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 Où le calme règne | ft. Mitsuko

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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
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◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Lun 02 Déc 2013, 23:11

Garder son calme. En soi, ça n’avait rien de sorcier. Tout ce qu’on lui demandait, tout ce que ce vieux fou de Sonenzio lui avait demandé de faire, c’était de garder son calme. Assis. Au beau milieu d’un parc de Megido. Entre les prostituées, les enfants déchainés et les soulards. Le vieil ermite avait le sens du challenge, il fallait l’avouer. C’était probablement un des seuls endroits du monde où toute méditation était impossible, et c’était celui-ci qu’il avait choisi. Avec précision, d’ailleurs. À croire qu’il connaissait bien l’endroit. Bien sûr, la première heure avait été calme. Le soleil n’était pas encore levé quand le Déchu était arrivé, et s’était posé sur l’herbe, en tailleur. Les plus jeunes dormaient encore, les plus festifs venaient de rentrer, l’heure idéale. Mais quand toute la faune locale s’était finalement mise en branle, et qu’un flot de passants s’était mis à déferler sans discontinuer, la tâche était soudain devenue plus ardue. On ne cessait de le héler, de s’agiter devant lui, certains se contentaient de lui lancer une insulte bien sentie avant de s’en retourner d’un pas guilleret. Dans ce genre de situation, ne pas se lever pour frapper le premier venu était compliqué.

Ne pas s’énerver. Chaque seconde qui passait ajoutait au poids de sa mission. La goutte de trop fut un jeune bambin, qui, en plus de crier à s’en froisser les cordes vocales, s’occupa pendant une bonne minute à faire rebondir son ballon de ses mains à la tête de l’aveugle. Celui-ci serrait les dents, un tic nerveux commençait déjà à agiter le coin de sa bouche. Après un énième rebond, il attrapa d’un geste brusque la sphère en peau, et la lacéra d’un rapide coup de couteau. Instantanément, il s’attira les pleurs du marmot et les regards courroucés, choqués et plus rarement, amusés, des personnes alentours. Rageur, Eerah jeta à terre les lambeaux de balle, et s’en alla à grand pas. Oui, c’était méchant, gratuit et absolument révoltant. Il faut croire qu’on ne change pas sa nature profonde, marmonna le Déchu. Sa mauvaise foi était exacerbée par son énervement, et pendant une bonne minute, il ne put s’empêcher d’en rajouter des tonnes sur l’insupportable-nabot-qui-ne-méritait-que-ça. Une fois de plus, il avait failli à sa tâche. Il était bon pour recommencer le même exercice le lendemain, avec le risque cette fois de voir débarquer le géniteur du petit monstre.

L’aveugle avançait sans y réfléchir, frappant le sol de temps à autre avec son bâton pour ne pas percuter quelqu’un, pivotant de ruelles en ruelles par automatisme, sans objectif concret. Peu importe, du moment qu’il s’éloignait de ce square. Il avait besoin de silence, de froid, il avait besoin de plénitude. Une fois sa colère partiellement retombée, il s’intéressa enfin à l’endroit où il se trouvait. La grand ’rue était loin derrière lui, il venait de dépasser le quartier des artisans. Si sa mémoire du plan de la ville était exacte, il devait se trouver à la limite du quartier religieux. Une église, voilà ce qui lui fallait. Eerah s’approcha du bâtiment le plus proche, et chercha un éventuel panonceau à déchiffrer. Sa main finit par trouver une petite pancarte en bois. Au contact de ses doigts, la peinture se mua en une surface rugueuse, qu’il entreprit de décrypter à la volée. « Justice ». Clair et efficace. De toute façon, le dieu qui régissait l’endroit avait peu d’importance. Du moment qu’il ne jouait pas au ballon. Le Déchu pénétra dans l’édifice, pour gouter au silence. Tout semblait ralenti. Les bruits de la ville ne parvenaient plus qu’étouffés, chacun de ses pas résonnait avec force, jusqu’à ce qu’il se stoppe, et s’asseye sur un banc en bois. Aux sons des murmures, quelques autres personnes étaient présentes, mais comparé au capharnaüm du parc, c’était largement supportable. Plus par acquis de conscience que par croyance, il chuchota également quelques mots :

-« Hem… Je ne sais pas exactement qui tu es, mais… Merci pour l’abri. »

Voilà. Une bonne chose de faite. Il allait pouvoir retourner à ses sombres songes et à la culpabilité grandissante qui plantait ses serres en son cœur. Ce gosse l’avait mérité, non ?



Où le calme règne | ft. Mitsuko GqzDWY

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Mitsu
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Mitsu
Sam 07 Déc 2013, 20:18

De rien. Mitsuko le pensa mais ne prononça aucun mot, allongée dans l'air comme si un matelas moelleux s'était trouvé sous son corps, les bras pliés, le menton sur ses mains jointent. Elle était sur le ventre, fixant cet homme qui venait d'entrer avec un petit sourire amusé. Il ne pouvait la voir, c'était certain, et, pour le moment, il ne pouvait pas non plus la sentir, même si cela viendrait.

Ce qui attirait la jeune femme, depuis qu'elle était enfant, c'était la différence. Élevée dans une famille de magiciens, elle était devenue sorcière pour découvrir l'inconnu, pour découvrir le mal. Toutes les grandes actions qu'elle avait entrepris dans son existence étaient les conséquences de sa curiosité, de sa non volonté de se conformer à ce que les autres attendaient d'elle. Il est vrai que depuis qu'elle était Aether, ses principes avaient évolué, et s'étaient même perdus durant un moment. Néanmoins, elle les avait recouvré le jour où elle avait décidé de se battre contre les siens, contre les Aetheri. Elle était la déesse de la justice et certains comportements n'étaient pas conformes aux règles anciennes établies. Quand le goût de la compétition lui avait semblé fade, ne pouvant se battre décemment contre les Mortels, ne pouvant craindre un quelconque risque, elle avait été plongée dans cette longue phase dépressive. Elle souhaitait avoir des adversaires à sa hauteur et c'était pour cela qu'elle s'était résolue à prendre ceux qui étaient immortels, à se confronter aux autres dieux, à ceux qui lui étaient supérieurs. Elle avait toujours voulu sentir le danger, sentir son cœur battre pour l'inconnu, pour l'incroyable et elle avait cru jusqu'ici que jamais plus elle ne ressentirait cela. A présent, tout était différent. Cependant, pour revenir à notre propos, la jeune femme aimait la différence, ce qui sortait de l'ordinaire, qui enfreignait la « normalité ». Ce n'était pas pour le fait qu'il soit aveugle qu'elle avait été attirée par Eerah, simplement parce qu'il était entré ici pour une raison autre que celle consistant à la prier. Des fidèles, elle en avait de plus en plus et, malheureusement, ils se ressemblaient tous de plus en plus également. Elle trouvait cette partie de son culte fade à en mourir. Toujours les mêmes problèmes, toujours les mêmes airs suppliants. Peut-être que la femme de pouvoir qu'elle avait été jadis aurait trouvé cela plaisant de se faire admirer, mais, en réalité, au delà des apparences, elle n'avait jamais aimé ça. Elle préférait qu'on la défie, qu'on la surprenne, qu'on veuille lui prouver qu'elle n'était pas la plus compétente. De même, elle ne voulait pas être qu'une inconnue avec laquelle on avait simplement discuté. Elle voulait marquer les esprits, mais pas forcément en tant que déesse. Au final, son élévation n'avait été qu'un défi qu'elle s'était lancée à elle-même, sans réellement réfléchir au fait qu'ensuite, une fois devenue divine, elle n'aurait plus de réels adversaires.

Elle sourit, admirant le visage de l'ange déchu. Elle allait lui proposer un jeu, plutôt court en réalité mais qui serait amusant, surtout pour son commencement. Elle se mit donc à chanter doucement.


