Mitsuko sourit. « Eh bien, figurez vous que pour la jeune femme dont je vous parlais, l'histoire a commencé exactement de la même manière. Le premier démon qui l'accompagne a dû s'occuper d'elle petite à la suite d'un pacte effectué avec les anges gardiens de ses parents qui ont trouvé la mort à cause des vampires. J'ai eu une longue conversation avec lui et, au début, il l'a très mal vécu. Il est vrai que les démons sont la plupart du temps sanguinaires et détestent les humains bien que la politique de Blacky ait changé les choses sur un certain nombre de points. Quoi qu'il en soit, s'occuper d'un bébé lui a valu bien des commentaires houleux de la part des siens. Cependant, à l'heure qu'il est, il est le protecteur de la reine des humains et se fiche de ce que ses semblables pensent de lui. ». Kyo était un démon un peu bougon, certes, mais il n'en était pas moins attachant. L'Aether sourit, là, devant la porte de Kiba qui venait de la leur refermer au nez. Elle n'avait pas de limite matérielle, chose qui était réellement appréciable dans ce genre de cas. Elle n'était que magie, son corps n'était présent que par sa volonté, que par son désir de rester un peu humaine. Mais elle pouvait devenir biche, lapin, plante ou objet, à sa guise. Toquant une nouvelle fois à la porte, n'obtenant aucune réponse, elle finit par se tourner vers Shiro. « Vous savez, j'ai lu dans quelques livres qu'une légende raconterait qu'un vampire ne pouvait entrer chez quelqu'un s'il n'y était pas invité. Pour en avoir été un pendant quelques années, je peux affirmer que je n'ai jamais eu besoin du consentement de personne. ». Elle semblait amusée. « Il est vrai qu'auparavant, je devais défoncer les portes pour entrer. A présent c'est différent. Défoncer les portes, entrer par la fenêtre, j'ai une meilleure idée. ».

La jeune femme s'avança alors droit vers la porte, passant à travers comme si elle n'avait jamais existé. Ça lui demandait moins d'énergie que de garder forme humaine, c'était naturel. Ni les armes, ni les objets ne pouvaient l'atteindre, tout passait à travers son corps du moment qu'elle le souhaitait. La magie était par elle absorbée et elle ne risquait rien, vraiment rien. Encore une fois, tant qu'elle le décidait. Mitsuko pouvait accepter une caresse ou bien la refuser. Dans le premier cas, celle-ci frôlait délicatement sa peau, dans le second, la main prodiguant cette caresse passait à travers son corps. Enfin, c'était un minimum parce qu'elle avait été longtemps puissante et le fait de ne pouvoir utiliser ses pouvoirs lui manquait. C'était un peu un lot de consolation.

Une fois de l'autre côté, elle se tourna vers la porte, défaisant les différents verrous avant d'ouvrir à Shiro, retrouvant l'ombre et son démon. Faisant une petite révérence, elle s'inclina devant le jeune fille avant de lui dire : « Si vous voulez bien vous donner la peine d'entrer mademoiselle. ». Puis, elle regarda Kuro avant de faire de même : « Mon seigneur... ». Cette petite mise en scène était bien entendu faite pour être comique. Il est clair que Mitsuko ne se retrouvait jamais dans ce genre de position vu qu'elle avait à son service toute une flopée de serviteurs, même un peu trop nombreux sans doute pour elle toute seule. Se redressant pour se diriger dans la maison, elle trouva Kiba assis sur une chaise, fixant le journal comme s'il le lisait. Mais il ne fallait pas avoir un grand sens de l'observation pour se douter qu'il était plutôt plongé dans ses pensées. Prenant une chaise, la déesse s'installa en face de lui. L'homme releva alors les yeux vers elle, semblant prêt à la tuer si elle ouvrait la bouche. Seulement, tuer un dieu, c'était comme essayer de traverser un mur sans don spécifique, impossible. Frappant son poing contre la table, l'homme se voulait menaçant. Mitsuko finit par sourire, le fixant sans une once de peur dans le regard faisant apparaître son sabre qu'elle posa sur le côté de sa chaise, au cas où il souhaiterait l'attaquer avec une arme. Bien entendu, elle s'en fichait mais réviser les quelques petits tours que lui avait appris Dante de Mallet ne lui ferait aucun mal.

