« C'est déjà mieux qu'hier, c'est encourageant ! » L'enthousiasme forcé de l'infirmière ne reçut nulle réaction. Habituée au silence de sa patiente, qu'elle avait attribué à l'état de choc dans lequel l'adolescente était arrivée en revenant de Juvaniel, elle préleva délicatement ce qu'il restait du masque réparateur de son visage. Dessous, la peau apparaissait, rose là où elle avait survécu, terne et striée de sillons là où elle finirait par tomber, éventuellement. « Alors je peux partir ? » articula-t-elle. Elle avait demandé à passer la nuit à l'infirmerie pour éviter les inévitables questions de ses colocataires, et surtout pour fuir, tout le monde. Fuir Faust, qu'elle n'avait pas revu depuis son retour. Dans ses calculs, ça ne sortait pas de l'ordinaire. L'école était grande, leurs emplois du temps chargés et elle s'était rassurée en se disant que son absence passerait inaperçue. Elle comptait aussi sur l'indifférence maussade que le Démon portait sur à peu près tout pour n'avoir rien remarqué. « Si tu te sens prête, oui. Sinon, tu peux rester. » « Je veux sortir. » Elle détestait l'aile réservée à l'infirmerie en journée. Les passages étaient nombreux, entre ceux qui venaient dans l'espoir d'échapper à un examen ou à un cours particulièrement pénible et les autres, comme elle, qui réchappaient de situations ayant échappé à tout contrôle.
« Le temps de t'administrer de quoi supporter la douleur et, ah oui, n'oublie pas ces gélules à prendre ce soir, elles aideront ton corps à régénérer les cellules. Ça accélérera la guérison. » « Donnez-moi juste les gélules. » décida Perséphone en se redressant. La souffrance irradiait d'elle comme si le soleil s'était déplacé pour rayonner sur elle d'un peu trop près. C'était une punition à la hauteur de la sottise dont elle avait fait preuve. « Et tes mains ? » « Ça va. » mentit Perséphone, impatiente désormais de sortir. Dans un carré de miroir, son reflet la prit au piège et des morceaux de son visage blêmirent. Elle appelait ça mieux ? Avec une main tremblante, elle effleura la peau en patchwork qui lui défigurait le visage, ses lèvres trop gonflées et d'un carmin anormal. Le traitement reçu à l'infirmerie avait accéléré la guérison mais c'était d'un miracle dont la Sorcière avait besoin. « Reviens demain, d'accord ? Sinon tu garderas des cicatrices à vie, c'est comme tu préfères. » « D'accord. » marmonna Perséphone d'une voix éteinte en refermant la porte derrière elle.
Son dos s'appuya contre le mur comme pour se soulager d'un poids invisible. Quand elle en eut assez de surprendre quelques regards curieux s'accrocher sur son visage, elle baissa la tête de façon à en dissimuler une partie avec ses cheveux. Ces derniers n'avaient pas été épargnés et les boucles qui encadraient d'ordinaire ses traits avaient perdu en épaisseur. Bien arrangés, on ne remarquait presque pas l'inégalité de la coupe, en tout cas, c'était ce qu'avait dit l'infirmière. Les yeux cloués au sol devant ses pieds, Perséphone se fraya un chemin en longeant les murs quand, mue par un instinct ou par le hasard, elle les releva un instant pour plonger directement dans ceux de Faust. Un sursaut emmêla ses pieds et elle s'appuya au mur pour retrouver son équilibre, grimaçant quand la pierre froide rencontra sa paume couverte de cloques mais il y avait plus important. Il ne pouvait pas la voir comme ça. C'était la seule chose qui importait, l'unique chose qui faisait sens dans son esprit, sa seule certitude. Fébrile, elle fit volte-face et s'éloigna, le cœur battant un enfer dans sa poitrine.
Message I | 623 mots
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Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1700 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
-Il paraît qu’il y a une fille de l’école qui s’est jetée dans une cheminée. Elle a été brûlée vive !
-Quoi ? Mais pourquoi ?
-Personne ne sait.
-C’est qui ? Elle est encore en vie ?
