~ Ambiance ~

Je marchais sans but dans la rue commerçante, l'esprit aussi vide que pouvait l'être celui d'une âme désespérée. Je me haïssais parfois de n'être qu'une pauvre chose tributaire d'un trop plein de manque de confiance en soi. Je regardais les êtres dans la rue rire, chanter, avoir des rapports les uns avec les autres et je me rendais compte que j'étais terriblement différente. Il me semblait qu'ils ne réfléchissaient jamais à leurs actions avant de les accomplir alors que dans mon cas, mon esprit compliqué rendait impossible de tels actes.
En effet, j'avais beau faire tout les efforts du monde dans le but de parvenir à agir de façon naturelle, je n'y arrivais pas, ayant toujours peur de ce que penseraient les autres si je faisais tel ou tel geste, disais telle ou telle chose. J'étais enfermée dans ma peur, une peur sans fin que je n'arrivais pas à canaliser, à maîtriser. Oh bien sûr, j'y étais arrivée il y a un temps, lorsque je me cantonnais dans le jeu d'une fille de haute société qui snobait tout le monde, se croyant supérieure. Mais depuis que mon jeu avait cessé, je ne pouvais plus redevenir celle que j'étais avant. Pire, je comprenais que ce que j'étais par le passé n'était qu'un carapace solide afin de dissimuler mes faiblesses.

Cependant, je me demandais si, à présent que j'étais de nouveau moi, Edwina, pleine de doute, d'incertitude, oui, je me demandais si ma vie était devenue meilleure. J'avais rencontré Iro, un Elémental qui m'avait aidé et dont j'étais tombée amoureuse bien plus tard. Cet homme, je l'avais fuis à cause d'un baiser qui m'avait surprise, paniqué, tellement que j'avais été dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit d'autre que de m'éloigner, les larmes aux yeux, me haïssant à présent d'un tel acte, au point que plus rien ne me faisait réellement plaisir. Je voulais le revoir, oui, mais quelque part en moi, j'étais persuadée qu'il ne voudrait pas de moi, moi qui ne servait à rien.

Quelques temps auparavant, j'avais décidé de me mettre en tête pleins de bonnes résolutions. Je voulais faire des efforts pour devenir forte, pour vaincre ma peur mais, plus j'essayais, plus mes craintes revenaient au galop. Ainsi, dès que je me trouvais en présence d'une personne, tout allait bien en apparence, jusqu'à ce que celle-ci me contredise ou semble ne point m'apprécier. J'étais faible psychiquement, oui, vraiment faible et même si je ne voulais pas le laisser paraître au grand jour, il était facile de briser mon cœur en mille morceau, comme si toute ma personne était faite de porcelaine d'une extrême fragilité.

En ce jour, j'avais décidé de me vêtir d'un robe tout simple, bleu, de la même couleur que mes cheveux. Mes chaussures étaient également de cette teinte, les lacets de ces dernières s'entremêlant autour de mes chevilles. A vrai dire, même si mon humeur n'était jamais au beau fixe, mes hésitations et fantômes me rattrapant toujours, je portais une attention particulière à mes vêtements, rêvant secrètement de devenir l'apprenti du maître Orion Shidori. Je voulais le rencontrer mais j'avais peur...oui, vraiment peur de ce qu'il allait dire de moi, de mon travail en tant que couturière novice et sans aucune expérience hormis les petits conseils que m'avaient enseigné les fées près de la rivière éternité.

Et c'était justement dans ce but que je me trouvais dans la rue commerçante...enfin, au début, parce que mon objectif n'en était plus vraiment un à présent, ma peur prenant le dessus sur toutes mes bonnes résolutions. Ainsi, dans mon cerveau deux moi-même se battaient, un qui disait que je devais m'y rendre, que je n'avais rien à perdre, et l'autre qui disait que je ne devais pas, que j'en serai détruite puisque, de toute façon, Orion ne voudrait pas de moi. J'étais donc dans la lune, ne remarquant même pas le brusque changement de lumière et entrant droit dans la première personne devant moi.

Le choc fut si brutal que j'en tombais à terre, hébétée. Je me relevais sans vraiment regarder la personne, murmurant un petit « Pardon... » d'une voix presque inaudible. Décidément, je ne faisais jamais rien de bien...

