ILeur passage devant les secours dévolus à la gestion de tous les tracas pouvait amener un tel événement avait drastiquement calmé les jumelles. Igor, l’envoyé de leurs parents, les y avait retrouvées. Nimbé de son habituelle discrétion, il avait observé les soignants apaiser les deux fillettes à l’aide de la magie bleue. Les professeurs de Basphel n’hésitaient pas à recourir à de telles mesures lorsque leurs esprits s’envolaient vers des contrées de déraison. À Amestris, quand elles devenaient trop insupportables, il était déjà arrivé qu’elles consommassent des potions aux vertus sédatives. Leur père n’était pas toujours très patient. Peut-être que leur mère aurait trouvé à y redire, mais elle savait tenir sa place – celle d’une femme, à qui l’on n’aurait pas hésité à administrer les mêmes drogues si elle avait fait preuve d’une once d’hystérie. Ajax avait confié à Igor plusieurs de ces « médicaments ». Il n’en avait jamais fait usage, mais il aurait été aisé d’en abuser pour faire payer à ces petites pestes les sales coups qu’elles tentaient de mettre en place contre lui depuis qu’il leur avait signalé sa présence. Il se tenait pourtant relativement à l’écart, leur laissant l’espace requis par leurs parents. Ils avaient été clairs : sa surveillance ne devait pas empiéter sur leur intégration, mais uniquement faire peser sur leurs manières et leur comportement l’exigence propre à tout Sorcier. Devenu pion pour l’école, il respectait cette consigne sans être convaincu de son efficacité. Disciplinées durant les heures de classe, il semblait néanmoins que les sœurs ne ratassent jamais une occasion de se faire remarquer par leur manque de subtilité dans tous les tours qu’elles jouaient. Il leur aurait fallu une bonne leçon pour définitivement les calmer et les ramener sur le droit chemin. Les Borgia ne réussiraient jamais à les marier si elles continuaient à se comporter en gamines vicieuses, braillardes et capricieuses. Cependant, fidèle aux recommandations des parents, il les laissa repartir après une très fugace remarque sur leur attitude vis-à-vis de Muscarine. De toute façon, il consignerait tout dans son rapport.
Si ses paroles eurent un effet, il ne dura guère longtemps. Quelques minutes après leur sortie de la tente de secours, les jumelles ricanaient à gorge déployée après que l’une eut fait un croche-patte à un petit Magicien muni d’une glace. Quand celle-ci était tombée, secouée par le cahot soudain de sa démarche, ses pleurs avaient résonné telle une douce mélodie à leurs oreilles. Elles poursuivaient leur chemin de chaos en babillant lorsque l’une d’elles remarqua qu’une fille s’approchait d’elles. Elle donna un coup de coude à sa jumelle. Il s’agissait de Padmë. Elles lui sourirent de concert et, avant qu’elle eût pu articuler un seul mot, Iphigénie fit, avec toute l’innocence dont elle était capable : « Salut, Padmë. Si tu cherches Zeryel, il n’est pas là. Mais tu peux faire une déclaration enflammée à Léonidas. Il est à l’infirmerie, je crois. » Phèdre sourit, puis hocha la tête d’un air grave. « Muscarine lui a… » Elle esquissa une moue gênée et baissa la voix. « Elle lui a pété au visage. Quelques secondes de plus et il mourait asphyxié. Tu te rends compte ? »