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 [A] - Déicide

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Latone
~ Orisha ~ Niveau I ~

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Sam 20 Jan 2024, 18:30



Partenaire : Solo
Intrigue/Objectif : Léto ouvre les Jeux d'Unum Prior

~~~

Son casque était prêt. Lar ignorait constamment comment réagir avec ces Chamans d'Orahza. Ils n'étaient pas censés demeurer, ils l'avaient annoncé aux côtés de Momoko dès leur arrivée. Peut-être était-ce la consécration d'Unum Prior qui les retenait ici, autour de ce bassin, futur tombeau. Elle n'avait rien à leur dire, rien à leur exiger, c'était un pacte tacite entre elle – les réminiscences d'une Hǫfðingi déchue – et eux. Ainsi, à l'instar de sa malédiction, l'Ange se muait dans le silence et se contentait d'observer leurs manigances. La Sùlfr d'outre-mort souhaitait user des plus belles forces de son peuple et de celui dont elle chérissait le potentiel, afin de construire la plus belle œuvre de sa vie. D'antan, nul n'aurait supposé qu'une coopération naîtrait avec les Réprouvés. C'était un pari risqué, Devaraj s'en serait même moqué, mais tout ceci aurait été vain sans sa bague. L'unique facteur imprévisible résidait en l'essence de l'Ange : ce qu'elle ferait, ce qu'elle dirait, ce qu'elle pensait, tout cela restera hors de son contrôle à partir du moment où Léto lui laissait sa place. Chaque transition devait être préparée en amont, chaque réaction de Lar devait être anticipé afin de maintenir ses rouages bien ancrés. Une erreur, et c'était la chute. C'était au-delà d'une manipulation minutieusement étudiée, au-delà de ses talents ; c'était une question de confiance vis-à-vis de cette alternative empruntant son Corps et son Esprit. L'aboutissement d'une juste rétribution reposait sur les épaules d'une Ange qui ne désirait qu'une unique chose : prendre son envol à en brûler ses plumes.

À la frontière entre le mépris et l'honneur, Edmund'Faasnu saisit l'offrande que ses pairs d'autrefois lui tendait. Un œil avisé saurait déceler tous ces artefacts que la tribu s'était efforcée à sacrer pour appâter le divin jusqu'à eux. Jusqu'à elle. Il devait y en avoir des centaines à ce stade des avancées, des dizaines et des dizaines de casques similaires au sien. Peu avait encore goûté à son infamie et le dernier en date ne semblait pas avoir apprécié l'expérience. Elle n'avait pas vocation à l'être ; agréable. Au mieux, elle sera libératrice. Au pire, elle sera destructrice. D'aucuns diront qu'elle serait un mélange des deux. Il n'y avait que ces deux chemins lorsqu'on empruntait le sentier de la Folie. Elle aussi devra traverser ce sentier, elle l'inaugurerait même afin de rejoindre l'instigateur jusqu'en son domaine. Tout portait à croire que la Hǫfðingi s'adonnait au sacrifice de qu'elle avait créé, de ce germe d'innocence et d'espoir qui résidait encore en son for intérieur. Mais ni elle, ni Lui, laisserait l'ascendant le gagner. Ainsi était-ce un défi, ainsi était-ce un combat, ainsi était-ce leur arène.

Au sein du Cœur, cherchant à rejoindre la surface et un peu de soleil, la Titanide scruta son casque attitré. Celui-ci couvrirait l'ensemble de sa tête, une sorte de masque proche de l'originel rappelait la Folie instillée sur Awaku No Hi. Elle avait détruit le Masque et l'Autel de Nīḍalu en signe de rébellion, mais la véritable hérésie ne prendra place qu'ici, loin de son peuple, loin de leur île. Ici, les sacrifiés se rassemblèrent et protégeront autrui. C'était sa résolution, une seconde chance sous la forme immaculée de ses ailes.

Un grognement vrombit, un appel familier qu'elle avait fini par – malgré l'horreur de son ascension – apprécier. Lar s'approcha sans aucune once d'hésitation de la cellule de Feyn. Il fallait croire qu'elle aurait toujours cette insatiable fascination pour les monstruosités. Durant son existence, ces dernières s'étaient alignées sur son passage et l'avait retenue durant un temps si significatif qu'elle en portait indélébilement les stigmates. Sans doute que celle-ci sera celle qui marquera d'autant plus sa vie. Elle l'avait sentie la première fois, dans la forêt, cette énergie qu'elle reconnaîtrait entre milles, car si indescriptibles pour le commun des mortels, si ténue que seule les Hǫfðingi sauraient la dissocier des forces de la nature. Contrairement à ce que les Réprouvés pensaient, au grand dam de Klov'Heim, Feyn n'était pas qu'une simple bête féroce servant de charogne pour l'inauguration des Jeux : elle sera la pièce-maîtresse de son verdict. Sans lui, la victoire ne lui était pas forcément inaccessible… mais les conséquences en seront plus favorables. Lar y croyait fermement. Après tout, il était l'instrument d'un Dieu favorisant les combattants tels que la Sùlfr.

