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 Chapitre III | Songe | Solo

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Eerah
Æther des Bergers et des Wëltpuffs

Æther des Bergers et des Wëltpuffs
◈ Parchemins usagés : 3537
◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Sam 24 Aoû 2013, 17:05

Le ciel était bleu. D'un bleu-mauve, un bleu habité de magie, d'énergie. À intervalles réguliers, de longs éclairs le traversaient, irisant sa surface comme une immense mer électrique. Les quelques nuages qui assuraient la connexion entre ces arcs lumineux brillaient de l'intérieur, projetant aux alentours de doux rayons violacés. Chacune de ces impulsions s'imprimait sur les pupilles du Déchu, comme autant de reflets colorés, jouant avec ses yeux vairons, se mélangeant, écrasant et disparaissant sous le vert mousse de son œil droit, et le sombre indigo de son autre iris. Son visage lui-même s'illuminait de temps à autre, éclairant son front, son nez, et le large sourire qu'il entretenait de rires étouffés et d'exclamations admiratives devant un tel spectacle. Il luisait des rouges, des roses, des blancs, il luisait des ocres, des jaunes et des magentas. Il luisait du bleu, ce formidable bleu, qui lui avait tant manqué. La tête en arrière, le regard résolument braqué sur la voute céleste, vers le tableau qui se peignait sous ses yeux, tentant d'en imprimer chaque variation dans sa mémoire, chaque frisson qui le traversait dans sa peau, chaque couleur dans ses yeux. Puis le son. Cette musique, les tambours divins, la caisse claire de la pluie qui s'approchait, les flûtes du vent, les timbales du tonnerre. Ses mains étaient posées sur la pierre, ses doigts tricotant les accords d'un clavecin invisible, à la fois tendus et allègres, fébriles. Le zef qui lui cinglait la peau rejetait ses cheveux noirs en arrière, amenait les effluves de l'océan, le sel, les algues, le sable et la faune marine.

Au prix d'un effort surhumain, il baissa sa tête, quittant les cieux pour s'attacher à la terre. Et quelle terre. Il l'observait de haut, depuis un parapet en ivoire, un balcon taillé dans la plus blanche des roches. Plus bas, beaucoup plus bas, des plaines à perte de vue, jouant de l'horizon comme d'une corde, ondulantes, mouvantes, des vagues d'hautes-herbes pourpres, mauves, émeraudes. Le sol était en constant mouvement, animé d'une vie propre, d'une respiration gargantuesque, qui faisait aller et venir arbres, rivières, collines et vallons. A mieux y regarder, tout partait d'un seul point, pulsait comme un seul cœur, depuis sa position, depuis son perchoir. Eerah se jeta en avant, la poitrine sur la rambarde inébranlable qui le retenait de tomber, pour embrasser du regard le monument qui le tenait si haut. Une tour, immense, droite et lisse, comme tirée d'un seul et même bloc de marbre pâle. À son pied, de grands cercles se formaient, irradiant autour d'elle, secouant la terre comme la surface d'une mare, crevée par la chute d'un gland ou d'une feuille. L'extase. Le bonheur absolu, sans fin ni limite. La poitrine soulevée en cadence par sa respiration accélérée et ses exclamations de joie, il n'avait de cesse de regarder en haut, en bas, dans toutes les directions qui s'offraient à lui, jusqu'à se regarder lui-même, de toute sa hauteur.

Il était pieds nu, un long pantalon de tissu noir tombait en replis sur ses chevilles, tenu par une simple ceinture de cuir ornée en son centre par une boucle circulaire, incrustée d'une opale reluisante. Sur son torse, une chemise de soie, noire également, fermée au col par une cravate blanche, qui flottait éperdument sous les assauts du vent, la fouettant de toutes parts. Ses manches étaient retroussées jusqu'au coude, dévoilant à ses poignets une impressionnante collection de bracelets d'argent, acier et obsidienne, les mêmes matériaux qui constituaient les bagues qu'il portait à ses index et annulaires droits et gauches. Sur ses épaules, un grand manteau sombre, retenu par une broche de platine, représentant une tortue stylisée. Les pans de la royale veste lui flattaient les mollets en rythme avec ses cheveux, noués en une longue queue de cheval. En sentant un poids peser sur sa tête, il leva sa main jusqu'à son front, et se saisit du diadème qui lui enserrait le haut du crâne. Le bijou était divin, taillé par le plus fin des orfèvres dans la plus fine des matières, un métal anthracite, qui reflétait de temps à autres des flammes froides, tantôt argentées, tantôt azurées. Le Déchu la dévora des yeux quelques secondes, avant de se couronner, non sans un frisson de contentement.

