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 Trahison | Test Lvl. III | Solo

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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
◈ Parchemins usagés : 3537
◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Lun 16 Déc 2013, 21:33


Enfin ! Il allait enfin monter en grade ! Du moins, l’occasion se présentait de briller auprès du Roi. Eerah passa une nouvelle fois ses doigts sur la lettre ; on lui y demandait de revenir à Avalon, pour un souci interne. D’après certains informateurs, une nouvelle organisation criminelle avait vu le jour au sein de la cité Déchue, axant son activité sur les vols et agression en bandes. Ce n’était pas la première fois que de tels agissements étaient repérés, auparavant déjà, lorsqu’il faisait encore partie de la Garde, les confrontations entres bandits et armée étaient légion ; plus d’une fois par mois, une descente était organisée pour tuer dans l’œuf les débuts de groupes organisés. À croire que cette fois, ils avaient fait preuve d’un peu plus d’intelligence. Tant mieux, songea le Déchu en affichant un sourire glacé, le défi n’en serait que plus intéressant. Il avait besoin d’action. Non, il avait besoin de violence. C’était assez difficile à décrire, et surtout à accepter, mais il voulait se battre, frapper et être frapper. Tout ce temps passé à méditer, à attendre un savoir qui ne venait pas, avait réveillé en lui une sorte de nostalgie du combat.

Le pire était surement le fait qu’il soit entièrement conscient de l’insanité de ses pulsions. Chaque fois qu’il en apprenait un peu plus sur lui-même, sur son propre esprit, il découvrait une part d’ombre pour une part de lumière. Quand lumière il y avait. Sonenzio, son mentor et tortionnaire, à ses heures perdues, n’était pas au courant de ce qu’il allait faire. Ou du moins, Eerah ne lui avait pas dit. Le vieux fou devait certainement le savoir, et s’il n’avait rien fait pour l’empêcher, c’est qu’il y avait une raison. C’était ce que le Déchu pensait, et une parfaite excuse pour faire ce qu’il voulait. Après tout, il était sous le joug du Destin, non ? Quoi qu’il fasse, il allait le faire, c’était déjà prévu. D’un brusque mouvement de tête, il chassa cette idée de son esprit. Depuis cette journée avec Elle, il s’efforçait de ne pas y penser, mais chaque décision qu’il prenait l’y ramenait de force. Qu’est-ce qu’il contrôlait, au final ? Tout ou rien, lui aurait-elle surement répondu. Elle était si… Insupportable. Rien de ce qu’Elle faisait n’était clair ou direct. Toujours des métaphores, toujours des énigmes.

Tant de mots, tant de phrases, pour en revenir à son point de départ : Avalon. Tim lui avait loué une chambre dans une taverne proche de la bibliothèque, de quoi se préparer pour le raid. Encore une fois, il retrouvait avec une certaine jouissance ce mode de pensée. Echafauder des plans, prévoir des stratégies, c’était ce qui lui avait toujours plu dans le métier. La Garde savait mettre à son avantage les rues tortueuses et sinueuses de la ville. Il avait appris, pendant toutes ces années, à se cacher, à se terrer dans l’ombre, pour saisir ses proies. Rien n’était plus gratifiant que d’envisager toutes les situations possibles, et de voir la réalité s’y conformer docilement. Bien sûr, tout ne se passait pas toujours comme prévu. Mais on ne parlait pas d’Anges, ou d’armée entrainée. Il s’agissait de vulgaires bandits, d’hommes et de femmes perdus par l’avidité, qui avaient appris à jouer du coutelas dans des bagarres d’ivrognes. Face à un chasseur entrainé, ils n’avaient pas la moindre chance. Du bout du doigt, Eerah retraçait de mémoire le schéma complexe des quartiers pauvres. Tous les bâtiments avaient été brûlés et reconstruit plusieurs fois, les rues n’étaient plus que des ramifications aléatoires, sans logique. Il était même fort probable que durant le laps de temps pendant lequel il avait quitté la cité, de nouvelles allées aient été créés. Dans tous les cas, un minimum d’investigation allait s’imposer ; en priant pour qu’ils n’aient pas eu la présence d’esprit de s’établir dans les égouts. La carte de la surface passait pour un plan enfantin en comparaison de ce qui se passait sous terre. Les rumeurs sur les personnes qui se perdaient dans ces catacombes étaient courantes, et particulièrement fondées. Et surtout – le Déchu grimaça en y repensant – si l’odeur y était atroce pour les personnes normales, elle était littéralement invivable pour lui. Tout ce qu’il lui restait à faire, c’était entrer en contact avec ses anciens informateurs, et prier pour que les nouvelles soient bonnes. En espérant qu’ils se souviennent de lui.