-Oui, mais elle est salement amochée. Je sais pas son nom, je la connais pas. C’est Eliza qui m’a raconté ça. Apparemment la fille en question est un peu bizarre. Elle parle pas et il paraît qu’elle est dépressive, alors c’est pas trop étonnant…
Les quelques minutes de changement de salle entre deux cours étaient une effervescence éphémère qui rythmait chaque journée de travail à Basphel. Les couloirs devenaient bondés, un brouhaha général y régnait en maître et s’estompait petit-à-petit à mesure que les élèves trouvaient la classe suivante.
Faust faisait partie de cette masse grouillante d’élèves. Il déambulait du cours d’histoire vers celui de magie. Les deux salles étaient presque situées d’un bout à l’autre du campus, ce qui l’obligeait à effectuer un trajet assez long. Il s’était immiscé dans un groupe de camarades de son département. Des railleries montaient de ce petit nuage de malandrins, des critiques sur les professeurs, sur d’autres élèves, et quelques blagues. Les rumeurs que Faust venait d’entendre du coin de l’oreille provenaient d’un duo de filles qui avaient fait une partie du trajet à leurs côtés. Les histoires morbides faisaient toujours fureur parmi les élèves, alors c’était tout naturel que le Démon eut laissé traîner son attention là où il n’aurait pas dû. Toutefois, il passa immédiatement à autre chose dès que le duo s’éloigna, repassant à ses préoccupations routinières. Par exemple, il se faisait la réflexion qu’il n’avait pas vu Persy depuis quelques temps, et que peut-être qu’il faudrait qu’il la cherchât à la fin de la journée.
Dans leur grande bonté, les Aetheri voulurent lui épargner cet effort, car dans les dix secondes qui suivirent, son groupe croisa sa petite amie. Faust la reconnut d’abord et avant tout grâce à la couleur de ses cheveux. Il allait lui adresser un signe de la main et lui proposer de se retrouver plus tard, mais un rapide jeu de regards le stoppa net. Le Démon se désolidarisa du groupe. Il ignora les coups d’oeil en arrière de ses camarades et les commentaires divers et se mit à faire machine arrière.
Il avait vu Persy, mais ce qu’il avait vu sortait tout droit d’un contre horrifique. Il avait vu la Sorcière sans reconnaître son visage tel qu’il était censé le connaître. Celle-ci lui était passé devant sans rien dire, cachant tant bien que mal sa trogne sous sa pauvre tignasse. Faust la rattrapa à coup de grandes enjambées.
-Persy.
Il tenait fermement son bras en la forçant à se tourner vers lui. Là, au milieu de la foule qui dégrossissait à peine, il la dévisagea avec une insistance accrue. Il n’arrivait pas à croire ce qu’il voyait.
-Qu’est-ce que t’as foutu ?
C’était elle que le bruit de couloir avait dépeint, et avec cela, toutes les hypothèses possibles sur son état mental et les circonstances de cet accident. Il l’entraîna avec lui, à contre-courant. Ils ne pouvaient pas en parler devant tout le monde, mais ils devaient en parler maintenant. Tant pis pour ses cours, il pouvait bien se permettre de sécher de temps en temps. A force de recherches, le Charbon finit par dégoter un coin désert. Il plaça sa copine contre le mur, face à lui, passa ses mains derrière sa nuque pour l’obliger à lever la tête et inspecta son visage sous toutes les coutures.
-Qu’est-ce qui t’as pris ?
Il était en colère de devoir gérer les conneries de cette fille, mais surtout alarmé. Il était perdu. Il ne comprenait pas comment elle avait pu en arriver là et pourquoi il n’était mis au courant que maintenant.
-Y’en a qui disent que tu t’es foutue le feu toute seule.
Il refusait néanmoins de croire que tout cela était uniquement sa faute. Elle n’avait quand-même pas voulu s’immoler ?