" Je suis là. "

C'en était devenu un rituel de s'annoncer, comme en prévision. Puisque la fameuse bête était enchaînée comme pas possible et parfois les yeux bandés, il lui était parfois difficile de reconnaître son visiteur. Néanmoins, Feyn pouvait s'en remettre à son odorat et identifier la maîtresse des lieux par son boisé floral si caractéristique. En sa présence, la Bête se taisait religieusement. L'Ange pénétra dans la cage et s'approcha sans crainte du prédateur. Il était méconnaissable. Depuis son arrivée, les Chamans l'avaient modelé afin qu'il répondît aux attentes de leur Hǫfðingi. C'était avant tout un honneur de pouvoir autant se rapprocher du divin, de pouvoir assister à la naissance d'une bénédiction sans précédent. Ces pratiques formaient les travers du Cœur d'Unum Prior ; ici, les gladiateurs seront autant métamorphosés que leurs adversaires. Pour le cas de Feyn, son perfectionnement s'apparentait à l'aiguisement d'une arme : pour atteindre leur objectif, elle devait être tranchante et pouvoir tuer.

" Tu as l'air de mieux aller. "

Le Fléau ne lui répondait jamais. Il était un Monstre et elle une Humaine, leurs entrevues semblaient alors qu'à sens unique. Mais ce ne serait qu'être aveugle aux véritables connexions. Sans doute un Orisha était derrière cette curieuse alliance, toutefois bien plus d'occurrences s'opéraient par-delà la portée des Mortels. Entre ces murs, ils le savaient tous. Confiante, Lar brisa une nouvelle chaîne de l'animal, le délestant d'autant plus d'un poids qui ne lui était plus nécessaire de supporter. Elle posa sa main sur son museau et la Bête renifla, son haleine pestilentielle mettant à rudes épreuves les narines de l'Ange.

" On ira bientôt. Ensemble. "

C'était une promesse que ni elle, ni lui ne pourrait rompre. C'était un acte ancré dans la trame de leur histoire. Ainsi présenté, cette fatalité semblait bien plus lourde à porter au fil des jours. Sans trop savoir pourquoi, Lar finit par coller son front contre celui de Feyn. Elle ignorait si la Bête acceptait l'acte en soi, toutefois l'Ange n'en avait point réellement cure. Tout ce qu'il lui importait, c'était de pouvoir le faire. Ces derniers temps, elle l'aimait bien le faire aussi avec ses lapins. Tel un réflexe, un désir soudain. Était-ce tout ce qu'il lui était octroyé maintenant ? Après tout, elle appréciait systématiquement les frappes sur son épaule de la part d'Oncle Billy, ou des clins d'œil lourds de Thorvard. Au fond, elle se sentait seule plus que tout, alors qu'elle n'aurait jamais pu accomplir tout cela sans reléguer sa force. C'était le moment ou jamais de pouvoir partir.

Jeriel la baigna dans un réconfort bienvenu, alors que les couleurs chatoyantes de sa parcelle assaillirent la sensibilité de ses iris. Elle respira un grand coup et contempla à nouveau le vertige qui la gagnait… Unum Prior était si vaste, si majestueuse. Tant d'efforts, de temps et d'argent avaient fini par offrir ce qu'elle désirait toute petite. Il n'était jamais trop tard pour accomplir ses rêves enfantins, n'est-ce pas ? Quoi qu'il en soit, il n'y avait plus de raison de faire machine arrière. Lar était comblée mais il lui tardait d'enfiler le casque de gladiatrice. Sourire ravivée, elle salua les ouvriers finalisant les minimes détails de la structure et les remercia personnellement de leur fidélité et de leurs soins. Edmund'Faasnu se montrait forcément populaire auprès des Bipolaires et ils lui rendaient cet honneur à la sueur de leurs fronts. Sous peu, l'Arène sera terminée. Et justement, elle reconnut un rire parmi la masse qui s'était rassemblée pour saluer la Titanide.