D'un pas altier, assuré, il entama une ronde sur sa tour d'or blanc, goûtant avec un plaisir presque malsain au contact froid contre la plante de ses pieds. Il laissait distraitement flotter sa main gauche sur la pierre, s'occupant de ranger une mèche sur le côté de son visage avec la droite. Il balayait des yeux les terres qui l'entourait, lui et son donjon, ses terres. Eerah, ex-soldat de la Garde d'Avalon était loin. Il était Sire Eerah Scaldes, un lord parmi les lords, seigneur et détenteur de son propre monde. Une aura se dessinait sur son passage, et peu à peu se révélaient remparts, chevaliers et paysans, s'activant sans relâche pour satisfaire leur roi. Les plaines se couvraient de rues, bâtiments, se remplissaient d'une foule massive, un peuple vacant à ses occupations les plus banales. Son palais se décorait de plus en plus de dépendances, les tours se mirent à jaillir de chaque côté de la structure, et derrière lui se creusa une entrée dans l'ivoire, s'ouvrant sur une antichambre accueillante. Il la considéra une seconde, et sans hésiter plus, passa sous l'arche ouvragée qui marquait l'entrée de son nid d'aigle.

Lorsqu'il entra, les reflets et le vent disparurent, laissèrent la place à une douce chaleur, et à de menus rayons lumineux, bondissants de meubles en meubles, s'accrochant à chaque dorure dont ils étaient pourvus. Il voyait chaque couloir se doter d'un peu plus de décorations chaque fois qu'il s'en approchait, passant d'un simple tunnel blanc à un passage éclairé au sein des peintures et des tentures contant des batailles épiques, des scènes du passé, du présent et de l'avenir. Eerah, lui, se contentait d'avancer, encore et encore. Il devait aller plus loin. Et plus il s'approchait de son but, plus les salles se faisaient diverses et variées, passant des salons vides aux salles de banquet, des chambres d'amis aux appartements royaux. Et enfin, il y parvint. La grande, la belle salle du trône. Toute en longueur, on l'avait parée de torches et de chandeliers, qui venaient suppléer le travail qu'exécutaient déjà les grands vitraux colorés qui ornaient les murs. Elle regorgeait ainsi de myriades de reflets, de pointes lumineuses, de fresques sans contenance, qui glissaient paresseusement sur les larges piliers soutenant la voute du plafond. Sur celle-ci avait été peintes étoiles et constellations, et on aurait pu jurer les voir tourner et briller au fur et à mesure du jour qui passait. C'était au fond de la pièce que ce trouvait le siège, l'insigne trône qui attendait patiemment que son maître vienne y déposer son séant. Bien que fébrile de toutes les merveilles qui s'offraient à lui, Eerah avançait doucement, prenant le temps de poser son regard sur chaque chose qui l'entourait.

Beau. Majestueux, ou encore grandiose. Il déclamait des mots à voix basse, cherchant le mieux approprié. Royal, songea-t-il, en posant enfin sa main sur le fauteuil de marbre qui lui faisait face. Tout en arrêtes et en lignes droites, il n'était de toute évidence pas prévu pour être confortable, et en guise de décoration, on y avait simplement gravé en bas-relief une grande tortue, dans le dos de laquelle s'étendait une grande paire d'ailes, semblables à celles du Déchu. Il grimpa les deux marches qui menaient au siège, et avec grâce et légèreté, s'y assit, comme si ce geste lui était connu depuis des lustres. Les murs lui renvoyèrent une dernière fois l'écho de ses pas, et soudain, le silence se fit. Pendant quelques secondes, il put s'entendre respirer, inspirer puis expirer, avant que ne se fasse entendre, sorti de nulle part, la mélodie d'un violon, bientôt rejoint par deux altos, une contrebasse, puis un tambour, des crécelles. Un clavecin y joignit son air, accompagné d'une farandole de flutes traversières. Sous ses mains se créait un orchestre magistral, dont il était seul maître. Il commandait aux bois, cuivres et percussions, rehaussant les uns, atténuant les autres. Lentement, il ferma les paupières pour la première fois depuis son arrivée, retrouvant le calme et la plénitude de l'obscurité. Quel sentiment délicieux et étrange que celui de ne pas savoir s'ils pourront se rouvrir sur la lumière et les couleurs. Eerah fit durer le doute une longue minute, puis battit des paupières doucement, laissant le monde frapper ses pupilles. Un sourire franc illumina son visage.