Cela était juste fait pour attirer l'attention du jeune homme vers elle. Elle passa l'une de ses mains devant ses yeux, lui rendant la vue avec une facilité qu'elle n'aurait jamais imaginé. Cela ne durerait pas éternellement, elle n'avait pas encore la puissance nécessaire pour ce faire mais l'expérience s'avérait intéressante. Elle tira avec délicatesse sur le bandeau d'Eerah afin de lui ôter. Elle serait la première chose qu'il verrait aujourd'hui mais il ne la verrait guère longtemps car c'est ici que se continuerait le jeu qui avait débuté. « C'est vous le chat. ». Elle disparut, continuant pourtant à chanter. Quelque part, dans le monument, l'on pouvait entendre l'écho de sa voix. La question restait de savoir si cet homme était joueur ou non, et surtout, s'il se remettrait de ce qu'elle venait de lui faire subir.
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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
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◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Dim 08 Déc 2013, 00:18

Les doigts croisés en un simulacre de prière, Eerah se contentait de ne pas trop attirer l’attention sur lui. Un aveugle courbé, les mains jointes, habillé de noir, broyant du noir, jusque-là il ne dénotait pas trop sur le thème religieux. Ses problèmes étaient simplement différents, et il doutait sérieusement que quiconque, les dieux y-compris, en eut quelque chose à faire. Ces croyants – de son point de vue – étaient bien prétentieux de penser qu’une entité supérieure viendrait s’apitoyer sur leur sort. Lui du moins n’en espérait pas tant. « Aide toi, et le ciel t’aidera. ». Un proverbe à moitié stupide. Il aurait dû s’arrêter aux deux premiers mots. Le silence, le calme, voilà ce qui faisait avancer les gens, voilà ce qui les amenait à réfléchir. Pas les encens étourdissants, les prières répétitives, ou encore cette sale manie qu’avaient les ecclésiastiques à penser que pauvreté et chasteté pouvaient les aider à se faire bien voir par leurs divinités. Surement une stupide invention Ange. Les Ailes Blanches aimaient bien imposer leur vérité à tous les peuples. Si facile, lorsqu’on est immortel, de faire passer ses mots pour de l’or. Il aurait suffi qu’un Démon passe avant, et tout serait différent.

Avec un soupir lassé, il se recula dans son siège. Le voilà encore qui digressait sur des sujets éloignés ; pour ne pas se recentrer sur ce qui le préoccupait vraiment. Il y avait dehors un enfant qui pleurait, et une bonne quarantaine de personnes en train de conter à qui voulait l’entendre que les Déchus étaient bien les irresponsables sans compassion que l’on imaginait. Par sa faute. Pas étonnant que leur image n’aille pas en s’améliorant. Non, ce n’était pas sa faute, c’était celle du gamin. C’est lui qui n’avait pas reçu la bonne éducation. Donc c’était la faute des parents. Non, s’il était là, dans ce parc, c’était à cause de ce fou d’ermite. Pourquoi donc l’écoutait-il encore ? Parce qu’il l’avait demandé. Donc c’était de sa faute. On ne s’en sortait pas. Peu importe les chemins empruntés, il en arrivait toujours à la même et insatisfaisante conclusion. L’erreur provenait de lui, et de personne d’autre. Et alors ? Si on y pensait bien, sans l’oppression des Anges, il ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Il se serait mis des gifles. Toute cette réflexion tournait en rond, pour une seule raison. Il y eu un temps où l’idée de se remettre en question ne lui serait même pas venue à l’esprit. Mais plus il progressait sur la voie du savoir, plus il devait se rendre à l’évidence. Ce n’était pas aussi simple. Ça devrait l’être. Et pourquoi ça ne le serait pas ? Qui avait décidé que quelqu’un de sage était de fait quelqu’un de bon ? Le savoir n’était pas bon, puisque le savoir était, point final. Ni bon, ni mal. Ni triste, ni joyeux. Pas aussi joyeux que cette chanson.

Cette chanson, d’où provenait-elle ? Une voix profonde et chaude, une voix souriante l’entourait, comme surgie de nulle part. Mais personne ne chantait dans une église, du moins rien d’aussi guilleret. Le plus agaçant était que rien ne lui permettait de situer l’origine de la mélodie. Elle provenait de partout et de nulle part à la fois ; on l’aurait dit faite pour le perdre. Il avait l’impression d’avoir déjà vécu une situation de ce genre, sans pouvoir mettre le doigt sur un souvenir en particulier. Le tout le laissait extrêmement perplexe, passablement énervé, et surtout – et malheureusement – terriblement curieux. Pourquoi est-ce que personne ne se plaignait ? Les religieux étaient d’incroyables rabat-joie, et c’était son rôle de crier au scandale ? Incroyable. Le Déchu entrouvrit les lèvres, en une fine ligne noire, et toute la mélodie se groupa brusquement derrière lui. Coupé en pleine inspiration, il cessa de respirer un instant. Le sang battait à ses oreilles, l’adrénaline afflua dans son corps ; comme au début d’un combat. Qu’était-ce ? Une dague, une corde, du poison ? Quelle serais la prochaine chose qui toucherait sa peau ? Sa main se crispa et un frisson le parcouru ; quelque chose venait de passer devant lui. C’était ténu, inaudible, sans odeur, mais c’était là. La seconde d’après, le tissu glissait sur sa chair, et la lueur des bougies vint frapper ses paupières. Il aurait pu se retourner, attraper celui qui venait de lui ôter son bandeau, et lui faire passer l’envie de réessayer. Mais il y avait plus important. Parce que les bougies, ces bougies qu’il avait imaginé, senti, entendu, touché, ces bougies, il les voyait. Les flammes, minuscules flammes se détachant dans le noir, glissant lentement des tâches floues aux éclats rougeâtres qu’il avait connu il y a si longtemps. Et il la vit, elle.

C’était une femme, bien trop parfaite pour être réelle. Deux immenses émeraudes qui l’observait, deux failles inextricables, pulsant du vert le plus simple, le vert des forêts, aux teintes les plus indescriptibles. Une chevelure dorée, ondulante sous un vent qui n’existait pas, brillante sous un soleil absent, et une peau à nulle autre pareille, que l’on mourait d’envie de toucher, sans oser, de peur qu’elle disparaisse. Comment pouvait-il la voir ? Un rêve ou la mort, pas d’autre solution. Un murmure, une phrase plus tard, et sans surprise, elle s’évanouit dans l’air. Mais les couleurs étaient encore là, la lumière était toujours là, brûlante, douloureuse. Il avait des yeux, ses beaux yeux vairons, héritage de son ancienne vie, ces yeux verts et jaunes, ils avaient retrouvé leur éclat, ils ne cherchaient plus en vain dans le néant. Et ça faisait mal. Eerah souffrait, comme jamais. Tout était si brillant, si dur. Un rideau humide vînt recouvrir sa vision, tandis que les larmes roulaient sur ses joues. C’était impossible, tout ça n’était pas possible. « C’est vous le chat. ». La voix résonnait encore, loin, très loin, le chant s’élevait toujours, attendant d’être trouvé. Qui était-elle, que voulait-elle ? Un jeu d’enfant en échange de sa vie transformée de nouveau ? Non, non, les miracles n’existaient pas. Tout avait un prix. Sans savoir pourquoi, il se leva brusquement, les yeux plissés, cachés derrière l’ombre protectrice de son avant-bras, et fila vers la mélodie.

La marche était rude, la course encore plus. Eerah trébuchait sur chaque marche, se heurtait à chaque mur. Le monde entier n’était plus qu’une succession de formes floues, glissant sur sa paupière sans la heurter. Il ne prêtait plus attention aux sons, oubliait les odeurs, se contentait d’avancer quand il le pouvait, de tourner lorsque qu’il ne pouvait plus aller de l’avant, avec pour seul objectif, cette voix, la voix qui avait tout changé. C’en était trop, trop de lumière, trop d’informations. Son cerveau lui semblait ralenti, avec ce nouveau sens à analyser, il perdait du temps à observer des choses sans importance, perdait du temps à reconnaitre le bleu du rouge, le sombre du lumineux. Il perdait du temps à mesurer la distance qui le séparait de la prochaine porte, il perdait du temps à chercher un endroit où se fixer. Pourquoi est-ce que le jour où la vue lui était rendue, un jour dont il avait rêvé, des milliers de fois, pourquoi est-ce qu’aujourd’hui, il n’en voulait plus ? Mais il n’osait pas fermer les yeux, de peur de voir partir les lueurs, alors qu’elles étaient si douloureuses. Son crâne commençait à lui faire vraiment mal, ses yeux le brûlaient. Mais il devait la trouver, la toucher. « C’est vous le chat. ». Peut-être qu’elle expliquerait. Gagner, c’est savoir. Et il ne gagnerait pas comme ça. Après une brève hésitation, il ferma les yeux.

Là, le son. Les odeurs, les pensées. Tout était là. Un couloir de douze pieds de long, une porte en chêne, recouverte de cire, le sol en marbre, les tapisseries sur les murs, rêches au toucher. Et la voix, plus loin, devant, derrière une dizaine d’échos. D’un coup, il courut avec plus d’aisance. Ses propres pas lui montrait le chemin, traçaient dans son esprit la voie vers la chanson. Il ne touchait plus les murs, ne trébuchait plus. Et ne voyait plus. Il ne voulait pas voir ; c’était trop dur, insupportable. Une autre porte, et elle serait là. La voix était là. Haletant, il tira le loquet, à lui, et entra. Les sons étaient plus calfeutrés, atténués par du tissu, surement des coussins ou des tapis. Des coussins ou des tapis ? Question intéressante, si seulement il pouvait les voir… Mais il pouvait les voir. Le Déchu déglutit, et ouvrit à nouveau les yeux. Et si les lumières étaient parties ? Devrais-t-il être heureux, ou malheureux ? Rouge. Non, elles n’avaient pas disparu. Des coussins, rouges, sur des canapés, rouges, illuminés par un unique chandelier. La femme n’était pas là, mais la voix résonnait.