" Létooo ! Le jeune Skuli – son autoproclamé père adoptif, elle sa Kiir’Sahqon – l'enlaça chaleureusement. Depuis Gona'Halv, les deux âmes étaient devenues comme des frères. Tu l'as fait ! Tu l'as FAIT ! Regarde-moi tout ça ! "

Tout comme elle, Thorvard était obnubilé par la transformation de la parcelle. Pour un soldat, c'était une chance de pouvoir laisser une marque bien plus importante tant qu'il demeurait encore l'arme au poing, debout. Chaque Réprouvé ressentait cette fierté, chacun de leur côté. Elle était précieuse et bénirait leur être par-delà la Dilon. Une Offrande et un Honneur à Festoyer.

" Ici, mes Bro, c'est l'œuvre d'une Zaahin. "

" Sil los sunvaar. (Tu es bête.) " Se moqua-t-elle envers le guerrier aux yeux de renard.

" Zey (Pari) ? " Répliqua-t-il avec ce fameux air de défi.

Si elle existait, l'ambition ne viendrait qu'après l'audace. Car si la Mort était aussi une chance, elle restait un certain obstacle à la gloire. Lar ne s'en formalisa guère plus et continua son bonhomme de chemin, traversant le village de Nohr où les beuveries se montraient aussi permanentes que la libido des Réprouvés. Elle reconnut quelques visages et s'amusa à décliner leurs invitations à trinquer maintenant. Elle passa ensuite devant l'école Hyperianne, n'attendant que ses premières leçons pour battre le fer des jeunes talents. Elle-même avait appris toutes ses techniques dans le feu de l'action, ce serait alors une chance pour autrui de découvrir ce que les Champions gardaient dans leur arsenal. Finalement, elle profita d'un moment de quiétude avec ses lapins. L'enclos avait fière allure depuis ses débuts, l'endroit rêvé pour accueillir une pléthore de lapereaux. Elle en libéra quelques-uns, les conduit à son coin d'herbe préféré et s'y allongea pour les laisser grimper sur elle, jouer, ultimement siester avec elle.

Le soir tombé, elle se réveilla sous le coup d'une nouvelle tournée annoncée en grandes pompes. Le village n'avait jamais été aussi inanimé auparavant. Pour son propre cas, elle contourna toute interaction sociale afin de joindre sa propre suite au sein de l'arène. L'envie de s'immerger dans les bains des Champions ne lui vint point, mais la quiétude qui y résidait lui procurait un certain bien. Elle croisa le regard de marbre de sa propre statue, un brin dérangée. Peut-être était-ce l'uniformité du matériau qui lui donnait envie d'y balancer quelques couleurs. Peut-être lui rappelait-t-elle l'inévitable de son destin. Peut-être se demandait-elle, avant tout… à quel prix en était-elle arrivée là ? Pour la première fois depuis bien longtemps, Léto se posait une incessante question : allait-elle gagner ? … Il sera temps d'ouvrir les Jeux.

Elle pria. Unum Prior.

J'accepte ton défi.

1893 mots ~



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Sam 20 Jan 2024, 18:30



Je me tenais au milieu du bassin d'Unega. Je respirais à pleins poumons, pleinement libre de mes mouvements. L'incompréhension mêlée à l'effroi me gagnait, car me pieds touchaient le fond. Là où devait stagner l'eau miraculeuse des Tokashras, il n'y avait plus rien. Un cratère sans intérêt, asséché de toute présence spirituelle. Vide. J'exécrai le vide, il me hantait à l'instar du Néant. Hélas, plus que de me rappeler le potentiel destin d'un Élu des Dieux, ce constat me couvrait d'une épouvante comme j'en avais rarement supporté. Car si l'Unega n'existait plus sur le plan matériel, alors les Bángs ne se contrôleront plus, comme lors de leur folie explosive exploitée par les hérétiques, les falsificateurs des Akésarlhas. Une fois encore, ce sera le chaos. Nous devrions vouloir vivre et savoir mourir.

