sol, plusieurs mètres plus loin. La fillette avait l’habitude des combats, mais ne put toutefois pas s’empêcher de fermer les yeux brièvement lorsqu’elle vit le deuxième sauter par-dessus la queue de Loth pour le frapper à cuisse avec son épée. Les écailles du dragon cédèrent et un fin filet de sang apparut. La blessure était superficielle, mais la bataille ne faisait que commencer et la jeune élémentale le savait. Il lui fallait trouver de l’aide. Elle avait vu des Ombre filer de l’autre côté et si la noirceur de la nuit ne lui permettait pas de les distinguer, elle pouvait nettement entendre le bruit d’une autre bataille. Il y avait probablement plusieurs groupes, car les voix ne semblaient pas toutes provenir du même endroit.

Elle se redressa doucement sur ses jambes tandis que Loth tenait tête aux deux individus. Il formait un véritable bouclier, donnant ci et là des coups d’ailes ou de queue pour éloigner les hommes qui semblaient vouloir le contourner. Ils la maudite à plusieurs reprise, l’assurant qu’il la tuerait. Lisseth déglutit difficile, en cause une boule d’angoisse et une gorge toujours brûlante d’une course folle. Elle n’avait pas récupérer toutes ses forces et elle sentait un point de côté lui torturer le côté droit. Une fois sur pieds, la fillette posa une main sur la zone douloureuse, comme si cela pouvait l’atténuer et regarda rapidement l’horizon. Elle devait trouver de l’aide et opta pour la direction où les échos de voix lui semblait les plus proches. Inspirant profondément et s’encourageant mentalement, elle força ses jambes à se mettre en marche et courut une nouvelle fois. Elle se fit violence pour ne pas regarder en arrière. Lisseth devait courir droit devant elle, sans cela, elle n’aurait pas assez de force pour tenir le coup. Des larmes de douleur perlèrent le long de ses joues tandis qu’elle distingua des silhouette se dessiner un peu plus loin.

Alors que la joie rendit son pas léger, elle se figea soudainement en réalisant que les Ombres s’enfuyaient une fois de plus. Loth la rejoignit, lui donnant un coup de museaux pour la faire avancer, mais la fillette ne bougea pas. Elle se laissa tomber à genoux, laissant la fatigue l’envahir tandis que les larmes remplirent ses yeux. Avaient-ils tous abandonné le combat ? Des cris des joies émanèrent de la foule éparpillée qui se remit en marche pour atteindre le cœur du Royaume. Lisseth redressa la tête en même temps que les hommes. Au loin, une Ombre entama une étrange musique. Envoutante. Le cœur de l’élémentale se mit à battre sans qu’elle en comprît la raison tandis que Loth leva la gueule vers le ciel pour lancer un hurlement puissant. Comme à appel à sa maîtresse…


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3/4 Lisseth

L’Ombre repris son souffle un instant, profitant de la noirceur des lieux pour masquer sa présence à la foule acharnée à les détruire. Certaines Ombres tentaient encore de les repousser, ou du moins, de ralentir leur progression. Pour percer leur défense, ils n’hésitaient pas à s’éparpiller. La voix de leur meneur raisonnait dans la nuit, les motivant à travers le royaume. Aaliah fronça les sourcils sous la colère. Elle aurait aimé retrouver cet individu et lui arracher sa longue emplie de venin, cependant elle avait une tout autre mission. Puisqu’ils n’avaient pu empêcher ces hommes de rentrer sur leur territoire, il fallait à présent les éliminer… De manière radicale ! Un discret hennissement lui fit lever la tête. Face à elle, Lalaith avança avec grâce. L’Ombre s’étonnait toujours de la voir ainsi venir vers elle sans remarquer sa présence plus tôt. Son pelage blanc immaculé était pourtant aussi voyant que la lune pleine qui éclairait le ciel. La licorne savait se cacher correctement et rejoindre l’Ombre lorsque celle-ci avait besoin d’aide sans même prononcer un mot. Un animal aussi fabuleux que merveilleux. Aaliah lui flatta l’encolure pour la remercier avant de la chevaucher. Il fallait prévenir les autres gardiens du danger imminent.

La licorne galopa jusqu’au château avec une rapidité étonnante. L’Ombre fut soulager en voyant les portes, car elle n’aimait guère l’idée de laisser ses congénères se battre un peu plus loin. Elle craignait d’en perdre d’autre et au vu du mal qui s’abattait déjà sur eux, ce n’était pas l’idéal. Cependant, Aaliah savait bien qu’il était difficile de gagner une bataille sans laisser des âmes sur le champ. Elle espérait toutefois limiter les perdre. A peine posa-t-elle le pied à terre, que les portes s’ouvrirent sur le gardien du sacrifice. Il la regarda d’un air sombre, mais plus parce qu’il devinait qu’en revenant seule, cela signifiait que la foule les avait vaincus. Aaliah se contenta d’hocher la tête affirmativement. Inutile de mettre des mots sur une défaite déjà deviner. Le gardien savait ce qui lui restait à faire et l’invita à entrer, probablement plus par politesse. Car lorsque qu’elle déclina l’offre d’un signe de tête, il ne la retint pas. Elle remonta sur Lalaith et repris le chemin vers les Ombres restées en arrière pour contenir la foule. Aaliah savait qu’elle pourrait compter sur les gardiens pour se réunir rapidement, mais elle se sentait responsable de la survivre de ses vaillantes congénères.

Grâce à Lalaith, Aaliah retrouvera bien rapidement les autres et fut effarée de constater la progression des hommes. La folie semblait leur donner des forces et une motivation sans faille dans leur acte stupide de s’attaquer aux peuples de l’Ombre. Le fait de s’être éparpiller les aidait également grandement. Inférieur en nombre, les Ombres se voyaient contraintes d’en affronter plusieurs. La voix de leur meneur semblait infatigable, raisonnant dans la nuit avec cette même ferveur. Il allait finir par avoir mal à la gorge à hurler ainsi et Aaliah ne désira plus qu’une chose en cet instant : que le silence régnât à nouveau sur ces terres. Elle tapota l’encolure de la licorne et l’invita de ce simple geste à dévaler la pente. Elle traversa quelques groupes de combattant, non sans les assener un coup au passage afin d’aider les Ombres en difficulté. Elle sentit une déchirure à la jambe, probablement faite par la lame d’une épée, mais fit fi de la douleur pour continuer sa course. Aaliah arriva bien vite auprès du meneur qui ne sembla guère apprécier sa présence. Il grimaça et ses mains se resserraient son arme. La gardienne ne vit pas de métal menaçant luire au bout de l’arme et fronça les sourcils pour distinguer l’outil qu’il tenait. Il s’agissait d’un fléau… prenait-il donc les Ombres pour du blé à battre ? Toutefois, si l’arme ne s’avérait mortel au premier coup, plusieurs réduirait probablement ses os en bouilli dans d’atroce souffrance. Ce type était un fou sadique. Il ricana, nullement effrayer par la corne effilée de la licorne qui lui faisait face.

Alors que l’animal allait tenter une percée d’un coup de tête, l’Ombre la força à reculer en lui tirant légèrement sur les crins. Lalaith fit alors un pas sur le côté pour éviter la lourde arme en bois qui s’abattit durement sur le sol. Un peu plus haut à l’égard des combats, les premières notes d’une étrange mélodie se mirent à raisonner. Elle surprit tous les hommes qui s’arrêtèrent un instant de combattre, tournant la tête pour comprendre tout venait la mélodie. Les Ombres en profitèrent pour s’éloigner et retrouver la quiétude derrière les portes du château. Elles savaient que lorsque les dernières notes retentiraient, elle emporterait toutes vies qui avaient les oreilles assez fines pour l’entendre. La fuite des Ombres semblèrent faire plaisir aux hommes qui crurent à un signal de retraite. Aaliah s’éloigna du meneur, sachant que désormais son heure était contenté et gravit la pente qui la séparait du restant des gardiens. Ce fut à cet instant, qu’elle entendit un autre chant reconnaissable. Celui de Loth. Elle tourna la tête vivement en direction du cri et l’aperçut. Au côté de Lisseth ! La gardienne écarquilla les yeux devant cette vision. Depuis quand sa fille était là ? Elle lui avait pourtant ordonné de rester dans sa chambre. Elle grommela de fureur et de terreur tout en faisant demi-tour. Elle ne pouvait pas la laisser là et aveuglée par la crainte de savoir sa fille en danger, elle ne vit par le fléau la frapper de plein fouet et la désarçonner…

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3/4 Aaliah

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Les genoux salis par la terre humide, la fillette peina à se redresser et due prendre appui contre le dragon. La fatigue l’avait assommée, mais Lisseth n’était pas sûre qu’elle fût l’unique responsable de sa faiblesse. L’étrange musique n’était sûrement pas innocente quant à son état. Elle était certaine que c’était la raison pour laquelle Loth avait hurlé. Il appelait probablement de l’aide et la jeune élémentale savait qui répondrait à cet appel. Les hommes qui l’avaient poursuivie récemment passèrent à côté d’elle sans vraiment la regarder. Le fait de voir le reste de leur troupe un peu plus loin, les avaient probablement motivé à les rejoindre pour reformer leur bande assassine. Ou alors, ils n’avaient peut-être pas envie de perdre du temps à se battre contre le dragon et préféraient avancer sur le territoire des Ombres pour les malmener dans leur cœur. De toute façon, Lisseth n’allait pas s’en plaindre et se pressa un peu plus contre Loth pour être sûr de ne pas attirer le regard sur elle, dés fois qu’ils l’auraient tout simplement oublié.

Elle sentit alors un liquide chaud et visqueux venir se coller sur son bras dénudé. Un simple regard lui confirma ses pensées, il s’agissait du sang du dragon. Elle passa une main désolée sur la plaie de Loth qui ne sembla guère réagir à une éventuelle douleur. La blessure était superficielle, mais elle attrista la fillette. Le combat aurait pu prendre une tournure plus grave et compris pourquoi sa mère n’avait pas voulu d’elle, ni du dragon. Ils n’étaient pas vraiment de taille face aux brutes qui hurlaient un peu plus loin, notamment à cause de la magie défaillante. La fillette se mit à pleurer tandis que son esprit s’embruma. La mélodie devenait entêtante, mais elle ne savait faire sans l’écouter. Le dragon lui donna un coup d’aile, puis un coup de museau pour la forcer une nouvelle fois à avancer, mais rien n’y fit. Elle n’avait pas la force de marcher. Ou plutôt, elle n’avait pas vraiment envie de bouger. Elle était bien là, au côté de Loth, loin de ses hommes.

La seule chose qui attira son regard, ce fut la vision de sa mère, de l’autre côté. Lisseth était parvenue à la distinguer grâce à Lalaith. La licorne au pelage blanc éclairait la nuit telle une étoile et portait l’Ombre sur son dos. Lisseth l’observa un instant, sans vraiment s’interroger sur son état ou sur l’éventuelle colère qu’elle subirait lorsqu’Aaliah la remarquerait. Elle ne parvenait plus vraiment à penser convenablement, envoûtée par la douce mélodie qui avait un côté apaisant. C’était comme une berceuse. Lisseth sursauta cependant lorsqu’elle vit sa mère se faire désarçonner violemment. Un cri de stupeur s’étrangla dans sa gorge tandis qu’un coup d’aile lui indiqua que Loth partait à la rescousse de sa maîtresse en danger. Déséquilibrée, la fillette tomba une fois de plus sur le sol, mais n’y resta pas longtemps. Rassemblant son esprit éparpillé dans sa tête, elle se redressa sur ses pieds et accourut à son tour vers l’Ombre.

D’un coup de corne Lalaith empêcha la seconde attaque de toucher l’Ombre, qui s’écarta de l’individu à quatre pattes, à défaut de pouvoir se redresser complètement. Lisseth fut terrifiée de voir son visage déformé par une grimace de douleur. Le bras posé sur son ventre, sa respiration semblait difficile. Loth aida rapidement la licorne, mais moins agile pour se déplacer, il reçut un coup dans l’aile. Dans la précipitation, Lisseth ramassa la première pierre à portée de main. Elle n’était guère très lourde, mais suffisamment grosse pour infliger une douleur. La fillette la lança aussi fort qu’elle le put. Elle aurait aimé que la pierre ricochât sur la tête de l’homme, mais sa petite taille ne lui permit que de toucher le dos. L’homme hurla toutefois, probablement plus sous le coup de la surprise que sous une violente douleur car il se retourna trop brusquement pour avoir vraiment l’air d’un blessé. Par contre, il n’avait pas vraiment l’air ravi. Son visage fut déformé par une colère noire qui effraya la fillette. Pétrifiée par la terreur, elle put heureusement compter sur son ami Loth pour l’envoyer valser deux mètres plus loin d’un coup de queue tandis que le fléau de l’homme frappait une nouvelle fois. La fillette roula sur le sol, s’écorchant les jambes, les bras et le visage sur les rochers disséminés ci et là. Elle peina à se relever, les membres ensanglantés et douloureux, mais c’était bien mieux que de recevoir un coup de fléau qui lui aurait probablement fracassé le crâne sans l’intervention du dragon. Sa tête tournait légèrement, comme un mal de mer pourtant le sol ne tanguait pas. Encore que, elle ne l’aurait toutefois pas juré…

Elle sentit les crins soyeux de la licorne à proximité et à travers la brume qui endormait une nouvelle fois son esprit, elle entendit la voix de sa mère qui lui intimait l’ordre de partir. Lisseth n’insista pas, le ton employé ne lui laissant de toute façon aucun recours. Elle grimpa tant bien que mal sur l’animal qui partit aussitôt au triple galop vers le château, loin de la bataille. Dans le ciel, elle aperçut Loth qui volait tant bien que mal, l’aile probablement douloureuse à cause du coup reçu. Elle pria pour que le dragon n’ait rien de réellement sérieux et pour que sa mère la rejoignît très vite à l’abri. La punition et la colère qu’elle pourrait subir de sa part lui sembla bien ridicule. Aussi, elle se permit même d’espère dans sa prière de recevoir le courroux de l’Ombre, car cela signifierait qu’elle avait vaincu le vil personnage qui s’amusait à leur taper dessus à coup de fléau.


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4/4 Lisseth

Le choc fut d’autant plus violent que la surprise fut grande. La vue de sa fille au loin l’avait fait momentanément oublier la présence du meneur de la foule. Il s’était rappelé à elle avec une véhémence inouïe. Heureusement que Lalaith fut là pour la protéger, sans elle, son erreur lui aurait coûté cher. La musique semblait l’étourdir moins que les étranges pour une raison que l’Ombre ne comprenait pas. Elle n’était de toute façon guère en état pour réfléchir à ce détail, la souffrance la bloquant sur le sol, pliée en deux. Sa respiration était douloureuse et certain mouvement était une torture. Si elle n’avait pas une côté cassée, elle en avait certainement des fêlées. Elle grinça des dents, lutta pour trouver la force de se redresser. Elle devait à tout prix protéger sa fille dont les dernières notes, si elles étaient jouées, lui serait fatale. Tout comme il fallait protéger les Ombres. Et Aaliah ne voulait pas subir l’atroce dilemme de devoir choisir entre le peuple auquel elle appartenait et sa fille unique. Car elle savait qu’elle serait alors le choix à faire. Elle ne pourrait décemment pas sacrifier toute une population juste pour Lisseth, aussi déchirante serait cette solution.

Tandis qu’elle peina à tenir debout, un bras protégeant son ventre meurtri et douloureur comme si cela pouvait atténuer la douleur, Loth intervint à son tour. Ce qui ne lui plut guère. Elle savait que sa fillette suivrait l’animal et tout ce qu’elle désirait, c’était que l’enfant quittât cet endroit, non pas qu’elle se rapprochât du combat. Cependant, le mal fut déjà fait, un coup de fléau dans l’aile du dragon fit réagir Lisseth. L’Ombre vit la pierre, mais n’eut pas le temps de lui faire comprendre que ce n’était pas une bonne idée, que l’homme hurla déjà. Ce n’était vraiment pas une bonne idée ! Heureusement, Loth toujours fidèle protégea Lisseth en se prenant dès lors le coup. La colère de l’Ombre augmenta et fut désormais bien décidé à ce débarrassé de ce gêneur. Aaliah n’appréciait pas que l’on touchât à sa famille, elle était plutôt possessive depuis que le destin lui avait pris ce que son cœur avait de plus chère. Il était inconcevable qu’il recommençât et encore moins sur son territoire ! Elle n’eut pas besoin de prononcer des mots que Lalaith trotta déjà vers la fillette quelque peu malmené, mais au moins, toujours vivante. La licorne, comme chaque fois, avait compris ce que l’Ombre attendait d’elle. Elle ordonna à Lisseth de partir, usant d’un ton ferme et fort qui raviva la douleur aux côtés et elle fut persuadée de se retrouver avec une ecchymose impressionnante le lendemain. Heureusement, Lalaith emportait une fillette obéissante et Loth s’éloigna également à son tour, non sans un petit regard inquiet à l’Ombre.

Il était hors de question pour Aaliah de se lancer dans un combat acharner avec cet homme qui arborait déjà un sourire ravi. L’Ombre était seule, ou presque, un peu plus loin, se trouvaient les puissantes gardiennes. Luuna, sa louve, disparaissait également dans l’horizon. L’Ombre ne vit que ses yeux étinceler une dernière fois dans la nuit, comme un au revoir. Ou plutôt un tout à l’heure, Aaliah ne comptant pas se laisser battre aussi facilement, d’autant plus que le Requiem pourrait désormais laisser raisonner sa dernière et fatale note, sa famille étant désormais trop loin pour en subir les conséquences. Cependant, l’homme se moqua d’elle, probablement à cause de son apparence ; elle avait l’allure d’un animal blessé qui boitait pour soulager une patte douloureuse. Il riait fort, trop fort et Aaliah comprit alors pourquoi la mélodie l’envoûtait moins rapidement que les autres. L’homme entendait probablement mal. Pas assez pour être sourd, mais suffisamment pour devoir hausser le ton pour s’entendre. Cependant, plutôt que de se laisser troubler par son rire sadique, Aaliah le lui rendit. Cela ne lui plus guère et il fronça les sourcils. Il voulut rappeler ses alliés, mais ceux-ci ne lui répondirent pas. Trop envoûter par les notes de musique qui envahissait la nuit. Profitant de son étonnement, l’Ombre recula de quelques pas et se joignit au requiem. Quand l’homme comprit que le chant qui avait raisonné n’était pas un signal de retrait, mais bien une attaque, il fut déjà trop tard. Il lâcha son fléau, emporté à son tour par les notes funestes.

Lorsque la dernière note prit fin, il régnait un silence de mort, au sens propre. S’intéressant peu aux cadavres disséminés ci et là, les Ombres disparurent comme elles étaient venues. Du moins, pour la plupart. Aaliah fut escortée par deux autres gardiennes pour soulager sa marche vers le château. Non pas qu’elle avait vraiment besoin d’aide, mais un soutien d’épaule était le bienvenu pour s’assurer un retour plus rapide. Elle boitait quelque peu à cause de la douleur qui se réveillait à chaque pas un peu trop brusque. Pourtant, cela ne l’empêcha pas de serrer sa fille dans le creux de ses bras. Elle l’aurait bien sermonné sur son imprudence et sa désobéissance, mais la force et la colère lui manquait. Aussi, elle se contenta d’une simple promesse de ne plus recommencer une telle folie tout en rejoignant leur appartement. L’Ombre avait besoin de se reposer un peu, d’autant plus que le combat ne faisait certainement que commencer…

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4/4 Aaliah