« Astriiiiiiid ! Elle arriiiiiiiiiiive ! » « Elle arrive ! » « Fifi arrive ! » « Oui ! Fifi ! » D'abeille en abeille, l'information fut relayée jusqu'à la cuisine où l'Elfe tendit l'oreille. Son visage concentré sur sa tâche s'éclaira et elle referma du bout de son pied nu la porte du placard. Occupée depuis le matin à courir partout pour faire un brin de ménage chez elle, l'Elfe n'avait pas pris la peine de s'habiller en se levant et portait sa tenue de nuit, un haut qui avait grisé d'avoir vu trop de saisons mais restait d'un confortable à toute épreuve et était assez grand pour descendre jusqu'à ses cuisses. Historiquement, Raïm possédait ce vêtement. Il l'avait prêté à l'Elfe qui cherchait de quoi se vêtir après une baignade et ne l'avait jamais plus revu ensuite.
Elle se releva, un plateau en suspension sur sa main où trônaient des gâteaux encore fumants. Une odeur d'épices et de miel saturait l'air et elle ouvrit la fenêtre pour aérer avant de traverser l'appartement pour aller ouvrir la porte au moment où des coups se faisaient entendre. « Fifi ! Entre ! » De sa main libre, elle s'empara d'un poignet de son amie pour l'attirer à l'intérieur et se pencha pour coller ses lèvres à sa joue. « J'avais hâte que tu arrives ! » chantonna-t-elle, ses iris pétillant joyeusement. Elle la laissa refermer la porte et alla jusqu'au milieu du petit salon déposer son plateau sur la table basse. En coup de vent, elle revint en cuisine. « J'ai fait de la menthe à l'eau mais j'ai aussi du sirop à la violette si tu préfères ! » claironna-t-elle. Une fois les boissons prêtes, elle revint et s'installa en tailleur à même le sol près de la table basse. « Tu vas bien ? Alors comment était Juvaniel ? Mon correspondant y était aussi mais j'imagine que tu n'as pas dû le voir, il y avait beaucoup de monde. Il s'appelle Ikar, il est à Basphel. Il est tellement chou que je l'appelle Choupikar ! Il a Adam comme père, même si je crois que c'est chose courante, c'est comme les Taiji. En tout cas, c'est drôle parce que lui aussi connaît Dastan Belegad. Je t'ai déjà parlé de lui ? Je ne me rappelle pas. Bref, il est amoureux de lui ! Le monde est vraiment petit, tu ne trouves pas ? J'espère que Dastan ne va pas lui briser le cœur où je serais obligée de sévir avec des chatouilles, j'ai souvenir qu'il déteste ça. » Un sourire maléfique inscrit sur ses lèvres, Astriid but une longue gorgée de menthe à l'eau pour s'hydrater en prévision de la longue après-midi de bavardages. « J'ai plein de choses à te raconter moi aussi ! J'ai rencontré le pire malotru qui soit ! » Rien de tel que détester quelqu'un à deux et l'Ygdraë espérait bien que l'inconnu allait avoir les oreilles qui siffleraient fort. « Mais avant, tu dois goûter mes gâteaux. Je les ai faits avec le miel de mes abeilles, il y a aussi des épices et... d'autres trucs. » Son sourire s'élargit et elle poussa l'assiette vers Amphytria.
Message I | 552 mots
Taj ~ Humain ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 81 ◈ YinYanisé(e) le : 30/01/2023
J’avais beau m’en rappeler, je craignais de ne pas trouver l’adresse. C’était tout le temps comme ça : mes peurs irrationnelles venaient à la charge dès qu’elles en avaient l’occasion et l’une de leurs activités favorites était de me faire douter de ce que j’avais écrit, lu, vu ou encore entendu. J’avais dit à Fred et Margot que je sortais voir une amie. Cette nouvelle les avait réjouis. Margot, qui avait préparé un gâteau pour le dîner, avait insisté pour que je l’emportasse plutôt avec moi, en guise de cadeau pour Astriid. Honnêtement, je n’avais pas pensé à apporter quoi que ce fût. J’avais donc accepté.