« Faust. » La voix de Perséphone était neutre, à peine soulevée par une note surprise, comme si elle le découvrait dans le couloir pour la première fois. Elle-même fut étonnée de son propre calme, si maîtrisé qu'il en paraissait sincère, et qui ne reflétait rien de l'ouragan frappant ses côtes. Sa fuite improvisée était un échec complet. Il avait constaté son horrible état, elle le voyait, et c'était la seule chose qu'elle avait véritablement craint. Que dirait Gustavo ? Probablement qu'elle était une cause perdue, et il aurait raison.
« ... » La Sorcière lui rendit un regard interrogateur comme si elle ne voyait pas de quoi il parlait, avant de baisser les yeux sur son bras, pressé par sa poigne. De la part de n'importe qui d'autre, elle se serait dégagé de cette prise le plus vite possible. Elle revit la bouche de Tekoa s'écraser durement sur la sienne et réprima un frisson d'angoisse. Pourvu qu'elle ne le recroise pas, ni lui, ni Kiara, au sein de Basphel. Elle ne voulait plus jamais avoir à faire avec eux, ni avec personne.
Faust la tira subitement en avant et elle trébucha pour le suivre, bousculant la masse d'élèves. Enfin, le reflux humain disparu, ne laissant plus que Faust qui respirait fort face à elle. Elle entra en apnée et ses doigts se mirent aussitôt à triturer nerveusement un bouton de son gilet. Sa contemplation du sol ne put se prolonger autant qu'elle le voulait, son visage levé contre son gré. Ses yeux restèrent toutefois rigoureusement baissés. Elle ne se sentait pas prête à encaisser le dégoût du Démon en voyant à quel point elle était devenue monstrueuse, ni à lire son rejet. Dans son sac reposaient les cosmétiques achetées à Juvaniel, destinés à la rendre aussi jolie que les autres filles. Tout ça pour rien. Si Gustavo avait raison, Perséphone venait de donner à son copain toutes les raisons de la quitter pour une de ces filles qui savaient se rendre plus attirantes. C'en était rageant. Tous ses efforts pour en arriver là ? Alors que tout allait pour le mieux, ou presque. La sexualité restait un problème latent. Ils n'en avaient pas reparlé, pas une seule fois, mais elle voyait parfois le regard de Faust s'attarder pensivement sur elle. Elle-même en avait rêvé, même si le songe avait viré en un cauchemar bien pire que la réalité. Et il y avait ces fois, plus perturbantes encore où, quand ils s'embrassaient, son corps la surprenait en réclamant davantage. Le faire une fois avait suffit à le pousser à faire d'elle sa copine. Devait-elle recommencer pour l'empêcher de réaliser que d'autres filles existaient ? Ce n'était toutefois pas le sujet, et avec ce visage, il ne risquait pas de vouloir quoi que ce soit d'elle, sauf s'il la prenait par derrière ? C'était une piste qui méritait exploration.
« Ce n'est rien. » murmura-t-elle, refusant toujours de le regarder. Son malaise croissait en même temps que ses mensonges s'accumulaient, et celui-ci gagnait la palme. À force, ils allaient lui dégringoler dessus et l'engloutir. « Il y a beaucoup de rumeurs. Je vais bien. Ce n'est rien. » répéta-t-elle. Changer de sujet devenait vital, pour le bien de son cœur qui n'allait pas tenir longtemps à ce rythme. « J'ai une maison à Juvaniel. Je ne sais pas trop comment j'en suis entrée en possession mais j'ai commencé à la décorer. On pourrait passer les prochaines vacances scolaires là-bas ? On serait plus tranquilles qu'ici, ou que chez ta mère. » À condition d'éviter leur terrifiant voisin. Avec un peu de chance, le feu s'était emparé de sa maison et aurait tout rasé depuis. « Et toi ? Qu'est-ce que tu as fait à Basphel ? » demanda-t-elle d'un ton dégagé.
Message II | 659 mots
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Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1700 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Faust s’agaçait facilement. En témoignait en premier lieu le nombre de fois où il avait engueulé Perséphone parce qu’elle taisait toutes ses pensées et ne disait pas ce qui n’allait pas quand ça n’allait pas. Il ne savait pas souvent sur quel pied danser avec elle et ça le rendait fou. Il essayait de bien se comporter, mais il avait régulièrement l’impression qu’elle ne mettait pas autant d’effort à l’ouvrage que lui. Cependant, le Démon n’avait jusqu’alors pas compris que tous ces silences n’étaient rien en comparaison au mensonge à peine assumé qu’elle essayait de lui faire avaler en cet instant même.