Je me souvenais de tous mes efforts à cette époque, en tant que Souw. J'étais proche des tribus et de ma famille, je me sentais si forte, à ma place, j'avais vaincu le blasphème qu'on me collait à la peau ; et là où d'autres se complaisaient sur leurs trônes, je cherchais à accomplir bien plus. Au prix de mes valeurs, je finissais par glaner l'amour des Ætheri. On me baptisa Hǫfðingi. Quel autre cadeau une Chamane pouvait-elle espérer ? Je ne demandais rien, je n'attendais rien, mais je gagnais. Plus je montais ces marches, plus je ressentais cette connexion avec le Panthéon. C'était magnifique, au point que nul pigment de mes palettes ne saurait reproduire sur une toile. Je me transcendais, j'étais au-dessus des Draugr. Je pensais pouvoir rester ainsi toute ma Vie et raviver la justice jusque dans ma Mort. J'étais optimiste, je gardais le sourire en direction de l'avenir. J'étais Léto, comme on se souviendrait de moi. Et puis, je finis par me rendre compte que plus je marchais vers ces sommets, plus je m'éloignais de ce que je chérissais. Ils étaient trop à m'avertir du danger, mais j'étais déjà trop haute, trop sourde à leurs appels. Avec ma surdité suivait ma cécité : je peinais à me remémorer de leurs visages, de leurs regards à mon endroit. Je peignais alors pour marquer leur existence sur ma peau, mais les nuages masquaient les couleurs. Je ne pouvais pourtant qu'avancer, car tel était mon devoir. Si je revenais sur mes pas, j'avais peur de ne plus les retrouver. Mais si je leur tournais encore le dos… Pourquoi ne me suivaient-ils pas ? Était-ce une trahison de répondre à l'appel des Dieux ? J'essayais parfois de contenter, de trouver des solutions. Malgré tout, je me retrouvais souvent face à une impasse ; et eux, ils descendaient. Ils m'abandonnaient. Ou l'avais-je fait à leur encontre. Je m'arrêtais quelquefois, je faisais une croix sur eux, ces êtres qui ne m'apparaissaient plus, ni palpables, ni concevables. Je continuais, le chemin tout tracé. Peu à peu, je freinais mes pas, puisqu'il me semblait m'égarer. Je perdais autrui, un à un, sans rien glaner en retour. Je prenais conscience que mes handicaps s'étendaient jusqu'aux confins du divin ; que je n'étais tout bonnement plus capable d'exister. Je perdais l'équilibre et j'avais envie de trébucher pour m'écraser tout en bas. Ce fut lors de cet instant de doute dans ma Foi que je levais un peu plus les yeux au ciel, afin de pouvoir tendre la main vers la salvation.

C'est là que je le vis, ces cieux si orangés. Et à mon instar, les Esprits et les Chamans notèrent ce voile chaud. S'il ne symboliserait rien sans signes préalables, sans prophéties adéquates, ceux qui se tenaient près de l'Unega d'antan comprendront. Je le vis moi-même, m'enserrer avec ses pattes et ses pinces. Les Bángs, eux, ne pourront retourner dans l'Au-Delà, condamner pendant un temps à se consumer sur notre monde, à semer une discorde plus douce et ravageuse. C'était son piège ; et je m'y étais jetée sans regret. Je ne l'ignorais pas, j'avais entrevu ce risque de perdre le dernier lien avec ceux qui m'avaient érigée en Élue. Ce n'était qu'en gravissant davantage ces marches que je compris la vérité : il me serait impossible d'entretenir ma Foi, car ils me l'avaient arrachée au moment même où j'avais décidé d'emprunter cette voie. Au moment même où j'avais promis à l'un des plus dissidents une juste rétribution. En pensant dresser mes Jeux, j'étais enfermée dans le sien.

Awaku No Hi m'échappait. Sous mon règne, les Chamans s'étaient davantage éveillés, ouverts à une culture plus parasitaire et affamée de connaissances. Nous n'attaquions plus ; nous assimilions. Les couronnes se succédaient néanmoins, ils prenaient conscience que les Ætheri ne me décernait plus le titre de Hǫfðingi. Qu'allais-je devenir, et où étais-je, tout cela, ils continueront de se le demander et de requérir des rumeurs aux Esprits. Ils me penseront à Zterbiuh'Oshi ou quelque part aux confins du monde. Dans tous les cas, mon état n'avait plus d'importance, j'avais accompli mon objectif : détourner l'attention du cataclysme sur moi, sur Orahza. Pour la suite, je laissais mes armes à la tribu, née pour poursuivre notre préservation. Parmi ces catalyseurs du courroux des Morts, la petite Vega offrait tout son être au traitement des Esprits ternis par ma faute. Elle voyageait aux quatre coins pour endiguer l'emprunte de la félonie, de la valse que j'esquissais avec Nīḍalu pour l'accompagner au bord de son précipice. Des générations suivront dans ce cauchemar invisible, sans doute, mais selon moi : ces symptômes représentaient un moindre mal face à ce que la Folie aurait pu semer au sein de notre peuple.

