Judicaël posa plusieurs saucisses sur la grille. « Conrad devrait redevenir Magicien d’ici quelques temps mais je ne sais pas s’il pourra conserver son rôle. La frontière entre Magicien et Sorcier est poreuse et, après avoir goûté au mal, ce serait un risque... » Il soupira. « L’Enfer est une vraie plaie. » Ils parlaient de ce qu’il s’était passé dans l’Antre du Diable. La Chancelière des Ténèbres Sabnac, Gwendolène Salvatore, ainsi que le Chancelier d’Ivoire Yavinor, Conrad Caïn Taiji, avaient tous les deux été ramenés par le Duc Kaahl Paiberym sains et saufs après un séjour prolongé en Enfer. La première était encore assignée à résidence du fait de l’assassinat de l’Archimage Dorak, Eustache Windsor. Le deuxième recevait toujours des soins afin de dissiper les ténèbres et la folie qui l’avaient envahi. « Il se passe beaucoup trop de choses en ce moment. » constata Alister, les yeux rivés sur la viande. « Entre le ciel, la sauge, la question des Vampires et ce qui se trame chez nous. » Il leva les yeux sur Thalia. « Cela étant, chez vous aussi. »
Ils discutaient à voix basse. Les propos étaient sérieux, un peu trop pour Judicaël qui décida de ramener la conversation vers un ton plus enjoué. Il aimait apprendre des choses sous couvert de plaisanterie. Le problème c’est que la blonde n’était pas le genre de femme à avoir la langue bien pendue. Il aurait également aimé qu’elle l’utilisât à d’autres fins mais ce n’était pas non plus envisageable actuellement ; à cause d’Ajax principalement. « Comme je le disais, nous avons vu l’épouse de Lhéasse plus tôt. Elizabeth est toujours aussi colérique. » Il sourit. Il ne disait pas ça dans le vide. C’était un privilège de voir celle-ci sortir de ses gonds. En public, elle imitait les autres Mages Noires, celles qui avaient un peu de jugeotte : elle était irréprochable. Comme Thalia. Ses lèvres s’étirèrent davantage et il se mit à rire. « Excuse-moi. J’étais simplement en train d’imaginer la tête d’Ajax quand il a reçu l’appel et qu’il a pris conscience que tu devrais venir aussi. Il doit mal le vivre, le pauvre. Je suis sûr qu’il a tellement fulminé que de la fumée sortait de ses narines. Exposer son épouse si parfaite à tous ces hommes indécents... vraiment ! » Il jeta une œillade à Alister qui sourit à son tour. « D’ailleurs, on se demandait, tu préfères tes saucisses comment ? » Comme toujours, le Chef des Armées et Bras droit de l'Impératrice était de connivence avec le roux. Il tentait aussi de se changer les idées. Il n’était pas spécialement proche d’Aliénor mais elle restait sa cousine et l’enjeu était important. Le problème c’est que ce monde ne leur avait donné aucun indice jusqu’ici.
458 mots
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Phèdre et Iphigénie ~ Sorcier ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 48 ◈ YinYanisé(e) le : 12/03/2023
La magie de Thalia s’échappait de ses doigts et tranchait nettement les carottes, dont un peu de jus se vidait sur la table de fortune qu’ils avaient montée. Elle s’en tenait à distance, peu désireuse de tacher le pantalon qu’elle avait troqué contre sa robe, inadaptée aux voyages et encore plus aux traques de ce type. Ils risquaient de devoir combattre et elle ne comptait pas se tuer bêtement en se prenant les pieds dans sa robe. D’une oreille discrète, elle écoutait Judicaël. Il aimait tant parler qu’elle songeait parfois qu’il devait adorer s’écouter. Pourtant, il convenait de se méfier de chaque mot qui sortait. Chacun constituait un piège destiné à attraper toute information susceptible de l’intéresser. Alister l’accompagnait souvent dans ses machinations. Depuis des années, ils fonctionnaient en tandem. Aussi, la Sorcière continua à découper méticuleusement les légumes, ne daignant leur accorder que de rares œillades, la bouche scellée. Elle n’avait jamais été très bavarde. Depuis qu’elle exerçait en tant qu’espionne, elle s’adonnait encore moins aux babillages car leur inutilité se doublait de potentiels risques. Les mouvements du ciel, la descente des gemmes, la formation de la barrière de sauge, les secrets du bal de Seaghdha et les intrigues magiciennes et sorcières étaient pourtant des mystères qui l’intéressaient au moins autant que les deux hommes. Elle se contentait d’écouter.