-« Où êtes-vous ?! Pourquoi ? Pourquoi avez-vous fait ça ?! »

Elle le lui avait pourtant dit. « C’est vous le chat. ». Tout ça n’était qu’un jeu, un jeu d’enfant, et il devait gagner. Il plissa les paupières sous la brûlure des lueurs. Gagner quoi ? Contre qui ?



Où le calme règne | ft. Mitsuko GqzDWY

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Mitsu
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◈ YinYanisé(e) le : 07/07/2005
Mitsu
Lun 09 Déc 2013, 20:23


« Et pourquoi pas ? ». La tête de Mitsuko venait d'apparaître juste en face de celle du déchu. En réalité, elle le regardait à l'envers, son corps flottant toujours dans les airs sauf que ses pieds se trouvaient en direction du plafond. Sa chevelure subissait l'attractivité terrestre mais sa robe, elle, était bien en place, comme en apesanteur. Elle sourit, fixant ses yeux dans ceux de l'ancien orisha, admirant leur couleur avec un calme qui dénotait totalement de l'état dans lequel cet homme semblait être. Ils étaient beaux, ses yeux, c'était simplement dommage qu'il ne puisse plus les utiliser, qu'il doive les cacher au monde. Après un instant à contempler tous ces petits détails d'infiniment petit qui se trouvaient dans les couleurs de ces deux billes auparavant mortes et que les Mortels ne pouvaient guère percevoir à l’œil nu, elle se décida enfin à bouger. Aussi, elle laissa tomber son corps comme s'il s'était agit de l'une des aiguilles d'une montre, prise de folie, pour se retrouver dans le même sens que lui, ne touchant pourtant pas le sol. Elle avança doucement son visage vers l'homme comme si elle souhaitait l'observer plus attentivement avant de se reculer dans un élan qui ne déplaça nullement l'air. Peut-être n'était-ce point des manières de traiter un inconnu après tout mais, finalement, elle ne lui voulait aucun mal, juste se distraire et, par conséquent, le distraire aussi. Sauf que, parfois, elle n'avait pas réellement la même notion du terme distraction que les autres. Enfin, elle verrait bien.

Elle finit par s'asseoir tranquillement sur un sofa, un coussin se déplaçant pour venir se nicher derrière son dos, toujours silencieuse. « Voir ou non, au final, cela ne change rien. ». Elle ferma les yeux. « Bien des individus pensent voir mais ils ne sont qu'aveugles alors que... ». Elle sourit. « des aveugles voient bien plus que des voyants. N'est ce pas un paradoxe déroutant ? ». Bien sûr, la déesse n'avait pas répondu à ses questions mais les réponses viendraient. « Si l'on retirait la vue de tous ceux qui passent devant un magnifique paysage sans y prêter attention, si l'on retirait la vue de tout ceux qui sont indignes de ce sens si merveilleux, alors beaucoup seraient aveugles. N'est ce pas en perdant quelque chose que l'on se rend compte de sa valeur ? ». C'était en perdant sa mortalité qu'elle s'était aperçue de la richesse que celle-ci possédait. La mortalité, une chose que bien des êtres voudraient fuir mais qui, pour elle, était le don le plus précieux, le don de sentir son cœur battre dans sa poitrine, le don de découvrir encore et encore des choses plus extraordinaires les unes que les autres.

Elle se leva, ses pieds touchant cette fois le sol. Elle sourit, s'approchant d'Eerah avant de murmurer : « A quoi cela sert-il de voir si l'on est incapable de ressentir ? Alors, oui, je me suis dit : pourquoi pas. Pourquoi ne pas vous rendre la vue à vous qui, contrairement à bien des êtres, ressentez le monde ? ». Elle rit, lui tendant la main. « Vous savez, si j'avais été bien moins raisonnable, j'aurai choisi de représenter les rêves. ». Mitsuko savait que dans ce domaine, il y avait déjà un prince mais Aether des rêves aurait été un privilège. Les rêves étaient immuables, changeants, palpitants, ils n'avaient aucune limite si ce n'était celles imposées par la réalité. Peut-être aurait-elle connu une vie Immortelle bien plus épicées, bien plus digne de ses espérances. Beaucoup de dieux n'accordaient guère d'importance aux Mortels, les voyant comme des fidèles qui leur permettaient de vivre mais n'ayant que faire de la façon dont ils pouvaient bien mener leurs existences. Que des guerres terribles éclates ou que la paix règne, peu importait pour ceux qui ne pouvaient connaître la mort. Mais la jeune femme était différente, elle comprenait la richesse des Hommes, celle-ci la fascinait même. « Quant à où je suis, je peux être partout et nulle part à la fois. ». Elle disparut, réapparaissant derrière lui en silence. « Ici... ou... ». Elle revint à sa place initiale : « ici. ».

Elle rit, semblant ravie, puis ajouta. « Si vous souhaitez abandonner la réalité de votre quotidien pour le temps que nous passerons ensembles, alors il se peut que je puisse faire de vos rêves une nouvelle réalité. Car, après tout, les choses sont réelles pour qui les croit ainsi. Je pourrai vous emmener voir le monde qui n'était que sensation jusqu'ici, nous pourrions apparaître sur le sommet de la montagne de l'Edelweiss enneigée ou au cœur de l'océan. Qu'en dîtes-vous ? Quels sont vos rêves ? ».
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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
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◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Mar 10 Déc 2013, 01:03

Une proie. Une frêle et faible proie, prise entre deux feux, incapable de bouger. Il était là, criant, hurlant, meurtri, et elle était apparue, sans un bruit. Le visage renversé, elle se tenait face à lui, mettant à bas les lois physiques. Les yeux dans les yeux. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était se laisser examiner, impuissant. Pendant un instant, une heure ou une année, le silence était d’or, l’échange muet. Pour la première fois depuis qu’elle lui avait été rendue, le Déchu se concentrait sur sa vue. Même lorsqu’elle était inversée, il se sentait difforme, comparé à elle. Il n’arrivait pas à mettre à jour le moindre défaut, la moindre imperfection. Qu’était-elle ? Un esprit, un génie ? Une illusion ? Peut-être qu’il passait son temps à courir après une image. Vivre et mourir en courant après un rêve, c’était peut-être ça, le prix de ses yeux. Eerah pensait si fort, si vite, si vainement, qu’il en venait à se demander si le haut était vraiment le haut, si le bas était vraiment le bas, si ce n’était pas lui, l’illusion, si les deux derniers siècles n’avaient pas été qu’un rêve sombre, empli de sang et de douleur.

Doucement, elle pivota, tombant lentement, sans jamais cesser de l’observer. Son bandeau l’avait toujours protégé des confrontations visuelles, des regards trop appuyés, des coups d’œil significatifs. Un simple morceau de tissu qui l’avait toujours laissé penser qu’il était maitre de la situation. Et après tant d’années, tant d’obscurité, il était contraint de subir à nouveau cette épreuve, sans la moindre solution de repli. Il n’osait pas cligner des yeux, n’osait pas briser le lien. En un souffle, elle se rapprocha de nouveau, et il cessa de respirer. Qui était-elle, pour imposer une telle pression ? Lorsqu’elle le libéra de sa présence, le Déchu manqua de trébucher, et la suivi du regard, tandis qu’elle prenait place sur un des canapés. S’il n’avait pas paru si aigri, usé, par rapport à elle, on aurait pu penser que l’élève était en présence du maitre. Lorsqu’enfin elle ferma les yeux, Eerah sentit presque glisser les chaînes qui le retenaient. Il tressaillit et tourna la tête. Tout ça était bien réel. Il voyait, et cette femme ni était pas pour rien. Mais pourquoi ? « Pourquoi pas ? ». La réponse trottait encore dans son crâne, leitmotiv agaçant. Chaque question qu’il s’était posé, qu’il se posait, qu’il se poserait, trouvait sa solution dans cette phrase. « Pourquoi pas ? ». Après tout, pourquoi devrait-il y avoir une raison, pourquoi devrait-il y avoir un but à tout ça ?

