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 L'un voyage, l'autre en rêve | Lenore

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Kyra Lemingway
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◈ YinYanisé(e) le : 22/03/2016
◈ Activité : Tenancière d'un Bar à vin (rang I) ; Négociatrice (rang I) ; Brasseur (rang I) ; Reine du monde des contes à mi-temps
Kyra Lemingway
Mar 28 Nov 2023, 23:15

L'un voyage, l'autre en rêve


Alþjófr poussa la porte de l'habitation qu'ils avaient loués pour leur séjour à Utopia. La première chose qu'il fit fut de rejoindre la salle de sudation. Si au début il avait douté de l'efficacité de ce moyen pour faire sa toilette, il avait fini par admettre que c'était plutôt efficace, surtout dans une région où l'eau était une denrée aussi rare que l'or. Il se hâta cependant à faire sa toilette et rejoindre sa chambre. Toute la journée l'existence de ce nécessaire à écriture rangé proprement dans un tiroir avait tourné dans sa tête. Il ne savait trop pourquoi. Il avait besoin d'écrire. Comme une nécessité. Il savait à qui il voulait écrire ce message. C'était peut-être pour ça d'ailleurs qu'il y avait songé toute la journée.

Lorsqu'il dénicha ce qu'il désirait, il disposa le tout à même le sol. Le mobilier n'était pas adapté à sa race et les tables des êtres de la Surface étaient bien trop hautes pour lui — et pourtant il était grand parmi les siens. Il avait fallu apprendre à s'adapter donc. À présent installé, il trempa le calame dans l'encrier et apposa rapidement les mots qui lui venaient en tête sur le papier.

Mon Ambre. Petit bout.

Il y a des questions qui n'arrêtent pas de tourner en boucle tous les jours. Allez-vous bien ? Le dépaysement n'est pas trop difficile ? Ma douce Án, comment t'en sors-tu avec cette terre ? Assurément bien, j'en doute pas une seconde. Comment se porte Jari ? Depuis le temps qu'il voulait aussi voir à quoi ressemblait le monde d'En-Haut, il doit être comme un fou à vouloir courir d'une aventure à une autre.

Le Nain se mit à espérer que les conseillers de Ryvië ne lui aient pas parlé de la légende de l'épée. Le garçon serait capable de vouloir partir à sa recherche.

Ce que vous ressentez, je l'ai ressenti aussi. C'est pour ça que je sais que vous saurez surmonter ces difficultés. Et ce que tu as chaque fois ressenti lors de mes absences, je le ressens à mon tour. Ce n'est pas la première fois que la distance nous sépare, mais vous savoir hors des frontières de la Terre de Feu rend les choses différentes cette fois-ci. Pardonne-moi pour ne pas avoir compris plus tôt la crainte qui devait te gagner.

Une lumière d'un orange vif tomba sur la missive. Alþjófr abandonna alors sa rédaction pour rejoindre la fenêtre. Le soleil couchant était une vision qu'ils avaient rarement l'occasion de voir dans la Terre de Feu. Alors , chaque fois qu'il le pouvait, il s'arrêtait observer le crépuscule arriver, mettant en pause l'activité dans laquelle il était lancé. Comme maintenant. L'aurore avait aussi quelque chose de magique, quoique différent. Elle était cette heure où les monstres et les fantômes semblaient quitter la terre pour laisser le répit aux vivants. Cependant, et s'il avait eu l'occasion de l'observer à de nombreuses reprises également, sa préférence allait à l'arrivée de la nuit car elle arrivait toujours en nombreuse compagnie. Là était la principale qualité d'Utopia : le ciel ne lui était jamais paru si clair que dans le Désert. Nul trace de nuage venait encombrer la vision céleste. Nul arbre ne venait dissimuler la voute ou briser la ligne sinueuse de l'horizon. Certains voyaient en la Lune un astre froid et sans empathie. Elle lui paraissait, à lui, un véritable guide pour le voyageur nocturne. Mais plus que cela, plus que son éclat d'argent dans le ciel d'obsidienne, c'était la danse des étoiles comme le vol des lucioles de la Forêt aux milles clochettes qui le fascinait. À l'époque il trouvait ces étoiles splendides. Aujourd'hui elles étaient envoutante. Le Petit Homme leva les yeux au ciel. Déjà les premières constellations étaient visibles malgré la persistance du jour alors que le soleil avait disparu sous l'horizon.

Tournant les talons, il fouilla nouvellement les talons pour en sortir une lampe à l'huile qu'il alluma d'un coup sec du briquet. Puis il retrouva sa position de scribe.

