Les lèvres de Zeryel happèrent la paille. Il aspira distraitement sa citronnade. Il déambulait au hasard depuis plus d'une heure, à dévorer du regard la cité occupée par les Anges. L'appréhension de se trouver au milieu de ses congénères lui asséchait la gorge. Ses congénères. Il peinait à les voir comme tel. Les appendices plumeux déployés par quelques uns possédaient la même teinte que les siens. Il cherchait d'autres similitudes visibles. Sur l'aller de Basphel à Iyora, il s'était laissé allé à imaginer qu'en les voyant ici, en grand nombre, il ressentirait quelque chose de différent. Rien de tout cela ne s'était produit et il n'arrivait pas à ravaler la pointe de déception ressentie. Pour se changer les idées, Zeryel s'était emparé de son carnet de notes pour y inscrire ses observations sur l'évènement mais son esprit était ailleurs et il ne cessait de se surprendre à fixer l'horizon d'un regard vide au beau milieu de la rédaction d'une phrase. Il ne savait pas encore si tout cela ferait l'objet d'un article pour le journal de l'école, mais il voulait prendre l'habitude de toujours griffonner quelques mots au cas où.
Ses pas l'avaient mené sur une grande esplanade aérée où plusieurs visiteurs s'attroupaient comme de petits paquets de fourmis. En s'approchant, il comprit que chacun admirait des statues exposées ici et là dans un large cercle. « Bonjour ! » Zeryel leva les yeux sur un homme aux cheveux aussi bleus que ceux de Lazare. « Bonjour. » Il grimaça un sourire. « N'hésite pas à aller voter pour ta sculpture préférée. C'est le stand du milieu ! » « C'est un concours ? » s'enquit l'adolescent en parcourant du regard les silhouettes dressées à intervalles réguliers. « Exactement. Tu viens de Basphel ? » L'homme semblait avoir reconnu l'uniforme que Zeryel portait. Il acquiesça. « Bienvenue à Iyora alors. Si tu as des questions, n'hésites pas à venir nous voir. Il y a des pancartes explicatives mais on peut te renseigner sur les artistes ou donner quelques anecdotes sur les sculptures si tu veux. » « D'accord. J'y penserais, merci beaucoup. » « Avec plaisir ! »
Un peu hésitant, Zeryel se dirigea vers l'une des sculptures au hasard. Son calepin sorti et coincé sur son bras replié de façon à tenir sa boisson droite tout en écrivant dans un confort relatif, il examina la première œuvre et ne sut quoi en penser. Il n'avait jamais eu beaucoup d'appétences ni d'intérêt pour les arts. Il ne possédait pas non plus suffisamment de connaissances pour reconnaître le nom de l'artiste gravé sur la pancarte. Il lut les inscriptions et les nota sur sa feuille. Il se dirigea vers la prochaine et hoqueta de surprise en levant les yeux sur un visage à la fois sévère et mutin. Les épaules rejetées en arrière, une tresse lovée sur l'une d'entre elles pour retomber sur sa poitrine, elle tenait négligemment une épée, la pointe plantée entre ses pieds devant elle. Bardée de cuir et de fer, Tamara d'Epilut semblait toiser Zeryel qui se sentit transpercé par les deux lances embrasées de ses prunelles de marbre. L'air banni de ses poumons, l'Ange recula fébrilement et lâcha une petite exclamation en sentant son dos heurter quelqu'un. Sa boisson et son carnet chutèrent au sol. « Zut, pardon ! »
Message I | 571 mots
Haru Araé ~ Orine ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 26 ◈ YinYanisé(e) le : 18/07/2023
C’était la première fois qu’Haru s’aventurait en territoire angélique. Demeurée quelques temps à Seaghdha, bien après ce bal autour duquel le mystère ne cessait de s’épaissir, elle avait découvert Juvaniel en compagnie de Makoto et de Cho-Hee, puis avait suivi la délégation d’Orines conviées chez les Immaculés pour un partage des arts. Bien que depuis le Génocide ils comptassent de nombreux guerriers, il n’était pas question de forge ou de maniements des lames. Mis à l’honneur, le marbre répandait ses teintes polissées tout autour de la jeune fille. Curieuse, elle déambulait entre les statues. La grâce des enfants d’Ahena transparaissait dans la gestuelle de leurs modèles figés à jamais. La petite brune, émerveillée, scrutait les expressions capturées dans la pierre, les veines si parfaitement ourlées que l’on s’attendait à tout instant à y voir couler le sang, les cheveux sculptés de sorte à ce que le vent semblait y imprimer ses danses. Çà et là, des artistes travaillaient la roche. Marteau et burin se répondaient en rythme et ensemble façonnaient dans le roc les délicatesses les plus surprenantes. Haru se fit la réflexion que c’était comme rendre au marbre sa noblesse ; comme le forgeron le faisait des métaux quand il les transformait en armes à l’équilibre parfait.