Sa voix trancha doucement le silence, et se répandit dans toute la pièce. La bienséance aurait voulu qu’il se tourne pour la regarder, mais après avoir rompu le contact, se replonger dans ces yeux semblait impossible. Le Déchu se couva la bouche de sa main, et fit quelques pas dans le salon, sans oser s’asseoir à son tour. Il n’arrivait absolument pas à fixer son esprit sur quelque chose ; tout ce discours, cette façon de parler et cette voix avaient le don de le laisser désemparé, et à chaque question rhétorique qu’elle énonçait, il hochait la tête mécaniquement, sans réfléchir. Tout en lui le poussait à l’interrompre, à la bombarder de question sur elle, son identité, ses capacités, sur tout ce qu’elle aurait pu lui raconter, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Ses yeux affolés parcouraient tout ce qu’il pouvait accrocher, sans savoir quoi faire des informations reçues ; tout ça était de trop pour lui. Au prix d’un ultime effort, il se tourna de nouveau vers elle, et ses prunelles se fixèrent sur ses pieds. Elle ne portait aucune chaussure. Lorsqu’il avait eu un aperçu de son futur, au dôme d’Utopia, lui non plus n’en avait pas. Pourquoi est-ce qu’il pensait à ça ? Parce qu’il ne voulait pas monter les yeux. La réponse était aussi évidente que frustrante. Elle était en robe, et le tissu ne laissait absolument aucun doute sur la perfection de ses courbes ; comme s’il n’avait pas assez compris à quel point elle était belle. Il dut s’y reprendre à plusieurs reprises avant de quitter son corps pour aller chercher son regard. Encore un inconvénient de la vue. Aveugle, il ne s’embarrassait jamais de ce genre de considération. Il n’était jamais gêné, n’hésitait jamais, n’avait jamais à montrer son intérêt. Un son n’avait pas de forme, pas de couleur, un son ne donnait pas envie, un son ne portait pas de vêtements aussi ajustés, et un son n’avait pas à être beau. Absolument tous les éléments se liguaient pour lui donner l’impression que son sens rendu était plus un fardeau qu’un cadeau.

Pourquoi diable n’arrivait-il pas à produire un son ? Il n’était pas comme ça, il n’avait jamais été comme ça. Eerah Scaldes était un homme galant, un homme courtois et de compagnie facile, pourquoi en était-il rendu à se comporter en enfant ? La jeune femme se leva de nouveau pour lui faire face, souriante, joyeuse ; et il y avait peu de chance que cela continue longtemps s’il s’obstinait à paraitre si fragile. Il se força à esquisser un sourire, sourire crispé et peu convaincant, mais sourire tout de même. C’était la moindre des choses, ce qu’il parvenait à capter de son discours était plutôt encourageant ; cela sonnait presque comme un compliment. Mais elle jouait avec lui, c’était évident. Du moins ç’aurait dû l’être pour le Déchu. Il parvint encore à s’étonner de son tour de passe-passe, lorsqu’elle disparut pour réapparaitre derrière lui. Tout dans cette femme pulsait de tentation ; son enveloppe charnelle, évidemment, mais également les mots qu’elle prononçait. Elle évoquait des merveilles, des splendeurs ; elle évoquait des rêves.

C’était trop facile. Trop simple. Eerah détestait la simplicité. La simplicité est synonyme de fragilité, de contrepartie. Tout ça aurait bien pu être un piège. Ou pas. Ce que le déchu détestait encore plus que la simplicité, c’était surement l’ambiguïté. Avec un condensé de mystère, de questions et choses impossibles comme cette femme, il était servi. Pourtant il mourrait d’envie de lui faire confiance. Son rire était sincère, ses gestes étaient doux, ses intentions semblaient justes. Fallait-il être aigri à ce point pour refuser de simplement se laisser aller à l’allégresse, à la simplicité ? Peut-être qu’il avait été aveugle trop longtemps. La jeune femme attendait, attentive, qu’il réponde, et il réfléchissait encore, bouche bée, perdu dans ses yeux.

-« Je… Je ne sais pas. Que... Qu’en serait-il, si je n’avais pas de rêve ? Où s’il était impossible à réaliser ? »

Il ne la laissa pas répondre, et poursuivit :

-« Je veux dire… Non, non, je ne comprends pas. Qui êtes-vous, qu’êtes-vous ? Vous me semblez juste, et j’ai envie de vous croire, je vous assure ! Vraiment ! Mais si… Si vous me comprenez, vous devez savoir que la vie n’est jamais aussi simple. Je ne suis qu’un mercenaire, aveugle, usé, meurtri. J’ai tué, torturé, maudit, j’ai réduit des vies en poussière pour des raisons futiles, et vous voudriez me faire croire que j’ai mérité ça ? Que j’ai mérité ce présent ? Non, je suis désolé, mais vous vous trompez. Je ressens peut-être le monde, mais ce n’est pas pour rien qu’il m’en refuse la vue. Je ne… Je… Je ne suis plus sûr de vouloir voir à nouveau. »

La dernière fois qu’une phrase aussi longue, aussi sincère avait franchi ses lèvres, il possédait une paire d’ailes blanches, et un sourire était constamment plaqué sur son visage. Quel besoin viscéral l’avait poussé à se confier à une parfaite inconnue ? Il se sentait pitoyable. Il était pitoyable. Tout ça à cause de cet enfant ! Ce n’était qu’une balle, il n’avait pas mal, il n’était pas blessé, une minute de plus et le garçon se serait lassé, il serait parti, et lui serait assis sur l’herbe ; il aurait eu une raison d’être fier de lui. On ne récompense pas l’échec, on le punit. C’était la seule solution. Tout ça n’était qu’une punition, visant à le remettre sur le bon chemin. Le monde ne pouvait pas être aussi absurde.



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Mitsu
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Mitsu
Mar 10 Déc 2013, 12:38


Mitsuko sourit alors que la pièce autour d'eux s'estompait. L'air souffla doucement, faisant voleter les cheveux de la déesse, faisant s'ébouriffer ceux du déchu. Il n'y avait qu'à regarder autour d'eux pour se rendre compte qu'ils n'étaient plus dans ce bâtiment où l'homme avait cru bon d'entrer quelques temps auparavant. Cela faisait combien de minutes déjà ? La jeune femme n'aurait su le dire, comme si cette notion ne lui importait pas, comme si, pour elle, qu'il se soit écoulé une seconde ou une siècle, rien ne changeait. Cependant, il ne fallait guère être dupe car, en réalité, quelque chose la maintenait accrochée au temps, quelque chose qui pouvait mourir. Car oui, elle était Immortelle mais ceux qu'elle aimait ne l'étaient point. Elle ne souhaitait jamais sortir d'une longue réflexion pour s'apercevoir que des siècles s'étaient écoulés, que ses enfants étaient morts, que son époux était mort, que le monde qu'elle avait connu avait changé d'un seul clignement des yeux. C'est aussi cela que certains Mortels ne comprenaient pas. Les dieux étaient parfois silencieux mais qui ne vit pas sur le même plan ne peut en aucun cas attendre de l'autre la même chose que des individus étant identiques. Les Aetheri pouvaient faire mille choses en trois secondes, ou aucune en dix années. Bien sûr, les plus puissants d'entre eux maîtrisaient le temps mais, ceux de sa puissance n'avaient aucun pouvoir sur lui. Alors, du plus profond de son Immortalité, Mitsuko avait peur, peur qu'un jour tout ce qu'elle avait chéri – si peu de choses pourtant – disparaisse. Elle avait peur de se rendre compte que des voix apeurées, des voix aimées, l'eurent appelé cent fois sans que jamais elle ne réponde, ne laissant que le vent de l'absence briser le silence. Peut-être était-elle trop proche des Mortels pour son propre bien, mais, finalement, peut-être aussi que cela la sauvait. Au final, elle aimait avoir peur, douter, tout comme Eerah doutait de mériter la vue qu'elle lui avait rendu, tout comme Eerah pouvait être plongé dans l'incompréhension, dans la peur de la réalité qu'elle pouvait lui offrir. Le bien, le mal, ces deux notions appartenaient réellement à ceux qui foulaient ces terres. La mort était une autre question, une question qu'elle n'avait comprise que lorsqu'elle était devenue déesse.

