Kohei allait enfin profiter du silence de la forêt. C’était bien mérité après tout, depuis tout ce temps. Cela faisait si longtemps qu’il y trainait, et pourtant, il n’avait pas eu l’occasion de la voir sous son vrai jour. Il y respira l’air qu’il trouvait si frais. Il était tellement heureux. « Elle est comme ça tout le temps cette forêt. C’est bien la faute des autres ivrogne si on n’a pas pu en profiter comme il le fallait. » Il continuait de marcher, profitant de la présence de Shi et de Scott qui étaient les seules qu’il appréciait. Il les appréciait même vraiment. Il ne restait plus qu’à guider le brun à l’extérieur de la forêt, de l’autre côté. Personne n’avait vraiment l’intention d’aller à Drosera, c’est le coin de ces racistes d’Alfars. Kohei ne l’était certainement pas autant qu’eux, mais savoir ces ivrognes par là-bas l’agaçait pas mal. Il n’aimait pas du tout l’idée qu’ils soient tous dans son lieu de vie. Même s’ils trainaient dans la forêt des murmures, ils n’étaient pas du tout des Alfars. Ils étaient d’un chiant ! Kohei espérait juste qu’ils ne roderaient pas là-bas longtemps. C’était en réalité son seul souhait.

Enfin, il s’arrêtait de réfléchir. Kohei se rendit compte qu’il avait la conscience obnubilée par leur existence. Mais maintenant que ce groupe d’idiots venait de sortir de sa vie, il n’allait pas continuer d’y penser ! Ah… il avait envie de passer à autre chose. Définitivement. Un côté de lui voulait un peu de lecture, comme d’habitude. Il voulait juste s’enfermer cher lui, et reposer sa conscience sur un bouquin. Et un autre côté de lui voulait se battre un peu, et voir le sang couler. Calme ou pas calme, ceci n’avait aucun rapport avec une envie de fatigue. Une fatigue comme les ivrognes pouvaient en provoquer. Non, non, quelque fut son choix, il était bien au calme maintenant. Mais il allait en toute logique choisir le vrai repos. Kohei fit signe à Shi de se poser sur son épaule. Elle devait être bien fatiguée de voler dans tous les sens depuis trois jours, alors un peu de repos était bien mérité. C’était la seule chose qu’elle pouvait s’offrir sur le coup. Elle serait assise, dans le calme, et ne ferait que profiter du paysage de la sombre et belle forêt. Bon, ce n’était pas vraiment l’environnement propice pour une fée, mais si Kohei l’appréciait, alors elle aussi, inévitablement, surtout si cela faisait des mois qu’elle vivait en ces lieux.

Le silence ne gênait jamais l’Alfar. Même si le manque de conversation pouvait facilement en créer chez la plupart des gens, à lui, ça ne lui faisait rien. C’était le blanc total pendant un long moment entre les trois protagonistes, mais il n’avait rien de gênant. Cependant, un questionnement de la part de l’Alfar brisa tout de même le néant. C’était un questionnement d’une curiosité si naturelle qu’elle avait rien de surprenante, mais… « Que faisais-tu dans un endroit pareil d’ailleurs ? Ce n’est pas vraiment un endroit propice pour un simple « voyage » » L’alfar songea lui-même à plusieurs raisons bien qu’elle pussent être un peu tirée par les cheveux, comme simplement le fait que le jeune homme est pu fuguer. Enfin, c’était stupide. Même Shi y ajouta son grain de sel, comme interloque par la question. « C’est vrai ça ! Comment tu t’es retrouvé ici ? Je veux dire… T’es un élémentale et tout alors… Trainer dans une forêt pareille, ça me paraît un peu étrange… » Mais finalement, la réponse à cette question était sans importance en un sens. Le garçon se trouvait dans la forêt maintenant, quelque fussent les réponses.

Après un long moment, très long moment (tant donné la densité des lieux), ils arrivèrent enfin à en sortir. Il semblait donc qu’il était temps de se séparer, ce que Kohei trouvait étrange. Ils venaient de traverser une même épreuve toute aussi éreintante, et n’avaient pas vraiment eu l’occasion de réellement construire quoi que ce soit autour de leur longue compagnie de trois jours. Scott était un élémentale, un étranger en ces terres, et pour lui, cela devait être encore plus étrange. Kohei était comme les siens. Il avait du mal à l’idée que des autres races puissent se retrouver par chez lui. Mais il avait pour le jeune garçon une sympathie qui traduisait simplement le fait qu’ils avaient ressenti les mêmes choses pendant un long moment. Il était alors d’une évidence même qu’il le voyait d’un très bon œil. Cependant, aucun sourire ne naquit sur ses lèvres. Kohei ne montrait pas souvent par le faciès ce qu’il éprouvait intérieurement, mais tout se retrouva intérieurement. « Au plaisir de te revoir, Scott. Je suis bien content de ne pas m’être retrouvé seul à aider ces ivrognes dans un sens. Sans toi, cela aura été encore plus irritant. Mais je suis avant tout désolé de t’avoir entraîné là-dedans. » Et il eut un regard vers Shi, qui avait été avant tout la seule à être aussi motivée. Mais c’était elle qui avait mis fin à tous ces ennuis, et Kohei en oublia de ce fait le reste.

