Un territoire vierge, comme une grande page blanche. Le sol pourtant non plat et parsemé de dunes difformes, indiquait le passage du temps sur ces contrées, de même que ceux des personnes, qui l'avait modifié à jamais et continuerait encore à le faire. C'était ma définition propre en ce moment. Je n'étais peut-être plus qu'un tas de sable inerte qui se laissait porter au gré des gens, de leurs propos et de leurs actes, au gré du temps qui passe. La solitude, ma vieille amie, plus reconnue en tant que rivale d'ailleurs...

Qu'en véritable et agréable compagnie. Parvenue au sommet d'une dune qui ressemblait à toutes les autres, je méditais en silence, rongée par un mal que seule moi pouvait comprendre. Le silence pesant de l'absence de quiconque aux alentours. Ce n'était pas réellement le bon moment pour s'isoler non... Mais c'était la seule envie que j'avais, alors que je savais pertinemment que j'avais besoin avant tout de quelqu'un à mes côtés, quel qu'il soit.

« On n'arrive à rien seule, mais je ne t'apprends sans doute pas grand chose. »

Je ne vis rien autour de moi, puis finalement en réfléchissant, me rappelait à qui appartenait cette voix. Je me mis à rire, m’accroupissant pour fixer l'horizon.

« Ça faisait longtemps Soran... »

J'imaginais déjà son sourire croître sur son visage mais il n'était qu'à l'état de conscience immatérielle en ce moment-même. Il zappa plus ou moins mes propos, continuant de son propre gré sur un autre sujet.

« Tu sais ce qui se prépare hein ? Tu le ressens en tout cas, même si tu ne cernes pas tout à fait ce que c'est. Tu crois que tu te sens prête ? »

Je fis la moue un instant, réfléchissant en me redressant. Mes paumes s'illuminèrent d'un coup. C'est lui qui faisait ça, et qui me montrait la marche à suivre.

« Je ne suis pas certaine que... »

« Dans quelques jours, prendre le temps d'hésiter sera un luxe qui ne sera plus à ta portée. Je te conseille d'agir en conséquence. »

Je soupirais, forcée de me convaincre moi-même qu'il n'avait pas tout à fait tort. Je serrais les poings avant de faire un tour sur moi-même, réfléchissant un instant, scrutant le paysage monotone qui s'étalait sous mes yeux. Je tendis le bras vers une dune de sable, tandis qu'une partie de ce dernier s'élevait sur ma demande, formant une colonne éphémère, qui d'un coup s'enflamma totalement et devint une tour en verre difforme. Je créais des chaînes autour de celle-ci, la brisant subitement en tirant sur les cordes métalliques, avant de faire disparaître ses dernières pour user de télékinésie et reconstruire ce qui avait été détruit.

« Le pouvoir de la destruction, de la folie, de la mort, de la froideur méprisante, de la chaleur ardente, de la raison, tout cela en une seule personne... Pas de doute, tu es désormais à craindre comme fille. Enfin, quand tu réfléchis un minimum pour user de tes pouvoirs. »

Je soupirais, me doutant bien qu'il se foutait de ma gueule au fond. Comme prise d'un élan de rage incompréhensible. Serrant mes doigts contre ma paume, complètement énervée sans aucune raison, sentant la magie comme un bouillon fulminant en moi, porté à ébullition. Mes poings s'illuminèrent tandis que de-ci de-là autour de moi, jaillissaient des jets d'ombres, de flammes, de pics de glace, de plantes grimpantes déchaînées et piquantes comme des ronces. Je ne devais pas m'emporter mais c'était sans doute déjà trop tard.