Une fois arrivée chez mon amie, je fus accueillie en grandes pompes. Je fus si surprise que j’en oubliai de dire bonjour et tins fermement le moule que j’avais entre les mains pour m’assurer qu’il ne tomberait pas. Le bisou sur ma joue me fit un drôle d’effet. J’eus un sourire bête.
-La menthe à l’eau ira très bien, merci.
Je n’en avais jamais goûté. Ce n’était pas le genre de boisson que l’on consommait à Amestris, et Margot préférait les citronnades.
-Je… j’ai rapporté quelque chose.
Je lui tendis le gâteau aux pommes, que je tenais à bout de bras.
-Ça va. Répondis-je. Je haussai ensuite les épaules. C’était un endroit assez curieux.
Je n’en rajoutais pas plus car je n’avais pas envie d’en parler. Repenser à mon cousin me donnait des frissons et faisait remonter toutes mes angoisses. J’étais encore à fleur de peau ; je détestais la manière dont les événements avaient tourné. Je scrutai un moment le vide avant d’être de nouveau happée par la tornade d’informations que me délivrait Astriid. J’avais oublié qu’elle parlait autant et à chaque fois, j’étais déstabilisée.
-C’est cool, tu connais plein de monde.
Je n’étais pas certaine de savoir de qui elle parlait, alors qu’elle me débitait ces noms comme si c’était évident. Les noms de Taiji et Belegad m’étaient bien entendu familiers, mais ça s’arrêtait à peu près là. Je l'invitai à poursuivre ses anecdotes. J’examinai les pâtisseries de l’Ygdraë tandis qu’elle m’en détaillait le contenu. Je relevai des yeux curieux et sans méfiance, m’en servit un.
-Le mien n’a pas d’ingrédient magique. Enfin, celui de Margot. C’est elle qui l’a fait.
J’explorai le logement du regard et commençai à manger.
-T’as beaucoup de plantes. Fis-je remarquer, la bouche pleine. Je peux regarder ?
Je me levai. Je n’en avais aucune dans ma chambre. J’ignorais si j’avais la main verte, mais j’étais à peu près sûre que je faisais partie de ces gens qui ne savent jamais quand arroser. Margot avait tendance à leur mettre trop d’eau et depuis que j’étais arrivée, elle avait tué une misère en pot, et son ficus préféré.
-C’est quoi, celle-là ? Demandai-je en pointant du doigt une plante aux feuilles arrondies.
Un bourdonnement non loin détourna mon attention.
-T’as toujours des abeilles avec toi ?
Je les avais déjà remarquées la dernière fois, mais n’avais pas eu l’occasion d’aborder le sujet. A cette époque déjà, l’Elfe m’avait abreuvée de milliers d’informations sur sa vie et j’en avais à peine retenu le quart.
519 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2368 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Jeu 18 Avr 2024, 18:52
Menthe à l'eau et gâteaux au miel Amphytria & Astriid
Réjouie au delà du raisonnable à la vision du gâteau apporté, Astriid s'en empara et s'empressa de lui faire une place d'honneur sur la petite table après l'avoir remerciée. Elle ne put se retenir de promener son nez au dessus de la surface dorée pour s'imprégner des arômes de pomme cuite et se mit à rire quand son ventre grogna avec intérêt.
« Curieux ? Comment ça curieux ? Je veux que tu me racontes tout ! Dans les moindres détails ! Comment est la ville, qui tu as vu là-bas, et tout et tout. Tous les journaux parlaient de la coopération raciale, c'est merveilleux comme initiative, non ? Je regrette un peu de ne pas y être allée mais Laurier avait besoin de moi ici. En ce moment, il m'apprend à faire des sculptures de chocolat et j'adooooore ! J'ai fait un petit champignon l'autre jour, c'est assez facile à faire. Je te montrerai si tu passes à la boutique ! Mais installe-toi d'abord, et mange ! »
Tout en piaillant joyeusement, l'Ygdraë trancha deux grosses parts gourmandes dans le gâteau de la tutrice d'Amphytria qu'elle servit sur deux assiettes. « C'est vraiment gentil de sa part, il faudra la remercier de ma part. Je commence d'abord avec lui, pour ne pas avoir le goût dénaturé par celui que j'ai préparé. » Elle mordit dedans alors que Sucre s'approchait, fortement attirée par l'odeur caramélisées des pommes. Astriid la laissa se poser sur sa part et se mit à rire quand elle s'aperçut qu'elle louchait sur l'abeille. « Elle ? C'est Virtuose ! C'est un pilea. À côté c'est Girouette, un ficus ! » L'inspection de la jeune fille était surveillée par Carnage qui effectuait ses rondes au dessus de la tête de la colorée. « Oui. C'est Carnage au dessus de toi, et là Sucre. Les autres sont Miel, Bisou et Bonbon. Je les ai eu... C'est une longue histoire, je te la raconte après avoir mangé un bout du gâteau au miel, ça me donnera des forces. » Son sourire avait perdu de sa gaieté et la rouquine attrapa sa menthe à l'eau pour réhydrater sa gorge. Elle se servit d'un morceau de la pâtisserie qui comprenait quelques herbes fournies par l'ébéniste qu'elles avaient rencontré la première fois.