Spoiler:

J'entendis la personne qui m'avait bousculer s'excuser à son tour. Je ne l'avais pas regardé précédemment mais mes yeux vinrent se poser sur elle et quelle ne fut pas ma surprise de voir apparaître devant moi une fille qui devait avoir mon âge. Elle était peut-être un peu plus jeune mais je n'en savais rien. En tout cas, elle ressemblait à une poupée, une magnifique poupée! Depuis que j'étais arrivée sur terre, je n'avais jamais vu une femme à la peau si claire. Je remarquais également la différence de couleur de ses yeux. Elle était vraiment mignonne et je me demandais à quelle race elle devait appartenir. Sa bouille était ronde et elle me donnait envie de lui faire des câlins, de prendre soin d'elle, même si je n'étais même pas capable à l'heure actuelle de prendre soin de moi. En fait, je n'avais jamais vu de grandes fées de ma vie vu que j'avais vécu sous l'océan une grande partie de mon existence. En tout cas, j'étais en admiration devant ses grandes ailes ressemblant à celles des papillons. Elle avait l'air si gentille que je voulus immédiatement être digne de devenir son amie. Je n'avais d'ailleurs pas beaucoup d'amis et les fées de la rivière éternité m'avaient conseillé d'en avoir...oh mais...peut-être que cette femme était une fée plus évoluée que celles du lieu où j'avais habité auparavant?

Mon esprit réfléchissait rapidement à ce que pouvait bien être cette fille et je savais que si je lui demandais et me trompais, je passerai pour une nouille et aurai sans doute honte de moi. Elle me tendit la main afin de m'aider à me relever. C'est vrai que j'étais toujours à terre, la contemplant béatement. J'eus ensuite le privilège de rencontrer Pascal « un papillon de compagnie » selon mon interlocutrice qui elle, portait le doux nom de Danaë. Dans son élan, elle avait retiré sa main, me laissant donc à terre par la même occasion. Je restais sans bouger, essayant d'assimiler toutes les informations que Dan me donnait. Peut-être avais-je l'air surprise mais qui ne le serai pas? Enfin, j'étais moi aussi un cas très spécial, m'excusant toujours pour un oui et pour un non, rougissant sans cesse et ayant honte de moi la plupart du temps.

Une fois que Dan eut finis son discours, je me relevais. Heureusement qu'elle avait retiré sa main car sinon, j'aurai eu peur de la faire tomber en essayant de me remettre debout...c'est qu'elle paraissait tellement fragile. Une fois debout, je la regardais en souriant. Elle semblait maintenant un peu gênée et c'était une sentiment que je connaissais bien. Il fallait donc que je réussisse à la détendre. Le fait que ce soit moi qui doive jouer ce rôle me fit sourire et je finis par dire d'une voix que je voulais douce et rassurante :

« Désolée, j'aurai dû me relever plus tôt! Je m'appelle Edwina et je suis vraiment enchantée de faire ta connaissance Dan! »

Je l'appelais comme elle me l'avait demandé afin de paraître amicale. Je la regardais donc un instant avant de continuer :

« Ne t'inquiètes pas, je n'ai mal nul part. Peut-être que le destin voulait qu'on se rencontre après tout! Bon, il a un peu loupé son coup vu que l'on s'est rentrée dedans mais si ça n'avait pas été le cas, peut-être ne nous serions même pas vu! Et ça aurait été dommage car maintenant que tu t'es présenté et que tu m'as montré Pascal, j'ai très envi que l'on devienne amies! »

J'espérai qu'elle n'allait pas mal prendre mon discours. Seulement, je ne m'étais jamais fait d'amis auparavant alors je ne savais pas réellement comment m'y prendre avec elle! Essayant de combler un blanc, je demandais alors :

« Au fait, qu'est ce que tu viens faire ici Dan? »