-« Eerah, mon s*l*ud! Ca fait une paye qu’on t’avait pas capté dans les environs ! »

Non, visiblement, on ne l’avait pas oublié. Tant mieux, pensa-t-il en souriant largement. Ash était une vieille connaissance, un démon bedonnant qui passait ses journées à fouiller les pensées des gens. C’était illégal, moralement réprouvable, et surtout, incroyablement bien payé. Lorsque les conflits atteignaient un certain niveau, l’information devenait rapidement bien plus importante que les armes ; et il fallait reconnaitre qu’il faisait bien son travail. Il suffisait qu’il pénètre dans une pièce pour connaitre le moindre secret, la moindre histoire inavouable des esprits présents. C’était au prix de sa dignité qu’on traitait avec Ash. À moins d’avoir un peu de connaissances en télépathie, et de blinder les portes de son cerveau. Malheureusement pour le Démon et heureusement pour l’aveugle, c’était son cas. Comme la majorité de ses cibles, d’ailleurs. Mais la faiblesse d’un homme résidait souvent moins dans son esprit que dans celui de ceux qu’il côtoyait. D’une manière générale, moins on fréquentait l’informateur, mieux on s’en sortait. Et pourtant, ils partagèrent une franche poignée de main, et un rire aux éclats. Les apparences étaient tellement importantes, à Avalon.

-« Ash. Ravi de voir que tu restes fidèle au poste. »

Un rire bruyant ponctua sa remarque.

-« Eh ouais, que veux-tu. À croire que j’aime ça ! Que puis-je faire pour toi, corbeau ? »

Corbeau. Une vieille blague sur les Déchus, empreinte de souvenirs. À l’époque de la garde, les soldats eux-mêmes se surnommaient de la sorte. Des corbeaux, nombreux, invisibles dans la nuit, forts et puissants.

-« J’ai besoin de quelques informations, sur ce qui se trame en ville. »

Nouveau rire, nouveau regard amusé.

-« Eh bien. Je t’ai connu plus précis ! Dois-je te parler des catins de Dame Yaure, ou du nouveau pickpocket de la place Braise ? Tiens, j’ai même entendus quelques rumeurs sur un trafic d’Ambroisie, du côté de… »

Eerah le coupa sans attendre. Il pouvait continuer ainsi pendant des heures.

-« Tu sais de quoi je veux parler. La nouvelle bande, où crèchent-ils ? »

Le Démon se raidit instantanément, et retrouva tout son sérieux. Sans un mot, il entraina l’aveugle à l’écart. Ce n’était pas dans ses habitudes. Ash n’avait peur de rien, il n’avait peur de personne, puisque tout le monde avait peur de lui. Il reprit à voix basse, sur un ton prudent :

-« Fais attention, Scaldes. Y sont pas comme les anciens, ceux-là. Je serais toi, je m’en approcherais pas. Y font pas que voler et tabasser. Plusieurs gardes ont été retrouvés morts, depuis leur arrivée. »

-« Des bleus ? »

-« Peu importe. Aucune trace de combat, égorgés proprement, en pleine journée. Eerah, personne n’a rien vu, rien entendu. Ya de la magie là-dessous, ça sent pas bon. T’es sûr de toi ? »

Sans attendre, le Déchu lâcha d’une voix résolue :

-« Où ? »

Ash soupira doucement, comme désolé.