Guidée par les indications qu’un Ange lui avait communiquées plus tôt, elle s’engouffra au centre d’un cercle de hautes figures de pierre ancrées sur socles. Le dédale de silhouettes offrait une perspective singulière. Elle entreprit de contourner plusieurs fois chacune des œuvres, à la recherche de celle qui lui ferait dire « c’est celle-ci, la mieux réussie ! ». Elles étaient toutes d’une finesse à couper le souffle. Éduquée pour apprécier l’art, sensible à celui-ci et à ses nombreuses formes, l’adolescente reconnaissait dans presque chaque statue une qualité esthétique ou émotionnelle qui la faisait hésiter quant à son choix final. L’une d’elles, néanmoins, la fit s’arrêter net. La posture de la guerrière éveilla en elle une conviction farouche. L’admiration fut si grande qu’elle l’ébranla toute entière, la forçant à reculer. Mais l’admiration ne possédait ni voix ni toucher. « Ce n’est rien. » répondit-elle machinalement. Elle cligna des paupières et ses iris se posèrent sur le visage d’un garçon à la chevelure rose. Sa surprise estompée, la couleur vive des mèches la fit sourire. Elle s’accroupit pour ramasser ce qu’il avait fait tomber et le lui restituer. « Moi aussi, elle me fait quelque chose, cette statue. » Son regard remonta sur l’uniforme qui l’enveloppait des pieds à la tête. « Oh mais vous êtes de Basphel ! » s’emballa-t-elle, avant de demander à toute vitesse : « Vous connaissez Moon ? Adriæn ? Johannês ? Tekoa ? Alcide ? Pardon. » Elle plaqua ses mains sur sa bouche, un sourire mutin accroché au visage. Elle les fit descendre lentement, avant de les joindre devant son ventre. « Je suis Haru Araé. Pardonnez mon enthousiasme, c’est simplement que je vais bientôt me rendre à la cité-école pour suivre des cours et que je meurs d’impatience. J’ai rencontré certains de vos camarades et je suis curieuse de les revoir. » Cho-Hee les avait mis en garde, Makoto et elle, du fait de la soirée qu’ils avaient passée avec les étudiants alcoolisés et drogués mais, aussitôt le sermon essuyé et le mal de crâne oublié, Haru avait retrouvé son habituel entrain et ne demandait qu’à réitérer l’expérience. Elle se pinça les lèvres. « Et vous êtes ? »
Message I – 574 mots
Zeryel ~ Ange ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 224 ◈ YinYanisé(e) le : 25/01/2023
Ennuyé d'avoir que la perte de son sang froid pour si peu ait pu blesser autrui, Zeryel se renfrogna, agacé contre lui-même. À force d'en entendre parler à toutes les sauces, le Conte débordait de partout et lui sortait par les yeux. Il n'en pouvait plus d'entendre Ikar en parler, ou d'écouter Lorcán hésiter à voix haute sur les récits qu'il écrivait, inspirés directement du Conte. Au moins, Lazare lui fichait la paix avec ça. Le problème du Magicien, c'est qu'il ressemblait de façon terriblement suspicieuse à Primaël mais il ne le mentionnait plus, peu désireux de s'aventurer sur ce sujet épineux puisque lui-même ressemblait au psychopathe et tueur en série du Conte. Ce dernier prenait trop de place dans sa vie pour un simple récit écrit par de petites choses ailées à l'imagination aussi vicieuse que fertile.
« Désolé, vraiment. » s'excusa-t-il encore avant de l'observer plus attentivement. Elle présentait les mêmes traits fins et yeux en amande que de nombreux visiteurs en ville et il en déduisit sa race d'appartenance. Son sourire se para de sincérité. Il ne connaissait que Moon, de vue, et surtout dans ses rêves, et l'associait instinctivement à quelque chose de positif. Les Orines représentaient un peuple dénué de défauts, sans histoires. Il trouvait remarquable cette faculté à pouvoir s'intégrer à n'importe quelle culture. Même les Démons pouvaient se lier avec les filles des Arts, les détails de la chose lui échappaient car il imaginait difficilement Moon, puisqu'elle était le seul exemple qu'il connaissait, s'installer en Enfer et s'y épanouir, c'était comme jeter une fleur en pâture aux cochons.
« Merci beaucoup. » Après avoir récupéré ses affaires, l'Ange jeta un bref coup d'oeil à la statue. Il eut un nouveau petit coup dans le ventre, qu'il ignora avec soin. À la place, il défia du regard la femme emprisonnée dans le marbre, comme s'il la poussait à oser s'animer. Elle n'était rien, elle n'existait pas. Il décida qu'il ne voterait pas pour cette statue. « Oui, elle est bien faite j'imagine, je n'y connais pas grand chose. Hein ? Quoi ? » Il sourit, amusé par l'enthousiasme qui avait soudain intensifié le débit de questions de l'amatrice d'énigmes. « Je les connais oui, certains plus que d'autres. Alcide surtout, c'est mon ami. On joue au Puffball ensemble, il est génial. » expliqua-t-il. « Je m'appelle Zeryel. On peut se tutoyer si on va devenir camarades. Comment tu connais déjà les autres ? Je savais pas qu'ils connaissaient des Orines en dehors de celles déjà scolarisées. C'est par Moon ? Mais je ne savais pas qu'elle était proche d'eux... » Est-ce qu'il avait raté quelque chose ? Il avait pourtant développé un solide sens de l'observation, toujours à l'affût d'un sujet pour un article au journal.