Doucement, elle tendit ses mains vers l'ange déchu, créant dans l'une d'elle une sphère blanche, créant dans l'autre une sphère noire. Elle les présenta. « Le bien, le mal. A jamais ensembles. ». Elle les réunit, formant le Yin et le Yang. « Ils sont dépendants l'un de l'autre. L'un ne pourrait subsister sans l'autre, comme deux âmes sœurs que les être les plus puissants de ce monde ne pourraient jamais séparer. Jamais. ». Sa voix était calme, douce. Elle se rappelait le crime de cet ange, Delix, qui avait construit des pylônes visant à anéantir le mal. Seulement, la neutralité en avait pâti car le mal se trouvait en elle. Seulement, le bien en avait pâti, car sans le mal, comment savoir ce qui est bien, comment conserver cette valeur ? Elle sourit. « Vous dîtes avoir commis bien des crimes dans votre vie n'est ce pas ? ». Elle rit. « Je vous répondrais que vous n'avez été que le pion de ces crimes. Savez-vous que les vies à prendre sont décidés à l'avance ? Hum ? ». Deux Aetheri étaient responsables de la vie et la mort, les deux qui représentaient ces domaines et qui décidait du sort de l'humanité de façon si neutre, si détachée. Ces deux dieux n'avaient guère besoin de parcourir les routes en quête de fidèles car, après tout, quel Mortel ne priait pas pour une nouvelle vie ou pour éviter la mort ? Quel Mortel n'avait jamais souhaité la mort d'un autre ? Le culte n'était que secondaire pour eux. Et, bien sûr, l'esprit de la mort relayait les volontés de ces dieux, et les gardiens du sceau, ceux qui avaient le pouvoir de jouer le Requiem, décidaient de comment les individus en question trouveraient cette mort destinée. Que cela soit par noyade, que cela soit par l'épée, par vengeance, peu importait, la mort était déjà décidée à l'avance et personne ne pouvait s'y soustraire. « Si vous n'aviez pas été l'auteur de ces crimes, quelqu'un d'autre l'aurait été. C'est ainsi que la mort est régie et même si vous croyez que le hasard ou la malchance emporte la vie, il n'en est rien. ». Elle rit. « Vous pouvez donc voir dans vos crimes une manipulation du destin en quelque sorte. ». Cela revenait à lui dire que la véritable victime n'était autre que lui mais, en réalité, peut-être était ce cela ? Car seuls ceux qui restaient portaient la douleur de la perte, les remords de l'acte, les regrets de toute une vie.

Mitsuko regarda autour d'eux. Ils lévitaient dans le ciel, au dessus de l'océan, le soleil se dirigeant vers un horizon alors que la lune naissait de l'horizon opposée. « Que vous le méritiez ou non, je ne pourrai vous maintenir dans un état de voyance contre votre volonté. Enfin, si, je le pourrai, mais ce ne serait pas juste, cruel même peut-être. ». Elle rit de nouveau, doucement, légèrement. « Attention, je peux l'être parfois, cruelle, mais seulement envers ceux qui le méritent. ». Ou peut-être pouvait-elle aussi l'être gratuitement ? Elle savait représenter le mal, elle l'avait déjà fait par le passé. Mais pas seulement, elle avait représenté le bien également et, aussi, cette neutralité si dure à illustrer. « Quant à qui je suis, quelle importance ? Après tout, si vos sens travaillent mon souvenir, alors jamais vous ne m'oublierez. Alors faites en sorte que votre odorat sente mon parfum, que vos mains touchent les miennes, que votre ouïe s'empare des tonalités de ma voix, que votre goût me donne une saveur et, enfin, que vos yeux me voient pendant que vous le pouvez encore. Ce ne sera qu'à cette condition, qu'en vous remémorant les moments passés ensembles, que vous pourrez trouver qui je suis. Et lorsque vous sentirez une odeur similaire à la mienne, elle vous fera penser à moi. Vous vous rappellerez de cette femme qui, un jour, a décidé de vous faire tomber vers l'océan... ». Et, alors qu'elle venait de dire cela, la gravité attira le déchu vers l'océan, comme s'il tombait dans un puits profond, comme si le sol inexistant s'était dérobé sous ses pieds. Il pourrait se rattraper en volant avant d'atteindre l'eau, bien sûr. Mitsuko sourit. Ce n'était qu'au prix de la peur, du doute, des sensations d'une chute, que l'on prenait conscience d'être vivant, que l'on se rendait compte de la beauté du monde, que l'on soit voyant ou non, que l'on se rendait compte de sa chance.
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Eerah
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Eerah
Mer 11 Déc 2013, 01:29

Quelque chose avait changé, dans son regard. C’était infime, un simple reflet ; Eerah s’étonnait même d’avoir réussi à l’apercevoir. Comme une fine onde bleutée, comme un reflet de ciel. Et pour cause ; quelque chose n’allait pas. Les sons n’étaient plus étouffés, la lumière était différente. Pour la seconde fois, il se risqua à quitter des yeux le visage divin. Et pour la seconde fois, l’air déserta ses poumons. Les sofas, les coussins, les flammes des bougies, tout s’était évanoui. Le soleil se couchait dans son dos, la lune s’emparait progressivement du ciel. Il aurait pu pleurer. Ce spectacle, il l’avait si souvent rêvé. Voir à nouveau le ciel, voir à nouveau les étoiles. Le Déchu trébucha sous l’écrasante voute céleste, s’écarta de quelques pas de la jeune femme. C’était si beau, si impossible. Loin, très loin en arrière, il se voyait, enfant, allongé dans l’herbe, imaginant que le monde s’inversait, et qu’il tombait dans l’infini, qu’il chutait vers le noir, sans savoir que le noir ferait sa chute. Ce n’était pas une réponse, ce n’était pas une solution, ce n’était qu’un doute de plus ; c’était tout ce qui lui manquait le plus, lorsqu’il était aveugle. Le ciel, la lune, les étoiles. Pourrait-il les perdre à nouveau sans perdre également la raison ? Il s’arracha à se spectacle pour baisser les yeux vers le sol.

Un réflexe instinctif, animal, le poussa à étirer ses ailes en un vacarme de plumes. Le sol était loin, bien loin d’eux. L’océan, un immense drap en mouvement perpétuel, agité de toute part, à la fois calme et déchainé. Loin à l’ouest, la mer brûlait d’un feu iridescent, qui se perdait, disparaissait dans l’obscurité orientale. Pourtant, il se tenait debout, sur ses jambes. Un rapide regard vers la jeune femme lui confirma qu’elle était à l’origine de tout ça. Avec un grognement embarrassé, il rentra ses appendices dorsaux, et se redressa. Cette femme était loin d’être aussi humaine que son apparence pouvait le laisser supposer, aussi bien d’un point de vue physique que psychologique, elle brisait la logique. Se libérer de la logique. Une idée qu’il avait lui-même prônée, lors de la Coupe des Nations, une idée bien plus facile à imaginer qu’à mettre en œuvre. Là était tout le problème des sages, des érudits, des « visionnaires » ; si prompts à discourir, si peu à agir. Des mots, et encore des mots, sans fin, alors que la réalité était tellement plus complexe, plus intéressante. Deux orbes vinrent se nicher au creux des mains de la femme, de l’esprit, peu importe ce qu’elle était réellement. Le bien, le mal. Et c’était tout. Définir les deux notions les plus puissantes, les plus abstraites et complexes de ce monde, en deux couleurs, le noir et le blanc. S’il l’avait cru plaisanter, il aurait souligné avec sarcasme le culot dont elle faisait preuve. Mais le plus effrayant était qu’il la croyait volontiers. Et si finalement, tout était bien plus simple ? Les deux perles de lumières vinrent fusionner en un symbole bien connu, celui qui ornait chaque gravure, chaque tenture qui s’était un jour arrogé le droit de conter l’histoire de ces terres, les terres du Yin et du Yang.

Avec une simplicité effrayante, elle lui donna l’absolution en attribuant ses crimes au destin. De quoi ravir le meurtrier moyen, mais pas Eerah. Comment attribuer ce qu’il avait fait à une force supérieure ? Etait-il vraiment écrit quelque part que cet ange, dont il avait oublié le nom, le visage et la voix, avait mérité d’être torturé pendant des heures, cet être qui avait poussé des cris qui resterons à jamais gravé dans sa mémoire, qu’il avait été destiné à mourir seul, loin des siens, dans un mare de boue et de sang ? Avait-elle la moindre idée de ce qu’elle était en train de déclarer ? Il recula d’un pas, le visage décomposé.