« J'étais à un bal l'autre jour, quelque chose d'assez champêtre, bien loin du bal très huppé que j'ai fait à Lagherta. Ça m'a rappelé les fêtes qu'on fait par chez moi, ça m'a rendue nostalgique. Je broyais un peu du noir à cause de... Je ferai sans doute mieux de commencer par le début. » Elle reprit du gâteau pour se donner des forces. Les effets tardaient à arriver et sans eux, elle buttait sur les mots alors que le souvenir de l'Enfer se rappelait douloureusement à elle. Elle ramena ses jambes contre son buste et les entoura de ses bras afin de caler son menton sur ses genoux. Volontairement, elle fit prendre à son histoire un ton léger, comme si tout cela ne l'affectait pas vraiment. « J'étais en Enfer, y a pas très longtemps. J'ai des problèmes avec une Démone avec qui j'ai signé un Pacte. On est en train d'essayer de l'annuler car je n'ai jamais voulu de Pacte. C'est un peu compliqué et ça me faisait peur d'y aller. Il ne m'est rien arrivé car elle était avec moi et le Pacte la force à me protéger de tous les dangers. Elle s'appelle Kitoe au fait. »
Message II | 613 mots
jpp de ce moulin à parole
Taj ~ Humain ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 81 ◈ YinYanisé(e) le : 30/01/2023
Un ricanement rauque sortit de ma gorge malgré moi. Était-ce les premiers effets de la drogue ou simplement ma nervosité ? J’avais du mal à savoir. Quoi qu’il en fût, malgré l’insistance d’Astriid, je décidai de me plonger dans le silence. Je n’avais pas envie de parler de moi à Juvaniel, de l’actualité dans le monde, ni rien. A la place, je me concentrai sur les noms qu’avait donné Astriid à chacune de ses plantes. J’aimais beaucoup le concept. Nommer ses plantes au même titre que ses animaux de compagnie faisait plutôt sens quand on y pensait. Ça me donnait envie d’en avoir une, moi aussi. Une comme Virtuose. Je la trouvais amusante avec ses feuilles.
Je lançai une œillade à l’abeille qui bourdonnait près de mon oreille. Sa proximité me maintenait vigilante, sans m’inquiéter plus que ça. Je n’avais jamais été piquée de ma vie parce que je n’étais pas très vive, et j’avais cru comprendre que cela convenait mieux à ces insectes au sang paradoxalement chaud. Je pivotai soudain sur moi-même. Il semblait qu’à mon tour, j’avais entrainé sans le vouloir la conversation vers une histoire problématique.
-T’es pas obligée si… La fin de ma phrase mourut dans ma gorge.
L’Elfe avait déjà enfourné son gâteau et enchainait sur de nouvelles anecdotes. Je ne compris absolument pas le lien avec ses abeilles. Je constatai simplement qu’elle avait l’habitude des événements mondains. Je me rassis face à elle. Peut-être que c’était mieux si je cessais de divaguer. Je repris du gâteau. Je ne réagis qu’à retardement sur le lieu où elle me raconta s’être rendue. Je me réveillai de l’espèce de torpeur qui avait commencé à envelopper mes sens.
-Oh. D’accord. C’est chaud.