-Non, ce n'est pas rien. Rétorqua-t-il froidement.
Elle n’avait pas l’intention de se moquer de lui, mais il ne savait comment interpréter ses paroles autrement. Elle cherchait à lui cacher les événements. Et s’il n’était pas uniquement question de l’accident ? Avait-elle des problèmes avec quelqu’un ? Qui ? Qui lui avait fait subir une telle sentence ? La gorge du Démon se noua. A moins qu’il ne fît fausse route et que, comme le laissaient supposer les rumeurs, il n’y avait eu personne d’autre qu’elle-même.
Faust affichait une grimace dégoûtée par toutes ces hypothèses, tandis que Persy continuait de parler pour meubler et passer à autre chose. Mais ça ne faisait qu'alimenter le fil de ses questions. Ça lui donnait un lieu. Il répondit distraitement à ses interrogations par un "pas grand-chose" évasif. Il n’avait rien à dire. Il était resté à Basphel et sa monotonie routinière. Il avait passé un devoir de langue qu’il avait moyennement réussi, il avait subi les commentaires de Peniel et il avait fréquenté le club de jeu après de longues semaines de désertion. D’ailleurs, il s'était fait un ami là-bas : Jezemias, un vrai Démon de l’Enfer duquel il avait décidé de s’approprier le meilleur. Faust laissa un silence passer. Il avait fini de parler de lui ; pas elle.
-C'est dans cette maison à Juvaniel que tu t'es brûlée ?
Est-ce que tout son corps était touché ou seulement son visage et ses mains ? – il lui avait sûrement fait mal en la touchant, mais il s’en fichait. Est-ce que ça allait guérir entièrement ou garderait-elle des cicatrices ? Avait-elle été seule ? Pourquoi ne voulait-elle rien lui dire ?
-Persy. Il se mordit l'intérieur des joues. Est-ce que tu as essayé de te suicider ?
Il allait devenir fou si c’était le cas, mais il devait savoir. Persy était une détraquée, ça il le savait, mais il n’avait jamais imaginé qu’elle passât un jour à cet extrême. Surtout qu’elle n’avait pas choisi la mort la plus facile et que par-dessus le marché, elle s’était ratée. Ça faisait franchement nul.
-Dis-moi juste si c’était ça ou si c’est la faute de quelqu’un d’autre et je te laisserai tranquille.
Il passerait à autre chose dans la mesure de ses capacités, ce qui dépendait de beaucoup de facteurs, comme les circonstances de son état, sa guérison, et de façon plus générale tout ce qu’il se passerait dans le futur. Mais si c’était pour obtenir des réponses, il pouvait lui promettre n’importe quoi.