Tout était là. La salle n'avait pas disparu sous le linceul sombre de sa cécité. Il cligna encore des yeux, jouissant sans commune mesure de cette absence de noir. Il n'était pas de plus grand bonheur dans ce monde, pas de plus grande satisfaction que celle de voir, enfin et à nouveau. Une fois, une dernière fois, il ferma les yeux, et lorsqu'il les rouvrit se trouvait devant lui une petite fille, une enfant habillée d'azur, le visage couronné d'une chevelure dorée, aux reflets de cuivre. Un nez retroussé et des oreilles plus pointues que de normal venaient compléter le tableau de sa personne. Elle se tenait droite, les mains dans le dos, soutenant le regard du Déchu de ses pupilles glacées, sans flancher une seule seconde. Lui l'observa d'en haut, sans sourciller. Il n'était pas surpris. Non, il aurait même pu jurer qu'il s'y attendait. D'un mouvement de buste, il l'invita à s'exprimer en se montrant à l'écoute. Ses doigts s'entrelacèrent, les coudes sur les genoux, et il attendit. L'enfant lui adressa alors un sourire troublant, et sa petite bouche s'ouvrit en une mimique parfaitement mesurée.

-« Le rêve de sa majesté est-il à sa convenance ? »

Elle parlait d'une voix de cristal, une voix faite de verre et d'eau, qui s'accordait à la perfection avec le concert dont l'intensité avait légèrement diminuée, juste de quoi rendre les paroles de la jeune fille parfaitement claires. Il la scruta un instant. Sa voix ne lui était pas méconnue. C'était une sonorité qui ne s'oubliait pas, et il sentait un nom pointer sur le bout de sa langue. Ses souvenirs se rassemblaient petit à petit, tentant de la situer. Des plaines, de l'eau, du sang, beaucoup de sang. Et une voix, sa voix. Mais la seule chose qui était claire dans son esprit, c'était son nom, un nom frais, un nom printanier. Du bout du doigt, il diminua derechef la force avec laquelle jouait son orchestre, et se pencha un peu plus en avant. Le regard toujours aussi intense, il hocha la tête, la gratifia d'un sourire aimable, avant de répondre, à son tour, d'un ton calme et posé.

-« Avril. C'est un plaisir de te revoir si vite. »


1794 Mots


Chapitre III | Songe | Solo GqzDWY

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Eerah
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◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Sam 24 Aoû 2013, 17:22

Royale de condition et d’aspect, la salle du trône n’avait de cesse de résonner d’accords joyeux et dansants, d’air mutins qui changeait de concert avec l’humeur et les expressions du Déchu. Il s’en amusait presque. D’un mouvement de la main, il matérialisa deux coupes de vin, un pourpre soyeux des côtes, un bon cru issu des vignes de Sceptelinôst. L’un des verres en cristal vint se caler au creux de sa paume, et il fit voleter l’autre jusqu’à la gamine, qui le refusa d’un revers de la main. Avant d’ajouter quoi que soit d’autre, Eerah s’autorisa une seconde de plaisir, en goutant de nouveau au meilleur breuvage qui lui eut été donné d’ingurgiter en plus de deux siècles d’existence. Un rêve, vraiment ? L’idée était amusante, et fut accompagnée d’un échange cocasse entre deux violoncelles exaltés. Toutefois une question demeurait, et sur fond d’une mélodie aux accents aigus, il s’adressa à son invitée d’un ton badin, amusé.

-« Dis m’en plus sur ce que tu nomme rêve. »

Elle explosa d’un rire frais, mélodieux, qui acheva de rendre son royal interlocuteur perplexe. Derrière lui, le rythme de son orchestre se faisait plus attentif, et ralentit légèrement. En modèle de bonnes manières, la jeune demoiselle se couvrit prestement la bouche, mettant fin à son éclat, mais pas aux tressautements qui lui faisait dodeliner la tête et les épaules, ses yeux tendrement plissés. Tout, chaque expression, chaque mot et chaque chose qu’elle pouvait faire et produire recélait d’une candeur indéfinissable, qui n’avait de cesse d’alimenter le sourire du suzerain. Sous tous les angles, elle était l'innocence même, exempte de défauts, de péchés, de quoi que ce soit qui pouvait pousser Eerah à se méfier d'elle. Le rôle qu'elle avait pu jouer dans son existence restait un mystère complet, aussi se laissa-t-il charmer, ignorant ce tic désagréable qui lui remuait le coin des lèvres quand il l'entendait prononcer son nom. Lorsque, difficilement, la jeune enfant mit fin à son hilarité, elle désigna d'un geste ample de la main le reste de la pièce, des vitraux chatoyants à la porte en chêne sombre, du sol marbré au plafond moucheté. Elle pivota sur elle-même, et revint poser son regard taquin sur le Déchu.

