« Je pense qu'arracher ces trucs doit faire partie des trucs les plus pénibles au monde. » ronchonna Zeryel. Avec un soupir parce qu'il n'arrivait à rien, il fit passer son armure en Skrache par dessus la tête et la cala sur un banc pour mieux réussir à extirper les balles de laine de la matière agrippante. « Si tu te faisais moins toucher sur le terrain, tu galèrerai pas après. » commenta un de ses coéquipiers en le gratifiant d'une bourrade amicale. L'Ange grommela une réplique incompréhensible pour la forme. Il avait raison, la difficulté de la tâche ajoutait une dose d'humiliation supplémentaire. « La prochaine fois, j'en aurais aucune à enlever. » promit-il à la cantonade en brandissant son poing muni des dernières balles récalcitrantes. Des moutons de laine s'étaient infiltrés dans sa tignasse décoiffée, d'un rose toujours aussi vif. Malgré ses déboires avec le matériel, ses yeux scintillaient d'une lueur vive et joyeuse. Son équipe avait gagné la partie et pour une fois, il ne les avait pas fait perdre. L'époque où il commettait impairs sur impairs, comme déployer ses ailes par réflexe pour échapper aux tirs adverses était révolue, mais pas oubliée, comme en témoignait l'inscription en lettres capitales sur son front de son sobriquet, l'Oisillon. Deux garçons l'avaient coincé dans les vestiaires avant le match pour marquer son front et il n'avait pas eu le temps de s'en débarrasser. Entre-temps, il l'avait oublié.
« Qu'est-ce que ! » En ouvrant son casier, il reçut dans les bras une poule qui caqueta avec force pour montrer sa désapprobation d'avoir été enfermée pendant si longtemps dans l'endroit exigu et odorant. Ses camarades rigolèrent et le gallinacée envoya un coup de bec vengeur dans le torse de Zeryel. Il remarqua alors la présence d'un ruban autour du cou du gallinacé. « Lananette... » lut-il, la perplexité s'étalant sur ses traits. « Je pense que quelqu'un a joué un tour à Lana en enfermant sa poule dans ton casier. » lança un adolescent. « Lana a une poule ? » L'Ange cligna des yeux. C'était quelque chose de presque aussi surprenant que le comportement impeccable de l'Ondine. « Tu savais pas ? J'vais me doucher, t'as qu'à aller lui rendre. Ça la rassurera, elle la cherchait partout avant le match. » Zeryel fixa la poule et ne remarqua pas les sourires goguenards que les autres garçons peinaient à dissimuler. « Ah... Ok. »
Lananette dans le creux de ses bras, étrangement redevenue calme après quelques caresses sur son dos, Zeryel s'arrêta devant la porte du vestiaire des filles. Il se racla la gorge et prit subitement conscience de son haut trempé de sueur. Il secoua la tête. Il s'en fichait de toute façon de son apparence face à cette fille. Après s'en être persuadé, il toqua à la porte. Elle s'entrouvrit, juste assez pour laisser entrevoir la moitié d'un visage. « Zeryel ? Qu'est-ce que tu veux ? » « Voir Lana, pour lui rendre quelque chose. » « Une seconde. » La porte claqua et Zeryel recula dans le couloir. Il caressait l'animal en patientant, perdu dans ses pensées quand la porte s'ouvrit de nouveau, le faisant sursauter lui et Lananette. « Ah. Salut. » Il la regarda quelques secondes. Vraiment, il ne la visualisait pas du tout posséder une poulette domestique. Il ne la visualisait pas non plus se jeter à son cou et rouler dans la neige ensemble comme à Boraür. Ici, elle était plutôt impressionnante et il sentit une rougeur monter sur ses joues. Avec ferveur, il pria que ce serait attribué à ses efforts sur le terrain et non pas à une quelconque réaction à sa présence. « Euh, on m'a dit que c'était à toi. Tiens. » Il tendit la poule à bout de bras vers la blanche.
Message I | 646 mots
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 261 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Lana sortit du vestiaire en prenant soin de refermer la porte derrière elle. Encore humides de sa douche, ses longs cheveux blonds ondulaient jusque sous sa poitrine, semblables à deux cimes de vagues écumeuses au cœur de l’océan bleu de sa robe. Son regard se posa sur l’Ange qui l’avait fait demander. Sur son front, plus précisément. L’oisillon. Elle ne fit aucun commentaire désobligeant – bien que nombreux furent ceux qui lui traversèrent l’esprit – et parvint même à lui sourire. « Salut, Zeryel. » À Boraür, elle s’était jetée dans ses bras. Cette île avait annihilé toutes les barrières qu’elle s’imposait. Elle avait répondu à l’impulsion que son rêve avait ancrée en elle. Son souvenir restait prégnant. Parfois, elle avait l’impression de sentir les mains de l’Ailé gravirent ses courbes et son bassin plonger dans le sien. Elle détestait ces pertes de contrôle. Son premier réflexe avait été de honnir l’épisode de l’île d’Ësse’Aellun, avant de décider d’en tirer profit. Après réflexion, elle avait estimé qu’une telle effusion d’affection pouvait servir ses desseins. Elle avait dû paraître sympathique, agréable. Tout ça, sans effort. Plus le temps passait, plus sa réputation se renforçait positivement.