Perséphone se sentait sur une corde raide, et aucun filet de sécurité pour réceptionner une éventuelle chute au moindre faux pas. Faust la piégeait, par son corps et par ses questions. Dès qu'il se mit à insister, elle comprit qu'elle ne s'en sortirait pas si facilement cette fois. « Pas exactement. » articula-t-elle. Le dernier fil de couture du bouton qu'elle triturait avec force céda et elle le fixa. « ... » Il lui fallait trouver une pirouette pour s'en sortir sans empirer leur relation mais plus il la coinçait, moins elle voulait lui répondre. Elle fourra le bouton dans sa poche et se mit à jouer avec l'ourlet de sa manche cette fois. Mentalement, c'était la panique générale. Rien ne venait. « Je... Non. » Ses sourcils se froncèrent. Par réflexe, elle avait répondu par la négative. Elle n'avait jamais voulu se suicider, mais personne ne l'avait pour autant poussée à aller dans les flammes. Son intention n'avait jamais été de mourir. Pas alors que le goût de vivre devenait si addictif avec Faust. « C'était un accident. Rien de plus. Il n'y a vraiment pas grand chose à en dire. C'était idiot et ce n'était la faute de personne. » C'était la vérité la plus proche qu'elle pouvait lui offrir. « Ça ne se reproduira pas. » ajouta-t-elle en se sentant se ratatiner sous l'œillade du Démon. Elle était sensible à la tension qui émanait de lui, comme s'il n'attendait qu'un mot pour exploser. Ses colères étaient terrifiantes. Elle se rappelait encore celle qui avait éclaté à sa maison familiale. Et les autres fois. Souvent, elles prenaient leur source quand Perséphone s'emmurait derrière son silence protecteur, celui dont elle refusait de sortir dès que la situation devenait inconfortable, sa solution de lâcheté. Mais récemment, Faust parvenait mieux à la cerner et cette méthode perdait en efficacité, comme là. « Faust. » Ses yeux osèrent remonter sur les siens et elle réussit à maintenir le contact. « Je n'ai pas envie d'en parler. Je n'ai pas voulu me tuer. Tu penses que j'en serais capable ? Alors que... » Chaque phrase lui coûtait. Parler était difficile, parler, c'était se rendre vulnérable, c'était prendre le risque que ce qu'elle dirait pourrait le faire fuir. « Depuis que je te connais, je me sens exister, et j'aime ça. » Il s'était énervé lorsqu'auparavant, il avait émis l'hypothèse qu'elle puisse l'aimer. Bien évidemment, elle n'avait pas répondu, pas franchement. Ses propres sentiments avaient été difficiles à décrypter. Ils lui apparaissaient plus clairement aujourd'hui, et de ça, elle n'avait pas peur. « Je t'aime trop pour vouloir te quitter comme ça. » acheva-t-elle et cette fois, la sensation de brûlure germa de l'intérieur d'elle-même. Elle prenait feu à nouveau, mais cette fois, c'était agréable, comme si le sang dans ses veines s'était changé en eau chaude. De nouveau, la Sorcière fixait le sol en espérant qu'il s'ouvre sous ses pieds. Ses mains remontèrent sur ses joues et ses paupières s'abaissèrent. « J'ai honte. Je ne voulais pas que tu me vois comme ça. Je voulais guérir avant. J'ai peur que mon visage te dégoûte et que tu ne veuilles plus de moi. C'est ce que... » Elle s'interrompit juste à temps. Faust ne devait jamais apprendre qu'elle parlait d'eux à Gustavo. « Je te promets que je peux être jolie, moi aussi. »
Message III | 594 mots
Persy la Magicienne is back. Bon courage pour répondre
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Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1700 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Le Démon lâcha du leste à la tension qui s’était installée dans ses épaules, qui retombèrent progressivement. Il avait pressenti une dispute, mais finalement, Persy faisait enfin l’effort de la leur épargner.
-D’accord.
Il n’était pas entièrement satisfait par cette réponse vague, mais il était soulagé qu’elle n’eût pas voulu attenter à ses jours. Il hocha plusieurs fois la tête pour signifier qu’il comprenait et qu’ils n’en reparleraient plus.
-...
Il pensait néanmoins qu’elle en aurait été capable, pour la simple et bonne raison qu’elle avait un passif de merde et qu’elle n’affichait pas une joie de vivre grandiloquente au quotidien. Faust ignorait à quel point elle souffrait de son existence, ou pas. Tout ce qu’il savait, c’était que Persy avait une sorte de lubie pour lui. Elle ne s’adressait pratiquement qu’à lui et Jezz lui avait parlé des dessins. Toutefois, l’entendre de vive voix était une sensation différente, c’était être surpris à nouveau. Faust était la raison de vivre de quelqu’un. On pouvait difficilement faire plus valorisant. Mais c’était peut-être un peu trop mignon à son goût et il ne comprenait pas comment cette attirance se manifestait pour la Sorcière. Cette notion lui échappait car il ne ressentait pas cela à son égard. Perséphone lui délivrait soudain un amour inconditionnel comme elle aurait pu lui lancer une pomme de terre brûlante et il ne savait pas quoi en faire. L’adolescent l’appréciait beaucoup, mais ça n’avait rien d’obsessif. Il avait une vie à côté et c’était cool. Ainsi, son attachement à son apparence, bien que compréhensible, lui paraissait tout aussi disproportionnée.