Avez-vous déjà vu le soleil se lever ? Et se coucher ? Vous êtes-vous attardés dehors à la nuit tombée. Autrefois le ciel était uniforme. Vous et moi, malgré la distance, pouvions voir les mêmes étoiles aux mêmes endroits. Vous avez dû remarquer que ce n'est plus le cas, lors de votre voyage. Je me souviens de la première fois que j'ai vu la voute de la mer d'Ostëra. Celui du Continent Naturel était si différent. C'est étrange comme cette différence me semble vous éloigner plus encore.

Les nouvelles se propagent si lentement depuis le Désert de Näw vers l'extérieur. Combien de temps prenaient mes missives pour vous parvenir lorsque tu étais encore chez nous et que mes pas restaient sur des terres nimbées de magie ? J'ai peur du temps que celle-ci pourra mettre pour vous parvenir, qu'elle se perde même en route et ne vous parvienne jamais.

Je vous embrasse.


Alþjófr

Un sourire affectueux ponctua ses derniers mots. Il se saisit alors du message pour relire son discours avec le même amour avec lequel il l'avait écrit. Satisfait, il entreprit de sceller le message avant d'écrire le nom des destinataires sur le revers du papier pour ensuite le poser sur un coin de table, le temps de récupérer le reste du nécessaire et le ranger. Cela fait, il fit demi-tour mais s'arrêta avant même avoir fait un pas. La lettre avait disparue. Il commença donc à chercher partout dans la pièce où elle avait pu glisser, sans succès. La lumière était définitivement tombée et seule la lampe éclairait les quelques centimètres autour d'elle, ce qui n'était pas pour l'aider. Tant pis. Il verrait demain, quand le soleil sera levé.
©gotheim pour epicode


959 mots | Note : le message est écrit dans la langue des Nains, déso, mais heureusement elle est du côté d'Avalon qui a des supers bibliothèques !
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Seiji Nao
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Seiji Nao
Dim 07 Jan 2024, 21:57





Les poings au fond des poches, Lenore avançait entre les tentes. Un capuchon sur la tête, la mine renfrognée, le regard ailleurs, elle rassemblait tous les signes d’un individu préparant un mauvais coup. Si fomenter lui tenait à cœur, elle n’en avait hélas pas les moyens. Son intellect, tout comme son porte-monnaie, s’ouvraient sur le vide. De toute façon, une affaire bien plus importante faisait bouillir sa cervelle : quelqu’un lui avait écrit. Un matin, couchée dans la paille, entre deux relents de fumier, elle avait découvert une lettre. Les mots, écrits d’une main sereine, se délaçaient en symboles auxquels elle ne comprenait rien. D’abord frustrée, elle avait envisagé de la jeter au feu, avant de se raviser, les doigts tremblants. Sans doute s’agissait-il d’un message codé que lui envoyait Mérimée, truffé d’instructions pour se débarrasser de son aîné dans les formes. Les responsabilités de sa sœur l’empêchaient de voler à son secours, mais du fond de son cœur pourri, Lenore savait qu’elle ne l’avait pas oubliée. Réjouie de savoir que le papier portait les graines de sa vengeance, elle le gardait jalousement. Une fois, elle l’avait même caché entre ses seins : Jasper osait tout, mais n’allait pas jusqu’à la déshabiller.

Interroger les passants ne servit pas à grand-chose. La plupart ne daignait même pas lui répondre, jetant à peine un coup d’œil à la lettre. Plusieurs jours s’écoulèrent sans que ses recherches n’aboutissent. De rage, elle manqua la déchirer en morceaux si fins que personne n’en reconnaîtrait plus l’écriture. Toutefois, un marchand, prenant pitié, ou craignant que dans sa colère, elle n’enflammât aussi son échoppe, lui conseilla d’aller voir du côté de la bibliothèque la plus proche. Profitant d’une escapade polissonne de son frère, la blonde s’y rendit. Ne sachant par où commencer _ elle ne savait lire que dans la langue des siens _, elle s’adressa à l’employé, qui, chaussé de verres d’un mauve pâle, la toisait de tout son savoir. Instruit de son problème, le fieffé coquin lui proposa de traduire pour elle, moyennant finance. La jeune femme hésita longtemps, déchirée entre la promesse d’un pain au sucre ou la révélation qu’elle attendait tant. Finalement, la curiosité l’emporta, engloutissant ses maigres économies.