-« Les égouts des quartiers boulangers. Les gens disparaissent sans raisons, par là-bas. C’est à côté du four de vieux McNeil qu’on a retrouvé les gars. »

Les égouts. Ça devait être les égouts. Pourquoi est-ce que ça devait être les égouts ? Eerah grinça des dents, et remercia le Démon, en lui glissant son salaire habituel. Qu’est-ce qui pouvait amener Ash, le plus insouciant des informateurs, à le mettre en garde ? Et ces assassinats, c’était loin des méthodes des bandits tels qu’il les connaissait. Ça n’allait peut-être pas être aussi simple que prévu.


Le quartier boulanger était toujours actif. Pas de repos pour les boulangers, le pain se vendait à toute heure de la journée comme de la nuit. Quand ce n’était pas les familles qui venaient s’approvisionner pour la semaine, c’était les fêtards qui avaient besoin d’éponger leurs dernières frasques. Il était littéralement impossible de tuer quelqu’un dans ces rues sans que quelqu’un ne s’en aperçoive. Alors égorger trois hommes, et laisser les cadavres en place sans le moindre témoin, ça tenait de l’exploit. Le Déchu aurait pu se sentir admiratif s’il n’était pas occupé à essayer de comprendre. Le four était pourtant exposé à toute la rue principale. Pendant plusieurs secondes, il frappa de son arme à plusieurs point, pour évaluer les distances, mesurer les angles de vue. Il aurait fallu agir en moins d’une seconde, dans le silence le plus complet, et disparaitre instantanément. Tuer trois personnes en une seconde, c’était un exploit, mais il suffisait d’être rapide. Le faire silencieusement relevait aussi du challenge, mais pourquoi pas. Mais disparaitre ? Ça s’était passé en pleine journée, même si le four projetait une zone d’ombre – surement la raison pour laquelle les gardes étaient là, cuire dans une armure noire n’était pas des plus plaisant – il aurait fallu être capable de se fondre dans la foule sans que personne ne s’en aperçoive, en enjambant les cadavres, impossible. Sauf si la solution de repli se trouvait plus proche que la foule. Du bout de son bâton, il tapota la terre. Et il finit par trouver.

Dans le recoin le plus sombre, entre le four et le bâtiment, on avait recouvert une planche de terre, suffisamment pour qu’il soit impossible de la voir à l’œil nu, pas assez pour ne pas l’entendre. Il y avait clairement une cavité, un peu plus bas. Surement une ancienne entrée des eaux usagées, modifiée en entrée. Avec un sourire, Eerah laissa tout en place, et alla s’asseoir plus loin, sur la terrasse d’une taverne proche. Maintenant, attendre la nuit. Et en attendant, trouver dans la foule ceux qui se mettaient à l’observer. On ne mettait pas en place un cartel criminel sans disposer d’espion partout dans la cité. Heureusement, sa condition le rendait légèrement moins inquiétant. Qui irait se méfier d’un infirme. Il courba le dos pour se donner l’air le plus pitoyable possible, et ouvrit son esprit. Il y avait beaucoup de monde. Trop. Son expérience à Utopia avait été grisante, et le retour sur terre brutal. Il n’avait pas encore ce niveau de télépathie. Mais il avait le temps. Les gens allaient et venaient, sans fin, et pourtant, certains clients ne bougeaient pas. Ils commandaient, normalement, discutait, riaient, mais au moins la moitié d’entre eux protégeaient leur pensées. On ne se cache que si l’on a quelque chose à cacher. Au bout de quelques heures, il avait identifié formellement sept cibles susceptibles de le surveiller.

D’un mouvement du bras, il fit mine de saluer quelqu’un, et heurta le plateau d’une serveuse. Le tout tomba avec fracas, et il se répandit en excuses, payant même le tout. La jeune femme accepta, gênée, et trotta jusqu’aux cuisines. Pendant ce temps, il avait distinctement entendu six lames tressaillir dans six fourreaux. Un score presque parfait. Au moins il savait de qui se méfier. Lorsque le soir arriva, Eerah alla payer, en s’excusant de nouveau. Pauvre jeune femme, impliquée dans quelque chose dont elle n’avait pas la moindre idée.