-« Je ne vous crois pas. Vous mentez. »

Non, elle ne mentait pas. Il le sentait, le voyait ; elle ne mentait pas. Le monde était ainsi, chaotique et pourtant déjà prévu, équilibré et pourtant si injuste. Le seul droit qui lui était échu, c’était de choisir comment exécuter la volonté des plus grands. Et c’était infiniment, terriblement triste, épuisant. Qui pouvait-elle être pour rire d’une telle fatalité ? Elle ne voulait pas répondre. Elle ne répondrait pas. Elle était « Elle », la femme qui changeait tout. Non, il était hors de question de l’oublier. Il était impossible d’oublier cette senteur de frêne et de noisette, cette odeur de vieux et de nouveau. Impossible de ne plus entendre sa voix, cette voix d’acier et de velours, d’épines et de pétales. Impossible de ne pas ressentir cette peau, d’oublier ces doigts de feu et de glace, ce visage de porcelaine. Impossible d’oublier cette douce amertume. Impossible d’ignorer ce vert, de se soustraire à ces yeux. Ce regard auquel il s’accrochait comme à un récif en pleine tempête, ce regard qu’il voulait fuir à tout prix. Ce regard qu’il fixait encore, alors qu’il tombait. Il tombait. Elle l’avait lâché, et il tombait, vers l’eau, vers le néant. Pourquoi ? Il pouvait voler sans son aide, il pouvait se soustraire à la gravité aussi bien qu’elle. Alors pourquoi ? Elle savait qu’il ne mourrait pas. C’était écrit, non ? Il ne mourrait pas. Et s’il ne sortait pas ses ailes ? S’il décidait que c’en était trop, ici et maintenant, que tout ça n’avait plus d’intérêt ? L’impact sera fatal, sa mort immédiate, rapide. Plus de souffrance, plus de souvenirs douloureux, plus d’obscurité, le néant, enfin et à jamais. Et s’il décidait de lui-même de se soustraire à ce destin, ce cruel livre qui décrivait déjà où et quand il devrait trépasser ? Non, l’ironie était telle que même ce choix lui avait été ôté. Dans tous les cas, c’en était fini. S’il décidait de mourir, c’est que son heure était venue. S’il décidait de déplier ces ailes, alors le Destin l’aurait prévu également. À quoi bon vivre dans un tel monde. Il ferma les yeux, et se laissa filer dans l’air. Le vent hurlait à ses tympans, lui criait de réagir, et il faisait la sourde oreille. Il entendait même les vagues qui se rapprochaient. Plus qu’une centaine de mètres, et tout prendrait fin. Et alors, il surgit. Un aigle, un vieil aigle, surement venu en mer pour y mourir, poussa un long cri, puissant, vibrant de vie, d’émotion. Les paupières du Déchu battirent, et il tourna la tête. Là-bas, voguant dans les cieux, vers le dernier soleil qu’il verrait, l’oiseau affrontait la réalité, et une dernière fois, se battait pour la vie. Il se moquait de lui, le mettait au défi d’en faire autant. Eerah senti une bile amère lui monter à la gorge.

-« Dieux… Que c’est beau. »

Les plumes noires jaillirent, et brisèrent sa chute, l’arrachant violemment à sa mort. Pas aujourd’hui. Il n’avait pas fini. Il n’était qu’à quelques mètres de l’eau, suffisamment pour sentir les embruns sur son visage, l’odeur salée de la marée, suffisamment pour entendre le fracas des vagues, sentir l’Alizé entre ses doigts. Il ne pouvait pas abandonner tout cela. Les yeux clos, il lévita une seconde, goutant à tout ce qui lui parvenait. Qui en profiterait, s’il n’était pas là, pour écouter la mer, écouter la vie ? Il n’avait pas le droit de laisser le monde chanter dans le vide. En quelques battements d’ailes, il remonta vers la déesse. Ça ne pouvait être que ça. Qui, sinon ? Arrivé à sa hauteur, il la considéra longuement. Puis ses paupières s’abaissèrent.

-« Je ne suis pas d’accord avec votre monde. Je ne suis pas d’accord avec ce que vous réservez à tous ceux qui y vivent, et je n’aurais de cesse que de le faire changer. Mais il est beau, dangereusement beau. J’aime ce monde, et je le déteste tout autant. Reprenez votre présent. Je n’écouterais jamais assez bien si je suis occupé à voir. »

Une petite voix au fond de lui savait que le lendemain – s’il y avait un lendemain – il s’en mordrait les doigts. Mais il savait également qu’il avait raison. Et dire que tout cela venait d’une simple balle. Même à ce moment-là, il était incapable de savoir s’il devait la remercier ou la maudire. Une dernière fois, il ouvrit les yeux, et regarda la lune s’élever. Peut-être qu’elle lui manquerait. Peut-être. Avec un sourire, il osa une dernière question.

-« Puis-je au moins connaitre votre nom ? »



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Mitsu
Dim 15 Déc 2013, 00:55



« Oh non vous ne pouvez pas. ». La voix de la jeune femme s'était élevée, le vent rabattant une mèche de cheveux sur son visage, ses yeux verts emplis de malice. Elle souriait. Dans ses mains jointes, un œuf venait d'éclore, un œuf qui contenait un petit aigle. Quand la nature prenait, elle donnait en échange. Le cycle. La vie et la mort étaient magnifiques, le bien et le mal étaient merveilleux. L'ensemble permettait l'existence, l'équilibre. Les Mortels se plaignaient parfois des injustices mais ce n'était que par le prix de ces dernières que la justice était comprise et appréciée. La justice ne serait rien sans sa sœur opposée, tout comme chaque valeur de ce monde en constante évolution, en constant mouvement. Eerah faisait partie de ce tout et le souffle de vie qui permettait à son cœur de battre encore et encore dépendait des autres tout comme les autres dépendaient de lui. « Si vous aimez notre monde autant que vous le haïssez, alors c'est que vous êtes d'accord avec moi. ». Elle rit, ne cherchant pas à expliquer plus en détails sa pensée. Elle inspira profondément, expirant par la suite doucement. Ce paysage était sans doute la perfection même et, pourtant, rien n'était parfait. Mais il n'avait pas besoin de l'être du moment que l'on avait l'impression qu'il l'était. L'oisillon dans sa main émit un bruit, voletant doucement, sa croissance accélérée par un temps qui semblait pourtant être arrêté. Le soleil ne bougeait pas, pas plus que la lune, comme figés alors que l'oiseau, lui, lévitait enfin. Mitsuko tendit ses mains pour qu'il prenne son envol et, tout comme l'aigle qui avait trouvé la mort, ce dernier se dirigea vers l'astre solaire. La jeune femme finit par s'adresser de nouveau au déchu. « Néanmoins, il est vrai que vous avez raison. Occupé à voir, vous n'avez sans doute pas entendu ce que je vous ai dit. ». Elle laissa un moment de suspens avant d'avouer la manœuvre : « N'ai-je pas prononcé un défi que vous n'avez en aucun cas réussi ? ». Elle marqua encore un temps, le temps d'une respiration puis continua : « Vous êtes le chat et vous ne m'avez pas encore attrapé. C'est moi qui suis venue à vous. ». Eerah était arrivé dans une pièce, guidé par le son de sa voix et elle seule avait choisi de lui apparaître. Il ne l'avait pas trouvé, c'était elle qui l'avait retrouvé. Elle ajouta : « Cette fois, si vous m'attrapez, je promet de vous reprendre ce que je vous ai donné et de vous donner mon prénom en échange de ce que je vous aurai pris. ».

Elle disparut, purement et simplement, laissant l'ange déchu dans ce paysage merveilleux. Le temps reprit son cours, le soleil se couchant alors que la lune s'élevait. Néanmoins, cela aurait été trop vil de laisser l'homme ici. Le décor changea et il se retrouva de nouveau dans la pièce où elle l'avait rejoint précédemment. Elle n'était pas là, d'ailleurs, elle n'était nulle part dans le monument. Cela aurait été sans doute bien trop facile.

Non, Mitsuko était dehors, appuyée contre un mur, jouant avec la même balle que le déchu avait lacéré peu de temps avant. Tout était une histoire de temps qui s'écoulait ou ne s'écoulait pas. Parfois, une minute pouvait s'avérer longue et, d'autre fois, elle était des plus courtes. Tout dépendait de ce que l'on faisait, tout dépendait de ce que l'on ressentait. Et les Aetheri, parce qu'ils maîtrisaient des nuances qui échappaient aux Mortels, pouvaient contrôler ce temps. Les terres du Yin et du Yang étaient d'ailleurs capricieuses, le temps ne s'écoulant point de la même manière sur le rocher au clair de lune ou dans le château des cavaliers sans tête. Elle sourit, attendant que l'homme arrive, la balle tenant en équilibre sur l'un de ses doigts. L'enfant à qui elle appartenait la remarqua bientôt, s'approchant avant de dire : « Hé ! C'est ma balle ! ». Était-il donc stupide pour croire qu'elle était sienne alors qu'il l'avait vu détruite il y avait quelques minutes? C'est ce que se serait demandé un adulte sans doute. Le regard de la jeune femme se posa sur lui, faisant taire d'avance une éventuelle autre remarque. Parfois, elle pensait que les enfants comprenaient bien plus de choses que les adultes, enfermés dans leurs préjugés, croyant savoir. Un adulte aurait simplement cru en une toute autre balle, identique. Et pourtant, c'était bien celle de cet enfant, reconstruite par un léger retour dans le temps, un retour simplement centré sur l'objet en question. « Je te la donnerai uniquement lorsque tu auras présenté tes excuses à l'homme qui va arriver. Et si tu recommences ce que tu as fait, je te prendrais tous tes jouets, compris ? ». Silence. Haussement de sourcil. « Compris ? ». « Oui madame... ». « Bien. ».
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Eerah
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Eerah
Dim 15 Déc 2013, 19:35