Message II | 499 mots
Haru Araé ~ Orine ~ Niveau I ~ ◈ Parchemins usagés : 26 ◈ YinYanisé(e) le : 18/07/2023
Heureuse de tomber sur un ami de ses connaissances, Haru se mordit les lèvres, tandis qu’un franc sourire s’y épanouissait de tout son long. Ses iris pétillèrent, semblables aux feux crépitants des forges. « Oui, d’accord. » acquiesça-t-elle à sa proposition, avant de répondre plus amplement : « Non, pas du tout ! En fait, je connais Moon depuis qu’on est toutes petites. Sa mère est très amie avec l’Aisuru de la mienne, et donc, fatalement, elles s’entendent bien. » Quoi qu’Haru eût parfaitement conscience de ce que pouvait signifier être « très amie » avec un Déchu de la Luxure – Blanche-Lune ne lui ayant jamais caché l’essence d’Adam et son mode de vie, sans entrer bien sûr dans les détails scabreux –, elle ne précisa pas plus la nature des liens qui les unissaient, lui et la Sirène. Elle n’avait jamais posé de question à ce sujet. Ça ne l’intéressait pas vraiment. Elle était toujours ravie de rencontrer l’Aile Noire, qu’il fût ou non en compagnie de sa mère, et appréciait les moments où celle-ci retrouvait son amie l’Ondine, d’autant plus lorsqu’elle était accompagnée de sa fille, Moon. Les deux jeunes filles avaient passé de nombreuses heures à jouer ensemble puis, une fois adolescentes, à deviser de tout et de rien, d’Onikareni et d’Avalon, des Listes et du futur. Parmi les noms qu’elles avaient reçus, plusieurs étaient les mêmes. « Mais ce n’est pas par elle que j’ai connu les autres. En fait, on est tombés dessus un peu par hasard, avec Makoto – c’est un ami, tu le verras aussi à Basphel. » Elle s’interrompit une seconde, puis proposa : « On marche ? » Dès qu’elle eût l’assentiment de Zeryel, elle se mit en mouvement. Ses pas empruntèrent le chemin d’une déambulation parmi les statues qui devaient faire l’objet d’un vote. « On était à Seaghdha, au moment du bal, justement. On se promenait dans les rues pour visiter, et on a aperçu Johannês. » Prononcer le faux vrai nom du faux Magicien vrai Ondin était une gymnastique délicate. Elle se demandait si lui-même était au courant. On avait dû le lui dire, mais elle avait oublié. Les Listes, en revanche, ne cachaient aucune vérité. « Ensuite, on a rencontré Adriæn, Tekoa, Alcide, Sympan… Pieris ? Et il y avait aussi Lucius Paiberym, Érasme Salvatore et Dastan Belegad ! Mais je crois qu’ils ne sont pas à Basphel, eux, c’est bien ça ? » Elle haussa les épaules. « C’était la première fois que je voyais autant de gens d’autant de races différentes. C’était un peu comme Juvaniel, finalement, mais en plus petit. » Et en bien plus alcoolisé mais, désireuse de conserver l’aura de bienséance que l’on attribuait aux Orines, elle ne précisa rien. Elle sourit à l’Ange et enchaîna : « J’imagine que tu as aussi été recruté pour le vote ? On pourrait finir de regarder les statues ensemble et tu pourrais me parler un peu de Basphel. Enfin, si ça ne t’ennuie pas, bien sûr. » Une lueur de malice brilla dans son regard.
Les lèvres de Zeryel happèrent la paille. Il aspira distraitement sa citronnade. Il déambulait au hasard depuis plus d'une heure, à dévorer du regard la cité occupée par les Anges. L'appréhension de se trouver au milieu de ses congénères lui asséchait la gorge. Ses congénères. Il peinait à les voir comme tel. Les appendices plumeux déployés par quelques uns possédaient la même teinte que les siens. Il cherchait d'autres similitudes visibles. Sur l'aller de Basphel à Iyora, il s'était laissé allé à imaginer qu'en les voyant ici, en grand nombre, il ressentirait quelque chose de différent. Rien de tout cela ne s'était produit et il n'arrivait pas à ravaler la pointe de déception ressentie. Pour se changer les idées, Zeryel s'était emparé de son carnet de notes pour y inscrire ses observations sur l'évènement mais son esprit était ailleurs et il ne cessait de se surprendre à fixer l'horizon d'un regard vide au beau milieu de la rédaction d'une phrase. Il ne savait pas encore si tout cela ferait l'objet d'un article pour le journal de l'école, mais il voulait prendre l'habitude de toujours griffonner quelques mots au cas où. 