J'étais assise devant une tente tout en observant la profonde et immense étendue sablonneuse que formait le désert. J'étais ici en tant qu'Alzanie, un surnom que l'on me donnait dans le groupe des Voyageurs. D'ailleurs j'étais avec eux en ce moment même, mais aucun d'eux ne savait que j'étais Alyska. J'avais prit une autre apparence, j'avais de longs cheveux blancs et des yeux violets au lieu d'avoir normalement des cheveux longs et roux et des yeux bleus électrique. Je m'étais vêtue d'une jupe mini longue noire un peu effilochée et d'un débardeur noir assez décolleté m'allant jusqu'en dessous de la poitrine. J'avais mit une ceinture autour de mon bassin afin de pouvoir y mettre ma Colorée, mon éventail tranchant et mon sabre. Je portais, aux pieds, des bottes assez large et noire. La seule chose que je ne pouvais pas cacher, c'était la marque en forme de dragon formé d'une multitude d'éclair. La tête du dragon se trouvait entre mes omoplates, ses pattes et son corps tout le long de ma colonne vertébrale et ses ailes se déployaient sur mes épaules, bras et au dessus de ma poitrine. C'était vraiment quelque chose d'extraordinaire, surtout lorsqu'on sait qui m'avait offert cette marque. C'était le Titan de Foudre en personne lorsque je suis devenue son Esprit Élémentaire. Mais ce qui était le plus visible, c'était mon ventre quelque peu gonflé. J'étais enceinte de jumeaux et cela faisait depuis quatre mois je crois.

Passons, lorsque je venais dans le désert pour passer du temps avec les Voyageurs, je ne venais seulement qu'avec mes trois dragons qui mesuraient tous les trois, trois mètres. Kinoë, mon dragon des cieux, ses écailles étaient toutes duveteuses. Elles étaient bleues avec de sublimes reflets blancs. Laïka, elle, était une dragonne tigresse blanche. En ce moment elle était sous sa forme de dragon. Elle était toute blanche avec les rayures noires caractéristiques des tigres. Ses yeux étaient d'un bleu saphir impressionnant, cela m'enchantait toujours lorsque je les regardais. Et pour finir il y avait Sheitan, un dragon lunaire assez indépendant. Son corps est d'un gris taupe sauf au niveau de sa tête, son torse, ses pattes et en dessous de son corps. Ces parties de son corps sont d'un bleu argenté étincelant. Sans compter les piques bleus saphir sur son dos qui vont jusqu'au bout de sa queue. Sur sa tête il y a un arc de cercle ayant dessus des écrits en une langue étrange et oubliée. D'ailleurs, celui ci arriva vers moi en courant. Je me levais, soucieuse que ce qu'il pouvait le faire courir aussi vite. Soudain j'entendis le bruit du verre en train de se briser non loin d'ici. Je me retournais et je vis à ce moment là une colonne en train de se former.

Je me tournais vers Sheitan, je montais sur son dos. Laïka et Kinoë arrivèrent vers nous. Ils comprirent tous deux qu'on allait voir se qu'il se passait là bas. Je m'accrochais bien à mon dragon que je surnommais très souvent, la Lame de la Justice. Il se mit à courir comme un fou, la dragonne tigresse et le dragon des cieux se mirent à nous suivre. Au fur et à mesure que l'on se rapprochait, je pus voir une jeune femme au pied de cette tour. Je voyais des jets d'ombres sortirent par ci, des jets de flammes par là, des pics de glaces par là bas, des plantes piquantes également. En voyant cela, je décidais de reprendre mon apparence normale, celle d'Alyska une fille ayant des longs cheveux roux et des yeux bleus électrisant. Je descendis de Sheitan, je m'approchais de la jeune femme prudemment. Kinoë me suivait de très près, ainsi grâce à son pouvoir de protection des esprits, il pouvait me protéger des attaques mineurs. Je créais le feu pour ensuite le contrôler pour brûler les plantes piquantes et faire fondre la glace. La glace étant devenue de l'eau, je contrôlais celle ci pour éteindre les jets de feu.

Je m'approchais encore, ne faiblissant en aucun cas. Cette femme me paraissait familière, je l'avais déjà croisé quelque part. C'est lorsque mon instinct me soufflait de regarder ma bague sertie d'une topaze mystique que je compris immédiatement. « Sora ? » Je pense que c'était elle, je suis allée à son mariage il y a longtemps de cela. J'avais été la demoiselle d'honneur et j'avais reçu en cadeau la bague que je portais au doigt. Quelque chose la rongeait de l'intérieur et cela ce voyait. Je préférais attendre qu'elle me dise au moins quelque chose pour que je lui parle de nouveau.