Je plissai les yeux. Je ne comprenais toujours pas le rapport avec le début de son histoire. J’avais le sentiment que je n’avais pas à savoir tout ça, son Pacte, le nom de la Démone avec qui elle était liée et les conséquences sur son quotidien.
-Et du coup les abeilles ?
J’avais le sentiment d’avoir les idées parfaitement claires, boostées par les substances que j’avais ingéré, et pourtant, je ne comprenais toujours pas le rapport. J’étais certaine que le problème venait de moi. Confuse, je finis par m’étendre sur le dos, à même le sol. Je manquai de m’endormir, trop détendue, mais me forçais à rester consciente.
-Puisqu’on en est au stade des confessions…
Je pris plusieurs fois ma respiration. C’était drôle comme tout pouvait devenir si léger rien qu’en consommant une plante.
-Je ne voulais pas parler de Juvaniel. Je sais pas ce qu’il s’est passé à la coopération machin, et sûrement que la ville était belle, mais j’avoue que j’étais trop anxieuse tout du long pour en avoir quelque chose à foutre. Je me suis contentée d’aller au château où j’ai une chambre dans une colocation. C’est vraiment beau pour le coup, le grand luxe, et tout ça pour pas un sou.
C’était à peine croyable et je m’en souvenais comme une sorte de rêve. J’avais vécu toute cette visite en décalage, comme à côté de mes pompes. Je n’avais encore rien réalisé, ou si peu.
-J’ai découvert que parmi mes colocataires, il y avait mon cousin.
J’en avais plein de cousins, mais lui, c’était le cousin. Je rassemblais mes souvenirs. Il avait beau avoir été au centre de ma vie pendant une période, je n’avais jamais parlé d’Eutropius à Astriid.
-J’ai passé beaucoup de temps avec lui quand j’étais à Amestris. On a presque le même âge. On avait les cours du soir ensemble et on se voyait aussi souvent pendant les vacances. Et ça lui arrivait souvent de… me toucher.
Je réalisai, en fixant les poutres du plafond avec des yeux écarquillés, mes souvenirs défilant derrière mes rétines avec une lucidité incroyable, que je n’avais jamais parlé de tout ça à qui que ce fut.
-On allait en cachette dans l’atelier de sa mère, qui fabriquait des potions, et on testait plein de substances. Je pense qu’au début il ne savait pas et après… Je plissai les yeux. Il a compris comment utiliser toutes ces choses. Et il me droguait. Et moi je me laissais droguer. Et après il me touchait, je crois.
Je restai un moment ébahie. Je roulai ma tête sur le côté, mais je ne voyais que les jambes de mon amie de l’autre côté de la table.
-J’avais plus ou moins oublié son existence jusqu’ici. Mais à Juvaniel, j’ai découvert qu’il allait habiter ici aussi. Qu’il allait être mon voisin, un peu comme avant. Et du coup on a tout refait un peu comme avant.
J’articulais avec une voix aiguë et légère. J’étais extrêmement sereine. Pour une raison ou pour une autre, j’étais contente d’avoir parlé. Je clignai des yeux, puis fronçai les sourcils.
-Y’a quoi en Enfer ? J’ai du mal à m’imaginer. Ça doit être dément un peu. Ça fait peur ?
J’imaginais une terre noire et désolée, un peu comme Nementa Corum, mais en aride. Un champ de bataille perpétuel où les Démons cohabitaient avec des monstres aux formes innommables, et où ils pratiquaient les vices dans toutes leur splendeur, même ceux que l’on ne soupçonnait pas.
863 mots
Astriid ~ Ygdraë ~ Niveau II ~ ◈ Parchemins usagés : 2368 ◈ YinYanisé(e) le : 03/04/2020◈ Activité : Empoisonneuse
Mar 07 Mai 2024, 11:30
Menthe à l'eau et gâteaux au miel Amphytria & Astriid
Un haussement d'épaules salua le commentaire de son amie, comme si elle cherchait à minimiser les évènements pour les ramener à quelque chose de supportable, de gérable, même quand ça ne l'était pas. Ce qu'elle consommait en était la preuve la plus flagrante. Elle ne gérait plus rien. Sa vie n'était qu'un patchwork décousu. Elle avait coupé les liens avec les siens pour se réfugier chez une autre race qui ne risquait pas de l'affecter par leur déception sur ses échecs en termes de choix de vie, n'osait plus parler à ceux qui avaient précédemment été ses amis et ses amis actuels étaient un enfant à Basphel et une fille qui était elle ne savait trop quoi sinon sympathique et avec des cheveux atypiques. Quand elle tirait la conclusion de tout ça, Astriid attrapait sa pipe et ses herbes et soudainement, tout était plus facile à relativiser.
