Cocoon arrêta le robinet d'eau froide, et resta un moment debout, dans sa baignoire. Il pensait à ces derniers jours, et les récents évènements lui avaient laissé un goût amer dans la bouche. Les situations s'étaient retournées, et petit à petit il les avait surmonté, dépassé, jusqu'à arriver à la fin, où il s'était retourné. Retourné sur son parcours, son chemin, tout ce qui s'était passé. Il était partit de si loin, pour arriver encore plus loin, tout ça par sa force et sa volonté. Il ne méritait pas des éloges, mais le fait de se regarder, faisait arriver la nostalgie au galop. Enjambant d'un pas lourd, le meuble de porcelaine, il mit les pieds au sol, dégoulinant d'eau fraîche. Automatiquement, il tendit le bras pour attraper la serviette éponge, et la passer sur son corps nu. Bon sang, comment était-il arrivé à empêché l'écroulement de Mégido ? Mieux encore, Manna était morte et sa remplaçante se rua vers lui pour lui demander le poste. D'un point de vue humain, c'était rude d'enchainer comme ça, et on aurait pu pensé que l'Orishala n'avait eu aucun respect pour son ancienne Eshu, or ce fut à Cocoon d'en prendre la décision, et il avait réagit militairement parlant. Alors encore une fois, les funérailles de cette Grande furent à son honneur et à son effigie, et comme de sa volonté, les cendres furent répandu dans l'Océan, emportée par le vent et l'écume. Lily était en place depuis quelques temps à peine et elle faisait déjà un travail remarquable. Elle s'en référait à Cocoon et ce dernier passait de plus en plus au Port lorsqu'elle rentrait de périple. Il en était particulièrement satisfait. Attrapant la lame de son rasoir, le bronzé la fit glisser sur la peau mat de son visage, continuant de penser, et réfléchir. Azrëel était à ses côtés depuis que Lily avait rejoins leur rang, et il en était content. C'était une très bonne maitresse de guerre, et elle se révélait de jour en jour à ses côtés. Ils avaient réussi à mener à bien quelques exercices et manoeuvres militaires, et parfois même quand elle en prenait le commandement. La montée en grade ne lui ferait que plus prendre confiance en elle, mais ne la stresserait pas temps que ça. Il en était certain.

Cocoon jura. Il venait de se couper au niveau du cou, en remontant mal la lame. Nettoyant cette dernière, il en profita pour mouiller la plaie, et arrêter le sang de couler. Et finit sa toilette matinale. Arrivant dans la chambre, il se dirigea vers une armoire en bois, et ouvrit les portes. Cherchant une chemise ocre, il la passa sur ses épaules, sans la boutonner, et enfila son pantalon noir en lin, habituel. Jupiter lui tendit des chaussures de haute qualité, bien plus habillée que ses godillots noirs et épais, dont il se servait pour partir en aventure. Evidemment, l'Eshu refusa, et enfila ses chaussures qu'il avait ciré de noir pour l'occasion. Et quelle occasion d'ailleurs. Il prenait la chose avec presque du dédains. Non, pas du dédains, mais avec une banalité affligeante plutôt. Où en était-il lui dans sa vie pour avoir osé dire oui à cette proposition ? Comment se retrouvait-il dans cette situation ? Déon l'avait poussé à outrance à dire oui, à monter les dernières marches de la hiérarchie, pour arriver au sommet. Se mettant devant Jupiter, le bronzé lui demanda silencieusement de boutonner sa chemise, ce qu'il fit avec empressement, s'affairant de préparer un Cocoon parfait. Enfin presque parfait. Il était du genre à toujours avoir l'épis rebelle, montrant que malgré tout, il restait lui même, neutre, indifférent et si je-m'en-foutiste.

L'Orisha ne stressait pas, et s'attribua même un petit regard par la fenêtre, pensant à la nature chantante, du jardin toujours ensoleillé. L'intendant lui signifia qu'il était prêt, il manquait plus qu'il ne descende, pour se rendre dans le funérarium mais, anormalement, Cocoon ne voulait pas. Pourquoi Lison était-elle morte ? Pourquoi avait-elle périt ? Elle avait à nouveau abandonné son peuple, et lui se retrouvait maintenant à la tête de ce petit monde. Bien sur, il était consciencieux et professionnel, alors ça ne le dérangeait pas de tous les porter à bout de bras, mais était-il finalement vraiment à sa place ? Ses Eshus l'aideraient, bien sur, et il allait demandé de l'aide dans les premiers temps mais parallèlement, il espérait faire mieux que l'ancienne souveraine. Mieux que quiconque. Etre à la hauteur, se faire voir, se faire valoir même, que si un nouveau conseil des Chefs s'annonçait, qu'il pourrait être pris sur le même pied d'égalité que les autres. Et tout à coup dans sa tête, tout alla très vite. Il réalisa où il était vraiment, et ce qu'il faisait aujourd'hui de sa vie.

Il allait être Orishala.