Le sourire du Déchu vira à la mine déconfite. Pourquoi s’acharnait-elle à briser tous ses effets ? La question avait été bien avancée, pourtant ! Elle avait même eu le droit à son sourire séducteur, et c’était dire, il ne s’en servait que lorsque la situation jouait en sa défaveur. Certes, il fallait le lui concéder, la situation jouait vraiment en sa défaveur, à cet instant. Il commençait de plus en plus à lier à l’apparition de cette femme avec une raison divine, et ne fit que se conforter dans cette opinion lorsqu’il la vit faire naitre un aiglon au creux de ses paumes. Eerah ne savait plus s’il devait s’étonner ou non. Il avait cette désagréable impression que quoi qu’elle dise ou fasse, il ne pouvait que tout comprendre de travers. Il ne comprenait pas si elle était là pour lui apprendre ou apprendre de lui, il ne comprenait pas si tout ça avait un sens. Il ne comprenait même pas le monde qu’elle semblait diriger à la baguette. Autour d’eux, tout se figeait petit à petit. Le murmure des vagues s’immobilisa en une note unique, tenue. Le soleil retint sa chute, la lune ralentit son ascension. Et pourtant, eux vivaient, bougeaient normalement. Pire encore, l’aiglon lui semblait vivre son enfance en accéléré. En quelques secondes, ses ailes se développèrent, et du piaillement, il passa au cri mature qui faisait sa fierté. Seule variation sur une partition vierge, il fila vers le soleil, poursuivre la route là où son aïeul l’avait laissée.

Stoïquement, la jeune femme finit par prendre de nouveau la parole, lentement, trop lentement. L’attente devenait longue. Tout ce qu’il voulait, c’était qu’on lui rende le noir, qu’on lui rende l’obscurité, et sa paisible neutralité. Peu importe les petites voix et les paysages grandioses. Pourquoi maintenant ? Maintenant qu’il avait accepté de rester aveugle, qu’il avait fait son choix. Maintenant qu’il avait renoncé, pourquoi le torturer davantage ? Elle parlait, et parlait encore, par métaphores, périphrases, énigmes. Peu importe la signification que ses mots pouvaient transporter, Eerah n’en voyait pas le bout. Elle s’amusait, c’était certain. Son jeu était même loin d’être fini. Sans plus d’explication, sur un ultime sourire provocateur, elle disparut, laissant le Déchu seul avec lui-même, en plein ciel, à des miles de la première côte. Pendant une seconde, il resta béat. Cette femme venait sérieusement de lui demander de reprendre le jeu ? Avec comme terrain, quoi, le monde ? Le temps rompit sa pause et retourna lentement à la normale. Lorsqu’il se fit doucement à l’idée que le trajet de retour risquait d’être particulièrement long, tout changea de nouveau, et il se retrouva dans la même pièce qu’il avait quittée quelques minutes seulement auparavant. Il était toujours en position de vol, et quand il se matérialisa entre les canapés et les bougies du chandelier, il manqua de mettre le feu à une de ses ailes.

Au terme d’une série de jurons explicites et d’une courte séance de lissage de plumes, il jaillit de la salle, emportant avec lui une entêtante odeur de brulé. Jouer avec sa vie c’était une chose, modifier sa perception du monde aussi, mais manquer d’abimer son plumage, c’était de l’irrespect profond. En passant près d’une fenêtre, il arracha un lambeau de tissu pourpre du rideau, et le noua autour de sa tête. Autant se réhabituer tout de suite à ne plus voir. Au son des murmures amusés lorsqu’il sortit, furibond, dans la salle principale, toujours en train d’effeuiller les quelques plumes qui avaient souffert, il imagina la tête d’adolescent effarouché qu’il devait avoir. Cette femme le mettait dans tous ces états, c’était tout simplement insupportable. D’un mouvement d’épaule, il réajusta sa veste, pour reprendre contenance. Agir en adulte responsable et mature face à une situation déplaisante.

-« Une pièce pour la déesse de la Justice ? »

Une occasion en or d’avoir l’air moins perturbé.

-« Non, bordel ! »

Quelques progrès à faire de ce côté-là. Dans un concert mêlé de piaillements de réprobation et de pouffements moqueurs, Eerah finit par sortir de l’église. Même avec les paupières fermées, le reflet rougeâtre du bandeau s’imprimait sur sa rétine. Il ne pouvait s’empêcher d’y penser, au détriment du reste de ses sens. La vue était si accaparante, comparée à l’ouïe et à l’odorat ; pas étonnant que personne ne se serve correctement des autres. À peine retrouvait-il l’air libre que la dernière personne qu’il avait envie de croiser l’interpellait.

-« Monsieur, monsieur bandeau ! »

L’enfant du square. Cette journée aurait difficilement pu être pire. Au prix d’un long soupir lassé et d’une perte instantanée de motivation, le Déchu finit par répondre :

-« Qu’est-ce qu’il y a, petit ? Tu veux de l’argent pour ton ballon, c’est ça ? Tiens, p… »

Le gosse le coupa sèchement :

-« Nan, c’est bon, la dame elle me l’a réparé. Mais je dois dire pardon. Alors pardon, monsieur. »

Et le petit de s’enfuir à grand bruit sur les pavés. Une fois de plus sans voix, le pseudo-aveugle demeura une seconde les bras ballants. La tentation de soulever son bandeau pour vérifier ses dires était grandes, mais après avoir vu le monde s’arrêter et une femme jouer avec la vie et la mort, une balle reconstruite à partir de lambeaux déchiquetés semblait parfaitement logique et réalisable. Sans attendre, il s’élança en marmonnant vers l’endroit d’où provenait l’enfant. Pourquoi lui avoir demandé de s’excuser ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi. Depuis qu’il avait entendu ce chant, son esprit était peuplé de « Pourquoi ». La réticence de cette femme à lui donner des réponses était petit à petit en train de lui mettre les nerfs à vif. Tous ces entrainements sur le calme et la maitrise de soi étaient bien loin, tout ce qu’il voulait, c’était des réponses, quitte à se tuer à la tâche pour les obtenir. Il fit le tour complet du bâtiment, sans entendre ni sentir la moindre trace de sa présence. Evidemment. C’aurait été trop simple. Donc elle pouvait être n’importe où. Et elle pouvait également cacher son odeur et le son de ses pas. Elle l’avait fait dans l’église, elle pouvait très bien recommencer... Il se stoppa net, et passa ses doigts fatigués sur la bande de tissu devant ses yeux.

-« Vous m’observez, c’est ça ? »



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Mitsu
Jeu 19 Déc 2013, 15:34

« Décidément, vous êtes un bien piètre chat. ». Elle rit, apparaissant devant lui en faisant disparaître ce qui lui servait de bandeau. Elle sembla pensive un instant avant de lui donner raison sur un point bien précis. « Cependant, il est vrai que j'aurai dû être plus précise quant à la nature du chat que je souhaitais. Vous menez un parcours de pacha dans ce jeu là où j'attendais un chat compétitif. Mais qu'importe, nous retiendrons votre échec à m'attraper. ». Elle sourit, le taquinant sans s'en cacher outre mesure. Il est vrai qu'elle avait légèrement triché, mais peu importait puisqu'il ne pouvait en aucun cas le démontrer. Tout était une question d'éléments de preuve et quitte à enfreindre les règles, il valait mieux le faire avec une subtile perfection. Elle s'approcha légèrement de lui, s'arrêtant à quelques centimètres. « Je vous attendais mais je vous ai trouvé bien trop longuet. Je me suis donc dit que je ne vous avais pas assez apprivoisé, que vous aviez préféré vous enfuir plutôt que de jouer de nouveau avec moi. Je me sentais déçue, terriblement déçue, et j'ai donc décidé de partir à votre recherche. ». Cela coulait de source, c'était une évidence. Elle ressemblait à une petite fille qui se confiait, ses paroles semblant sincères si ce n'était qu'elles comportaient une petite pointe de malice que la déesse ne pouvait pas cacher. Ce déchu l'amusait et elle était heureuse d'avoir partagé un moment avec lui, même si, en l'occurrence, il ne lui apportait rien de spécial. Néanmoins, Mitsuko aimait les rencontres non prévues, celles qui restent gravées dans la mémoire, celles qui font se dessiner un léger sourire lorsque l'on ose y repenser. Elle se demanda si Eerah sourirait à ce souvenir. Peut-être pas. Il faut dire, elle faisait partie de ces femmes insupportables que l'on oublie difficilement pour une raison ou pour une autre. Elle avait fait d'horribles choses mais également des choses merveilleuses. Chaque être qui l'avait rencontré pouvait avoir une version d'elle totalement différente et, justement, c'était cela qu'elle trouvait intéressant.