La folie m'habitait, la rage également, mais cette dernière n'était que passagère, bien qu'elle trouvait refuge chez moi assez fréquemment. Mon tempérament instable et lunatique m'offrait ainsi un abonnement aux sautes d'humeurs inexpliquées, peines immenses, comme colères dévastatrices. Je passais très rapidement de l'un à l'autre... Ce qui restait étonnant, c'est que je ne parvenais au sentiment de joie intense. J'étais trop faible... Trop habituée à cette existence cruelle, à ce monde qui l'était tout autant, pour m’enthousiasmer sur une simple chose. Mais il suffisait d'un rien pour que je m’affole, pour que je perde tous mes moyens, et que je m'étale au sol de chagrin, ou détruise tout ce que j'avais à disposition sans n'avoir plus aucun contrôle sur moi-même. C'était le cas actuellement, mais je savais que ma forme morale m'empêcherait de jouer longtemps les furies.

Alors je déversais cette haine inexpliquée dans cet endroit où je ne pourrais faire de mal à personne. Soran s'était tût, et je balançais à qui mieux mieux des salves de magie de toutes sortes. Créant même certains éléments que je ne connaissais pas, pas de mon ressort du moins, je n'avais pas les aptitudes nécessaires pour les contrôler. Mais je n'y faisais même plus attention. M'épuisant vainement, sans aucun but. Cherchant à respirer, à évacuer ses pensées noires qui occupaient mon esprit trop sensible à quoi que ce soit. Jusqu'à ce que je comprenne enfin, arrêtant tout mouvement :

« Sora ? »

Je demeurais immobile, tandis que tout enchantement prenait fin. Comme si c'était la douce métaphore de la vie, celle qu'on te fait croire que tout est beau, brille, et ne ternit jamais. Puis après... On te montre la vérité. La triste et terrible réalité. On arrête de parer tout et rien de fioritures, on vit au jour le jour, on ne regarde plus le miroir, mais devant soi, sans baisser les yeux. J'aurais aimé vivre un peu dans cette fantaisie utopique et inexistante de l'enfance. Je n'ai pas eu cette chance, mais je me dis que de toutes façons, c'est mieux ainsi. Cette dure vie ne m'aurait pas aussi bien bâtie si elle n'avait pas été aussi rude avec moi. J'en revenais, comme un écho dans mon esprit, à cette voix que j'avais entendu. Elle était féminine.

Je fis volte-face, laissant mes bras retomber mollement le long de mon anatomie faible et pâlotte. Je n'étais plus grand chose, sinon qu'un objet terne et usé par le temps, sur lequel on ne portait guère d'attention sinon que si il avait un intérêt aux yeux des autres. De ce fait, on devenait l'objet de toutes les convoitises de ceux qui nous trouvaient une utilité. Il n'y a ni sympathie, ni compassion, juste de l'égoïsme dans ces mots, ces gestes humains, habituels, bien trop répandus. Je ne sais que déceler dans les yeux de celle qui me toise désormais. De la pitié peut-être ? Qu'est-ce qu'on pourrait bien ressentir d'autre que cela en m'apercevant, je vous le demande.

Mes yeux glissent jusqu'à ses pieds, la détaillant entièrement. Mais ils bloquent sur un détail fatal. Son ventre, est rond, caractéristique d'une chose qui ne trompe pas. Et comme machinalement, la mienne se lève, lentement, presque d'un geste mécanique qui n'a plus rien de vivant, effleure mon ventre et vient se poser sur ma poitrine. Avant de serrer fortement le tissus qui couvre mon buste, alors qu'une intense peine me comprime la cage thoracique. Mes jambes tremblent, je mords ma lèvre pour refréner des sanglots. Mais je le sais bien... J'en suis incapable. Je réprime la première salve, mais fais céder mes barrières à la deuxième. M'effondrant à genoux devant la jeune femme, sentant mon corps partir, se laissant aller à la douleur du cœur et de l'esprit. N'essayant même plus de se battre.