Ses iris descendirent dans ceux de Zeryel, puis sur ses joues rouges. Son sourire frémit, mais elle garda le silence. Avec lui, ce serait plus simple qu’avec Alaster Dah Numen. Il était moins… moins. Aussi, elle se rappelait que des rumeurs couraient sur le fait qu’il trouvait Kiara à son goût. C’était contrariant. Ses yeux terminèrent leur course sur ce qu’il tenait entre ses bras : une poule. « À moi ? » Elle haussa les sourcils et ramena son regard dans celui de l’Ange. Pendant une fraction de seconde, elle se demanda s’il essayait de lui jouer un mauvais tour. Néanmoins, il avait l’air terriblement sérieux. C’était un Ange, après tout. Autrement dit, les victimes favorites des farceurs et des malhonnêtes. Elle adopta un air embêté. « Je suis désolée de devoir t’annoncer qu’on s’est moqué de toi. Je n’ai pas de poule. » Elle raccourcit la distance qui les séparait de sorte à pouvoir mieux voir ce qui pendait au cou de l’oiseau. Elle attrapa le ruban et lut le « prénom » inscrit dessus. « Et de moi, visiblement. » Elle sourit, comme si elle était amusée. En vérité, ça ne la faisait pas rire du tout, et celui qui avait osé s’imaginer l’affubler d’un tel surnom et établir une comparaison avec un gallinacé goûterait sa vengeance. « À moins que ça ne soit une excuse pour venir me parler. » Elle ne pouvait pas savoir avec certitude si le rêve avait été partagé et s’il en ressentait les effets, mais elle pouvait tenter de le deviner. Ce n’était pas que par jeu ; elle voulait aussi fondamentalement comprendre comment fonctionnait ces songes. Ses iris céruléens s’arrimèrent aux siens. « On n’a jamais essayé de m’offrir une poule, c’est original. » Elle regarda à nouveau son front. « Est-ce que tu comptes aussi m’inscrire « Lananette » sur le front ou ai-je l’espoir d’y échapper, monsieur l’Oisillon ? »
Message I – 514 mots
Zeryel ~ Ange ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 224 ◈ YinYanisé(e) le : 25/01/2023
« Quoi ? » Interloqué, Zeryel fixa la poule comme si elle allait soudainement prendre la parole et rétablir la vérité. Soudain, il vit la situation sous un nouvel éclairage, tout fit sens et ses sourcils formèrent une barrière orageuse sur son front. Parfois, les plaisanteries de ses coéquipiers allaient trop loin, et quand elles impactaient un tiers, ça avait le don de l'agacer plus encore. « Je suis désolé. » marmonna-t-il.
À présent, l'Ange comprenait avec une douloureuse clarté dans quel piège il avait mis les pieds. Il s'en voulait de ne pas avoir su réfléchir un minimum, de ne pas s'être aperçu avant du tour qui leur avait été joué. Comment avait-il pu se montrer si naïf et aveugle ? À quel point avait-il l'air stupide, face à eux, et face à elle, surtout ? Était-ce ainsi que les autres voyaient Lana, comme une poule ? Mortifié, il prit appui sur un pied pour que l'autre vienne gratter sa cheville, à la recherche d'une porte de sortie.
« Pour te parler... Euh... » Plus tard, quand il se brûlerait la nuque sous la douche, des réparties plus pertinentes lui viendraient comme par miracle, mais à cet instant, il béait complètement devant la blanche, incapable d'aligner trois mots pour sauver sa vie, incapable surtout d'occulter l'ignoble feu qui l'embrasait comme du petit bois sans la moindre raison. Dans son imaginaire qui gagnait dangereusement en zèle, il lâchait subitement la poule pour la prendre dans ses bras et réunir leurs corps. C'était si naturel en rêve, et là, il était comme coincé dans un bloc de marbre, bégayant et écarlate.
Il se râcla la gorge et ramena la poule contre lui. C'était une piètre barrière entre eux et l'animal caqueta de protestation d'être ainsi manipulé sans la moindre considération. Il lissa machinalement ses plumes pour la calmer et se calmer. « Je ne ferai jamais ça ! » protesta-t-il, outré. « Ils ne sont vraiment pas drôles. » Il lui jeta un coup d'œil par en dessous. « Pour ce que ça vaut, je ne crois pas que tu sois une poule. » En s'entendant le dire, il sentit le poids du crétinisme peser plus lourdement sur ses épaules. « Je veux dire... Ils sont bêtes, ils disent toujours n'importe quoi, faut pas écouter ce que les gens disent. Tu n'es pas... » Il chercha le terme adéquat. Lana n'était pas comme il l'avait imaginée au premier abord et ça le désarmait complètement. Tout ce qu'il avait pu décider à son sujet volait en éclat ces derniers mois. Elle était comme l'autre face de cette vipère de Susannah, en tout point opposée à elle. « Comme tu traînes avec Susannah, on peut en conclure des trucs, c'est tout. Mais t'es pas du tout comme elle en fait. » Et pas du tout comme une Sirène, même si ce n'était pas ce qui le perturbait le plus. « On s'était bien amusés à Boraür. » ajouta-t-il, incertain de savoir lui-même où il voulait en venir. « Bref, je devrais y aller et trouver un foyer à euh Lananette... Et lui donner un autre nom aussi. Désolé encore. » Il enleva le ruban décoré de son nom et le fourra dans sa poche.
