Daemon voulut à tout prix retourner chez Cocoon. Ça faisait des jours entiers qu’ils ne s’étaient pas vu, et il lui manquait. Il ne pouvait pas lutter contre ce sentiment de vide qu’il ressentait dès qu’ils étaient un peu trop éloignés l’un de l’autre. Il douta d’ailleurs que son maître le ressente à présent qu’il avait un autre jouet. Cependant, Daemon n’allait pas arrêter de vivre à cause de ce type sans pitié, prêt à arracher le cœur de Cocoon quand il lui tournerait le dos, ce serait mal le connaître. Ce type et toutes ces femmes. Qui était-il pour prétendre "aimer" quelqu'un qu'il ne connaissait pas ? Quelqu'un qu'il connaissait du moins, moins que lui ? Il détestait ça. Sa colère était pourtant bien enfouie, de manière à ne pas exploser n'importe où, mais c'était un calvaire de devoir se remémorer les scènes d'amour et de passion. Il était temps pour lui de prendre son chemin et de tracer sa voie. Cocoon serait toujours Cocoon, mais ici, il préférait rester indépendant.
Grimpant sur les toits des chaumières, rapprochées les unes des autres, voire collées, il lui était facile de se balader. Il n'avait pas peur du vide, ni des chutes, au contraire, et c’était un mode de déplacement très pratique. Il avait toujours été habitué à cela, surtout quand il devait suivre l’orisha sans que ce dernier ne s’en aperçoive. Entrant par la fenêtre de la chambre, il vit Nydelia endormie, seule. Sans bruit, et grâce à la bague surtout, il descendit dans le salon. Personne n’était là. Les filles, elle, et lui, mais le maître de maison manquait à l’appel. Une vague de colère monta au sein du démon, et il aurait crié avec plaisir. Furieux, il repartit par là où il était entré, et se mit à chercher frénétiquement son maître. Il ne perdait rien pour attendre ! Au bout d’un moment, une heure avant l’aube, il arriva à se connecter, à retrouver le lien, et le localiser parfaitement. Mais ce qu’il vit, l’horrifia. Non pas que la scène était choquante car en soit, il n’y avait rien d’outrageux, mais le caractère de cette image, lui faisait grimper la haine dans tout son corps. Devant lui, dans le bâtiment d’en face, il avait vue directe dans la chambre où se trouvait l’orisha. Ses vêtements étaient par terre, ses affaires contre le mur, et dans le lit gisait deux corps. Un petit, blanc, frêle, si chétif que l’on aurait pu croire que c’était une poupée, surplombée d’une tignasse bouclée bleue. Et il était à demi-recouvert d’un corps massif, brun, musclé, nu –ou presque-, surement un peu imbibé d’alcool. Comme si le vampire avait sentit la présence du démon, il bougea légèrement. Tous deux étaient sur le ventre, l’un serrant l’autre contre lui, apposant une autorité et un sceau de propriété sur un bien, comme si cet enfant était à lui, comme si cette chose était un objet cher à ses yeux, qu’il aimait tellement qu’il dormait avec. Lorsque ce dernier gigota, il leva la tête, ensuqué et encore dans les méandres du sommeil, pour regarder rapidement dehors et constater que le soleil venait à peine de se lever. Il reposa alors lourdement sa tête sur l’oreiller, se pelotonnant un peu plus contre l’orisha. Comme s’il pouvait se réchauffer ! Daemon avait déjà bien accepté le fait que Nydelia profite de celui qu’il ne pouvait pas toucher, mais un autre homme et puis… Il n’avait rien à lui envié ! Il savait qu’un jour, il lui planterait un couteau dans le dos, que ce type a l’air si innocent, deviendrait qu’une sale…

Il fallait qu’il se calme. Il était en train de griffer les tuiles, friand la toiture de la maison sur laquelle il se tenait, et outre le bruit grinçant, il était en train de se faire du mal, bêtement. Vraiment bêtement. De toute manière, il fallait qu’il soit plus fort que ça, qu’il attende gentiment que Cocoon se prenne un mur, en constatant qu’il s’est fait duper tôt ou tard, et qu’il le rattrape bien gentiment, en lui disant des paroles mielleuses, qui ne feraient qu’un peu plus lui ouvrir les yeux. C’était ça la vérité. Daemon en était conscient.
Faisant alors une croix sur les deux hommes, il partit à nouveau vers ce qui l’attendait, et qui était bien mieux que ce qu’il vivait en ce moment. Cocoon  n’avait rien à faire de son absence, au contraire, il pensait alors pouvoir faire ce qu’il voulait, sans se dire qu’il était observé. Mais malgré la rage, Daemon était toujours aussi fidèle à son maître. Cependant dans l'histoire il plaignait Nydelia. Son homme découchait pour aller où ? Se saouler et se faire le premier humain venu. Enfin humain... Si ce machin en était seulement un. Les suceur de sang, il détestait ça... Et plus encore depuis que Cocoon s'en était épris d'un.

Partant pour le continent dévasté, il voulut au plus vite devenir plus fort, plus puissant, plus résistant, et peut être qu’en plus, il arriverait à faire s’éloigner Cocoon de ce type. Se concentrant sur son propre apprentissage il eut la chance de rencontrer une femme sur le chemin, qui avait rencontré le chef de son peuple. L’accompagnant sur une portion de route, il discuta avec elle :

« Je pense que tu n’as pas besoin d’aller le voir lui pour cela. Il a des sujets puissants, qui peuvent t’enseigner les dons de ta race. Mais c’est étrange que tu sois là… Sans ton maitre. »

Bien sur les compagnons pouvaient faire leur vie de leur côté, être reconnu à part entière que comme de simples fidèles, mais il était toujours rare de voir les deux personnages séparés. Après tout, ils étaient toujours fourrés ensemble, ce n’était pas pour rien. Il répondit :

« On va dire que j’ai voulu prendre mes distances pour gagner en puissance et me rendre plus utile. »

Pour cela, il avait besoin de se séparer de l’orisha. Et puis ce dernier n’avait pas franchement l’impression de le regretter vu dans la situation dans laquelle il l’avait trouvé ce matin…
La femme comprit tout à fait ses décisions et décida de l’accompagner jusqu’au Volcan.

« Je n’aspire pas à être l’égal de notre souverain disparut, seulement à savoir me défendre, et être assez fort pour satisfaire les besoins de mon ami. »

« Il est de quelle origine ? »

« C’est un orisha qui est tout sauf doué en magie. C’est moi son côté magique. »

« Il doit être très fort alors ! »

« Oui… »

Daemon soupira en repensant à la plastique irréprochable de Cocoon. Très fort, c’était le moins que l’on puisse dire.