Elizabeth… Elle avait toujours fait preuve d’un tempérament enflammé. Leurs parents l’avaient mariée à Lhéasse dans l’espoir de calmer ses ardeurs, mais même les années n’avaient su les tempérer. Néanmoins, son ire trouvait toujours une justification. « Il faut croire que les hommes ont le don de mettre les femmes en colère. » En relevant les yeux vers Judicaël, elle essaya d’imaginer la scène. Sa sœur, encore épuisée de sa récente grossesse, entrant dans la pièce où son mari conversait paisiblement avec ceux qu’ils n’étaient plus censés côtoyer. Ses iris détaillèrent le sourire de l’Archimage. Elle sut qu’il allait prononcer quelque chose d’indécent avant même qu’il ne s’esclaffât. La Sorcière fit cesser le flux de magie qui s’échappait d’entre ses doigts. Son regard impassible se posa sur les saucisses dont la chair grésillait sur la grille. Dans une attitude calme et maîtrisée, comme à son habitude, elle se glissa entre les deux hommes et fit miner d’étudier les morceaux de viande. Elle avait très bien compris le sous-entendu. Comme elle possédait des années de pratique de Judicaël – et dans une moindre mesure, d’Alister –, il était rare que ses plaisanteries la choquassent. Du moins, dans l’intimité. En public, elle savait toujours mimer. « Plutôt comme ça. » La Valse Destructrice fila entre ses mains et déchira la fine peau des aliments, dévoilant leur chair face au ciel. Elle se redressa et recula d’un pas. « Ne malmenez pas trop mon pauvre mari, je crois que c’est aussi de cette façon qu’il a tendance à préférer ceux qui le taquinent trop. » Elle leur sourit. « Et si vous disparaissiez, vous manqueriez à Val’aimé, ce qui serait assez dommage. » Ils avaient toujours été drôles à observer, tous les trois. « Il pourrait bien avoir besoin de votre soutien dans les jours à venir. »
Message I – 524 mots
Aliénor Vaughan ~ Magicien ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 571 ◈ YinYanisé(e) le : 20/12/2016
Judicaël sourit face à l’estafilade qu’avait subi la saucisse et l’inspecta. « Je ne sais pas à qui ça correspond le plus… » s’interogea-t-il à voix haute, un petit sourire fixé aux lèvres malgré la légère gêne ressentit dans son pantalon à l’idée qu’on pût la lui trancher de la sorte. « À celle de Dyonis quand on lui a fait boire la potion qu’il avait préparée pour cette fille que Lhéasse appréciait… » Il ne se souvenait plus de son prénom. « Oh mais oui ! Tellement ! » L’Archimage rit. Il pensait souvent, encore aujourd’hui, à cette scène. C’était moche à voir, que ce fût dans son caleçon ou ailleurs. Le corps du Sorcier s’était couvert de plaies purulentes et il avait dû rester alité plusieurs semaines. Ils venaient le voir en faisant mine d’être altérés par son état et lui offraient des chocolats pour faire amende honorable de leur délit et pour que le Taiji ne les soupçonnât pas. En réalité, dès qu’ils sortaient de la pièce, ils ne pouvaient s’empêcher de rester ensemble plusieurs minutes à commenter et rire. « Dyonis a toujours été envieux, c’est fou. » Surtout envers son frère. « C’est sûr… » Cette envie maladive avait déjà mis le groupe en difficultés. Et il y avait eu le décès de l’un d’entre eux.
« Ajax est décidément trop susceptible ! » s’amusa Judicaël, qui n’avait pas peur le moins du monde. Il aurait déjà dû mourir cinq mille fois depuis qu’il avait commencé à tenter des manœuvres plus ou moins scandaleuses envers autrui. « Heureusement qu’il ne sait pas tout, hein ? » Il envoya un petit coup de coude dans le bras de Thalia et lui fit un clin d’œil complice. Alister sourit et s’intéressa brièvement au paysage, comme si tout ceci ne le regardait pas. Puis, quand il fut question de Val’Aimé, il se concentra de nouveau sur la conversation. « C’est sûr qu’on lui manquerait. » « Très clairement ! » Le roux retourna les saucisses, cachant par la même occasion leurs meurtrissures. « D’ailleurs, la dernière fois, il a gagné son duel contre Alister. » « T’es obligé de lui en parler ? » L’autre sourit. « Bien sûr ! En plus, c’était beau de les voir couverts de sueur et à moitié nus. Ça m’a franchement excité. » Ce n’était pas totalement faux, même s’il avait été plus occupé à boire et à faire des commentaires emplis d’un certain chauvinisme sur la victoire assuré du Magicien face au Sorcier. « Dommage que Val’Aimé ait repoussé toutes mes avances, hein ? » Le Chef des Armées avait décidé de continuer la conversation sur le ton de la plaisanterie. Combien de fois des membres du groupe l’avaient-ils poussé vers Val’Aimé pour rire, prétextant que comme ils aimaient les hommes tous les deux, ils feraient un couple parfait ? S’il s’en était toujours arrangé, ce n’était pas le cas de son homologue. Ils ne s’appréciaient pas et, sans les idées farfelues de Judicaël, Alister n’aurait probablement jamais cherché à le taquiner seul.