-« Mais enfin, tout cela, Sire ! Rien de cela n'est vrai, et à plus forte raison, ne le sera jamais. Navrée d'entamer vos convictions, mais mon travail m'oblige à vous dire la vérité, et la vérité la voilà : Vous dormez, et nous nous trouvons actuellement dans votre esprit. »

Il la considéra une seconde, n’affichant cette fois pas plus qu’une mine un peu déconfite, avant de jeter à son tour un coup d’œil à la pièce. Dans un sens, elle avait raison ; rien de ce qui l’entourait ne lui était familier, pas plus son trône que les murs ou les fenêtres. Un instant durant, la matière sembla vibrer, trembler d’hésitation. L’air se moira, les violons tressaillirent, puis Eerah raffermit son assise, et par là même son sourire. Les textures retrouvèrent leur solidité, et l’ouragan d’incertitude passa, comme s’il n’avait jamais existé.

-« Grand bien m’en fasse, alors. Je n’ai pas l’intention de me réveiller pour le moment. »

Comme pour appuyer ses propos, il bailla à s’en décrocher la mâchoire, jetant un coup d’œil dérobé à la gamine pour voir comment elle réagissait ; sans succès. La petite était de marbre, figée dans ce tableau de perfection qu’elle arborait sans gène apparente. Etrange, songea-t-il. Au moins aussi étrange que le fait qu’il soit incapable de mettre autre chose qu’un nom sur sa personne. C’était peu. Trop peu pour lui. Il avait besoin de réponses, autre chose que ce vague sentiment, ce souvenir qui frôlait en permanence les lisières de sa conscience. D’un ton qui se voulait badin et désintéressé, il parla de nouveau, tout en faisant apparaitre une pomme rutilante dans sa main gauche. Avoir conscience de son propre rêve commençait à lui plaire.

-« Avril… Avril… Je ne saurais dire pourquoi, mais je peine à me rappeler en quelle occasion j’ai pu te rencontrer. »

Les yeux vairons croisèrent les pupilles azur, et il ajouta, avant de gouter à son fruit :

-« Tu pourrais m’éclairer ? »

Nouvel échange de sourires courtois, nouvelle courbette. Il était peut-être endormi, peut-être que tout n’était qu’un rêve, mais il n’en demeurait pas moins le maitre absolu. Elle se plia à sa demande sans la moindre hésitation, affichant pourtant et contre toute attente un sourire presque narquois.

-« Très certainement, Sire. Il y a de cela plusieurs semaines, j’ai failli vous tuer. »

Le silence qui suivit la déclaration fut empli des toussotements du ‘Roi’, qui avait manqué de s’étouffer. Pas de peur ou de surprise, mais de rire. Rien qu’à imaginer une enfant menacer de mort un éternel et, qui plus est, pas des plus malhabiles, le rendait hilare. Il manqua de recracher l’intégralité de la bouchée qu’il avait prélevée sur la pomme, se rattrapant de justesse en s’aidant de sa main serrée en un poing. Il roula les yeux en déglutissant, la gratifiant du plus moqueur des regards. Finalement, une fois débarrassé de son entrave buccale, il se permit un commentaire cinglant.

-« Me tuer ? Rien que ça ? Et qu’est-ce qui t’en a empêché, au final ? Les remords, ou mon adorable minois ? »

Dieux ! Qu’il était simple de succomber à l’arrogance, une fois coiffé d’un cercle de métal brillant. Une partie de sa conscience s’en rendait forcément compte, et il prit soin de la faire enfermer dans les catacombes de sa tour d’ivoire. Le Déchu balança une jambe par-dessus l’accoudoir de son trône, qui se métamorphosa de l’humble pierre aux froufrous prétentieux du velours et de la soie. Quitte à vivre un rêve, autant le vivre en étant bien assis. De surcroit, il commençait à s’amuser. Avril, elle, ne semblait pas de cet avis. La jeune fille avait perdu tout air avenant, et elle ne souriait plus du tout. Ses yeux semblaient encore plus froids et bleus qu’auparavant, et il cru la voir serrer le poing un instant. Au fond de son regard abyssal brulaient deux gemmes de saphir, qui étincelèrent de rage.