Message II | 553 mots
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 261 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Lana haussa les sourcils. « Ah oui ? C’est heureux. » Elle lui sourit. Puisqu’il ne semblait pas le faire exprès, la conclusion était sans appel : il n’était vraiment pas doué pour les relations sociales, ou en tout cas pour les interactions avec les filles. Ou était-ce juste avec elle ? Était-ce à cause du rêve ou d’autre chose ? Le mettait-elle mal à l’aise ? Elle avait lu qu’il ne fallait parfois pas hésiter à bousculer un peu les autres, à les pousser dans leurs retranchements, à jouer avec leurs limites ; cependant, elle ne souhaitait pas non plus le voir décamper tel un lapin effrayé par la gueule du renard. Elle ne résista pourtant pas à l’envie de le laisser bégayer un peu. Ses iris bleus conservaient une étincelle mutine qui dansait autour de ses prunelles. Finalement, elle mit un terme à son calvaire : « J’ai compris, ne t’en fais pas. » Ses yeux remontèrent de la poule aux siens. Elle sentit un frisson dévaler son dos et mordre ses hanches. Plus elle le regardait, plus il la regardait, plus une douce chaleur se lovait dans son bassin. Elle avait appris à la connaître et avait conscience qu’à tout instant, elle pouvait se transformer en brasier. « Je vois. Je pensais que les Anges prêchaient la tolérance et ne se fiaient pas à leurs a priori. » répondit-elle, de l’espièglerie dans la voix. C’était facile à mimer, et ça permettait d’envoyer des piques – souvent sincères – sous couvert d’humour. Elle aimait bien en user. « Oui, c’est vrai. » Une vague de chaleur la parcourut. Elle essaya de la réfréner, mais elle savait que le mal était fait et qu’elle ne pourrait pas s’empêcher de ressentir les tourments sensoriels que lui imposait la présence de Zeryel. C’était pareil avec Johannês, pareil avec Lorcán, pareil avec Alaster. Pourquoi ça et pourquoi eux ?
Persuadée qu’il y aurait une suite à son amorce, elle fut étonnée de le voir prendre congés. Le poisson n’avait pas l’air de vouloir mordre à l’hameçon. Il semblait troublé, pourtant. Pourquoi ne se comportait-il pas en coq conquérant comme la plupart des autres Gælyan ? En fait, il ressemblait aux hommes Ondins. Docile, aimable, soumis. « Je peux t’aider. » proposa-t-elle. La Sirène voulait débouter ses doutes ou ses hypothèses. Rester sur une incertitude ne lui plaisait pas. Elle devait savoir ; en sachant, elle pourrait comprendre. Et s’amuser un peu à le torturer l’air de rien, peut-être, comme elle le faisait de Lorcán ou de Léonidas. « Il y a une petite animalerie, sur l’île. Ils recueillent les animaux blessés et les soignent avant de leur trouver une nouvelle maison. » Elle commença à marcher en direction du refuge, qui se trouvait en ville. « On pourra peut-être lui trouver un nom en chemin. Tu as déjà eu des animaux de compagnie ? » s’enquit-elle. « Et tu veux peut-être effacer ça de ton front avant qu’on sorte, d’ailleurs ? » Elle s’arrêta, fouilla l’une de ses poches et lui tendit un mouchoir propre. Elle aurait pu essuyer elle-même les écritures, mais elle craignait qu’il ne broyât la poule contre sa poitrine.
Message II – 529 mots
Zeryel ~ Ange ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 224 ◈ YinYanisé(e) le : 25/01/2023
Une expression passablement irritée traversa le visage de Zeryel comme un nuage à sa remarque. « Ouais, tout le monde pense beaucoup de choses des Anges. » rumina-t-il, désireux de changer de sujet avant qu'elle n'embraye sur les autres sujets comme celui des articles brûlants qui défrayaient la chronique sur l'angélicisme des actes de ses cousins plus illustres. Certains se risquaient, malgré ses yeux noirs, à dresser de malheureux parallèles avec les autres Belegad. Avec Alcide, c'était différent, car le blond les connaissait, et qu'il était intrinsèquement incapable d'émettre un jugement blessant intentionnellement.