-« C’est de ma faute, j’aurais dû être plus attentive. »

-« Je vous en prie, vous étiez parfaite ! Ces yeux me font souvent défaut. Encore maintenant, alors qu’une si jolie fille me fait face. »

Elle gloussa légèrement, et une conversation terriblement banale commença. De quoi faire renoncer le plus patient des suiveurs. Et le Déchu y gagnait au change, puisque contre toute attente, Nina – c’était son prénom – était réellement charmante. Au bout de trente minutes de minauderies sans fin, ils finirent par laisser tomber les uns après les autres. Quand le dernier quitta sa table, Eerah nota sur un morceau de papier l’adresse de l’auberge où il résidait, et la glissa à la jeune femme. Autant mêler l’utile à l’agréable. Si tout se passait bien, il serait de retour un peu plus tard, et la journée aura été plus que gratifiante.

Il finit par la quitter sur d’autres mots doux, et fila directement vers la trappe. La nuit était tombée, l’éclairage public n’était pas encore allumé ; et personne dans les environs pour lui planter une dague dans le dos. Sans plus de cérémonies, il écarta la terre du loquet, et fit basculer le panneau de bois. Immédiatement, il fut saisi aux tripes par l’odeur écœurante qui en émanait. Les déchets d’une ville entière marinant dans de l’eau croupie, on n’aurait pas pu imaginer pire effluve. Non sans réticences, il finit par descendre l’échelle rouillée fixée dans le mur. Le plus vite il aurait terminé, le plus vite il pourrait aller profiter des bras de Nina. Sans surprise, l’odeur était encore plus infâme une fois arrivé en bas. Retenant un haut-le-cœur, le Déchu s’arrêta un instant. Le tout était de respirer par la bouche, et de se concentrer seulement et uniquement sur les sons. C’était tout ce qui comptait. Ça, et éviter par tous les moyens possible de glisser dans la rivière d’immondices qui coulait à ses pieds. Maintenant qu’il était là, il n’avait pas la moindre idée du temps qu’il allait mettre à trouver ce qu’il cherchait. Un cliquetis survint de très loin, sur sa gauche, et il s’y engouffra.


Il n’aurait pas su dire depuis combien de temps il marchait. Peut-être que Nina était là, plus haut, l’attendant sur le palier de sa porte. Peut-être qu’elle avait déjà laissé tomber, et qu’elle était rentrée chez elle, maudissant l’aveugle et sa tignasse grise. Ou peut-être qu’il n’avait parcouru que quelques mètres. Il ne faisait que suivre son instinct, et virait à droite, à gauche, tout en faisant attention à ne pas mettre le pied dans quoi que ce soit de visqueux. Le plan qu’il traçait dans son esprit commençait vraiment à se compliquer. Peut-être qu’il ne sortirait jamais de ces égouts, qu’on rajouterait son nom à la légende des disparus. Non, de toute manière il n’avait pas l’intention de pourrir ici. Il imaginait le roi le remercier de ses services quand quelque chose jaillit du silence pour lui heurter le front. Eerah jura violemment, en se tenant la tête. Il n’avait rien entendu venir ; et ne s’était manifestement pas cogné tout seul.

-« Bordel ! Qui est là ? »

Aucune réponse ne vint. Ni rien d’autre, pendant plusieurs minutes. Lorsqu’il se remit à bouger, se demandant même s’il n’avait pas rêvé. Comme une réponse, un autre coup à l’arrière du crâne le fit basculer en avant. Cette fois la douleur était bien réelle. Il se retourna d’un bloc et piqua d’estoc avec son bâton. Rien, de l’air, du silence, encore et encore. Quoi que ce soit, ça n’émettait pas le moindre son. Et c’était donc potentiellement mortel pour le Déchu. Il frappa le sol, étendit son esprit, mais rien à faire ; il était seul. Il était censé être seul.

-« Tu ne repartira jamais d’ici, tu le sais, corbeau ? »

Une voix, devant lui. Il attaqua de nouveau, sans plus de résultat.

-« Approche, et tu verras. »

Un rire âpre résonna dans l’ombre, derrière lui, et une autre voix monta :

-« Je ne crois pas, non. Tu va plutôt mourir seul, sans avoir eu la moindre chance de nous voir, de nous entendre, ou… »

Un souffle glissa sur son visage.