Lorsque Danaë parla, me révélant qu'elle serait très heureuse de devenir mon amie, une petite vague de chaleur m'envahit. J'étais tellement heureuse qu'elle me dise cela! Après tout, je n'avais jamais eu de réel ami sur terre et je le regrettai. Cependant, je m'étais toujours dit que si je n'avais pas pu créer des liens, tout était de ma faute. Peut-être n'était-je pas assez bien pour les gens qui m'entouraient? Peut-être était-ce ma timidité qui les faisait fuir? Autour de moi, j'avais toujours vu beaucoup de personnes se lier d'amitié avec d'autres sans la moindre difficulté, sans le moindre problème. Ces personnes paraissaient tellement naturelles, tellement sûres d'elles que, quelque part, je les enviais. Pourtant, j'avais connu moi-aussi cet état sous l'océan, lorsque j'habitais avec le chef du village que j'avais cru longtemps être mon père mais qui était simplement mon sauveur. J'étais sa fille, il m'aimait comme telle et je l'aimais comme un père, et malgré mon caractère d'enfant gâté de l'époque, j'avais toujours vécu entourée. Cependant, depuis que j'étais sur terre, je n'osais pas, depuis qu'Iro avait fait tomber mon masque d'apparente sûreté, j'étais devenue incapable d'aller vers les autres. Oh je savais qu'il m'avait rendu service mais ça m'avait rendu tellement fragile, tellement hésitante...

C'est pour ça que dès que la fée émit l'hypothèse qu'elle souhaitait être mon amie mon expression changea, mes yeux pétillèrent et mon visage devint joyeux. Mon bonheur se voyait et je n'essayais pas de le cacher, réellement nulle pour dissimuler mes sentiments. Ce même bonheur devint plus fort lorsque Dan me demanda si je voulais l'accompagner faire le palais des glaces, quelque chose qu'elle faisait chaque année. Je répondis alors rapidement, mon ton révélant ma bonne humeur :

« Oh je serai vraiment ravie de faire ça avec toi! En plus c'est vrai qu'il fait beau! Les glaces vont nous rafraîchir! »

Eh oui, j'avais vécu une bonne partie de ma vie sous l'océan et si je savais bien sûr ce qu'était un miroir, mon esprit n'avait pas fait le rapprochement entre l'objet dans lequel on pouvait se refléter et le palais des glaces. Dans mon imagination, il s'agissait d'un endroit où l'on pouvait manger des glaces, et si c'était un palais, c'est qu'il y en avait une multitude! J'étais donc heureuse de savoir ce qu'on allait faire, d'autant plus que la seule fois où j'avais mangé une glace, j'avais réellement adoré!

Je regardais de nouveau ma nouvelle amie avant de réfléchir à ce que je ne lui avais pas encore dit sur moi. Peut-être devais-je lui raconter mon histoire? Après tout, si nous voulions devenir amies, il fallait que nous apprenions à nous connaître!

« Comme nous sommes amies, je pense que nous devons nous raconter un peu des choses...non? »

Bon, ma phrase ne ressemblait à rien du tout mais je pensais alors que Danaë avait compris. En souriant, et essayant de cacher ma timidité, je commençais donc mon récit, que je voulais court pour pas embêter mon interlocutrice si jamais ma vie ne l'intéressait pas.

« En fait, j'ai vécu beaucoup de temps sous l'océan, c'est pour ça que parfois je peux paraître un peu inculte. Je pensais que j'étais une sirène mais c'est en venant sur terre que j'ai compris qu'en fait, j'étais une magicienne. J'aime beaucoup l'eau mais j'aime aussi le sol, les arbres, les animaux que vous avez dans les forêts, les plaines! Je veux découvrir votre culture et même si j'ai fait des progrès depuis que je suis ici, je suis certaine que j'ai encore plein de choses à apprendre! Et avoir une amie comme toi me remplit de joie! »

Je marquais une pause puis ajoutais :

« Et moi aussi j'ai un animal, du nom de Wouaf. Je l'ai rencontré la première fois que je suis sortie de l'eau et comme je ne savais pas ce que c'était, je l'ai appelé comme le bruit qu'il faisait! Bien sûr, maintenant je sais que c'est un chien! »

Je semblais réellement ravie de raconter cela à mon amie puis, finalement, après un instant, je lui demandais :

« Alors, où est ce fameux palais des glaces? »

