by WhiteKuroe
Liste non exhaustive des raisons d’aimer
En duo | Zeryel & Lana
Le cœur de Lana ricocha contre ses côtes.
« … quoi ? » Ce pardon, c’était ce qu’elle devait lui offrir. Elle l’avait fait avec sincérité et vulnérabilité, mais convaincue, persuadée qu’il allait l’accepter. Elle regarda ses bras retomber loin des siens, loin d’elle. L’étreinte glacée de la nuit remplaça celle de Zeryel. Ses mains se détachèrent de ses vêtements, de sa peau. Elle les ramena l’une sur l’autre contre sa poitrine. Il y avait ravivé quelque chose, quelque chose qu’elle pensait avoir perdu pour toujours, et désormais chacun de ses mots menaçait de tuer ce qui venait de renaître. La colère enroba cette petite lueur trop fragile pour survivre au reste de ses ténèbres. Comment pouvait-il prétendre l’aimer alors qu’il rejetait ses excuses, alors qu’il refusait de rentrer avec elle, de poursuivre son existence à ses côtés ? Elle savait ce qu’était l’amour. Par amour, elle avait commis toutes les folies, elle avait accepté de s’arracher à tout ce qu’elle connaissait, elle avait sacrifié ce qui lui semblait ne rien valoir en face du sentiment qui habitait son cœur ; et lui, il récusait son pardon et ne voulait pas la suivre. Enfin, elle ouvrait ses portes, et à la seconde où il pouvait s’y glisser, il se dépêchait de tout y ruiner. Ses poings se serrèrent l’un dans l’autre et toute sa mâchoire se crispa. Lana mit tout son être à contribution pour refouler les larmes qui continuaient de dévaler ses joues. La gorge proprement nouée, elle fut parfaitement incapable d’articuler un seul mot. Elle se contenta de secouer la tête. Non, elle ne pensait pas qu’il était comme lui. Mais elle se détesterait de ne pas réussir à avoir d’enfants, et viendrait un moment où son ire ne lui appartiendrait plus, où elle se répandrait tout autour d’elle, prête à heurter le moindre objet, la moindre personne, le moindre souffle. Elle se détesterait et elle se rendrait détestable ; et à ce moment-là, si ça n’était pas déjà le cas avant, s’il ne voulait pas absolument un enfant comme tous les autres hommes, il la haïrait parce qu’il n’existerait plus aucune façon de l’aimer.
Mais il la détestait déjà, non ? Ses prunelles scrutaient son visage. C’était comme mettre sa main dans le feu et ne pas être capable de la retirer. Elle percevait sa colère mais elle ne parvenait pas à se détourner, à se lever et à s’en aller. L’élévation de sa voix acheva de contracter le moindre muscle de son corps. Il n’était pas lui, mais à ce moment-là, tout son être réagissait comme s’il se tenait là, face à elle, à crier encore. Elle était pétrifiée par un fantôme. Au cœur de sa peur émergea la sensation d’être ridicule. Elle baissa la tête et laissa ses mains tomber sur ses cuisses. Ses dents s’ancraient dans ses joues comme ses ongles au tissu de sa robe. Deux tendances se battaient entre elles : se murer dans le silence ou se mettre à hurler des sentences. Aucune ne l’emporta ; ce fut sa question qui lui fit relever la tête.
« … » Ses mots la giflèrent. Elle demeura muette. Elle ne savait plus quoi lui dire. Elle s’était dévoilée et en retour, il l’avait blessée. Peut-être que cet ordre lui donnait la liberté qu’elle n’avait pas prise, des années auparavant ? Le choix de ne pas souffrir, de ne pas se détruire une fois de plus ?
Va-t’en. Quelques secondes flottèrent au-dessus d’eux, puis elle posa ses mains sur le sol pour se relever.
Sa suspension ne dura qu’un instant ; à peine campée sur ses genoux, Lana se laissa retomber sur lui.
« Non. » La détermination qui perçait dans sa voix la surprit elle-même. En fait, elle se moquait de la souffrance, elle se moquait de la destruction ; qu’elle restât ou qu’elle partît, le résultat serait similaire. Elle préférait encore mourir ici. Ses doigts s’arrimèrent au bas du visage de Zeryel et elle le força à pivoter la tête vers elle.
« Tu as dit que c’était dangereux de partir seule la nuit, et maintenant tu veux que je m’en aille ? » accusa-t-elle. Il n’était pas cohérent. Il prononçait une phrase puis son contraire. Il voulait vivre avec elle, mais il voulait qu’elle partît. Il l’aimait, mais il s’énervait. Avec à peine plus de douceur, elle ajouta :
« Je ne m’en vais pas sans toi. » S’il ne voulait pas de son pardon, s’il ne voulait pas d’elle, il devrait la tuer. Ou peut-être trouverait-elle enfin la force de se planter une dague dans le cœur lorsqu’elle aurait achevé de s’offrir à lui toute entière ?
« Je ne pense pas à lui quand je suis avec toi, sauf quand tu… » Sa bouche tremblota et elle détourna les yeux pour reprendre contenance.
« Sauf quand tu cries. » Son regard plongea à nouveau dans le sien. Elle pinça les lèvres pour retenir les flots d’émotions qui la menaçaient.
« Quand je t’ai vu… » La blonde prit une inspiration, de laquelle elle espéra pouvoir expirer chaque mot. Aucun ne sortit, et les secondes commencèrent à filer. Alors, pour les rattraper, pour ne pas les perdre, ses mains descendirent sur le col de Zeryel et elle le tira vers elle. Elle plaqua ses lèvres contre les siennes avant qu’il eût pu s’échapper, et pour qu’elles y murmurent ce qu’elles n’avaient pas su dire. L’une de ses paumes se verrouilla sur sa nuque, tandis que l’autre enroulait ses doigts dans ses cheveux. Sans savoir exactement pourquoi, elle l’avait trouvé différent. Désormais, elle croyait que c’était parce qu’ils étaient faits l’un pour l’autre.
Message VIII – 942 mots