Cocoon traversa le couloir, et descendit les escaliers, qui menèrent dans le corridor principal. Il fit un crochet par le hall, où il vit Kaithleen et Enzo, en train de discuter. Les deux le saluèrent et il se rendit immédiatement dans une très grande salle de réception, dans l'arrière du Palais. Au quatre coins de l'édifice, un drapeau noir et ocre était dressé, montrant qu'aujourd'hui, la ville était en deuil. Lison allait être inhumée, et c'était la dernière veillée près du corps. L'Orisha ne savait pas vraiment ce qu'il allait se passer, ni comment cela se passait. Les funérailles étaient lourdes, et il n'avait pas prit le temps de se rendre aux veillées précédentes, ni de faire un tour dans la chambre funéraire, où la souveraine était depuis soixante-douze heures. Alors la dernière nuit allait être l'ultime.
En temps qu'empathe, il se prit dans le coeur, tous les sentiments des proches et des civils, ici même. Déjà, ça embaumait l'Eorishaze mais une fois dans la pièce, il mit des visages sur cette douleur, et accusa anormalement le coup. Etant fort mentalement, il bougea rapidement, et garda bonne figure, mais cela ne le laissait pas indifférent. Dès qu'il ferma la porte, les chuchotis s'arrêtèrent, et les gens le regardèrent. S'avançant vers un groupe de personne dont il reconnut quelques visages, il ignora le silence absolue pour lui aussi chuchoter, et donner ses condoléances aux plus offrants. Il vit le mari de Lison, maintenant veuf, près du linceul, et son frère de l'autre côté. Si sa mémoire était bonne, elle n'avait plus de famille mais, cependant, elle était particulièrement bien entourée. Elle avait su d'ailleurs, s'entourer d'amis et de proches très intimes, quels qu'ils soient.

Tous les Eshus étaient là, et parlaient aux convives. Cocoon ne savait que dire, il ne se sentait pas à sa place, puis Azrëel arriva vers lui. Elle avait une longue robe noire, teinté d'ocre ça et là, et ses cheveux bleus étaient relevés en chignon, cachés par un fin voile noir, très raffiné. Mettant sa main sur le bras du mastodonte, elle lui chuchota gentiment :

« Comment tu te sens Cocoon ? Oh, tu t'es coupé ? »
« Ouais... Ça aurait pu être pire. Tu as vu le corps ? »
« Oui. Elle est fatiguée, il est temps pour elle de partir. Tu risque de ne pas la reconnaitre. »
« Je n'ose pas y aller. Tu réalises tout ce qu'il se passe ? Le bond que je fais en plus ?  »
« Eh bien, je t'ai connu plus stoïque que ça. Que t'arrive-t-il ? Ca ne te ressemble pas d'avoir aussi peur de l'inconnu. »
« J'en sais rien. Tu as vu Déon ? »
« Non mais appelle le, il viendra immédiatement. Tu le connais. »
« Azrëel ! »

Quelqu'un héla la jeune femme, un peu plus fort que le chuchotement ambiant. Quittant Cocoon, elle le laissa avec son angoisse, et dans sa solitude la plus complète. Il voulait s'asseoir, attendre péniblement que tout ça passe, mais il ne pouvait, pas. Il fallait qu'il affronte une dernière fois Lison. Alors il se déplaça doucement, lentement, comme s'il refusait finalement d'y aller. Ses yeux vairons virent un bras, puis son corps, avant de finalement voir le cadavre. Elle était blanche, malade, et ses traits étaient affaissés. Il ne pensait pas la voir aussi mal en point. Jeckey pleurait de toutes ses forces, dans de grands sanglots trop bruyants pour l'Orisha, et Enki avait le regard complètement vide. Son oeil était faiblard, et ailleurs. Cocoon ne toucha pas le cadavre, ne fit rien, mais il préféra regarder la jeune défunte, et la détailler. Son visage, son corps, puis les souvenirs revinrent, difficilement mais ils revinrent, et toute cette peine et ce chagrin ambiant, le prit un peu trop à la gorge. Dans un instant de lucidité, il se ferma complètement. Il coupa tout, et se referma sur lui même. Luka, Absynthe, Nydelia et Yulenka aurait du trébucher et tomber, au même moment, quand Cocoon s'enferma à double tour dans son propre esprit. Sur n'importe quel plan astral, il ne vit plus personne, et ne s'inquiéta tout à coup plus de ce que les gens ressentaient, ni même de ce qu'ils pensaient, ou ce qu'il se passait ici.

Il n'en n'avait finalement rien à foutre.

Pourquoi était-il ici ? Oui Lison était son amie, mais avait-il besoin de participé à cette mascarade ? Il devrait aussi être là lorsqu'ils répendraient les cendres ? Non, c'était a son frère de le faire, lui n'avait pas à participer à tout ceci. Détournant son visage, il vit Déon à côté de lui, et prononça sèchement :

« On s'en va. »

Il n'avait pas à se justifier, ni même à signaler quoi que ce soit. Il avait donné ses condoléances et ses respects à quasiment tout le monde et maintenant, tout cela le dépassait et l'irritait. Il n'était pas à l'aise, il n'était pas touché par cet évènement. La culpabilité n'était pas de mise car malgré tout, il fut respectueux, mais si son inconscient l'avait fait se bloquer, et se renfermer, alors il pouvait maintenant sentir sa petite partie maléfique, enfouie en lui, rire à gorge déployée.
Alors le fait de se tirer de là n'était finalement que la meilleure solution. Le fait de prendre Déon avec lui pouvait justifier bien des choses aux yeux des gens mais, pour lui, il voulait juste être avec son collègue. Avec ses inepties, il allait pouvoir lui rendre assez de moral pour ne pas déprimer toute la soirée. Les pas des Orishas résonnèrent dans le couloir. Personne ne disait rien, jusqu'à ce que Cocoon entre dans la salle du trône. Il avança doucement jusqu'au siège sobre et massif, avant de s'asseoir dessus, et embrasser la pièce vide et peu éclairée du regard. La couronne était toujours par terre, plus loin, là où il l'avait lancée la dernière fois. Personne ne venait ici, personne ne faisait savoir qui était le Roi sur ces terres. Maintenant ça allait changé, il était là, et le Général évoluait en Maitre suprême. Déon alla attrapé le diadème épais, et le posa sur la tête de l'Orisha.
Cette fois-ci, il ne la jetterait pas, en protestant contre les lubies de son collègue.
Cette fois-ci sera la dernière.
Cette fois-ci sera permanente.

Cocoon était Orishala.