« C’est sûr. Si Lhéasse épouse vraiment Aliénor, il va tomber en dépression. » « On pourra toujours lui présenter Érasme Salvatore pour le réconforter. À ce qu’il paraît, il aime bien les hommes musclés aussi. T’en penses quoi, Thalia ? » « Ou Ajax… » « Hum… Heureusement qu’il y a les jumelles, sinon on se poserait des questions, c’est clair. » C’était souvent ce qui revenait dans les esprits, quand un mariage ne donnait pas d’enfants. La plupart du temps, la faute de la femme était soulevée. Néanmoins, certains opposants politiques pouvaient aussi mettre en avant l’homosexualité présumée du mari afin de le discréditer. « Je ne sais pas pour celle d'Ajax mais je pense que nos saucisses sont à point. Plus qu’à faire cuire les carottes… » Ce repas était rempli de symboles phalliques.
634 mots
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Phèdre et Iphigénie ~ Sorcier ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 48 ◈ YinYanisé(e) le : 12/03/2023
N’a-t-il pas des raisons de l’être ? songea Thalia. La taquinerie de Judicaël sonna en écho à sa pensée. Elle le regarda, impassible. Son mari était loin d’être idiot. S’il ignorait tout des secrets qu’elle lui cachait, c’était uniquement parce qu’elle s’entourait de personnalités discrètes. Le qualificatif prêtait à rire lorsque l’on pensait au roux, mais derrière ses airs de bouffon de la Reine, il savait se tenir et se taire. Il en allait de même de Dyonis. Quant à elle, elle avait érigé le mensonge au rang d’art et pouvait assez aisément supprimer les preuves compromettantes. Pourtant, Ajax avait parfois des comportements qui laissaient à penser qu’il avait des raisons de s’inquiéter. Il avait toujours été non pas jaloux, mais possessif. Le mariage avait scellé l’appartenance de Thalia à sa famille comme à sa personne. Que quelqu’un la touchât et c’eût été comme s’il avait tenté de le spolier de ses mines. C’était ce qui rendait tout plus amusant, et excitant.
La Sorcière se tourna vers Alistair, ignorant délibérément la remarque de Judicaël. « Ça ne m’étonne pas. » Un fin sourire ourla ses lèvres. « Tu aurais pu gagner seulement si tu avais joué de tes charmes. Ça l’aurait suffisamment déstabilisé. Mais tu es un Magicien alors j’imagine que tu t’es battu avec honneur, sans exploiter toutes les faiblesses de ton adversaire. » La provocation s’adressait aussi bien à lui qu’au rouquin. Les années et le temps passés ensemble n’avaient pas réussi à lui faire perdre toutes ses manières de Mage Blanc. La blonde haussa un sourcil. Lhéasse comptait donc épouser Aliénor ? Comment ? Elle réfléchit, et les lois qu’il pouvait faire jouer lui apparurent rapidement. Elle tenta d’imaginer la réaction du chef des armées, et ce ne fut guère difficile : chacun se rappelait la façon dont il avait pris l’union entre le brun et sa sœur aînée, bien des années auparavant. « Même sans mes filles, vous ne vous poseriez pas de questions. À moins d’être particulièrement stupides et têtus, vous avez bien dû vous rendre compte que toutes vos tentatives pour séduire mon mari se sont soldées par un échec. Sa « saucisse », comme tu dis, n’est à point que devant les femmes. » Par télékinésie, elle souleva les morceaux de viande et les envoya dans une assiette de bois. Les carottes coupées dans la longueur prirent leur place sur la grille du barbecue. « Quant au reste, j’en pense que si Val’Aimé ne tue pas Aliénor Vaughan, ma sœur s’en chargera sans doute. » répondit-elle. « Vous savez bien qu’Elizabeth n’a jamais aimé que l’on empiète sur son territoire de quelque manière que ce soit. » Elle livra une œillade appuyée à Judicaël. Il était le mieux placé pour le savoir. « Des accords diplomatiques suffiraient-ils à la retenir ? » Elle pensait que oui, temporairement. Jusqu’à ce que son aînée trouvât un moyen de se débarrasser de la Magicienne sans pouvoir en être soupçonnée. Elle trouverait : lorsque les circonstances l’exigeaient, elle se montrait redoutable. « Et en ce qui concerne Érasme Salvatore, je suis à peu près certaine qu’il fait déjà partie des fantasmes de notre cher Val’Aimé. C’est probablement pour cette raison qu’il a encore le droit de courir derrière des Réprouvés. » Elle sourit. « Nous aurions probablement dû éradiquer ce peuple dans sa totalité. La Perle Noire serait libérée de ses tourments et Aliénor Vaughan n’aurait pas eu la bonne idée de tomber enceinte de l’un des fils des Bipolaires. » lâcha-t-elle, l’air de rien, en haussant les épaules.