-A quel point tu penses que j’accorde de l’importance à ça ? Rétorqua-t-il, grave. Bien sûr que ça me fait chier que tu sois brûlée.
Elle était affreuse. Elle s’était transformée en une mosaïque chaotique et décharnée. La peau avait pris des teintes et des textures anormales, pour ne pas dire improbables. Par endroits, on aurait dit que le derme trop tendu allait se déchirer ou se décoller d’un instant à l’autre.
-Mais c’est pas important. Surtout si tu finis par guérir.
Il baissa les yeux. Même s’il était repoussé par son apparence actuelle, ça ne changeait pas le fait qu’il était son copain et qu’il serait débile de se séparer juste à cause de ça. Il ne s’était pas mis avec elle parce qu’elle était belle. C’était parce qu’elle l’attirait par d’autres aspects.
-T’as jamais vu ma vraie apparence. Il paraît qu’il y a des Démons qui sont pires, mais la mienne n’est pas géniale non plus.
Il prit sa main. Il avait laissé la sienne noircir pour lui montrer. Sa peau était sombre, terne, fumante. Un choc semblait capable de la fissurer jusqu’à l’os. Il ressemblait à un être fait de charbon au sens littéral, un être qui marquait tout ce qu’il touchait d’une poussière grasse et épaisse.
-Je pourrai te montrer en entier si tu veux.
Plus tard, quand ils seraient seuls. Sa main reprit ses teintes habituelles.
-C’est juste que des fois, comme là, j’ai l’impression que tu fais n’importe quoi. Que t’as cinq ans et demi, que t’attend que les choses se passent, quitte à en être victime.
Il pouvait parler pour lui, certes, mais dans une moindre mesure, alors ça ne comptait pas.
Faust fronça les sourcils. Pourquoi disait-elle “moi aussi” ?
-C’est les autres filles de l’école qui t’ont mis ça en tête ? Il soupira. Je m’en fous d’elles. Elles sont stupides, c’est des pouffiasses.
En somme, tout ça n’avait rien d’un sujet. Il était habitué à voir Persy sans artifices et qu’elle se mit à s’apprêter le perturberait plus qu’autre chose. Le Démon revînt à leurs mains. Il s’était plus ou moins mis à triturer et caresser celle de sa petite amie.
Perséphone ne répondit rien. En ce qui la concernait, tout avait été dit, et même trop à son goût. Peut-être trop au sien aussi car il avait soigneusement évité de rebondir sur sa confidence. Peut-être ne l'aimait-il pas ? Peut-être gérait-il aussi mal qu'elle l'amour ? Peut-être que personne ne savait véritablement le gérer, et que tout le monde faisait semblant pour donner l'illusion de savoir ce qu'ils faisaient. La Sorcière ne savait rien, sinon qu'elle était prête à tout et plus encore pour Faust. Les autres pouvaient bien mourir, vivre, la détester ou l'apprécier, tout cela lui était égal car ce n'était qu'à travers ses yeux qu'elle voulait vivre.
Ses yeux tombèrent sur la main emprisonnant la sienne comme une serre monstrueuse et déformée. Sa main libre vint l'effleurer. Le contact était rêche, écorce carbonisée contre ses mains cloquées. Elle hocha la tête lentement pour marquer son accord, fascinée par ce qu'elle voyait. « Je la trouve belle. » Cette matière recouvrait-elle entière son derme ? Devenait-il un être fait de charbon et de suie ? Il devait être magnifique.