J'errais ainsi, sans chercher à me cacher, pourtant inatteignable. Je me retrouvais chez moi, dans ce modeste mais chaleureux foyer qui égaya une bonne partie de ma Vie. Sous mes pas, la maison m'apparaissait vide, austère. Le froid mordant des environs s'immisçait dans les interstices, le bois rongé par le temps et la rouille s'étendant. Je cherchais partout entre ces murs des couleurs familières pour me reposer, en vain. Je tâtonnais, bouclais en une hantise qui n'aurait pas lieu d'être. Dans cette ronde, je finissais par suivre les sifflements d'un serpent. Aglakh m'épiait dans les ombres, ses yeux acérés, avides d'enfin me dévorer… Me ruiner de l'intérieur. Peu à peu, je ressentais ces picotements autour de mon nombril. Je portais mes doigts sur mon ventre, familière avec cette impression d'épuisement constant. Je nourrissais ce qui me donnait des ailes, dans un cycle perpétuel où il grandirait et je périrai. D'ici, j'engendrai bien plus de vices qu'avec mes propres poings. Je couvais une dynastie fervente de mes démences, elle se dispersait tout autour de moi et balayait d'un revers la lucidité. Ma propre stature parasitait ce que j'admirais, traverses écailleuses sans fin et sans dieu. Soudaine, je soulevais mon haut et dévoilait le serpent tatoué charcuter mes entrailles, véhément et insatiable. Mon hurlement arracha toutes mes forces, l'image raviva les craintes qui nouaient mes chaînes dans ma jeunesse, où je n'étais même pas maîtresse de mes actes. Preste, ma main se rua entre mes organes pour l'arracher de ma peau, m'en débarrasser une bonne fois pour toute. Mon sang s'écoulait à flot et chaque muscle sollicité émiettait mon énergie à peine entretenue. Jusque sous mon propre toit, j'avais fini par apporter mes abîmes.

Au fond de moi, la neige me réconfortait. En son temple, Raanu m'avait fait comprendre pourquoi le froid possédait cette influence. Je ne me sentais plus moi-même, et peut-être ne l'avais-je jamais été. Tout ceci n'aurait pu représenter qu'une gigantesque mascarade. Je me sentais si épuisée, lasse de laisser des pans de mon avenir voler en éclats, lasse d'être témoin de visions où je me perds. Je me laissais chuter… comme un flocon : éphémère. Et j'attendais de toucher le fond, fondre une bonne fois pour toute. Hélas, ces impressions contradictoires m'assaillaient ; me retenait-on par égoïsme ou mon glas demeurait gelé ? Interminable. Ma marche était interminable. Mais si je m'arrêtais, je connaissais les répercussions. Il me fallait continuer un tout petit peu plus, juste encore un peu. Tout ignorer, ne plus penser, ni me tourner, je m'avançais vers la seule lumière que je pensais capable de me laver. Je suivais les racines devenues ronces, leurs épines caressant mes jambes. Elles ne m'arrêtaient pas ; rien ni personne ne le pourrait. Puisque je pourrais toujours m'envoler. J'étais faite de cette trempe : immuable. Seul mon reflet pourrait me faire face et c'était pourquoi je détournais mon attention des miroirs. Mes yeux patientaient, certains que mon écart viendrait. Ils savaient bien plus que moi. Je voulais leur montrer qu'ils avaient tort.

Résiste. Résiste. Résiste.

Je me tenais au-dessus des plaines enneigées, la traînée écarlate sur mon chemin. Face au tableau seigneurial, je n'avais qu'un outil à user pour déchirer le voile entre mon départ et ma finalité. Évidée, je saisissais fermement cette lame à m'en ronger les phalanges. Trinité amarante sur ma main. Repentie, je me sentais capable de rentrer à la maison. Je prononçais cette formule une ultime fois. Soudain je jaillis, aurore boréale, tuant le blizzard.

Nīḍalu affirmait que ces réalités seraient miennes si j'ouvrais les Jeux. Je regretterai. Il me suffisait de couper court à cette folie tant que j'en avais la force. Néanmoins, je sentais le métal réverbérer mon souffle, mes yeux dépourvus de pouvoir, le casque enserrant mon cou jusqu'au sang, ternissant ma peau craquelée. Le cor avait déjà sonné. J'étais devenue l'Ouragan, son Élue.

Mon rire retentissait non loin de moi, un écho tout du long du cercle de combat. Les gradins, vides. Je me voyais gorgée d'orgueil, dénuée de gloire, face à l'œuvre de mon audace ; je la regardai me tendre les bras, cette once de plénitude. J'avais retiré la bague et affronté ma fatalité tête baissée. Je l'avais fait comme… ce que je fusse. Mon éclat s'était altéré, couvrant mon visage de cendres encore brûlantes. Je me voyais forcer mes paupières à s'ouvrir malgré les larmes ardentes, à flot, ronger mon existence. Je souriais. Mais ce n'était plus la Souriante que je pensais demeurer. J'annonçais le verdict, seule spectatrice d'un miracle ô jamais décent.