-« Mon ‘Roi’ sera certainement ravi d’apprendre que lui et son ‘adorable minois’ se trouvent actuellement étendus, ivres morts, sur la couche croupie d’un bouge médiocre, dans les bas-fonds de Stenfek, à cuver de leur dernière soirée, et à gémir comme des pucelles des quelques coups qu’ils y ont récolté, avant d’être secourus par une jeune femme d’une tête de moins que lui. Quant à savoir ce qui m’a poussé à tenter d’attenter à son existence, sachez que malgré le regret qui me tiraille maintenant de ne pas l’y avoir laissé expirer en paix, je ne l’ai fait que pour son propre bien, et parce que ma mission me l’imposait. »

Envolés, les airs hautains, les œillades sarcastiques, envolés les haussements de sourcils moqueurs et les sourires torves. La figure arrogante avait laissé place à la moue déconfite d’un enfant à qui on retirait ses jouets. Il serra les dents en un rictus de rage et se releva furieux de son trône, qui disparut en fumée, tout comme les vitraux et la fresque au plafond. Ils se retrouvèrent d’un instant à l’autre dans une salle austère, aux murs nus et à la luminosité quasi-inexistante. Le Déchu n’était qu’à quelques pas d’elle quand il lui vitupéra au nez :

-« Mensonges ! Mensonges, calomnies ! Pourquoi irais-je croire les mots d’une gamine, d’une moins que rien ? Dis-moi, Avril ! Pourquoi est-ce que je devrais te croire ? »

L’intéressée ne daigna même pas ciller. Elle se contenta de lui faire face, pas l’air impressionnée pour un sou. La colère contre le calme, le feu contre la glace, et une certitude. L’atmosphère semblait se rafraichir. Celle qui n’était qu’une enfant se mit à grandir, pour atteindre la taille et les formes d’un corps de femme. La robe devint une jupe, le chignon serré, une queue de cheval qui lui dégringolait sur les hanches. Son visage s’était affiné, et elle avait désormais tout pour être considérée comme belle. Ses yeux, eux, n’avaient pas changé. Toujours froids, toujours tranchants. Mais pour une fois, ils ne manquèrent pas de faire tressaillir Eerah, qui d’un coup la trouvait bien moins frêle et innocente. Lorsqu’elle parla, sa voix n’était pas très différente de celle qu’elle avait quelques minutes auparavant. Simplement plus sûre, plus nette.

-«  Vous devez me croire, parce que je ne suis pas Avril. Je suis l’image que vous vous faites d’elle. Et en conséquence, je ne suis pas dans votre rêve. »

Et elle de s’approcher et de lui planter un index au milieu du front.

-« Je suis ici. Avec le peu de modestie qu’il nous reste, je pense pouvoir affirmer que je sais ce qui se passe là-dedans. Aussi, sa seigneurie serait avisée de bien vouloir se calmer, pour que nous puissions enfin discuter. »

Au bout d’une seconde, le Déchu hocha la tête lentement. Comment aurait-il pu en faire autrement ? Il était déjà suffisamment compliqué de se concentrer sur ce qu’elle disait, en tentant d’ignorer ce que sa robe bien trop petite pour elle essayait de contenir. Imaginer tout ça à partir d’une voix. Oui, sans aucun doute, c’était bien un rêve, un rêve qu’il entendait bien contrôler. Il recula d’un pas alors que la jeune femme se voyait octroyée une nouvelle tenue, composée d’un tailleur gris argenté, agrémenté d’une rose d’un bleu irréel. Pour la première fois, elle afficha un air étonné en prenant entre ses doigts la fleur éthérée, avant de la porter à son nez en fermant les yeux. Elle en huma délicatement le fumet indéfinissable, et sourit plus largement.

-« Votre altesse est trop bonne… Et a bon goût de surcroit. Pas de robe de princesse ou habits royaux ? »

Il répliqua du tac au tac, comme une évidence, derrière un air renfrogné, de celui qui sait qu’il a commis une faute sans vouloir le reconnaitre.

-« Ce n’est pas ton genre. »

Une décision complètement arbitraire, issue de la partie de son cerveau qui gérait l’imagination. Elle n’en fit que plus rire la jeune femme.

-« Si vous le dites. Serais-ce abuser de votre courtoisie que de vous demander un lieu plus agréable pour discuter ? »

Eerah acquiesça en soupirant. Il se devait bien ça à lui-même. La pièce se réduisit à la taille d’un petit salon, et un couple de canapés vint la décorer de rouge satiné. Entre eux deux se matérialisa une table basse en verre, bientôt surmontée d’un sceau à champagne et de flutes en cristal à l’intention du maitre de maison et de son invitée. Enfin, les murs se couvrirent de tentures chaudes, tressées de scènes plus ou moins représentatives de la vie du Déchu. Il avisa de faire changer le sol froid en moquette pourpre au dernier moment, et invita plus ou moins galamment la jeune gemme à s’asseoir, d’un geste de la main. Elle s’exécuta avec une courbette sarcastique, et entrepris elle-même de remplir les deux verres. L’autre leva les yeux au ciel, et se laissa tomber sur les coussins confortables. Au moins s’était-elle mis à boire.