« Hein ? » L'Ange releva la tête brusquement, ouvrant des yeux ronds comme des assiettes. Il se reprit et lui emboîta machinalement le pas, n'en revenant pas. « C'est gentil de te proposer de m'y accompagner. T'es sûre que ça te dérange pas ? » Ils croisèrent quelques élèves qui posèrent sur eux des regards intrigués et Zeryel raidit son dos pour se grandir. « Oui, merci. » Il fit basculer la poule sur sa hanche et prit le mouchoir et frotta son front assez fort pour faire rougir la peau. Il fixa ensuite le tissu souillé et se souvint de son allure générale et espéra que Lana n'était pas incommodée par l'odeur de sa sueur. Gêné, il fourra le mouchoir dans sa poche et se passa une main dans les cheveux dans l'espoir d'y mettre un peu d'ordre. « Je te le rendrai après l'avoir lavé. » décida-t-il, répugnant à le lui remettre après l'avoir sali. « J'avais un lapin, à Stenfek. » lui apprit-il. « Et toi ? »
En quelques minutes, ils furent en ville et prirent la direction de l'animalerie. Il regardait ailleurs, observant les échoppes avec une attention bien trop intense pour se distraire de la conscience qu'il avait de la présence de la Sirène à côté de lui. Après lui avoir retourné le cerveau, elle lui retournait le ventre aussi. Quand il en eut assez de compter le nombre de fenêtres, il songea que bavarder serait un moyen sans doute plus efficace de refouler les élans hormonaux qui l'importunaient. Il chercha un sujet de conversation et affronta le néant abyssal de ses pensées molles comme du coton. Déprimé, il se résolu à essayer de ne pas penser à la peau de Lana et à savoir si elle était aussi douce qu'elle en avait l'air. « On arrive bientôt. » fit-il remarquer inutilement en voyant l'animalerie se dessiner face à eux.
À l'intérieur régnait un brouhaha désagréable entre les clients qui allaient et venaient et les caquètements, couinements, aboiements, et autres bruits que les animaux produisaient. Ils s'installèrent dans la queue pour patienter. « Je parie que Claer vient souvent ici. C'est curieux d'ailleurs qu'elle ne ramène jamais d'animaux à l'école. On le lui a peut-être interdit, par précaution. » sourit Zeryel, amusé. « Tu as des idées pour le nom de cette poule avant qu'on ne lui fasse nos adieux ? On pourrait l'appeler Puffette, qu'est-ce que tu en dis ? Au fait, ça se passe bien les entraînements avec les Puff-Puff Gueurles ? » lui demanda-t-il.
Message III | 537 mots
Il est vraiment trop nul, il me fait trop de peine
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 261 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Du regard, Lana suivit le trajet de sa main jusqu’à sa poche. Elle la trouvait belle et elle n’éprouvait absolument aucune difficulté à l’imaginer se promener sur son corps, ce qui était à la fois grisant, troublant et agaçant. Elle releva les yeux vers lui en acquiesçant doucement. « D’accord. » Elle essaya de se le figurer avec un lapin dans les bras. Il devait avoir le même air benêt que celui que promenait partout son ami Alcide. Peut-être que sur lui, ça avait un côté presque attirant ? Elle eut envie de se claquer les deux joues. « Non, on n’en avait pas. Ma mère n’aime pas les animaux. » Elle réfléchit à ce qu’elle pourrait dire de mignon ou d’attendrissant. Un sourire se dessina sur ses lèvres. « Mais j’avais une peluche poisson que j’aimais beaucoup. Il s’appelait Monsieur Clam. »
Le trajet se passa majoritairement en silence. L’Ondine, habituée aux regards des autres, désireuse de les sentir sur eux pour affirmer sa nouvelle identité de personne agréable et fréquentable, ne faisait pas grand cas des élèves qui les fixaient avec une insistance parfois surprise, parfois suspicieuse. Elle essayait surtout de maîtriser les pulsions qui balayaient ses sens. L’Ange la perturbait plus qu’elle n’aurait voulu l’admettre. Il ne correspondait pas vraiment à son idéal masculin – ne serait-ce qu’à cause de ces affreux cheveux roses –, et pourtant, elle se sentait extrêmement attirée par lui. Elle se surprit même à espérer que sa génétique ne reprît le dessus et qu’à l’image de ses cousins, il devînt particulièrement entreprenant : il aurait pu la plaquer contre un mur et l’embrasser… Cette pensée fut chassée d’un vif mouvement de tête, qu’elle tempéra en agitant sa main devant elle et en prétextant qu’un insecte s’était approché trop près.