Message II – 592 mots
Aliénor Vaughan ~ Magicien ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 571 ◈ YinYanisé(e) le : 20/12/2016
« Oh tu sais, ça ne veut rien dire ça : on essaye aussi depuis longtemps d’accaparer la saucisse de Val’Aimé. » « Parle pour toi. Je n’ai pas envie de chopper la chlamydiose. » répondit Alister. Val’Aimé et lui ne s’aimaient pas des masses. Le Magicien le tolérait mais restait prudent. Ils étaient tous les deux Chefs des Armées et si les relations entre les Mages tendaient vers l'apaisement depuis des années, il n’en oubliait pas que la guerre n’était jamais loin. Un jour, il se retrouverait peut-être à devoir affronter son homologue sur le champ de bataille ; il soupçonnait même l’autre de n’attendre que ça. L’Elzagan n’était pas connu pour son caractère pacifique. Judicaël rit. « Il n’y a pas plus propre qu’un Sorcier pourtant. T’as déjà vu Val’Aimé transpirer ou même sentir la transpiration ? » La réponse était négative. « Alors que toi, quand tu t’entraînes, ça ne sent pas la rose. » « Hé ! » « Après, certains aiment ça. » Il lui fit un clin d’œil. Ils avaient tellement couché ensemble qu’il était évident que ça ne le dérangeait pas le moins du monde. « Le mieux serait qu’il ne l’épouse pas. » « C’est sûr. D’un autre côté, s’il n’y avait pas Val’Aimé et Elizabeth, Lhéasse ferait probablement un meilleur mari que les autres. » Alister soupira. « Ce serait bien de pouvoir mettre fin à cet accord. » Néanmoins, si les Magiciens demandaient à récupérer Aliénor, les Sorciers qui ne voulaient pas de cette alliance se feraient un plaisir de tenter d’en détruire les fondations ; Val’Aimé le premier.
« Vraiment ? Je vois mal Val’Aimé avoir d’autres fantasmes que les fesses de Lhéasse. » Judicaël sourit. En même temps, c’est vrai qu’il était bien taillé. De dos, le Sorcier n’était pas mal. « Je pensais surtout que l'ex-Prince s'en sortait bien parce que Val’Aimé avait peur d’Elias. » Il regarda Alister qui acquiesça. Le Nylmord allait même ajouter qu’il était peut-être même son chien mais la plaisanterie resta dans sa gorge à l’annonce de la grossesse de sa cousine. « Pardon ? » laissa-t-il échapper. Il était bien plus direct que Judicaël. Ce dernier trouvait toujours le moyen de faire penser à ses interlocuteurs qu’il savait tout. « C’était à prévoir, même si je doute que Priam Belegad – c’est lui n’est-ce pas ? – ait pu l’approcher sans une aide extérieure. Je n'ai jamais réussi à mettre une Dame Noire dans mon lit… officiellement du moins. » fit-il, avec un sourire amusé, avant de regarder Alister. Il lui envoya sa main dans le dos dans une tape amicale. « Enfin, on va s’occuper de tout ça quand on la retrouvera. » Il ajouta ensuite : « C’est vrai qu’Érasme a au moins l’avantage de ne pas pouvoir se faire engrosser par son Réprouvé. »
471 mots
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Chapitre II bis - Les liés | Thalia, Alister et Judicaël
Judicaël posa plusieurs saucisses sur la grille. « Conrad devrait redevenir Magicien d’ici quelques temps mais je ne sais pas s’il pourra conserver son rôle. La frontière entre Magicien et Sorcier est poreuse et, après avoir goûté au mal, ce serait un risque... » Il soupira. « L’Enfer est une vraie plaie. » Ils parlaient de ce qu’il s’était passé dans l’Antre du Diable. La Chancelière des Ténèbres Sabnac, Gwendolène Salvatore, ainsi que le Chancelier d’Ivoire Yavinor, Conrad Caïn Taiji, avaient tous les deux été ramenés par le Duc Kaahl Paiberym sains et saufs après un séjour prolongé en Enfer. La première était encore assignée à résidence du fait de l’assassinat de l’Archimage Dorak, Eustache Windsor. Le deuxième recevait toujours des soins afin de dissiper les ténèbres et la folie qui l’avaient envahi. « Il se passe beaucoup trop de choses en ce moment. » constata Alister, les yeux rivés sur la viande. « Entre le ciel, la sauge, la question des Vampires et ce qui se trame chez nous. » Il leva les yeux sur Thalia. « Cela étant, chez vous aussi. » 