« Ah oui, les abeilles. » L'Ygdraë rigola, parce qu'elle avait oublié la raison pour laquelle elle en était venue à se confier. « Kitoe me les a offertes. Ça fait partie du Pacte. Elles viennent d'Enfer mais se sont remarquablement bien adaptées à ce monde. Elles me parlent. J'ai aussi compris tardivement que chacune d'elle représente une... facette de Kitoe. » Elle ne développa pas, parce que c'était compliqué et qu'elle n'était même pas certaine de comprendre comment les personnalités de la Démone s'articulaient. Elle savait juste qu'elle allait truffer le nez de Jude de pissenlits la prochaine fois qu'elle aurait le malheur de le voir. Sous l'effet des opiacés, le sosie de Neah ne lui faisait plus peur, ses menaces de viol et de mort n'étaient que des mots, du vent. Elle attrapa sa menthe à l'eau et avala joyeusement quelques gorgées rafraîchissantes alors qu'Amphytria prenait la parole à son tour. Ce n'était pas souvent que Fifi s'exprimait et la rousse décida de se tenir la langue pour une fois, percevant la pointe angoissée dans sa voix. L'information mit du temps à circuler de ses oreilles à son cerveau. Sa tête pleine de boules de coton bloquait la progression de sa compréhension mais ses sourcils finirent par se froncer. Ses yeux s'abaissèrent sur la silhouette étendue. « Wow. » murmura-t-elle. Lentement, avec la sensation que son corps était en cristal, Astriid l'imita et s'allongea aussi au sol, mais sur le ventre, le visage orienté vers Amphytria. Distraitement, elle avança ses doigts jusqu'aux mèches colorées répandues en rayons autour de sa tête et se mit à jouer avec. Elle ne savait pas quoi dire, songeait que rien de ce qu'elle pourrait dire ne pourrait aider son amie à se sentir mieux. Elle cessa de faire s'enrouler les mèches entre ses doigts et descendit sa main pour attraper celle d'Amphytria et la serrer. Elle se rapprocha en se tortillant et cala sa tête près de son épaule, comme dans l'esquisse d'un début de câlin.
« L'Enfer, c'est... vivant. » C'était curieux, dit comme ça, mais elle ne voyait pas comment le dire autrement et réfléchir devenait une tâche complexe alors que le gâteaux assommait ses neurones. « Tout grouille là-bas. Ça fait peur, oui. Les Démons cachent moins leur véritable apparence. Ils cachent moins leurs intentions aussi. C'est presque l'inverse de Caelum. La politesse, la bienveillance, tout ça n'existe pas. Il s'agit de l'être humain réduit à son essence la plus noire. Ce ne sont même pas des êtres humains, il n'y aucune humanité, juste des monstres. Mais le pire dans tout ça, c'est... » Son menton trembla et un pauvre sourire s'épuisa à cacher l'angoisse lisible sur les traits de l'Elfe. « C'est qu'on a envie d'être comme eux. On a envie de céder au mal. Et plus je luttais, plus je me sentais mal. Je me disais qu'il aurait été si simple de juste rester là-bas, d'arrêter tout, d'essayer d'être la personne que j'aurais voulu être et celle que les autres ici voudraient que je sois. Je me sentais si lasse et épuisée, et Kitoe, elle... » Astriid soupira. « Bref. Je n'ai pas envie d'y retourner mais je n'ai pas le choix. » Elle laissa passer quelques expirations qui durèrent elle ne savait combien de temps. Les drogues avaient le don de la propulser sur une autre dimension temporelle. « Tu devrais pas revenir à cette colocation. À Juvaniel. Il va te refaire du mal. Reste avec moi, ici. Ou sinon, je viendrai avec toi et je te protègerai. Je peux être assez forte, tu sais ? » Son propre mensonge la fit sourire. Forte à s'attirer des problèmes surtout, oui.