« Bien. Je vais vous redire les choses de façon plus claire : cette Ombre a votre nom inscrit sur sa liste pour le moment, ce qui veut dire qu'elle va devoir prendre votre âme. Quant à moi, j'ai été engagée, si je puis dire, pour le frère de votre femme, afin que justice soit rendue. Mon objectif est de vous conduire à la prison où vous serez condamné à purger la peine qui vous est due. Cependant, si vous ne regrettez pas vos actes, si vous n'expiez pas la haine qui se situe dans votre cœur, il nous faudra vous condamner à mort. ».

Mitsuko avait parlé calmement, ses mains bougeant pour appuyer ses paroles. Néanmoins, elle n'eut comme réponse qu'un grognement et l'homme fit un geste brusque en direction de Shiro afin de l'attaquer. La déesse ne bougea pas, sachant que la demoiselle pouvait se défendre seule. C'était justement cela qu'il ne semblait pas comprendre. Il valait mieux pour lui discuter, expier ses fautes, regretter que de garder une rage qui le détruirait. Mais il allait vite se rendre compte qu'elles étaient plus fortes que lui, elles et le démon de Shiro et qu'il devrait prendre une décision en ce qui concernait son avenir.

Spoiler:

Mitsuko fixait Kiba qui se trouvait à présent à l'autre bout de la pièce. Rien n'était jamais simple dans ce genre de situation et elle avait douté dès le début qu'il puisse reconnaître ses tords. En attendant, Shiro avait d'excellents réflexes, ce qui surprit la déesse quelque peu. A vrai dire, elle n'avait jamais été bien douée avec les armes et la force physique pure. Dante de Mallet lui avait appris quelques petits tours mais elle restait très peu douée en la matière. Néanmoins, il fallait préciser que, lorsqu'elle était mortelle, sa magie compensait son manque de pratique en combat. « Bien joué. ». Elle avait dit cela d'une voix faible, fixant à son tour l'ange déchu assassin qui, visiblement, n'avait pas l'intention de s'arrêter là. « Vous êtes réellement désespérant... ». Cette fois, elle s'adressait à lui, sa voix plus forte, son ton beaucoup plus autoritaire. Elle le comprenait néanmoins. Il avait dû se sentir trahi mais, finalement peu importaient les mobiles, seul l'infraction comptait : l'élément matériel, le fait de tuer, et l'élément moral, le fait d'avoir l'intention de tuer. Les assassins avaient plus ou moins tous des mobiles, même les fous. Il y avait toujours quelques choses qu'ils prenaient pour justifier leur crime, que ce soit un regard de travers, une trahison, un abandon, n'importe quoi. Mais peu importe la raison, le crime devait être puni. Aussi, la déesse se leva simplement, restant debout derrière la table quelques secondes, son regard rivé sur celui dont elle allait s'occuper.

Le silence, puis, elle fit lentement le tour de la table, se dirigeant vers lui, provoquant chez l'homme une réaction étrange, un mouvement de recul suivi de quelques mots qui n'eurent guère le temps de former une quelconque phrase. « Mais qu'est ce qu... ». Le tranchant de la main de Mitsuko s'abattit avec une force certaine sur le cou du jeune homme qui s'effondra sur le sol comme un objet que l'on aurait un peu trop bousculé. Réaction physique normale après tout. Elle soupira, n'ayant absolument pas voulu en arriver là mais il avait décidé pour elle en se comportant comme il l'avait fait. La jeune femme se tourna alors vers Shiro qui tenait encore son sabre entre les mains.