Ils discutaient à voix basse. Les propos étaient sérieux, un peu trop pour Judicaël qui décida de ramener la conversation vers un ton plus enjoué. Il aimait apprendre des choses sous couvert de plaisanterie. Le problème c’est que la blonde n’était pas le genre de femme à avoir la langue bien pendue. Il aurait également aimé qu’elle l’utilisât à d’autres fins mais ce n’était pas non plus envisageable actuellement ; à cause d’Ajax principalement. « Comme je le disais, nous avons vu l’épouse de Lhéasse plus tôt. Elizabeth est toujours aussi colérique. » Il sourit. Il ne disait pas ça dans le vide. C’était un privilège de voir celle-ci sortir de ses gonds. En public, elle imitait les autres Mages Noires, celles qui avaient un peu de jugeotte : elle était irréprochable. Comme Thalia. Ses lèvres s’étirèrent davantage et il se mit à rire. « Excuse-moi. J’étais simplement en train d’imaginer la tête d’Ajax quand il a reçu l’appel et qu’il a pris conscience que tu devrais venir aussi. Il doit mal le vivre, le pauvre. Je suis sûr qu’il a tellement fulminé que de la fumée sortait de ses narines. Exposer son épouse si parfaite à tous ces hommes indécents... vraiment ! » Il jeta une œillade à Alister qui sourit à son tour. « D’ailleurs, on se demandait, tu préfères tes saucisses comment ? » Comme toujours, le Chef des Armées et Bras droit de l'Impératrice était de connivence avec le roux. Il tentait aussi de se changer les idées. Il n’était pas spécialement proche d’Aliénor mais elle restait sa cousine et l’enjeu était important. Le problème c’est que ce monde ne leur avait donné aucun indice jusqu’ici. 
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La magie de Thalia s’échappait de ses doigts et tranchait nettement les carottes, dont un peu de jus se vidait sur la table de fortune qu’ils avaient montée. Elle s’en tenait à distance, peu désireuse de tacher le pantalon qu’elle avait troqué contre sa robe, inadaptée aux voyages et encore plus aux traques de ce type. Ils risquaient de devoir combattre et elle ne comptait pas se tuer bêtement en se prenant les pieds dans sa robe. D’une oreille discrète, elle écoutait Judicaël. Il aimait tant parler qu’elle songeait parfois qu’il devait adorer s’écouter. Pourtant, il convenait de se méfier de chaque mot qui sortait. Chacun constituait un piège destiné à attraper toute information susceptible de l’intéresser. Alister l’accompagnait souvent dans ses machinations. Depuis des années, ils fonctionnaient en tandem. Aussi, la Sorcière continua à découper méticuleusement les légumes, ne daignant leur accorder que de rares œillades, la bouche scellée. Elle n’avait jamais été très bavarde. Depuis qu’elle exerçait en tant qu’espionne, elle s’adonnait encore moins aux babillages car leur inutilité se doublait de potentiels risques. Les mouvements du ciel, la descente des gemmes, la formation de la barrière de sauge, les secrets du bal de Seaghdha et les intrigues magiciennes et sorcières étaient pourtant des mystères qui l’intéressaient au moins autant que les deux hommes. Elle se contentait d’écouter.