-« De nous sentir. »

-« Fait chier ! »

Le Déchu recula d’un bond, tailladant l’air, et une autre masse le heurta à l’épaule, par derrière. Ils étaient partout à la fois, et le tournait en ridicule, sans faire le moindre bruit. Haletant, grimaçant de douleur, Eerah tressautait à chaque mouvement d’air, chaque bruissement aussi infime. Et rien ne venait, simplement des rires, encore et toujours, sans pouvoir toucher qui que ce soit. Une lame invisible traça une longue estafilade dans sa cuisse, sortant de nulle part. Il hurla, et attaqua dans le noir, manquant de peu de tomber à vau-l’eau. Le roi et ses félicitations lui paraissaient vraiment loin, maintenant. Un autre coup le ramena brutalement contre le mur, le nez en sang.

-« Abandonne, corbeau ! Laisse-toi crever ! »

-« Ouais, arrête de battre des ailes dans le vide, de toute façon t’es déjà mort. »

Avachi à quatre pattes, le corps entier endolori, il commençait sérieusement à envisager de les écouter. Peut-être que c’était maintenant, son heure. Il devait y avoir une femme, tout là-haut, avec un grand sourire aux lèvres. Non, il ne lui ferait pas ce plaisir. En essayant de se relever, il posa la main sur le sol, et sentit un frémissement, une légère, infime vibration. Comme un pas, derrière son dos. Brusquement, il lança son pied en arrière, et toucha quelque chose. Un petit grognement reçu son exploit.

-« T’as plus de chance que ce que t’en a l’air, Ailes Noires. On va te finir plus vite, ça te calmeras. »

Les deux mains aplanies sur la pierre, Eerah venait de trouver sa dernière chance. Deux vibrations, deux pas, en avant, légèrement sur sa droite. D’un geste sec, il sorti son couteau et l’envoya filer dans le néant. Cette fois, il y eu plus qu’un grognement indigné. Un gargouillis infâme, celui d’une trachée perforée, résonna dans le tunnel, ponctué par les jurons de son complice. Il courait sur lui, il ne prenait même plus la peine d’être discret. Attrapant d’un bond son bâton, le Déchu fut sur lui le premier, et le son des os brisés se fit entendre. Il avait touché une fois, c’était fini. L’ombre avait crié, un peu à gauche. Il asséna un nouveau coup. Un gémissement, en avant. Un autre coup. Un cri, plus loin à gauche. Un dernier coup. Le bruit d’éclaboussure qui suivit en disait long. Son attaquant se débattait en hurlant dans la fange, et l’aveugle le suivait doucement, sur le bord, prenant le temps de ressortir son arme de la gorge du premier. Alors qu’il menaçait d’être emmené par le courant, une main salutaire vint attraper le col du malheureux. Une lame vint se nicher sur sa pomme d’adam.

-« Remonte-moi, je peux t’aider ! Je sais où aller, et j’ai de l’argent, beaucoup d’argent ! C’est pas grave pour l’autre, jl’aimais pas ! Allez remonte-moi, mec ! »

-« Où ? Où est ton patron ? »

-« Mais quel patron ? Allez put*i*, on voulait juste se marrer, on est des ninjas, corbeau, voler et tuer c’est notre boulot ! Remonte-moi, m*rde, j’ai senti un truc bouger ! »

Tout ce raffut, causé par deux guerriers de l’ombre, pris par la folie des grandeurs ? Ça ne pouvait être vrai.

-« Pour qui tu bosse ? »

-« Mais personne ! »

Un filet de sang perla sur la peau du ninja.