Je n'y fais pas attention, mais un hurlement se fait entendre dans le ciel, et quelque chose fend l'air à une vitesse fulgurante avant d'atterrir dans le sable et de faire voler quelques grains dans les airs, comme une mini tempête de sable, mais inoffensive qui disparaît presque aussi vite qu'elle s'est créée. Ma dragonne noire s'est couchée là devant, entre moi et l'inconnue, ou du moins cette personne sur qui je ne peux poser un nom. Encore moins avec les larmes aux yeux et le désespoir qui me brise un peu plus chaque jour. Je sens que je glisse en arrière, ne tenant même plus sur mes genoux. Elle me retient de son corps écailleux et chaud, et je comprends que je suis incapable de bouger plus. Elle me protège de ses ailes, montrant les dents à l'égard de mon interlocutrice. J'ignore qui elle est, mais suis incapable de la reconnaître, encore moins de dire à Dremth de ne pas lui faire de mal, quelle qu'elle soit.

Dremth le ressent, cette immense peine qui me fend le cœur, ses pleurs, sont pour la même cause que quand nous nous sommes rencontrées, ainsi qu'une autre qu'elle ne peut comprendre. Ou si ? Je n'en sais rien au fond. Cela fait très peu de temps certes que nous nous connaissons elle et moi, mais elle s'était déjà attachée à moi comme un membre de la famille que je n'ai jamais eu. Je me blottis un peu plus contre elle, rassurée contre ce cocon protecteur qui m'est décerné. Que puis-je faire d'autre ? Je n'ai plus la force d'aider qui que ce soit, après toutes ces années à me faire passer après tout le monde. Je ne peux pas... Je ne peux plus.

Infos:

Je fixais Sora sans détourner mon regard, je ne pouvais pas la laisser comme cela sans rien faire. Je ne pouvais pas lui tourner le dos et partir comme cela sans savoir qu'est ce qui la mettait dans cet état là. Lorsque je l'avais appelée par son prénom, tout les enchantement autour d'elle cessèrent. Elle se retournait vers moi, laissant ses bras tomber le long de son corps. Elle était toute frêle, se n'était plus le tableau joyeux et magnifique que j'avais vu lors de son mariage. Mon cœur se serrait de plus en plus, cela me faisait mal au cœur de la voir dans un état aussi sombre et sans presque aucune source de vie. J'avais tellement envie de l'aider, je ne pouvais laisser une personne comme cela. Elle me regardait de haut en bas, s'arrêtant soudainement sur mon ventre rond. Ses gestes étaient le parfait miroir de sa douleur interne, ses bras se posèrent sur son ventre et sa poitrine. Ils se crispèrent, serrant tellement ses vêtements que ses phalanges devinrent toute blanche. Sora se mordillait la lèvre, essayant de retenir ses larmes, mais en vint.

Je la vis tomber sur les genoux, j'allais la soutenir, mais un dragon venu du ciel s'interposa entre nous deux. C'était un magnifique dragon noir que j'avais déjà vu quelque part, enfin plutôt une dragonne au vu de certaines manières caractérisant les dragonnes. Elle se coucha, toujours entre sa maîtresse et moi même. Je la vis retenir Sora, tout en se mettant en position afin de la protéger. Elle cachait sa maîtresse avec ses ailes et elle me montrait ses dents. Je compris ce qu'il fallait que je fasse. Je posais un genoux à terre, me mettant en position de soumission avant de demander à la dragonne de fusionner mentalement avec moi.

Après un certain temps comme cela, elle ne voulait pas que j'utilise mon pouvoir. Je ne préférais pas la forcer, sinon je ne pourrais jamais approcher Sora. Il fallait donc que je lui ouvre mon cœur comme je le faisais la plupart du temps avec les dragons de mon élevage. « Chère dragonne, te souviens tu de moi ? Je suis Alyska, l'éleveuse qui a prit soin de toi quand tu étais encore à Draguial. » Je ne savais pas du tout comment elle allait réagir. Mais la seule chose que je pouvais faire c'était d'attendre que la dragonne me fasse confiance même si je l'avais élevé. Je regardais de loin, ce merveilleux duo que formait Sora et sa dragonne, j'étais heureuse de voir la dragonne aussi attachée à une personne. Elle avait enfin trouvé une maîtresse digne d'elle. Durant toutes mes pensées, je laissais mon cœur ouvert afin que la dragonne puisse voir que je ne représentais aucun danger pour Sora.

HRP: