« Attends sérieusement, c’est ton laboratoire ? », « Bha oui », « Mais bordel Cocoon, tu fais ça depuis combien de temps ? », « Ce serait trop long a te raconter. Laisse tomber Karl. », le-dit Karl prit une chaise, la retourna et s’assit en croisant ses bras sur le dossier : « Ca tombe bien j’ai tout mon temps… » L’Orisha soupira et s’appuya à son établi d’alchimie : « Quand on est Orisha on décide pas de sa vie, et tu sais combien j’ai pu subir pendant les quinze premières années de ma vie. Quand je suis arrivé chez ce foutu sorcier, figure toi que ça puait comme jamais. Je n’aimais pas l’endroit, ni les odeurs. J’avais rien le droit de toucher en plus, au risque de casser quelque chose… Tu parles, j’aurais du lui détruire son truc ! Bref, donc a onze ans je suis arrivé là bas, et le type, avant même de m’entrainer, ou de faire quoi que ce soit, il m’a montré des recettes de potions, et de breuvages, pouvant aussi bien régénérer la santé, comme tu la détruire. Personnellement, je m’en fichais. Je détestais ce type, j’étais seul, alors j’avais autre chose dans la tête que ses foutues plantes et potions à la con. J’ai été réfractaire à son enseignement pendant pas mal de temps, mais il me forçait à venir avec lui en forêt et en montagne. On a gravi bien des massifs comme ça et traversé bien des forêts, mais j’ai fini par m’ouvrir. Alors il me montrait les plantes, leurs vertus, ce qu’il fallait regardait en premier, et ce à quoi on reconnaissait une plante un peu moins… Bienfaitrice. Dans sa tour, il avait un établi un peu plus petit que le mien, et bien que je le trouvais trop grand, lui le trouvait trop petit. Je ne comprenais jamais pourquoi d’ailleurs il n’en n’avait jamais assez. D’abord, il a ramassé des ingrédients. Sur les arbres, les plantes, même les animaux des fois, et on rentrait pour faire des expériences. Il me montrait une recette, et il faisait le procédé sous mes yeux. Tu savais qu’il y avait des potions qui avaient besoin de trente heures de préparation ? Je trouvais ça tellement long, inutile et pourtant fascinant. Arriver à tirer partie des effets de plusieurs ingrédients, avoir l’audace et l’idée de les mélanger, avant de simplement les ingérer. Mon maitre avait de l’expérience, alors il savait ce qu’il fallait faire ou pas, et surtout il avait testé énormément de combinaison. Moi je n’étais qu’un novice, même pas un débutant. Petit à petit, c’était moi qui mélangeais. Je lui ai cassé des établis entiers, mais il s’est montré patient avec moi sur ce plan là, une des rares fois d’ailleurs. Il rachetait du matériel, et on recommençait. Ça a duré longtemps d’ailleurs ce petit rituel. Au final, quand j’arrivais à maitriser la préparation, je devais aller chercher moi-même les éléments et là, c’était tout de suite beaucoup plus difficile. Pire encore, il ne me parlait qu’en ma langue ancienne, alors je connais les noms des plantes en ma langue, mais pas en langue commune. Je t’explique pas le choc des cultures quand je parle avec un autre Alchimiste… Enfin bon. J’ai mis un moment à savoir discerner deux plantes l’une de l’autre. C’était compliqué, je ne voyais pas plus loin que le bout de mon nez en plus à l’époque. Puis j’avais des crises de rébellion, alors des fois je refusais, je faisais en sorte de ne pas écouter… Mais ça ne me servait à rien car je savais, malgré moi, que j’aimais ce qu’il m’enseignait. Alors j’ai fini par complètement me plier à ses exigences et j’ai écouté. J’ai cueilli beaucoup de plantes, je me suis blessé énormément, à la fin j’étais immunisé contre certaines car j’avais trop pris d’antidote. C’était un long apprentissage. A côté de ça j’avais mon entraînement quotidien, à la survie et au maniement des armes… C’était compliqué. Tu sais, vu que c’était ma passion, j’ai vraiment pris sur moi et j’ai, petit à petit, cessé de rechigner. Je me suis créé d’abord à l’écrit, un répertoire avec toutes les plantes et leurs effets, puis un cahier où je notais toutes mes recettes de potions. Certaines réussis, d’autres ratées, mais c’est comme ça que l’on découvre d’autres breuvages et remèdes : en testant. Il faut savoir prendre des risques et là dessus, je n’ai aucun mal à en prendre. D’ailleurs, je découvre toujours de nouveaux ingrédients. Mais aujourd’hui c’est différent. Enfin pour finir avec mon histoire, j’utilisais plus son établi que on arme et la grosse blague c’était que moi aussi j’ai fini par le trouver trop petit. Il manquait des incinérateurs, des alambics, des beschers… Ce n’était pas assez. Sans que je le sache, ma liberté commençait à approcher et moi, je continuais d’apprendre et de partir seul, en forêt, ou en montagne, et de créer. J’avais fini par retenir les recettes les plus basiques, puis à vraiment retenir les effets de tous les ingrédients que je croisais, avant de finir par ne plus avoir besoin d’écrire quoi que ce soit. Lorsque j’ai été relâché, je savais faire mes propres potions, antidotes, et aussi des poisons. J’avais un lexique complet, et un joli inventaire. Comme j’ai toujours été faible en magie, je ne me sers que de ça pour me soigner rapidement. Je sais donc faire des premiers soins de compétences avec ça, car ça ne sert a rien de poser un onguent, si derrière c’est pour laisser la plait ouverte et béante ! Enfin voilà, tu sais tout. », « Et aujourd’hui tu continues d’en faire ? », « Regarde autour de toi, tu vois bien que oui, non ? », « Pour sur. Et ton établi à aujourd’hui, tu le trouves assez grand ? », Cocoon ricana et répondit : « Nous les alchimistes, nous trouverons toute notre vie, notre établi ridiculement petit. »