Je me sentis tout de suite proche de Dan lorsqu'elle me parla de la mort de ses parents. Car même si je ne lui en avais pas parlé, mes parents biologiques étaient morts dans un naufrage lorsque je n'étais qu'un bébé. Bien sûr, je ne m'en rappelais pas le moins du monde mais quelque part, ça nous rapprochait. Je me demandais quel était le sentiment que l'on ressentait lorsque l'on perdait les membres de sa famille. Moi-même, j'avais perdu Frey, l'homme dont j'étais amoureuse et j'avais appris que ce dernier était mort. Je l'avais cherché des années durant et c'était pour cela que j'étais venue sur terre à la base. Mais à présent, j'avais avancé, fait mon deuil en quelque sorte et je menais une vie que j'aimais, même si je devais encore m'améliorer dans certains domaines comme la communication ou la confiance en soi. J'étais passionnée par ce que j'écoutais, trouvant que ma nouvelle amie s'exprimait avec beaucoup d'aisance, racontant sa vie de manière intéressante. Ainsi, elle avait aidé Pascal à se rétablir d'un problème d'aile? C'était vraiment gentil de sa part! Je compris d'ailleurs à ce moment là que Dan était quelqu'un de vraiment bien, quelqu'un qui me convenait! J'étais certaine qu'elle et moi serrons de véritables amies à l'avenir, si nous gardions contact bien évidemment.

Je souris lorsqu'elle me parla de son pouvoir de lire dans les pensées. Elle n'avait aucun soucis à se faire car Iro, lorsque je l'avais rencontré, n'avait pas arrêté de le faire. Cela m'avait fortement déplu mais c'était cela qui lui avait permis de m'apaiser lorsque je pleurai seule lors d'un bal organisé au manoir de la reine Mitsuko. Depuis, heureusement, il avait cessé de le faire mais je n'avais rien à cacher à Danaë. Auparavant, je me cachais entièrement sous l'apparence d'une jeune fille mondaine, fille d'un chef de clan ondin, hautaine et mal élevée, mais à présent, j'étais réellement moi-même, je n'avais plus rien à dissimuler et j'avais décidé d'affronter mes peurs et mes défauts quoi qu'il arrive.

Lorsque Dan me dit en riant qu'elle avait beaucoup de mal à s'arrêter de parler, je lui fis signe que cela ne me dérangeait pas, souriant à mon tour d'un air joyeux, oui, j'étais réellement contente d'être en sa compagnie. Je fus étonnée de voir la jeune fille voler à côté de moi, ça ne m'était jamais arrivé auparavant de voir un tel spectacle et cela non plus ne me dérangeait pas. Je m'amusais à regarder les ailes de la fée, des ailes qui semblaient si fragiles mais qui réussissaient tout de même à la porter. Moi je n'avais que mes pieds sur terre, mais dans l'eau je prenais une apparence de sirène. Je lui dis alors doucement :

« Ne t'inquiètes pas, je suis incapable de nager très longtemps avec mes deux jambes, je préfère nettement utiliser ma forme ondine, c'est plus pratique ainsi. J'imagine que tes ailes sont comme ma queue de poisson en quelque sorte. »

Nous arrivâmes devant le palais des glaces, un lieu que je n'imaginais absolument pas comme ça. Moi qui m'imaginais des tas de glaces à manger, voilà que c'était en fait un labyrinthe de miroirs. De plus, je sentis tout de suite qu'il se passait quelque chose d'anormal car plusieurs personnes étaient regroupées devant l'attraction, murmurant des commentaires qui ne présageaient rien de bon. Je suivis Dan jusqu'au forain qu'elle appela Edward, lui demandant alors ce qu'il se passait ici. Celui-ci se pencha alors vers nous afin de ne pas inquiéter la foule davantage :

« Nous avons un problème avec le palais des glaces : plusieurs personnes ne sont pas sorties de l'attraction. Nous pensions qu'elles s'étaient perdues mais depuis quelques heures, des individus partent à leur recherche sans revenir à leur tour. C'est très étrange, et très inquiétant. Je ne peux pas laisser l'attraction sans surveillance et j'ai essayé de la démonter mais quelque chose m'en empêche...je ne comprend pas... »

Il semblait réellement préoccupé, une légère peur se traduisant dans ses paroles. Je n'étais pas peureuse en temps normal mais c'est vrai que cette situation était préoccupante, que devions nous faire? Etait-ce à nous de nous mêler de ce problème? Quelque part, au fond de moi, je savais que si je laissais ces pauvres gens comme ça, je m'en voudrait ensuite. Doucement je fis un petit mouvement de la tête en direction de l'attraction à Dan :

« On ne peut pas les laisser comme ça. Peut-être saurions nous les retrouver si nous y allions? Qu'est ce que tu en penses? »

Je ne pouvais rien faire sans mon amie, enfin si, mais elle connaissait le palais des glaces mieux que moi et j'espérai qu'elle accepte de m'y accompagner. Ensemble, nous serions plus forte pour affronter ce qui nous attendrait dans l'attraction...