« Je pense qu'il est dans un état de colère tel qu'il ne sert à rien de discuter avec lui. ». C'était certain. Il ne comprenait même pas qu'un choix lui avait été donné et qu'il se retrouvait dans l'impossibilité de choisir une solution autre. « Alors je propose qu'on fasse le trajet avec lui jusqu'à la prison. On ira en calèche jusqu'à l'océan pour prendre un navire puis, de Sceptelinôst, nous n'aurons aucun mal à rejoindre la prison. ». Cela prendrait sans doute pas mal de temps mais ça permettrait à l'homme de réfléchir à son sort et au choix qu'il devait faire : mourir ou payer sa dette. D'une certaine façon, la mort était également un moyen de rétablir l'équilibre, tout dépendait après tout de la conception de chacun. « Ainsi, une fois devant les portes du bâtiment, nous lui demanderons s'il est disposé à répondre de ses actes ou non. S'il est toujours récalcitrant, alors vous prendrez son âme et s'il ne l'est pas, nous le laisserons derrière les barreaux pendant le temps nécessaire d'après les lois de son peuple. ». Mitsuko ne connaissait pas encore toutes les lois, elle devait l'avouer, surtout que certaines paraissaient floues, contradictoires ou mal rédigées, cela dit, elle était certaine que les gérants de la prison sauraient la renseigner. « Bien, je vais chercher une personne qui sera susceptible de nous conduire jusqu'à l'océan. Si vous pouviez vous occuper de lui attacher les mains dans le dos pour éviter qu'il ne s'enfuit une fois réveillé, ce serait parfait. ». Elle sourit, se disant que dans la maison de Kiba, Shiro trouverait bien de quoi lui lier les poignets. Et puis, cette jeune fille était débrouillarde, elle en était convaincue.

Sortant de la maison, la jeune femme se dirigea vers le centre d'Avalon, cherchant une enseigne bien précise, la trouvant rapidement avant de s'engouffrer dans la boutique et de faire sa demande. L'affaire fut conclue et elle ne dut attendre que quelques minutes pour que les chevaux et la calèche soient prêts. L'homme qui la conduisait la mena jusqu'à la maison de Kiba puis l'accompagna à la porte, celle-ci se tournant vers lui pour lui expliquer la situation : « Bien, un homme se trouve attaché à l'intérieur. Vous devez le savoir mais il a assassiné sa femme et nous devons le conduire à la prison. Je compte sur vous pour le maîtriser et l'amener à l'intérieur de la calèche sans encombre. Bien entendu, vous serez payé en conséquence bien qu'il ne soit pas si dangereux que cela. ». Il était surtout quelque peu colérique. Mitsuko entra alors dans la maison, faisant signe à Shiro que tout était réglé de son côté. Ils allaient pouvoir y aller. Laissant à l'homme le soin de s'occuper du meurtrier, elle monta en première dans la calèche, attendant que l'ombre et le démon la rejoignent, sans oublier Kiba qui serait sans doute de mauvaise humeur.

Spoiler:

Mitsuko avait souri lorsque la jeune demoiselle lui avait posé des questions quant à sa divinité, se contentant de lui dire doucement : « Eh bien, ce n'est pas ce qu'il y a de plus simples à expliquer alors je vais y songer et puisque nous passerons sans doute la nuit à voguer sur l'océan, je vous raconterait tout ceci. ». Expliquer comment devenir un dieu, ce n'était pas aisé, plus une notion qui se ressentait, quelque chose qui ne pouvait pas vraiment s'apprendre. Certaines personnes pouvaient très bien comprendre le mécanisme sans jamais parvenir à s'élever. Quoi qu'il en soit, elle y réfléchit activement durant le trajet et, une fois qu'elles furent sur le navire, la déesse enferma Kiba dans sa cabine avant de faire signe à Shiro de la suivre sur le pont. Le bateau flottait doucement sur la mer qui n'était guère capricieuse en cette nuit, et l'Aether s'appuya sur le bastingage, fixant l'océan, reflet des souvenirs qu'elle avait perdu. Naram, l'homme de l'océan. Mais celui qui oubliait n'était jamais celui qui souffrait le plus, du moins, c'est ce qu'elle pensait. Comment vivre en voyant la personne que l'on aimait ne plus se souvenir de nous? Cela devait être tellement difficile, la voir au bras d'un autre individu, la voir rire alors que l'on souffre. Oh elle ne savait pas qui elle avait oublié en réalité, mais elle ne lui souhaitait pas de l'aimer sinon, cet homme devait souffrir de bien des manières. En attendant, l'océan la rendait triste, nostalgique. Pour tout avouer, les sentiments qu'il éveillait en elle lui étaient inconnus, comme si elle n'arrivait pas réellement à mettre des mots dessus, des mots assez forts pour les définir.

