Y a des cookies, ou des beignets aussi si tu veux. Celui-là il est à la confiture de fraises, il est teeellement bon. ». Maman m'avait d'ailleurs fâché pour en avoir dévoré la moitié lorsqu'elle les avait préparés ce matin. « Tu vas être malade après. » m'avait-elle dit. J'avais espéré, en apprenant que je pouvais devenir bipède, qu'elle se montra moins sévère sur ce que je pouvais avaler. Il y avait eu une amélioration, mais j'étais toujours, pour ainsi dire, interdite de sucreries. Je ne trouvais pas ça juste. « Ce n'est pas parce que tu peux avoir une apparence humaine que ton métabolisme est différent de celui que tu as quand tu es Husky. » avait-elle justifié sa sévérité. Heureusement, Sophie voyait le problème avec un autre œil. Pour elle, j'étais une personne qui pouvait devenir un animal. Elle, du coup, ne voyait pas en quoi mon métabolisme canin serait différent de celui de ma forme humaine. Alors, quand ni maman ni papa n'étaient là, elle me laissait manger les gâteaux que faisait Marie. Cette fois, j'avais craqué. Ça sentait beaucoup trop bon. Je voulais n'en prendre qu'un seul à la base. Une fois le garçon servit, je repris un beignet et ma marche entre les spectateurs jusqu'à me faire interpeller par un autre garçon. Tout sourire, je m'approchais de lui. « Bonjour ! Tu veux quoi ? Ils sont tous frais de ce matin. Celui-là — je montrais un financier — c'est mon préféré. Mais ça colle un peu aux dents. » fis-je en tendant la cagette où les pâtisseries étaient joliment présentées. « Tout. ». Je papillonnai des yeux, peu certaine d'avoir compris sa réponse. « Hein ? ». Un sourire carnassier se dessina sur son visage. « J'ai dit, je veux tout. ». Je reculai d'un pas sans le quitter du regard, ébahi par son impolitesse. « Tu peux pas, les autres aussi en voudront peut-être. » - « Je m'en fous des autres. Et tu le dis toi-même, c'est même pas sûr qu'ils en prendront. » insista-t-il en empoignant ma cagette. « Mais tu vas être malade si tu prends tout ! » répliquai-je en reprenant l'argument de Marie. Voyant qu'il n'était pas prêt à m'écouter — et commençant à avoir mal aux mains à me cramponner sur la caisse pour la conserver, malgré les efforts qu'il fournissait pour s'en emparer —  je grognai bruyamment pour l'effrayer, tous crocs dehors. À mon grand désarroi, il éclata plutôt de rire. Ce n'était pas censé être drôle pourtant. « Bouuuh, j'ai cinq ans et je grogne comme les animaux pour me défendre, bouhou. ». Quoi ? S'il se moquait, ça n'avait rien de drôle. J'allais lui montrer que, dans un concours de hurlement, c'était moi qui allait gagner. « Wouwouuuuuu ! » hurlai-je à mon tour, la tête haut levée.

Je me détournai du vilain en entendant, enfin, une troisième voix intervenir. Les humains s'inquiètent si peu de leurs égaux. Mieux vaut être un animal quand on a un problème, clairement. C'était une jeune femme. Elle a les cheveux longs, l'air fort sympathique, le regard soucieux. Et elle sentait bon. Supposant qu'elle venait plaider en ma faveur, je l'accueillis d'un large sourire, la langue dépassant légèrement de ma bouche, ravie par sa présence. « Non, c'est totalement gratuit. Mais je crois pas en avoir à la framboise, désolée. Je pourrais demander à maman d'en faire par contre ! ». C'était ce que j'avais prévu de lui répondre, enthousiasmée par sa politesse. Néanmoins, mon voleur semblait déjà considérer que le panier lui appartenait en insistant sur le fait que les pâtisseries étaient sienne. Je me tournai donc nouvellement vers lui. « Je t'ai rien donné encore. » le contredis-je avant de grogner à nouveau. Ça ne l'effraya pas plus que tantôt. Bon sang, ce que cette forme humaine était nulle. Je me concentrai alors avec force, les yeux fermés, dans l'espoir de regagner ma forme animale et lui mordre les fesses. Je désespérai finalement d'être incapable de me métamorphoser par moi-même. « C'est pas moi qui dois avoir honte ! C'est toi qui veux me voler, c'est à toi d'avoir honte ! » répliquai-je avant la nouvelle intervention de l'adolescente. « Même elle, elle dit que ça serait du gâchis si je te laissais tout ! » repris-je le débat au côté de ma nouvelle amie. Ce n'était pas tout à fait l'argument que j'avais avancé avant, de même que ce n'était pas ce que la Magicienne — elle était bien Magicienne hein ? — avait dit. Maus au fond, ça revenait au même. S'il tombait malade, il allait tout régurgiter et c'était toute une caisse de bonnes pâtisseries gâché dans un seau. S'il ne mangeait pas tout, une partie qui aurait fait plaisir à d'autres serait jetée. « En plus, tu vois qu'il y a d'autres personnes qui en veulent des gâteaux. On est en train de rater toute la course en plus ! ». Une idée me vint. Je tournai le visage vers le lac à la recherche de l'imposante silhouette de l'une des adolescentes. Curieusement, elle flottait sur l'embarcation Gourmandise. J'indiquai d'un signe de tête la brune. Elle était difficile à ne pas remarquer. À elle seule elle devait faire le poids du reste du groupe et prenait en place la moitié de la barque. « Après tu vas finir comme l'autre fille qui pue là-bas si tu manges tout. ». Son parfum m'était parvenu au museau comme une véritable agression olfactive quand j'eus le malheur de passer à côté. Il m'avait fallu plusieurs minutes pour me débarrasser du fumet qui s'était répandu dans ma gorge jusqu'à en avoir le goût. « Et tu seras moche et plus personne voudra te parler et t'approcher. ». Je ne savais pas si cet argument allait fonctionner, mais déjà je sentais la tension qu'il exerçait sur la caisse diminuer, ce qui me fit envisager la possibilité que ce soit le cas. J'avais souvent vu les jeunes Magiciens et Magiciennes s'inquiéter de leur apparence et de leur appartenance au groupe. J'espérai qu'il en était de même pour lui. Je tournai le regard sur la Magicienne à mes côtés. Si elle pouvait ajouter encore un argument supplémentaire, je suis sûre qu'il acceptera de se limiter à deux ou trois gourmandises.