L’animalerie, en dépit de son environnement bruyant, présentait une certaine harmonie. Les couleurs avaient été choisies pour apaiser. Lana jeta quelques coups d’œil aux animaux présents. Elle n’en avait jamais été une grande adepte et ne se sentait pas particulièrement à l’aise. Instinctivement, elle se rapprocha de Zeryel. « Claer ? Ah, oui. » L’ennemie jurée de Susannah. Souvent, la Kælaria trouvait cet acharnement ridicule. Elle aurait dû se débarrasser une bonne fois pour toutes de la Lyrienne ou l’ignorer comme il convient de le faire des parasites insignifiants. « Tu crois vraiment qu’ils auraient fait ça ? Plein d’élèves ont des animaux. Et il me semble que depuis Noël, Claer se promène parfois avec une drôle de bestiole verte. Je ne sais pas ce que c’est, mais ça a l’air particulier. » Mécaniquement, elle répondit à son sourire. L’envie de le tatouer sur ses lèvres lui assécha la bouche. « Puffette, c’est parfait. » Elle baissa les yeux sur la poule. « Tu aimes bien ? » Elle avait remarqué que la plupart des gens qui aimaient les animaux leur parlaient, souvent avec une voix un peu niaiseuse – la même que les Magiciens et les Anges utilisaient pour s’adresser à leurs enfants. Comme la gallinacée ne répondait pas, la blonde décida qu’elle consentait à être nommée ainsi. « Avec les Puff-Puff Gueurles, oui, ça va. Cyrielle est parfois un peu difficile à vivre, et certaines filles sont… » Elle haussa les épaules. « Disons qu’avec toutes les rumeurs qui ont couru sur Kiara, elles n’ont pas toutes été très sympathiques. Mais c’est du passé, maintenant, et globalement, ça se passe bien. » Quelques on-dit commençaient aussi à courir sur la possibilité que Lana prît bientôt la suite, en remplacement de l’actuelle capitaine. « On prépare une nouvelle chorégraphie pour les prochains matchs. J’ai hâte que tu la voies. » Elle lui sourit. « Et vous, comment ça se passe dans l’équipe ? Ce serait bien qu’on s’entraîne plus souvent ensemble, je trouve. »
Message III – 630 mots
Zeryel ~ Ange ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 224 ◈ YinYanisé(e) le : 25/01/2023
« C'est vrai. Mais je pense que si on la laissait faire, elle en aurait des centaines et l'école serait envahie. Je les imagine bien lui imposer des limites raisonnables, un peu comme avec les Déchus quand ils se laissent dominer par leur Péché. » Une seconde, Zeryel imagina Claer si elle était à cette animalerie, à la place de Lana. Son amie aurait été trop distraite pour tenir une conversation et l'aurait ensuite complètement oublié au profit des animaux, sauf pour lui partager ses anecdotes que personne d'autre qu'elle ne connaissait. Il aimait bien les intérêts de niche, car ils faisaient d'excellents sujets pour le journal et il envisageait d'écrire un billet spécialement sur ce sujet pour faire plaisir à la Lyrienne. Elle ne saurait pas qu'il en serait à l'origine mais peu importait.
C'est en tout cas les pensées qu'aurait pu nourrir l'Ange si Lana ne les balayait pas comme un ouragan à chacun de ses mouvements. Il devait fournir des efforts supplémentaires de concentration pour ne pas la dévisager, le bec ouvert. Dès qu'elle prenait la parole, il était heureux d'avoir une raison de pouvoir la regarder, même s'il ne savait pas quoi faire de lui-même. Il reconnaissait les symptômes, les mêmes surgissaient quand il voyait Kiara, qui lui plaisait depuis les speed-datings. Pour Lana, le mystère restait entier. Ils ne s'étaient pour ainsi dire, jamais parlé, jusqu'à Boraür. Il savait juste qu'il avait rêvé d'elle, et que depuis, certaines images et sensations s'étaient imprimées sur lui, en lui. Il se sentait ridicule, de se laisser emporter par de simples fantaisies nocturnes. Il n'avait osé en parler à personne, persuadé que tout le monde se moquerait. En parler à Lana était encore moins envisageable.
« Ah bon ? Je la trouvais sympathique. » fit Zeryel, en essayant de se remémorer les échanges qu'il avait pu avoir avec Cyrielle. « J'imagine que les relations sont différentes entre vous... Et Kiara va bien, d'ailleurs ? Je m'inquiétais pour elle, j'avais remarqué qu'elle avait l'air affectée par tout ça. J'aimerais bien faire quelque chose pour elle, pour l'aider à aller mieux. Tu es son amie, tu as peut-être de meilleures idées que moi ? Car la seule chose à laquelle je pensais, c'était de lui offrir des chocolats, mais je ne sais pas si elle aime ça, je ne voudrais pas empirer les choses. »
Pensif, il grattait le dos de la poule après avoir remarqué que Puffette semblait apprécier ce traitement davantage que les simples caresses. « Pour être honnête, je préfère quand on ne s'entraîne pas avec vous. Pendant un match, je vous entends juste alors ça va, et c'est motivant. Mais... Sinon, comment dire... Vos chorégraphies ont tendance à me, à nous déconcentrer. » Il était même franchement gêné parfois, et évitait de regarder dans leur direction autant que possible car s'il les surprenait dans des positions suggestives, ou dans des figures où il n'y avait pas que leurs pompons qui s'agitaient, il était certain d'y repenser le soir venu avant de s'endormir. Trouver le sommeil devenait alors délicat, sans compter qu'il s'en voulait de sentir ses pensées s'égarer pour ses camarades. « C'est la culture de cette discipline qui veut ça, je suppose. On finit par s'y faire. » Il haussa les épaules.
Message IV | 580 mots
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 261 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Sympathique. Lana retint un roulement d’yeux significatif. Ce que les Anges pouvaient être niais. Le positif, c’était que cela confirmait ses impressions concernant sa propre personne : ses efforts paieraient et ils seraient de plus en plus nombreux à réviser leur jugement à son sujet. Bientôt, plus personne n’oserait mettre en doute sa bonté d’âme. « Oui, c’est sûr, c’est notre capitaine, alors… C’est un peu comme vous, j’imagine. Vous ne devez pas avoir la même vision de votre capitaine que le reste de l’école. » Elle se tourna vers lui et lui sourit. Son cœur tressauta dans sa poitrine et son bassin s’échauffa. La température redescendit presque aussi sec quand il se mit à parler de Kiara. Elle se mordit la lèvre inférieure, autant pour retenir quelque fiel de glisser sur sa langue que pour se donner un air embêté. Elle détourna le regard et haussa les épaules. De toute manière, il serait vite déçu : il était prévu qu’elle épousât Lucius. Et qu’elle accouchât de leur bébé. Y penser seulement donnait la nausée à la blonde. Ce sale Gælyan… Le jour où elle lui tomberait dessus, il regretterait d’être né. « C’est gentil à toi. Elle aime bien le chocolat, alors c’est une bonne idée. À ta place, j’achèterais plutôt du noir. » L’Ondine lui adressa un demi-sourire. Si ces chocolats pouvaient l’empoisonner et tuer ce maudit fœtus… Une idée germa dans son esprit. Elle la conserva pour plus tard.