« Que faire ? ». Elle posait cette question de façon rhétorique, sachant pertinemment ce qui allait se passer à présent. « Vous n'avez pas respecté votre part du marché alors il me semble que je n'ai pas à respecter la mienne. ». Elle lui laissait envisager le fait qu'elle pourrait le laisser voyant, ne pas lui reprendre ce qu'elle lui avait rendu. Mitsuko savait que le déchu ne le souhaitait pas, qu'il préférait retourner dans l'obscurité pour que ses autres sens voient là où ses yeux ne pourraient plus. « Bien, comme je suis magnanime, je vais vous rendre aveugle à nouveau. Néanmoins, inutile de vous dire que je ne vous donnerai guère mon prénom. De plus, puisque vous ne m'avez pas attrapé, je vais me dédommager, vous conviendrez comme moi que c'est tout à fait normal. ». Elle sourit, amusée, s'approchant un peu plus de lui. Elle posa l'une de ses mains sur la joue de l'homme, le fixant en redevenant sérieuse. Elle chuchota, s'avançant encore comme si elle avait l'intention de l'embrasser. « Ne vous inquiétez pas, cela ne fera pas mal... ». Elle fit glisser sa main doucement vers ses cheveux, en attrapant un sur lequel elle tira d'un coup sec. Son sourire réapparut alors qu'elle se reculait. « Voilà, vous voyez, rien de bien méchant. ». Certes, l'acte était presque indolore mais ce qui suivrait d'ici quelques temps aurait de grandes chances de ne pas plaire au déchu. La vérité c'est qu'elle le trouvait intéressant. A vrai dire, si cela n'avait pas été le cas, elle ne se serait pas conduit de la sorte en sa compagnie et, surtout, elle n'aurait jamais envisagé de faire un enfant « avec » lui.

« J'ai été heureuse de vous rencontrer. Malheureusement, nos chemins se séparent ici. Néanmoins, si un jour vous réussissez à m'attraper, alors je vous murmurerai mon prénom. Encore faudra-t-il, ce jour, que vous désiriez toujours le connaître. ». Elle plaça la paume de sa main devant ses lèvres, soufflant dessus. De la poussière étincelante en sortie, rendant à l'homme sa cécité, effaçant petit à petit son image de son champ de vision. Elle ne dit rien de plus, disparaissant en le laissant là. Un jour, peut-être, il l'attraperait.
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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

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Eerah
Sam 21 Déc 2013, 16:16

Bien sûr qu’elle l’observait. La vraie question aurait plutôt été : Avait-elle cessé de l’observer à un seul instant ? Peu importe où il pouvait la chercher, elle était là où il ne l’attendait pas. Et maintenant il était un « piètre chat ». Encore eut-il fallu qu’il ait la moindre chance de gagner. Il avait nettement plus l’impression d’être une souris entre ses pattes qu’un félin à sa poursuite. Etait-il seulement sensé gagner ? À moins que le but du jeu ait été de l’amuser, c’était très loin d’être certain. Il l’écouta disserter sur son échec avant de tendre l’aile gauche.

-« Vous savez combien de temps ces plumes vont mettre à se refaire ? Vu leur état, deux cycles de mue ne seront pas de trop, et en attendant je vais devoir passer pour un clochard. Alors vos histoires de chat… Et vous trichiez ! »

Pourquoi diable s’acharnait-il à en discuter avec elle ? Ce n’était pas non plus comme s’il s’était amusé, mais il n’arrivait pas se concentrer, elle avait de nouveau fait disparaitre son bandeau. Ses paupières irradiaient mais il se refusait absolument à ouvrir les yeux une fois de plus. Hors de question. Même si elle semblait extrêmement proche. Il damna tous les saints en inspirant son odeur. Une telle femme n’était pas sensé exister, elle ramenait toutes les autres à l’état d’ébauches incomplètes. Et même après tout ce qui s’était passé, tout ce qu’elle avait dit, fait, tout le mal qu’elle s’était donné pour lui rendre la journée impossible, lorsqu’elle expliqua d’une voix innocente et convaincue qu’elle le considérait comme un chaton à dresser, il ne put s’empêcher de hocher la tête ; comme si c’était logique, avant d’ouvrir la bouche de protestation. Elle le faisait littéralement tourner en bourrique.

Alors que faire ? La jeune femme posa exactement la même question, à voix haute. Et pendant une seconde, une très longue seconde, il crut qu’elle le laisserait ainsi. Soigné, et pourtant diminué. Quelques jours auparavant, il rêvait encore de distinguer le ciel. Et maintenant que c’était acquis, il lui coulait des sueurs froides que d’imaginer le revoir le lendemain. Il y avait définitivement quelque chose qui ne tournait pas rond dans son esprit, se morigéna-t-il intérieurement. Elle finit néanmoins par le rassurer. Sentir une pointe de déception monter en lui acheva de l’agacer. Incapable de savoir ce qu’il voulait, à plus de deux-cent-cinquante ans, c’était risible. Le Déchu fut forcé de se concentrer à nouveau sur sa tortionnaire quand elle évoqua la possibilité d’un autre dédommagement. Qu’est-ce qu’il possédait qu’elle pourrait bien accepter ? Pas grand’ chose, de toute manière, ses maigres possessions se limitaient à ses vêtements et ses armes. Il rapprocha imperceptiblement la main de son bâton. La seule chose qu’il n’était pas prêt à céder, qu’il n’avait pas le droit de céder. S’il fallait se battre pour l’en empêcher, et bien soit.

Mais c’était bien loin de ce qu’une femme aussi peu lisible pouvait attendre de lui. D’un pas, elle arriva à quelques centimètres de lui. Suffisamment pour qu’il sente sa respiration sur son visage, suffisamment pour que sa chaleur l’atteigne, et bien assez pour que son propre pouls s’accélère. Il avait entendu des centaines d’histoires, de mythes et de légendes sur des dieux descendus sur terre pour s’amouracher des petites gens. Est-ce que c’était ça, la raison de toute cette mascarade ? Un test pour vérifier sa valeur ? Et maintenant quoi ? Un baiser, une caresse ? Un frisson le parcouru au contact électrisant de ses doigts. Peut-être qu’il était prêt à lui pardonner après tout. Ce n’était que quelques plumes, et elle avait surement fait ça pour son bien. Les divins étaient là pour guider leur pas, tout le monde s’accordait là-dessus. Sans respirer, il attendit le contact de ses lèvres. Qui ne vint jamais. À la place, il sentit une petite pointe de douleur à l’arrière du crâne, là où elle venait de lui arracher un cheveu. Plus par surprise que par réelle souffrance, il lâcha un minuscule « Aïe ! », et ouvrit les paupières.

Eerah n’en revenait simplement pas d’avoir été floué une fois de plus. Toutes ses idées de pardon filèrent loin. La jeune femme, elle, semblait particulièrement fière d’elle, pendant qu’il fulminait. Fallait-il être d’origine céleste pour jouer de lui à ce point ? Comme si de rien n’était, elle le gratifia d’un sourire splendide, à faire vibrer le plus rustre des hommes. Sur une dernière phrase d’adieu, qui sonnait étrangement bien plus comme un au revoir, elle souffla dans le creux de sa main, et un voile noir vint recouvrir sa vue, laissant comme une marque indélébile le visage de la femme qui lui avait montré la véritable facette de l’existence. Son visage, à Elle. Il n’était pas près de l’oublier de sitôt. Une seconde plus tard, sa présence s’évanouit. Le Déchu, incapable de dire si elle était réellement partie ou si tout ça faisait encore partie de son jeu, lança d’un ton prophétique :

-« Je vous attraperais. Comptez là-dessus. »

Comme si ça pouvait changer quelque chose.« J’ai été heureuse de vous rencontrer. », c’était ce qu’elle avait. Il se tourna et partit en direction du square. Il ne pouvait pas en dire autant. Ou peut-être que si. Peut-être que dans un sens, c’était tout ce qu’il attendait. Il s’aperçut qu’un fin rictus s’était peint sur son visage, et l’effaça rapidement en lâchant un grognement agacé. Satanés yeux.



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