Message III | 807 mots
Taj ~ Humain ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 81 ◈ YinYanisé(e) le : 30/01/2023
Le contact de la main d’Astriid dans la mienne aurait pu me faire sursauter si je n’avais pas été aussi défoncée. Ma surprise se traduisit uniquement par une rupture déroutante dans le flot torrentiel de mes pensées, rendues aqueuses, épaisses, particulièrement douces et molles par la consommation de substances. Je laissai rouler ma tête sur le côté pour regarder l’Ygdraë. Je lui souris doucement, puis serrai sa main en retour. J’aimais bien qu’elle se fût allongée à côté de moi. J’aimais bien notre contact. J’aimais bien qu’elle n’eût fait aucun commentaire sur ma petite anecdote morbide. Je n’avais pas très bien compris l’histoire sur le caractère de chacune de ses abeilles, mais ne la questionnait pas davantage. Ses explications étaient amplement suffisantes pour que je sus comment me comporter par la suite. Je me décalai légèrement vers elle et ma tête se retrouva sous la table basse. Je fixai le bois, le verso du plan de travail, cet endroit que personne ne voyait jamais parce qu’il était trop bas et faisait face au sol. Ce devait être triste d’être un dessous de table.
La description que me faisait Astriid de l’Enfer avait de quoi terrifier. Je me figurais maintenant cela comme un trou abyssal, tout droit sorti d’un cauchemar. Je voyais aussi ce qu’elle voulait dire quand elle racontait être tentée par tout le mal que devait dégager le lieu lui-même. Amestris pouvait se montrer similaire. Parfois, on avait envie de se laisser porter par le flux, cette ambiance lugubre et nauséabonde qui stagnait dans les rues, et de devenir purement acerbe et aigri pour le simple plaisir d’être acerbe et aigri. Et encore, ça n’était même pas un plaisir. C’était juste… juste comme ça.
-Je crois que je ne voulais pas y retourner de toute façon. Marmonnai-je.
Même si le luxe m’avait tendu des bras envoûtants, je n’étais pas sûre d’un jour m’y sentir chez moi. Pour Eutropius, je ne savais pas tout à fait. Tout me hurlait de ne pas retourner dans ses filets et une part de moi culpabilisait. Le revoir m’avait replongée dans une relation dont je devais une nouvelle fois faire le deuil.
-Je ne veux pas que tu rencontres Eutropius. Il est… Je ne savais pas pourquoi j’avais commencé à vouloir lui attribuer des adjectifs. Bizarre.
Je soupirai tout en parcourant la fibre du bois, sa façon de se tordre autour de certains nœuds avant de reprendre sa trajectoire linéaire. Je fis basculer mon corps sur le côté et calai ma tête dans le creux de mon bras. Je regardai Astriid. Je tenais encore sa main.
-Et toi, est-ce que tu veux que je t’accompagne en Enfer la prochaine fois ?
Après tout ce qu’il s’était passé durant son enfance, je pensais pouvoir supporter ce trou à rats. C’était peut-être pire, mais l’était-ce tant que ça ? Les monstres qu’elle disait s’y trouver ne me faisaient pas vraiment peur.
-Tu prends de la drogue depuis longtemps ?
Fatiguée de me tenir dans cette position pourtant allongée, je continuai de rouler et m’avachis sur elle. Cela me fit rire.
-J’avais dit qu’en arrivant à Cael j’arrêtais, mais c’est pas grave. J’enroulai mes bras autour d’elle, comme je pouvais. Avec toi je veux bien. C’est cool.
C’était cool et c’était sûr. Astriid était cool et sûre, et je voulais un câlin.
-Dis, est-ce qu’on est amies ? Ça ne se demandait pas normalement, mais je voulais être sûre. J’ai jamais eu d’ami.
J’avais invité et été invitée à des fêtes chez des camarades de classe, mais cela n’avait été que le résultat de relations fades, hypocrites et superficielles. Pendant mes dernières années à Amestris, je m’étais même élevée au rang d’espèce de clown de cirque. Ce n’était plus mon impression ici.