« Devenir un dieu c'est... se détacher. ». C'était le seul mot qu'elle avait trouvé pour le définir. « Vous savez, il faut avoir acquis une grande puissance auparavant, avoir dirigé sa race mais, bien souvent, c'est là le problème. Les souverains sont trop attachés aux biens matériels, à leur puissance, au respect qu'ils imposent. Certains sont imbus d'eux-mêmes et ils ne pourront en aucun cas s'élever. Devenir une divinité nécessite de tout lâcher, absolument tout. Devenir immortel en échange de la perte de ses pouvoirs, de la perte d'un statut, en échange du risque de pouvoir s'oublier soi-même. Ce n'est pas un choix à faire à la légère, surtout que les premiers temps sont les plus durs. ». Elle savait ce que cela faisait de vouloir construire des choses sans en avoir les capacités. « Il ne faut absolument pas croire que les dieux sont tous puissants. Certains le sont oui, ceux qui ont réussi à s'attribuer les croyances des mortels, mais d'autres disparaissent, tout simplement, oublié pour de bon, n'ayant aucunement droit à la mort, condamné à être oublié et à s'oublier. C'est tragique quelque part de penser que des personnes qui avaient tout, des souverains au sommet de leur puissance ont pu être réduits à néant. Alors, je ne dis pas, les choses peuvent changer pour un dieu qui a disparu. Il suffit qu'un mortel trouve de vieux parchemins relatant l'histoire du dieu et fonde une religion sur cet être pour que celui-ci tout de suite se réveille de son amnésie. Mais ces cas là sont très rares. Il faut qu'il y ait des traces de ce dieu au préalable. ». Elle réfléchit. « Et puis, c'est terrible dans les premiers temps, toute cette magie qui est ressenti en nous sans que nous soyons aptes à l'utiliser. L'impuissance est le sentiment le plus ressenti. Peut-être qu'un dieu, dans les premiers temps de son existence est bien plus mortel qu'il ne l'a jamais été, ressentant tout, se retrouvant tel un enfant, perdu, totalement perdu. Chaque fidèle acquis est une véritable bénédiction mais le doute plane à chaque instant : vais-je y arriver? Vais-je pouvoir apporter au monde ce que je représente? Ou vais-je simplement m'éteindre? ». Elle marqua une pause. « Et, il me semble que la question qui revient le plus souvent est : ai-je fais le bon choix? ». Elle finit par sourire. « C'est un choix qu'il ne faut pas faire à la légère car tout ce que vous avez entrepris dans votre vie se retrouve comme balayé. C'est très difficile, réellement. ». Ses traits se détendirent et elle admira la lune qui était à son zénith, admira les étoiles qui scintillaient comme jamais. « Mais si j'ai choisi de devenir Aether c'est parce que je désire me battre pour mes convictions, peu importe les difficultés. ». Il y avait cela bien sûr, ça et le fait qu'elle voulait accéder à la connaissance ultime et se débarrasser de l'esprit de son ancêtre qui avait trouvé une place de choix dans son corps.

Le silence de la nuit, elle l'aimait, oui, elle chérissait les moments de calme, les moments apaisants. « Enfin, quoi qu'il en soit, s'élever n'est pas donné à tout le monde. Il faut pouvoir se détacher complètement, oublier son trône, ses obligations, oublier tout ce qui est matériel, oublier l'amour, les êtres qui nous entourent, même si ce n'est qu'un instant. Un aether n'a que faire de l'or car il peut en créer autant qu'il le désire. Un aether n'a que faire de l'amour car il peut le provoquer. Du moins, c'est la théorie, la pratique est beaucoup moins facile. ». Elle sourit. « Vous devriez aller dormir mademoiselle. La journée a été longue et il faudra être en forme lorsque notre navire arrivera pour conduire Kiba à la prison. J'espère que, d'ici là, il sera bien plus calme. ».