J'étais victorieuse.

1802 mots ~



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Sam 20 Jan 2024, 18:31




Ihagye. Ihagye. Ihagye. Ihagye. Ihagye.

Cette musicalité, Léto la connaissait ô combien. Ce devait être l'orchestre qui avait tant accompagné ses danses. Cette composition si populaire qu'elle portait à elle seule le canevas des ères. De son titre : Guerre. Spontanément, son enveloppe charnelle prit le dessus, sa raison étiolée, entraînée dans un torrent entropique. Le grain contre sa peau était si chaud qu'elle avait la nette impression d'émerger du cœur d'un volcan. Dans un sens poétique : elle avait raison. La Hǫfðingi se trouvait toujours au centre d'Unum Prior, mais les Jeux l'avaient métamorphosée en un cercle infernal incarné. Partiellement dans le flou, la Chamane peinait à comprendre ce qu'il s'écoulait tout autour d'elle : il lui semblait dissocier, dans la cacophonie générale, des cris de détresse. Ces derniers lui semblaient bien plus prédominants que leurs échos plus barbares, plus guerriers. Mais plus que tout, c'était le chaos ambiant qui la désarçonnait ; au-delà des hurlements fondamentalement humains, les bruits de destruction se multipliaient en des dizaines de variantes plus inquiétantes les unes que les autres. Un incendie devait sûrement se produit par-ci, un pan de briques devait certainement s'effondrer par-là… D'ordinaire, par sa nature Chamanique, Léto chercherait d'emblée des éléments sagaces de l'autre côté du voile, auprès des Esprits, éternels témoins de la Vie.

Et voyiez-vous à votre tour ce qu'elle y trouva ? Tout autant de Folie.

Sa lucidité soudaine lui fit l'équivalence d'une violente décharge, la foudre de l'irréparable s'abattit sur elle alors que son regard papillonnait vainement dans le brouillard. Couverte de sang poisseux, même la Titanide peina à se hisser ne serait-ce que sur ses bras de colosse, comme si ce manteau pourpre pesait tout l'ampleur du désastre. Entre deux quintes de toux, l'ardeur ambiante obligeait ses yeux à s'humidifier pour résister. Matériellement, Léto était anéantie, et elle savait à quel point elle l'était. Malgré tout, se préoccuper des dégâts subis ne lui était guère accorder : elle avait encore bien plus à affronter, alors qu'elle venait tout juste de vivre l'épouvantable et de précipiter la ruine sur son territoire… voire pire, sans action immédiate.

Galvanisée par cet irascible regret et par les appels à la rémission, la Sùlfr puisa dans le peu de ses ressources magiques pour reprendre la main mise sur son corps épuisé. Genoux à terre, elle traqua un tant soit peu d'oxygène, comme revenue d'entre les morts. Même Souw n'aurait pu s'exposer à une telle virée hadale. Le poids sur son crâne lui fit prendre davantage conscience de la dangerosité du casque sur sa tête, malgré le fait qu'il fût brisé dans la confrontation, ne dévoilant qu'une partie infime de son visage ; de son sourire annihilé à jamais. Elle porta ses deux mains dessus et chercha à forcer l'extraction, en vain : l'emprise de l'artefact était consolidée par la fonte spontanée, sa propre chair rongée et fusionnée avec certains éléments métalliques. Elle pourrait l'arracher sans d'efforts supplémentaires, dès maintenant, toutefois cela reviendrait à mettre un terme à son existence sur ces terres… Ce péché selon Ezechyel serait bien plus terrible qu'une trop fugace délivrance. À cet instant précis, alors que ses mains serraient le casque sans savoir quoi faire, lorsque ses yeux corrompus remontèrent sur la stature pétrifiée de Feyn, la Hǫfðingi comprit qu'elle avait chuté, elle aussi, dans cette impasse. Son tombeau devenait le sien.

" LÉTO ! "

Par-delà les débris, tout aussi dément à lier, Billgrim se fraya un chemin jusqu'au centre d'Unum Prior. La gloire, la majesté, l'ivresse du combat, tout ce cocktail ne l'intéressait plus à l'heure actuelle. Tout ce qu'il lui importait, c'était de tirer Edmund'Faasnu de son bourbier. Sur place, le Réprouvé ne la reconnut guère assez : pas parce qu'elle était sacrément amochée, non parce qu'il savait avoir affaire à la Chamane et non à l'Ange, mais plutôt parce qu'il ne liait pas cette disgrâce à la Sùlfr. Elle ne lui paraissait point pathétique – d'autant plus après une telle audace – elle était simplement différente, marquée à vie par l'expérience. Il grogna, luttant à nouveau contre les pulsions que les Jeux soufflaient à ses tympans, déterminé à tirer Léto de là ; car toute victoire, partielle ou injuste, méritait repos.