Comme elle observait Zeryel qui continuait à caresser la poule, elle se rapprocha pour l’imiter en lui grattant délicatement la tête. « Ah bon ? » demanda-t-elle, ingénue, en relevant les yeux vers lui. Ses iris le détaillèrent. Comme si elle comprenait soudain, un sourire ourla ses lèvres, qui se transforma presque aussitôt en rire. « Tout à l’heure, j’ai osé douter de ton angélisme, mais cette fois, plus aucun doute n’est permis. » L’espièglerie brilla dans ses prunelles. Elle tentait aussi d’y mettre de la douceur, mais elle ignorait si cela fonctionnait ou si elle avait juste l’air d’être affreusement moqueuse. Pour rattraper le coup, elle reprit : « Mais c’est vrai que vous voir jouer, c’est aussi… » Elle retira sa main de l’oiseau pour repousser une mèche de cheveux derrière son oreille et en profiter pour baisser les yeux. Durant quelques instants, ils se contentèrent de dessiner les contours du carrelage. Puis, comme si elle souhaitait oublier les sensations qui la traversaient quand elle pensait aux garçons de l’équipe de Puffball – et plus précisément Zeryel –, elle reprit : « Des fleurs, ça pourrait aussi lui faire plaisir. À Kiara, je veux dire. C’est classique, c’est sûr, mais je crois que tu lui en avais offert une aux… » Elle s’interrompit, comme si elle regrettait d’avoir choisi ce sujet. Il n’était pas envisageable qu’il crût qu’elle avait envie d’être la bonne copine qui conseille l’amoureux transi. C’était hors de question. « Bref. » Elle se racla la gorge et croisa les bras sur sa poitrine. « Si tu en trouves des violettes, ce serait parfait : c’est sa couleur préférée. » Elle hésita. Elle avait pensé à une plante abortive et elle avait voulu la conseiller à l’Oisillon, mais le faire, c’était prendre le risque que l’on remontât jusqu’à elle. Mieux valait en glisser dans le chocolat chaud de son amie en toute discrétion. L’Ondine changea donc de plan. Il lui serait toujours possible de revenir sur sa décision. « Dans tous les cas, ne lui prends pas de roses, parce que… » Elle releva la tête vers lui. « En fait… je vais te le dire parce que tu as l’air sincèrement inquiet, mais tu dois promettre de garder le secret. » fit-elle à voix basse, comme si le capharnaüm du refuge ne couvrait pas déjà bien assez leur conversation. La blonde sonda l’Ange, avant de reprendre : « Je pense que ses problèmes vont bientôt s’arranger. Tu sais que c’est Lucius Paiberym, le garçon avec qui elle a… ? » Elle laissa sa phrase en suspens, sourcils haussés, dans l’attente d’un hochement de tête. « Eh bien ils vont se marier. C’est tout récent, elle m’en a parlé quand on était à Juvaniel. » Ses iris céruléens scrutèrent sa réaction, tandis qu’elle ne se départissait pas d’un faux sourire de bonheur pour sa meilleure amie. Elle allait les tuer.
Message IV – 726 mots
Zeryel ~ Ange ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 224 ◈ YinYanisé(e) le : 25/01/2023
« O - Oui. » croassa Zeryel sans se souvenir à quoi il acquiesçait. Il avait la bouche sèche subitement. Comment faisait-elle pour resplendir de la sorte ? De là où la Sirène se tenait, soit à seulement une dizaine de centimètres pour caresser la poule, il pouvait voir le fin duvet transparent sur ses joues, le grain incarnat de ses lèvres qui s'ourlaient joliment sous ses sourires et même compter ses cils si l'envie l'en prenait. Il était pétrifié à l'idée que leurs doigts s'effleurent en caressant Puffette et dévoré par l'envie de provoquer cette rencontre. Que se passerait-il ? Retirerait-elle sa main ou feindrait-elle de ne pas avoir remarqué ? Se mettrait-elle à rougir ? L'idée devenait obsession. Le fantasme le clouait au sol, comme statufié par toutes les possibilités. « Ah. » Éperdu, il chercha autre chose à rajouter, n'importe quoi, pour ne pas laisser mourir la conversation sur cette note pitoyable. « Pourtant, on se plaint souvent que les armures en Skrache ne nous mettent pas à notre avantage. » Il eut un rire, enroué, qui mua en toux gênée. Est-ce qu'elle le regardait quand il jouait ? Ça lui paraissait si improbable, il ne savait même pas qu'il existait à ses yeux, ni même qu'elle connaissait son nom.