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Chapitre III | Songe | Solo GqzDWY

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Eerah
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◈ YinYanisé(e) le : 20/07/2013
Eerah
Mer 28 Aoû 2013, 02:03

De longues secondes s'écoulèrent, pendant lesquelles la jeune femme prit le temps de siroter son champagne en fermant les yeux, observée par  son hôte, d'un air incertain. Il pouvait détailler chaque aspect de son visage et de son corps. Sa peau satinée, parsemée, sur les joues, de taches de rousseur discrètes. Sa bouche, relevée légèrement sous le nez, lui donnant des airs félins, qu'accentuaient d'autant plus ses oreilles pointues. Elle remuait imperceptiblement la commissure de ses lèvres, ainsi que ses narines, en gardant le champagne en bouche, les yeux fermés. Eerah plissa les yeux, sceptique. Ce rêve avait des allures de réalité. Il n'aurait pas imaginé son esprit capable de produire autant de détails uniquement grâce à son imagination. Et pourtant. Il arrivait parfaitement à détailler les racines sombres de ses cheveux, qui s'éclaircissaient en allant vers les pointes, il était pleinement conscient du grain de beauté infime qui s'était logé au coin de sa mâchoire, à gauche de son visage, près du lobe de son oreille. Il distinguait sans le moindre problème toutes les petites imperfections qu'il semblait ajouter lui-même pour se persuader qu'elle était aussi réelle que lui. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, il découvrit une irrégularité dans le gauche, un cercle cuivré lui cernant la pupille. Le tout en faisait une jeune beauté bien trop convaincante pour être la créature issue du rêve d'un homme ivre. Il commençait vraiment à se demander si la chose ne recelait pas d'une intervention magique, ou pire, divine.

Les dieux ne l'avait jamais vraiment eu à la bonne, et son comportement récent n'avait pas du arranger les choses. Toujours troublé, et affublé d'un début de migraine qui sonnait comme un avant-goût de la matinée qui allait suivre, Eerah se saisit également de sa flûte, et en avala une gorgée rapide. Un cru exceptionnel, évidemment. Il n'était même pas sûr de l'avoir un jour goûté réellement, il était plus probable que son hémisphère gauche ait encore frappé. Fruité, sucré, épicé, tous les termes pouvaient convenir au breuvage, tant il était puissant et complexe. Il s'autorisa une seconde d'autosatisfaction avant de reporter si, attention sur Avril, qui l'étudiait également. Elle papillonna lentement des yeux, et lui adressa un sourire enjôleur - auquel il ne répondit pas - avant de lâcher d'un ton faussement blessé :

-« Vous saurez remarquer que… c’est vous qui m'avez imaginée ainsi, vous ne pouvez-vous en prendre qu'à vous-même. Curieuse de savoir si la vraie Avril serait flattée de voir la tête que vous lui offrez. »

Le Déchu se renfrogna immédiatement, en grommelant un commentaire inaudible sur sa prétendue voix aguicheuse. Pourtant, quand il la considéra de nouveau, il se surprit une seconde à penser qu'il avait peut-être fait le décolleté de sa chemise un peu trop haut. Comme si elle lisait dans ses pensées - ce qui, finalement, n'était pas loin d'être le cas - elle se pencha en avant, le menton posé au creux de sa main, l'autre bras en soutien, ce qui rehaussa de quelques centimètres, largement suffisants, sa poitrine, au grand dam d'Eerah, qui dut détourner les yeux en jurant. Elle reprit d'un ton d'autant plus moralisateur.

-« Vous voyez ? Vous recommencez. Et moi qui suis certainement pure et innocente, dénuée de tout… »

Il la coupa, visiblement à bout de nerf. Même en rêve, il tachait de garder un minimum d'honneur, et son propre subconscient ne semblait jamais las de vouloir l'en priver.

-« Ça suffit. Tu as dit que nous avions à parler, et j'avoue que l'idée de mon propre esprit m'adressant la parole m'intrigue un peu. »

La jeune femme recula dans son siège, ramenant ses attributs avec elle. Amusée, Avril joua un instant avec son verre, le regard braqué sur celui du Déchu, avant de répondre.