Perséphone tressaillit imperceptiblement sous le reproche. C'était frustrant pour elle aussi, de ne jamais savoir quoi faire et de finir par attendre passivement que les évènements la renversent, la traversent et se retirent ensuite tandis qu'elle restait là, à se faire la plus petite possible. Comme lorsque Johannês l'avait frappée, il avait été plus simple de se détacher de son corps qui souffrait et d'attendre qu'il arrête au lieu de le repousser. Cela aurait-il servi à quelque chose d'essayer ? Il était plus fort qu'elle. « Je suis désolée. » souffla-t-elle. « D'être comme ça. Je sais que ça t'agace, et je voudrais faire des efforts, j'ignore juste comment faire. Je me sens paralysée, et même respirer devient difficile. Je ne cherche pas à être une victime. Je ne cherche pas grand chose. J'aimerais juste... Je ne sais pas vraiment ce que je veux. » Hormis lui, mais elle préféra omettre ce fait qui le mettrait mal à l'aise. Il ne savait pas plus qu'elle comment manœuvrer leur relation. Elle baissa les yeux sur leurs mains. Qu'il la touchât n'était plus aussi dérangeant qu'avant. Troublant, parfois, mais elle n'avait plus envie de s'y soustraire. « Non. » Elle se reprit, ignorant pourquoi elle mentait. « Si. Mais la douleur ne me dérange pas. Ce n'est que temporaire. » Elle suivait distraitement le chemin de ses pouces sur sa main, craignant de ressentir l'élan de répulsion qui suivait dès qu'on la touchait. Rien ne venait. Son seul dégoût provenait d'elle-même, de cette apparence et de son comportement qui déplaisait autant au Démon. « La prochaine sortie, on pourra la faire ensemble ? Je ne veux plus aller là où tu n'es pas. Je crois que c'est pour ça que je fais n'importe quoi. Quand tu es là, il me suffit de te suivre et de t'écouter. C'est plus facile. »
Message IV | 524 mots
Ils sont cassés, ils ont été Pured You
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Kitoe ~ Démon ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 1700 ◈ YinYanisé(e) le : 09/11/2016
Faust enfonça ses mains dans ses poches alors que sa petite amie reprenait le cours de ses confessions, étonnamment longues. Le feu l’avait bouleversée physiquement, mais les changements opérés à son comportement étaient intéressants. Néanmoins, l’adolescent avait du mal à arrêter de la détailler de haut en bas. Il examinait sa peau encore et encore, assimilait à chaque fois un peu plus à quel point elle avait été brûlée et son visage, détruit. Ses cheveux avaient aussi cet aspect chaotique que l’on n’arrivait pas tout de suite à identifier. On ne comprenait qu’au deuxième coup d'œil que cela provenait des mèches de longueurs aussi diverses que variées, et des pointes qui avaient allègrement frisé, parfois à en devenir crépus. Il ne savait pas vraiment quoi répondre à Persy au sujet de son incapacité à être normale. Il ne pouvait pas tout faire à sa place.
-T’as juste à parler. Dis n’importe quoi, ce qui te passe par la tête.
Il s’en fichait, tant qu’elle apprenait à lui dévoiler davantage sa pensée. De son côté, ça l’aiderait aussi à s’exprimer plus car lui-même n’était pas un très bon communicant, et le silence des autres le confortait dans l’idée de faire pareil. Il compléta :
-Et à montrer quand t’es heureuse d’être avec moi, parce que des fois c’est pas évident.
Les activités qu’il proposait lorsqu’ils passaient du temps ensemble avaient parfois l’air d’une contrainte pour elle, alors qu’elle n’exprimait aucun enthousiasme particulier. Juste “être avec lui” ne suffisait pas car de son côté, il s’ennuyait.
-On fera la prochaine sortie ensemble si tu veux. Confirma-t-il.
Sa gorge le grattait, alors il s’éclaircit la voix. Il regarda au loin dans le couloir. Le silence s’était fait maître depuis plusieurs minutes. Les cours avaient sûrement commencé.
-On peut faire comme ça au début.
Il insista sur “au début”. Faust ne comptait pas être collé à elle à longueur de journées. Il n’aimait pas ça et avait besoin de passer du temps seul pour décompresser. Autrement, il devenait grognon et il n’avait pas envie qu’elle le vît sous ce jour. Elle l’avait déjà vu dans de sales états et il n’aimait pas.