« Ah oui. Je lui avais offert un œillet. À mes autres partenaires aussi, même Adriæn. Il tenait à en avoir un aussi, même si on s'est tous les deux tout de suite dit qu'on préférait les filles pour éviter tout malentendu. » Cette anecdote le faisait rire avec le recul, bien qu'il se souvenait avoir été surtout confus sur le moment, par ça et par le bracelet que l'Ondin lui avait offert ensuite. Il appréciait un peu moins l'adolescent depuis qu'il l'avait vu chanter avec Kiara à la soirée pyjama. Face à leur si évidente complicité, la jalousie l'avait dévoré comme un poison avant qu'il ne puisse se faire une raison. Naturellement, la blanche favorisait la compagnie de ses congénères, et qui de mieux qu'Adriæn qui réussissait à se faire aimer de tous ? Zeryel ne pouvait pas espérer une seule seconde rivaliser contre lui, dans aucun monde sinon celui des rêves. « Merci pour le conseil, j'y penserai. Marie-Jane pourra sans doute m'aider à en trouver des violettes, elle est tout le temps fourrée dans les serres de l'école. » Il se tut à la suite, attentif à grapiller toutes les informations qu'il pouvait sur la meilleure amie de Lana. « Oui, c'est promis. » se hâta-t-il de répondre solennellement. Même sans cela, il ne serait jamais allé répéter quoi que ce soit. Il était certes journaliste, mais il tenait à être de ceux qui ne nourrissait pas les rumeurs infondées ni ne révélait les secrets des autres pour les mettre mal à l'aise, encore moins ceux qu'il estimait.
« Paiberym ? Comme... » Il blanchit en comprenant ce que Lana sous-entendait. La suite lui laissa le même ressenti qu'un mur pris en plein vol. « Comment ça, se marier ? » balbutia-t-il, l'air décomposé. Elle n'était encore qu'une adolescente. Les Paiberym était une famille de Mages. S'ils précipitaient les choses, c'était qu'une part des rumeurs était vraie. Progressivement, il connectait les liens entre eux et chacun d'eux était comme un coup de fouet à vif sur le cœur. Incapable de rendre son sourire à Lana, Zeryel la dévisageait dans l'espoir que l'Ondine lui révèle subitement que tout ceci était une plaisanterie de mauvais goût. Des scènes tirées de son imagination s'imposaient cruellement dans sa tête comme une spirale infernale. Elle avait... Elle était... La poule poussa une série de caquètements colériques et l'Ange relâcha aussitôt la compression qu'il ignorait lui imposer. « C'est à vous, par ici s'il vous plaît ! » les appela comme à propos une voix depuis le comptoir de l'animalerie. Mécaniquement, Zeryel s'y rendit et déposa l'animal sur le comptoir. Il répondit de façon monotone aux questions, remplit le formulaire et bientôt, Puffette disparut dans l'arrière boutique sans que l'Ange ne sourcille. Les yeux dans le vague, il entendait en boucle la révélation de Lana. Il se sentait bête. Pendant qu'il lambinait et soupirait dans son coin, tout s'était accéléré et il était trop tard. Trop tard pour quoi ? Il l'ignorait, n'avait même pas conçu le moindre plan, réfléchi à initier quoi que ce soit, coincé par une peur irrationnelle d'être de trop, d'être rejeté, de ne pas être à son goût. Les jours s'étaient succédés, puis les semaines et les mois et il n'avait jamais rien osé, pas même lui parler. En sortant, il regarda Lana. « Merci de m'avoir accompagné. Et pour... Pour tout. » Son sourire ne monta pas jusqu'à ses yeux, qu'il avait aussi tristes qu'un chien abandonné.
Message V | 837 mots T'as cassé le flash en premier (et mon Ange aussi), je ne veux rien entendre
Lana Kælaria ~ Sirène ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 261 ◈ YinYanisé(e) le : 20/01/2021◈ Activité : En études
Touché. Si elle n’avait pas été en présence de Zeryel, Lana aurait arboré un sourire triomphant. Face à lui, elle perdit tout à fait celui qu’elle portait en annonçant la nouvelle, fronça un sourcil, et dans ses yeux se dilua un doute directement lié à une empathie qu’elle avait coutume de maîtriser et d’utiliser pour servir ses desseins. Depuis quelques temps, néanmoins, elle lui revenait trop souvent à la figure – depuis sa lecture du conte et sa rencontre avec Yvonelle, bien qu’elle n’en eût pas conscience. Elle essayait de la museler, de la contrôler, mais ça n’était pas toujours évident. Comme à Juvaniel, quand Kiara lui avait appris pour le mariage et la grossesse. Sa réaction avait sans doute été similaire à celle de l’Ange, à la différence près qu’il ne devait pas réfléchir à un moyen de briser cette union et cette vie en devenir, tandis qu’elle en avait fait une obsession. Elle esquissa une petite moue du bout des lèvres puis détourna le regard, comme si la réaction de l’adolescent la peinait. Elle barra son torse d’un bras, dont elle fixa la main sur l’autre, le buste détourné du brun et de la poule ; jusqu’à ce que celle-ci ne se mît à caqueter avec une virulence renouvelée. « Ça v- » L’interpellation lui fit perdre sa phrase, et elle suivit Zeryel jusqu’au comptoir de l’animalerie.