-« POUR QUI TU TRAVAILLE ?! »

-« LA MEUF, LÀ ! C’EST ELLE ! Allez, put*i* ! Allez corbeau, soit sympa, elle me butera si elle apprend que j’ai raté ! »

Le Déchu n’arrivait pas à choisir entre la frustration d’avoir été mis à mal par un tel gamin, ou celle de devoir aller tuer une femme. Et ce rat qui ne voulait rien lui dire, tout était réuni pour le mettre à vif. D’une voix froide, il demanda :

-« Son nom ? »

-« Nina ! Nina Svella, j’ai jamais vu son visage, je te j- »

Les derniers mots disparurent dans un gargouillis de sang, et son corps coula dans le remugle acre. Nina. La seule personne qu’il n’avait pas jugée nécessaire de sonder. Et il lui avait donné son adresse, en parfait imbécile. Finalement, la soirée serait surement moins plaisante que prévu. La mine sombre, il essuya sa lame sur les vêtements du cadavre à ses côtés, et retourna vers l’échelle. Une femme l’attendait dans sa chambre. Et elle allait mourir.


-« Nina ! Je suis ravi que tu aies décidé de venir. »

-« Comment aurais-je pu refuser, vil charmeur ? »

Ils rirent en cœur, et Eerah lui tendis son coude, en parfait gentleman. Les apparences étaient tellement importantes, à Avalon. Un masque de courtoisie était peint sur le visage du Déchu, alors qu’il mourrait envie de l’égorger sur place. Elle ne savait surement pas que ses sbires avaient échoué. Il allait jouer avec elle comme elle avait joué avec lui. Comme deux tourtereaux, ils grimpèrent les escaliers en gloussant, sous les regards las des quelques ivrognes qui dépensaient encore leur paye au bar. Il n’essaya même pas de lire ses pensées. Si c’était réellement elle, elle sentirait son esprit, et se braquerait. Si ce n’était pas elle, il n’y avait rien d’intéressant à lire. Et ainsi, avec la plus grande des mauvaises foi, il l’entraina dans sa chambre en riant.

-« Monsieur Scaldes, je vous en prie, vous voudriez que je pénètre dans votre sanctuaire de solitude ? »

-« Eh bien, oui. Et j’insiste, mademoiselle… Mademoiselle ? »

-« Svella, Nina Svella, séducteur de bas étage ! Tu aurais pu me demander mon nom plus tôt ! »

Elle riait encore aux éclats, alors qu’elle venait de se confesser. Il la suivit néanmoins, en la tenant par la main.

-« Tu m’excusera, j’étais bien trop occupé à… écouter l’harmonieux son de ta voix ! »

Nina roucoula de contentement, et s’approcha au plus près. Difficile de croire que cette femme donnait des ordres à des soldats surentrainés, tapis au fond des égouts. Difficile de croire que cette femme qui s’apprêtait à l’embrasser serait morte demain. Non sans un goût amer en bouche, il laissa leurs lèvres se toucher, et fit claquer la porte de la main qui ne tenait pas la jeune femme. Sans la moindre hésitation, elle le tira vers la couche, toujours en l’embrassant. Fourbe, et directe, avec ça. Avec un sourire, il rompit leur baiser, et la fit s’asseoir.

-« Je vais me décrasser un peu, la journée ne m’a pas réussi. »

-« Dépêches-toi, je t’attends ici ! »

Un regard explicite fut échangé, et Eerah se dirigea vers la salle d’eau. Lorsque la porte se referma sur lui, la jeune femme se releva, et alla prendre une fiole dans son sac. Elle en versa le contenu dans une coupe, et compléta avec du vin. Pendant ce temps, le Déchu se lavait, écoutant par-dessus le bruit de l’eau, le verre qui tintait, le liquide qui le remplissait, le bruit d’une verrerie qu’on jette par la fenêtre et qui se brise en tombant. Une dague aurait été moins irrespectueuse. Mais le poison était l’arme des femmes, il ne devait pas lui en vouloir. Il termina en sifflotant sa toilette, et sortit, à moitié rhabillé. Nina, elle, ne l’était plus du tout, l’odeur de son parfum emplissait l’appartement ; elle attendait sur le lit, et fit tinter les deux verres qu’elle avait à la main.

-« Bonjour, vous. »

Il haussa un sourcil, et étira un large sourire.

-« Bonjour. »

-« Je t’ai servi du vin, tu en veux ?.. »

-« J’adore le vin. Mais il y a une chose que j’adore encore plus, et qui passera avant. »

Il la fit poser les coupes, et l’embrassa sans attendre. Définitivement, mêler l’utile à l’agréable était tout de même gratifiant. Plus d’une heure plus tard, ils retombaient, haletants, sur le lit trempé de sueur. La jeune femme vint se poser sur sa poitrine, souriante.