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Spoiler:

Dans le calme et le silence, sans cris ou plaintes qui résonnent dans mon dos, assourdissants, je me plongeai dans une profonde réflexion, les yeux levés vers la cime des arbres, couverture de feuilles vertes si dense qu’elle enfermait l’obscurité des lieux en son sein, laissant la lumière du jour en dehors de son couvert. J’appréciai le silence qui dominait en maître. Il m’offrait une opportunité pour me laisser tomber dans mes pensées, créant une bulle autour de moi, apaisante, qui m’entrainait hors de la réalité, dans un Univers qui m’était propre et unique. La présence de l’Alfar aux cheveux dorés et la Fae n’était plus qu’au stade de souvenirs, les dangers de la Forêt des Murmures étaient loin derrière moi, comme une relique du passé – une mémoire lointaine qui n’avait plus une grande importance – et les ivrognes depuis longtemps oubliés. Je n’avais plus envie de songer à eux. Ils géraient leur Destin comme bien leur fasse, ce n’était plus de mon ressort et qu’importait les conséquences qu’ils croiseraient en posant pied à Drosera. Ils s’en occuperaient seuls, avec une gueule de bois ou non, et se comporteraient en adulte pour une fois. Affaire classée. Ce qui me préoccupait davantage qu’une simple bande d’heureux personnages passionnés de bière ou d’hydromel était ma vie personnelle, celle qui m’attendrait à bras ouverts dès que je sortirai de cette forêt et que je souhaitais rejeter, refuser. Je n’avais pas envie de retourner dans les cauchemars qui formaient désormais ma réalité. Je voulais leur échapper, m’enfuir au loin sans plus me retourner.

Cependant, je n’étais pas si naïf au point de croire qu’il serait facile de repousser le calvaire qui faisait partie courant de mon quotidien. Je vivrais comme je l’avais toujours fait : je poursuivrais mes activités de voleur ambulant en piochant dans les poches de riches personnes, dérobant leur bourse remplie de pièces d’or et d’argent et je retournerais chez-moi, sans un mot et un regard adressé à Mère et je vaquerais à mes occupations en solitaire, rêvant du jour où je parviendrais finalement à réunir assez de courage pour partir et ne plus jamais revenir. C’était le schéma classique de mes journées au Contient du matin calme. Jamais rien de plus, jamais rien de moins et pour être franc envers moi-même, ça commençait à devenir de plus en plus lassant, voire ennuyeux et oppressant. J’avais besoin de respirer un nouvel air, vivre des expériences différentes que celles qui formaient ma vie actuelle et regarder des paysages que je n’avais jamais vu auparavant. Simplement pour tout oublier et ne plus regarder en arrière, gardant la tête haute et fière, sans tracas à l’égard de mon passé ainsi que de ma famille méprisante qui faisait jaillir en moi une colère noire et sourde, à l’origine de ces nombreux sentiments que je n’aurais jamais cru ressentir un jour. Mais qu’importaient les malheurs qui frappaient mon existence. Je n’avais déjà plus envie de songer à ça plus longtemps. Je détournai les yeux des arbres et observai le chemin qui se dessinait devant moi, portant davantage attention à mon environnement qu’à mes dilemmes intérieurs.

Puis, la voix de Kohei m’extirpa soudainement de la bulle de sérénité que j’avais créé en me questionnant sur l’objectif qui m’avait poussé à venir dans ce coin en premier lieu. La question portait tout son sens, je l’avouais, mais je craignais de ne pas pouvoir leur offrir une réponse satisfaisante qui leur fourniraient une image bien précise de mes intentions. Poussée par la curiosité que les mots de l’Alfar avait soulevé, Shi se permit à son tour d’insister à la suite de son ami blond, ce qui ne me surprit pas réellement mais qui me forçait, d’une manière ou d’une autre, à leur répondre. Que pouvais-je bien leur dire? « Je ne suis pas sûr de le savoir moi-même mais je suppose que je suis venu ici pour m’évader et prendre un peu d’air. » Étrange tout de même que j’eus choisi de me rendre à la Forêt des Murmures. Il y avait pourtant plusieurs autres destinations, plus belles et moins périlleuses, où j’aurais pu mettre les pieds mais mon choix s’était arrêté ici et désormais, j’y étais. « Si j’étais capable de le dire autrement, je voulais m’éloigner de la famille. Je n’ai pas réfléchi sur l’endroit où je souhaitais me rendre et voilà. Je suis arrivé ici. » Ça demeurait un peu vague mais c’était le meilleur exemple que je pouvais leur offrir. Si cela n’aurait pas été un geste inconscient, pour ma part, je ne serais jamais venu ici mais le mal était déjà fait et je ne pouvais rien y changer.

Quoi qu’il en soit, nous finîmes par atteindre l’orée de la forêt après de longues, de très longues minutes – peut-être aussi des heures – de marche, le poids de nos trois jours de recherches pesant sur nos épaules, lourd et épuisant. J’étais fatigué, je n’avais presque plus d’énergie à dépenser et comble de tout, je voulais dormir tout simplement. J’écoutai d’une oreille distraite les mots d’au revoir de Kohei et ses excuses pour mon implication dans cette comédie irritante avec les ivrognes avant de répondre machinalement : « C’est bon, OK? Je ne t’en veux pas. L’important, c’est que ce soit enfin terminé et sérieusement, je ne veux plus y penser. C’était déjà assez agaçant comme ça… » Ma voix affichait clairement l’épuisement qui me tenaillait mais en dépit de ce manque d’émotion qui transperçait mon ton, je pensais réellement ce que j’avais dit à Kohei. Cette expérience avait été identique pour nous deux et malgré les apparences, nous nous étions créés une sorte de lien qui nous avait davantage rapproché de l’amitié que d’une simple rencontre entre connaissances. De plus, il avait même pris la peine de m’accompagner jusqu’ici alors que l’Alfar aurait pu décider de repartir à Drosera sans plus porter d’attention à ma demande. « Merci de m’avoir amené ici au fait. Au plaisir de te revoir prochainement. Et toi aussi Shi. » Je leur fis un discret signe de la main avant de leur tourner le dos et marcher en direction de l’un des villages avoisinants les lieux, le cœur léger.



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