" Sur tes guiboles, allez ! " Il la tira vers le haut, celle-ci suivant davantage le mouvement par docilité que par devoir.

Encore sonnée, la Chamane peina à raccorder tous les traits du visage d'Oncle Billy, tout comme elle cherchait à comprendre si le Fléau, figée dans une posture victorieuse, tiendrait son rôle de cage dans les minutes – les jours, les siècles – qui viendront.

" Qu'as-tu fait, par tous les Zaahin ?! "

Ce n'était pas prévu. Oui, officiellement, l'Arène aurait dû ouvrir aux locaux dès demain. Pas ce soir. Mais pour toute la tribu du Cœur d'Unum Prior, ceci était le plan initial. Sans Nīḍalu, ce cercle de pierres qu'elle présentât autrefois à Momoko aurait pu devenir l'œuvre de sa vie, un véritable hommage retentissant aux ruines englouties de son continent natal. Ce qu'elle avait pourtant sous les yeux représentait bien plus qu'un rêve d'enfant : c'était un accomplissement hors normes, et elle encaissait les dommages collatéraux. Ces derniers, eux, n'étaient pas prévus.

" Qu'est-ce que ta Bête faisait hors de sa cellule ?! "

Dès les Jeux ouverts dans son arène désert de spectateurs, l'ivresse de la victoire l'avait gagnée. Car c'était bien ce qu'il venait se passer : Nīḍalu était à présent scellé sous l'Arène, dans le bassin du Cœur. Son pouvoir contenu par l'offrande en la qualité de Feyn, la Bête relâchée dès les Jeux déclarés afin d'écrire une bonne fois pour toute le destin des Chamans. Léto remercia Isemli pour cette bravoure insufflée. En revanche – ignorant si le temps lui fût compté ou si l'Æther eût plus d'un tour dans son sac pour contrecarrer ses plans – elle ne s'attendît pas à ce que la Folie à l'état pur ait pu se déchaîner et se répandre de la sorte, au point de s'ancrer jusqu'en elle et dans l'Au-Delà. Quelle sottise ; rien d'aussi méthodique de la part du Dieu blasphémé. À présent logé dans son tombeau, il cherchait déjà une sortie en son Élue. Sa menace était claire : Léto devait un jour ou l'autre prendre sa place.

" Je ne comprends toujours pas qui tu as déchaîné, mais nous allons tous y passer si on reste là ! "

Forcément, un Bipolaire se fermerait aux Dieux impies. Mais le fait étant que la Hǫfðingi venait d'en outrager un ; et que par ce geste, lui-même cherchait à la couvrir d'opprobres aux yeux des autres Ætheri. Ce ne serait pas du brun profane comme autrefois : avide d'une gloire interdite, elle noiera son existence du royal orpiment. Marquer et être marquée.

Billgrim lui saisit le bras pour la traîner hors de ce chaos, mais tous les deux le sentirent : ce contact était honni. Sa paume commençait à être corrodé. En un infime instant, le Réprouvé hésitait plus que de raison, car si laisser Léto à son sort lui serait impossible, fort lui était de constater qu'il n'y arrivera pas : elle lui était hors de portée. Pour la Chamane, en revanche, son instinct lui dicta immédiatement de repousser le Skuli et d'accentuer une distance de sécurité avec lui.

" Ne… t'approche pas ! " Il n'avait de toute manière pas le choix.

Peu à peu, la Hǫfðingi déchue prenait conscience des répercussions de cette aberration. Elle-même semblait être la source de tous ces maux, ces ronces jaunâtres prenaient racines sous ses pieds et s'étendaient à perte de vue par-delà les imposants murs d'Unum Prior. Elle perdait peu à peu le contrôle de son bras, touché par Oncle Billy plus tôt. Même en voulant resserrer son emprise sur lui, de nouvelles épines s'en échappaient, déchirant sa chair telles milles lames de guerre. Pire que condamner son propre monde, le courroux de l'Æther s'immisçait chez les Esprits, germant de nouvelles graines de Folie par centaines. La propagation était telle que le premier réflexe de Léto fut de recourir auprès du Panthéon qui chérissait et guidait son peuple. Hélas : ils l'avaient déjà abandonnée. Ses yeux s'embuaient du doré royal, condamnée à prêcher le chaos qu'elle s'était vouée à éteindre. L'Élue de Nīḍalu se désagrégeait, destinée à poursuivre son nouveau devoir.