-Tu ne pourras pas éternellement me suivre comme ça. On peut passer plus de temps ensemble si tu veux, mais j’ai une vie et toi aussi.
Il se racla encore la gorge. Peut-être qu’elle ne comprendrait pas mais il n’avait pas envie d’expliciter plus la chose. Il voulait juste éviter qu’elle ne pensât qu’il ne l’appréciait pas. C’était différent. Le Démon n’avait aucune appréciation pour ces couples niais qui passaient leur existence l’un contre l’autre, comme si se séparer revenait à leur couper l’oxygène. Ça le faisait un peu vomir. C’était étouffant et à vomir.
-Il paraît que tu dessines.
Il n’expliqua pas comment il savait et il ne dit rien sur les œuvres dont il avait connaissance. Mais si elle pouvait se concentrer un moment sur d’autres activités que s’accrocher à ses basques, il lui en serait reconnaissant.
-Tu pourras me montrer la prochaine fois.
Il ne rajouta pas “si tu veux”. Il voulait qu’elle le fît. Faust pivota sur lui-même.
Perséphone hocha la tête, mais au fond, elle n'était pas confiante. Montrer qu'elle était heureuse, qu'entendait-il par là ? Le fait qu'elle cherchât sa présence ne suffisait donc pas ? Que fallait-il faire de plus ? Elle demanderait à Gustavo. Lui saurait décrypter les souhaits de Faust mieux qu'elle qui pouvait y passer des nuits blanches sans arriver à une conclusion satisfaisante. « Je ferai de mon mieux. » ajouta-t-elle, puisqu'il voulait le son de sa voix. Pour le reste, devait-elle lui confier toutes ses pensées ? Tous ses doutes ? Ses inquiétudes ? Peut-être devait-elle faire comme avec Persée. Mais ils étaient différents. Persée savait écouter, il savait rassurer même sans rien dire, juste en étant là. Son absence lui perforait le cœur et elle commençait à penser qu'elle ne le retrouverait jamais, que plus jamais le petit garçon se matérialiserait face à elle.
Ses yeux fouillèrent ensuite les siens, les sourcils légèrement froncés. C'était un fossé que ses mots creusaient entre eux, une distance qu'il fallait gommer avant qu'elle n'existe. N'était-ce pas lui, au début, qui l'avait suivie ? Lui qui voulait qu'elle soit sa petite amie ? Lui qui voulait qu'elle le touche et le caresse alors qu'elle abhorrait ça ? Et maintenant, il voulait avoir sa vie ? Et de quelle vie parlait-il ? Et pourquoi ne voulait-il pas d'elle dedans ? Son expression s'assombrit et elle préféra s'abstenir de répondre, bien décidée à ne pas tenir compte de cette irrégularité dans son discours. Elle saurait se faire discrète, et être dans son ombre sans même qu'il s'en aperçoive.
« Je peins, oui. » Parce qu'il lui avait dit de se trouver des occupations, des choses qui pouvaient lui plaire. « Un peu. C'est apaisant. » Elle se tendit un peu ensuite. Elle n'avait aucune envie qu'il découvre les portraits qu'elle reproduisait de façon obsessive. Ils étaient à elle. « Je te montrerai. » Elle se contenterait de lui montrer autre chose, un paysage ou une nature morte comme son professeur les encourageait à peindre. Obstinément, elle avait toujours décliné de peindre autre chose que les portraits du Démon.
Elle lui emboîta le pas à l'extérieur. Aucun cours ne l'attendait, et il n'y avait nulle part où elle voulait être si lui n'y était pas. Au bout de quelques mètres, à l'abord d'un parc où ils se rendaient en silence, plongés dans leurs pensées après leur conversation, elle avança sa main pour la glisser dans la sienne dans un geste devenu naturel. C'était une chose qu'ils faisaient parfois, depuis les vacances chez Mira. Cette intimité la mettait parfois mal à l'aise. Il y avait des périodes où elle détestait qu'il la touche, et d'autres où son contact lui manquait. C'était imprévisible, elle ne contrôlait pas ces sautes d'humeur ni ne savait ce qui les provoquait.
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