-« Pourtant ce n’est pas si extravagant. Vous ne faites que penser, je ne fais que vous répondre. Vous ne faites que réfléchir, je vous envoie des pensées. Vous ne faites que vous… questionner, je vous donne les réponses. »

-« Des réponses ? Bien. Qui es-tu ? »

Un sourire.

-« Avril. »

Un soupir.

-« Mais encore ? »

-« Que cherchez-vous réellement à savoir ? Mon âge, le nom de mes parents, ma pointure ? Vous ne posez pas les bonnes questions. »

Le canapé crissa quand Eerah se releva dans un geste de rage. Il commença à faire les cent pas dans le petit salon, les mains croisées dans le dos. Pourquoi diable devait-il avoir hérité du subconscient le plus insupportable, le plus exaspérant, et le plus alambiqué qui fut ? Si seulement tout avait été simple. Comme dans les vieilles histoires, un coffre ou une porte, qui contiendrais ses souvenirs, ses pensées, logé dans une pièce, quelque part. Non, au lieu de cela, il en était rendu à devoir réfléchir aux « bonnes » questions à poser à son propre esprit, il devait se courber aux exigences d’un… d’une… à ses propres exigences en réalité. Une seconde, il envisagea de se mettre la tête dans le mur pour s’apprendre les « bonnes » manières. Mais cela aurait surement été contreproductif, et à la place, il finit par s’appuyer sur le dossier de son siège, le visage dans la main. Pendant quelques secondes, pas un bruit ne fut émis, elle se contenta de l’observer, en attente, semblable au génie qui patiente pour son vœu. Finalement, il prononça les mots auquel il avait pensé :

-« Je veux savoir ce qu’il s’est passé la dernière fois que l’on s’est rencontrés. Du début, à la fin. »

-« Comme il vous plaira. »

Et elle lui raconta. Elle lui raconta son réveil, la découverte de son sac vandalisé, sa chasse à l’aveugle pour rassembler sa nourriture, l’apparition d’Avril, comment ils avaient discuté, puis elle lui conta ses crises de colère, elle lui conta sa « récompense », le savoir absolu, et enfin, comment il était mort. Durant toute son histoire, Eerah ne pipa mot, n’exprima aucune émotion, aucun tic facial. La jeune femme débitait tout ce qui s’était passé sans s’arrêter, d’une voix lente et posée. Elle lui donnait chaque détail, chaque chose qui lui était passé par la tête à ce moment-là, le tout sans perdre pied une seconde, inexpressive. Imperturbable. L’autre aurait voulu l’interrompre qu’il n’y serait surement pas arrivé, autant essayer d’arrêter la rotation de la planète. Inexorable. Un souvenir qui se rappelait à lui petit à petit, et qui aurait pu se targuer d’arrêter un souvenir ? Contraint de s’entendre raconter sa propre histoire, à quoi bon essayer de se cacher la vérité. Quand elle eut fini, une longue demi-heure plus tard, un autre silence pesant s’installa. Ils n’avaient tous deux presque pas bougé, Avril assise, les jambes croisées, et Eerah debout, accoudé sur le canapé. Ils furent tous deux étonné de ne pas voir le Déchu s’énerver. Au lieu de cela, il soupira doucement, et contourna le siège pour s’asseoir et boire une lampée à sa flute. Puis se resservit. Bu une autre fois. Se resservit encore une fois. Et bu de nouveau. Avant d’enfin se mettre à parler, le regard sombre, empreint d’une étrange tristesse.

-« Alors j’ai failli… »

C’était dur à admettre, dur à dire, dur à entendre. Une constatation rude, très amère pour quelqu’un d’aussi fier qu’un ex-soldat comme lui. À voix basse, il poursuivit.

-« Je ne suis pas capable de réaliser mon vœu le plus cher. Pas capable de tout savoir… »

Avril s’était levé, contournait la table. La vérité ne plaisait pas au rêveur. Elle ne lui plaisait pas du tout, elle était porteuse de trop d’implications. Pourquoi continuer, dès lors, s’il n’en était pas digne ? Pourquoi s’acharner, si le résultat était connu d’avance ? Les yeux perdus dans le vide, il formula sa déception par des mots.