-« Et maintenant, le bonus. »

Nina allongea le bras, et se saisit des verres, avant d’en tendre un au Déchu.

-« A ta santé, bel étalon. »

-« Merci, beauté. »

L’aveugle leva sa coupe jusqu’à ses lèvres, et retint son geste juste avant de boire.

-« Nina, nina… Tu vas me manquer. »

-« Qu’est-ce que tu racontes, je ne suis pas encore partie, et je n’en ai pas fini avec toi, si tu veux savoir… Allez, boit, j’ai besoin que tu sois rassasié pour la suite. »

Difficile, surement, d’avoir l’air plus séduisante qu’en cet instant. Il caressa sa chevelure, doucement. Le jeu était terminé. D’un geste, il vida le verre au sol, et agrippa ses cheveux.

-« Comment as-tu pu te moquer de moi à ce point ? »

-« Que… Quoi, Eerah, arrête, tu me fais mal ! »

-« ARRÊTE DE TE FOUTRE DE MA GUEULE ! »

C’en était trop, même après tout ça, après qu’il l’ait tournée en ridicule, démasquée à plusieurs reprises, elle continuait de le prendre pour un imbécile. Qu’il était, pour l’avoir crue en premier lieu. Mais elle ne s’arrêtait pas.

-« Les égouts, le passage, j’y suis allé, et je suis tombé sur tes hommes ! Ils m’ont dit qui tu étais ! »

-« Je… Je ne comprends pas de quoi tu parles, arrête, je t’en supplie… »

Le pire c’est qu’elle avait l’air sincère. Vraiment sincère. Il chassa cette idée de sa tête. Il avait des preuves.

-« Et la fiole ? Ce que tu as mis dans mon verre ?! TU COMPRENDS PAS, ÇA ?! »

-« Mais… Je… C’était un aphrodisiaque… Une… Une potion des sirènes… Je… Pardon, je… Désolée… »

Et elle fondit en larmes sur son torse. Un aphrodisiaque, une simple potion de plaisir. Cette pourriture des catacombes lui avait menti, et il l’avait cru. Il relâcha immédiatement l’étau de sa main et la prit dans ses bras. Il s’était encore trompé, et cette fois en beauté. Une bile de remords lui monta à la gorge.

-« Et m*rde. Pardon, Nina, pardon. C’est… Excuse-moi. »

D’un geste, elle s’écarta, et se tourna vers le mur, en sanglotant. Le Déchu n’en pouvait plus. D’un bond, il se leva, et marcha jusqu’à la fenêtre. Pourquoi devait-il toujours être au centre des complots, des traitrises ? Voilà pourquoi il ne prenait plus le temps de courtiser. La vie de dangers lui était monté à la tête, et voilà où il en était rendu. Agresser une serveuse, une femme qui n’avait pas peur de son bandeau, une femme qu’il aurait pu aimer, s’il lui en avait laissé le temps. Et il avait tout gâché. Il aurait voulu remonter le temps, tout annuler. Arrêter d’être stupide, pendant quelques minutes. Debout devant la fenêtre, il observa un instant la rue. Quelque part, l’homme qui organisait tout ça était encore en vie, et ça ne durerait pas longtemps.

Dans son dos, un chuintement infime se fit entendre, celui du métal sur le tissu. Le Déchu soupira longuement. Et voilà. Ce n’était jamais simple. Il se tourna, et attrapa le poignet de la jeune femme alors qu’elle essayait de le poignarder. Il s’était encore fait flouer. Dans un accès de colère, il ramena sa main sur sa poitrine et planta la lame dans son cœur. Dans les yeux de Nina se lisaient la colère, l’incompréhension, la tristesse. Mais Eerah ne les voyait pas. Il ne voulait pas les voir. Comme un seul corps, ils glissèrent tous deux au sol, et il sentit la chaleur quitter lentement son corps. Non, ce n’était jamais simple.


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