Soudain, recroquevillée dans son chaos le plus total, la Sùlfr remarqua une lumière vers laquelle se tourner. Une lumière plus douce mais surtout plus acérée. C'est ma dernière chance… n'est-ce pas ? Elle se tourna vers le centre de l'Arène, les lamentations du Dieu toujours aussi foudroyantes. Elle devait encore le contenir, quitte à disparaître elle aussi dans le Néant. Elle employa son dernier souffle pour saisir l'artefact qui, ironiquement, l'avait réprouvée. Je ne m'avouerai pas vaincue. Pas en ton nom.

L'Ange surgit du corps de Léto, un être pur et capable de terrasser l'apostasie. Il était trop tard pour Unum Prior, mais elle-même possédait encore une chance de s'échapper. De traîner bien plus loin le fardeau qui pèserait sur toute son existence post-mortem. Elle admira la bague magique rayonner à son doigt, fusionner en son être. Sous aucun prétexte elle ne devrait mettre fin à son règne, ou la Folie se répandrait à nouveau. Pour l'heure, elle devait sauver les meubles et trouver une solution à son statut plus tard. Sa main commençait déjà à fuir les lacérations des épines avides ; elle se tourna vers le Réprouvé. Elle voyait dans ses yeux : ce soulagement mêlé à la résignation.

" Oncle Billy ! " Elle se précipita sur lui et regretta de ne toujours pas savoir s'envoler, puisque ses jambes lui faillirent à mi-chemin.

" Léto… Il se traîna jusqu'à elle malgré la magie environnante qui l'assaillait. Combien de fois… dois-je encore… te hisser… – il l'aida à se relever – par la peau des… " Il faiblit et les rapports de force s'inversèrent.

L'Ange le retint et constata à contrecœur que plus elle s'éterniserait ici, plus elle entretiendrait le chaos des Jeux. Le Réprouvé luttait encore pour essayer de la faire sortir d'ici, par tous les moyens. Il était pourtant hors de question de laisser Billgrim subir davantage les affres de l'Arène ; les autres réussirent peut-être à s'échapper, mais sacrifier une âme… ne faisait plus parti de ses valeurs.

" Casse-toi… fillette. "

Ces adieux lui firent plus mal que ce qu'elle aurait escompté. Après tout, peut-être était-elle encore plus humaine qu'elle ne le pensait. Elle acquiesça avec grand mal et posa succinctement sa main sur son épaule.

" Je reviendrai. "

Dans tous les scénarios possibles, c'était une réalité à laquelle ils s'attendaient. Léto usa de sa nouvelle magie pour téléporter le Réprouvé auprès de son frère. Oncle Billy aurait sûrement préféré qu'elle se transposa loin d'ici, mais il n'était plus là pour la sermonner.

Aussitôt, l'Ange souffla, reprit une grande inspiration et courut. La Folie désagrégea les édifices à peine érigés, les contaminés s'en prenaient à autrui ou à eux-mêmes, les Esprits se déchaînaient sur les Vivants, faisant fi du voile à présent ténu entre la Vie et la Mort. Contre son gré, Léto sortit de ce dôme infernal, avant qu'il soit encore trop tard pour son propre salut. Il était temps de laisser la Chamane derrière elle pour revenir en tant que salvatrice.

L'anarchie semblait s'arrêter aux limites de la parcelle, cependant Edmund'Faasnu savait très bien que les stigmates s'éparpilleraient tôt ou tard, voués à engloutir sur son passage. Elle-même portait encore des résidus sur elle, dont son aura bienfaitrice se chargera de purifier avec le temps. Elle traversa ainsi les terres jusqu'à la côte, constatant avec un certain réconfort que certains survivants réquisitionnaient des navires en direction de l'horizon. L'Ange embarqua juste à temps sur l'un d'eux… avant de s'en rendre compte bien trop tard que ces miraculés emportaient eux-aussi la marque de Nīḍalu.

Bientôt, loin d'Orahza, le bateau joignait les abysses sous les ravages d'une lutte insensée. Léto s'avérait la seule survivante, malgré tous ses efforts pour contenir les pulsions soudaines des infectés. Elle s'en tenait qu'à une barque somme toute stable, sa conscience épuisée. Ainsi écroulée, la Folie se répandit dans tout l'Océan, infinité de ronces martyres. Un moment de faiblesse intolérable et impardonnable. Contre toute prévision, Sùlfr s'était échappée de son tombeau. Ce qu'il en restait – défaite – parasitait vers l'inconnu.


2176 mots ~



By Jil ♪
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