Elle le laissa remplir les papiers et satisfaire la curiosité de l’employé en se demandant comment elle pourrait retourner la situation à son avantage. Il n’était pas question de le laisser partir sur cette mauvaise impression. Kiara était inaccessible, mais à son propre sujet, elle pouvait lui faire miroiter toutes les possibilités du monde. À moins qu’elle fût la seule à avoir fait ce songe ? Non. Elle n’avait pas imaginé ses regards, des réactions à ses gestes ou à ses mots. Ou n’avait-ce rien à voir avec cette chimère qui, peut-être, les unissait ? Elle se souvenait d’un rêve au sein duquel elle avait été maîtresse de ses actions et de ses décisions. Aux côtés d’Adriæn. Ils avaient presque noyé une fille. Se pouvait-ce que Zeryel et elle eussent pu tomber dans le royaume onirique de quelqu’un d’autre, et que cette personne eût guidé toutes leurs actions ? Pareil pour Alaster, Lorcán, Kiara, Johannês… Elle prit la décision de faire des recherches dans la bibliothèque, en plus de poursuivre ses expérimentations sur le terrain.
Dehors, ses iris rencontrèrent ceux de Zeryel. Ils descendirent sur son sourire ; triste, défait, faux. Il lui sembla l’avoir déjà vu, et n’avoir jamais réussi à en soutenir la peine qui s’en dégageait. La vérité résidait dans ses yeux. L’Ondine inspira. Devait-elle le prendre dans ses bras ? L’embrasser ? L’hésitation la submergea au point de faire éclore une idée nouvelle : « Tu sais quoi ? On n’a qu’à adopter Puffette. » Elle lui prit la main – son contact l’électrisa toute entière – et retourna dans l’établissement. « On la gardera chacun une semaine sur deux, et si elle pond des œufs, on partagera. » Alors qu’elle s’apprêtait à se rendre jusqu’au comptoir, elle s’arrêta net au milieu de la pièce. « Tu es d’accord ? Ça te ferait plaisir ? » Elle avait failli lui imposer ce choix, avant de se rappeler que ça n’était pas le meilleur moyen de parfaire son rôle. « Si tu ne veux pas, on la laisse ici, mais je me dis que peut-être… » Avec douceur, elle défit ses doigts des siens.
« Je pense qu'arracher ces trucs doit faire partie des trucs les plus pénibles au monde. » ronchonna Zeryel. Avec un soupir parce qu'il n'arrivait à rien, il fit passer son armure en Skrache par dessus la tête et la cala sur un banc pour mieux réussir à extirper les balles de laine de la matière agrippante. « Si tu te faisais moins toucher sur le terrain, tu galèrerai pas après. » commenta un de ses coéquipiers en le gratifiant d'une bourrade amicale. L'Ange grommela une réplique incompréhensible pour la forme. Il avait raison, la difficulté de la tâche ajoutait une dose d'humiliation supplémentaire. « La prochaine fois, j'en aurais aucune à enlever. » promit-il à la cantonade en brandissant son poing muni des dernières balles récalcitrantes. Des moutons de laine s'étaient infiltrés dans sa tignasse décoiffée, d'un rose toujours aussi vif. Malgré ses déboires avec le matériel, ses yeux scintillaient d'une lueur vive et joyeuse. Son équipe avait gagné la partie et pour une fois, il ne les avait pas fait perdre. L'époque où il commettait impairs sur impairs, comme déployer ses ailes par réflexe pour échapper aux tirs adverses était révolue, mais pas oubliée, comme en témoignait l'inscription en lettres capitales sur son front de son sobriquet, l'Oisillon. Deux garçons l'avaient coincé dans les vestiaires avant le match pour marquer son front et il n'avait pas eu le temps de s'en débarrasser. Entre-temps, il l'avait oublié. 
Lana sortit du vestiaire en prenant soin de refermer la porte derrière elle. Encore humides de sa douche, ses longs cheveux blonds ondulaient jusque sous sa poitrine, semblables à deux cimes de vagues écumeuses au cœur de l’océan bleu de sa robe. Son regard se posa sur l’Ange qui l’avait fait demander. Sur son front, plus précisément. L’oisillon. Elle ne fit aucun commentaire désobligeant – bien que nombreux furent ceux qui lui traversèrent l’esprit – et parvint même à lui sourire. « Salut, Zeryel. » À Boraür, elle s’était jetée dans ses bras. Cette île avait annihilé toutes les barrières qu’elle s’imposait. Elle avait répondu à l’impulsion que son rêve avait ancrée en elle. Son souvenir restait prégnant. Parfois, elle avait l’impression de sentir les mains de l’Ailé gravirent ses courbes et son bassin plonger dans le sien. Elle détestait ces pertes de contrôle. Son premier réflexe avait été de honnir l’épisode de l’île d’Ësse’Aellun, avant de décider d’en tirer profit. Après réflexion, elle avait estimé qu’une telle effusion d’affection pouvait servir ses desseins. Elle avait dû paraître sympathique, agréable. Tout ça, sans effort. Plus le temps passait, plus sa réputation se renforçait positivement.