-« Cela ne sert plus à rien. Ce n’est plus la peine de… »

La gifle vola, et le coupa net dans ses élucubrations. Elle était d’une force impressionnante, surprenante quand on la savait issue de la main de la jeune femme. La tête du Déchu pivota violemment sur le côté, marquée d’une trace rouge. Avril, dressée devant lui, serrait le poing, la poitrine soulevée par à-coups, au rythme de sa respiration chaotique. Plusieurs de ses mèches étaient dérangées, et elle ne souriait absolument plus. Loin de là, elle semblait même au bord des larmes, prête à le frapper de nouveau. Pourtant, elle s’en abstint, et d’un ton chevrotant, lui lança :

-« Ne. Dites. Plus un mot. N’avez-vous rien écouté ? N’avez-vous pas entendu ce que je… Ce qu’Avril vous a dit ? »

Eerah, étendu sur la soie, n’avait pas bougé, et évitait à tout prix de croiser le regard de la jeune femme. Autour d’eux, l’air pulsait, agité par les battements d’un cœur erratique. Elle reprit la parole sans le laisser répondre.

-« Vous avez été élu, vous avez été choisi ! Sonenzio, Avril, ils sont venus pour vous, ils vous ont parlé, et vous ne pensez encore et toujours qu’à votre petite personne ! Ne comprenez-vous dont rien ? Vous êtes trop impatient, trop pressé. Cette couronne ne vous échu pas, vous ne la méritez pas. Pour l’instant. Personne ne devient roi en un jour, personne n’obtient le savoir en claquant des doigts. C’est ce qu’a essayé de vous montrer votre protectrice, mais vous n’avez rien compris. La route est longue, vous le savez. Elle l’a dit. Il l’a dit. Maintenant, dites-le. »

Au son de l’ordre manifeste qu’elle lui lançait, il tourna vers elle un regard empli de fureur, et se redressa de toute sa hauteur, écartant d’un coup de pied le canapé, l’envoyant bouler au fond de la pièce. Derrière lui, les tapisseries flambèrent, la table vola en éclats. La moquette s’embrasa sous leurs pieds, le champagne s’évapora tandis que les verres se brisaient en un tintement suraigu. Les pans de son manteau s’élevaient derrière lui, avec sa chevelure, ses yeux ne brulaient plus que du feu de la colère, implacable et toute puissante. Les mots jaillirent tranchants de la bouche déformée sous un rictus de rage.

-« Comment oses-tu, femme ?! Je suis encore roi ici, et tu n’existes que par moi ! Ne t’avise pas de me donner d’ordre, ou il t’en pâtira ! »

Il n’en fallu pas plus pour déclencher la tempête. Avril le regarda, et sans bouger, fit envoler toutes ses convictions. Le feu gela, sa tiare vola loin derrière lui, avec ses vêtements, pour qu’il ne lui reste plus qu’un morceau de pantalon en lambeau. Les bris de cristal stoppèrent net leur chute, le sol ondula dangereusement, et les murs explosèrent littéralement, les uns après les autres. Pièces après pièces, la tour fut pulvérisée. Depuis la jeune femme, d’immenses ondes de choc se propageaient sans fin, faisant s’envoler le toit, chaque pierre et chaque planche qui avait auparavant constitué sa forteresse de solitude. Les chaises, les tables, les lits, les armoires, tabourets, baignoires, étagères, tapis, lustres, jusqu’à la moindre fourchette, tout fut désintégré en un clin d’œil, celui d’Avril, considérant le faux roi à ses pieds. Autour d’eux, le monde électrique, le monde bleu d’Eerah disparaissait, remplacé par l’ombre, la plus noire des ombres, celle qui le maintenait prisonnier depuis tant de temps. Sa voix froide retentit à nouveau, dans le néant.

-« Parce que tu te crois maitre de tout cela ? Tu es dans mon royaume, Eerah Scaldes, usurpateur. Tu n’es qu’un enfant à qui je permets de s’amuser. Alors maintenant… DIS-LE ! »

À genoux, rampant devant elle, il avait été soufflé, détruit par l’onde. Il leva ses yeux larmoyant, emplis peu à peu d’obscurité, et, brisé, lâcha :

-« La… La r-route est l-l-longue… Pitié, pas le noir… Laissez-moi vivre ici, je vous obéirais ! Je ferai ce que vous voulez ! »

La pseudo-Avril daigna sourire enfin, et se baissa à son niveau.

-« Tu fais déjà ce que je veux. Bien. Tu finiras peut-être par comprendre. En attendant, midi approche. Je te renvoie à ton propre règne, au milieu des ténèbres. À toi de les éclairer. Va et deviens, Eerah. »

-« Non, non ! Je ne veux pas ! »

Presque tout était noir, alors. Seule une lumière subsistait, une lumière glaciale, du plus bleu des bleus. Les yeux d’Avril brillèrent un instant, puis disparurent. Et dans un dernier cri déchirant, il quitta son monde, son univers, et se réveilla.


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Chapitre III | Songe | Solo GqzDWY

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