La découverte ne lui apporta pas la joie espérée. De contrariété, elle froissa la feuille, la gardant dans son poing longtemps après avoir quitté la bibliothèque. Mérimée ne surgirait pas des buissons pour l’emporter sur son cheval noir. Attendre après une telle éventualité, c’était se comporter en faible. Se mordant la lèvre jusqu’au sang, Lenore quitta le village, s’enfonçant dans les champs la rage au cœur.

Quelques jours plus tard, la Démone revint au grenier à livres, cette fois munie d’une plume et d’un parchemin. D’abord, elle avait pensé déchirer la lettre en morceaux si fins que personne n’aurait pu deviner qu’il se fût agi un jour de papier ; et puis, elle avait songé à répondre. Puisant dans ses souvenirs de la traduction _ et dans une bourse qui s’allégeait plus vite qu’elle ne se remplissait _ , elle avait encore sollicité l’employé. Celui-ci noircissait donc le papier sous sa dictée, se réservant le luxe d’un style plus convenable que ses borborygmes d’illettrée.

« Monsieur,

Vous vous êtes malheureusement trompé de destinataire. Je sens l’affection qui vous lie à cette Ambre et aux gens dont vous parlez, alors je voulais que vous le sachiez. Je ne sais pas par quel système vous avez envoyé ce courrier, mais il serait judicieux de botter les fesses du livreur et lui faire avaler ses dents faire savoir au prestataire votre mécontentement. Cela étant, peut-être le destin a-t-il voulu que la lettre se retrouve entre mes mains.

Je pourrais m’arrêter là et oublier ces quelques mots, mais je suis intriguée par vos propos. Vous parlez du monde d’en haut et d’une terre de feu. J’ai l’impression que vous venez du même endroit que moi. Est-ce que, de votre côté du monde, le Volcan ravage la terre comme s’il n’y avait pas lendemain ? Est-ce que le parfum des cendres vous berce dès l’enfance ? Est-ce que la chaleur vous suffoque autant qu’un poison ? Si vous venez d’ « en dessous », comme je crois le comprendre, et que cet « en dessous » est aussi le mien, connaissez-vous un moyen de redescendre ? Je suis un peu fragile, et un peu maladroite, mais je suis une bonne marcheuse, et j’ai les os solides. Mère disait toujours que mes fractures guérissaient plus vite que celle des autres.

Comme le royaume qui n’est pas le nôtre peut être étrange ! Ici, les plantes n’essaient pas de vous croquer quand vous marchez dans les champs, et tout pousse à une vitesse ! Un paysan m’a expliqué que les cultures, pour pondre leurs merveilles, s’arrosent avec de l’eau. Imaginez-vous, de l’eau ! Dans ces contrées, on meurt de froid même en été. Quand je suis arrivée, je grelottais tellement que je suis tombée malade. La fièvre me dévorait, et au lieu de me donner un coup de pied au postérieur ou de me jeter dans une fosse, le médecin m’a forcée à me reposer. Il m’a même amené le petit-déjeuner au lit, un bout de brioche et un thé bien chaud, sans une goutte de poison. Quelle drôle d’idée !

Il y a quelque temps, j’ai découvert un de ces événements qu’on appelle « fête foraine ». Je n’avais jamais rien vu de tel. Pour jouer, les enfants crevaient des ballons avec de petites fléchettes, et quand ils éclataient, des paillettes tombaient sur le sol. Pas de cris à l’horizon, ni de viscères ou de sang ! C’est une façon très hygiénique de s'amuser. Et puis, j’ai rencontré un homme, un rustre amoureux de son nombril, qui croit tout ce qu’on lui raconte. Il paraît qu’il fait partie d’une grande famille, et qu’il est promis à un avenir brillant, mais figurez-vous que le bonhomme se tartinait le visage avec une crème pour fesses de bébé ! En plus, il dansait comme un pied ; ses parents ont clairement failli à son éducation. Un peu après, j’ai goûté un nuage qui avait le goût d’une fraise. Tout ceci est bien étrange. Avez-vous remarqué des coutumes excentriques, vous aussi ?

Voudriez-vous bien me répondre, même si vous ne me connaissez pas ? J’ai été enlevée il y a quelque temps, et en dehors de mon ravisseur, je n’ai pas l’occasion d’échanger avec beaucoup de monde. Je ne cherche ni votre pitié ni votre secours, juste un peu de compagnie.

Lenore. »


La rédaction achevée, la Démone contempla son œuvre d’un œil circonspect. Quelques ratures y figuraient. Sans rien dire de sa pensée, le bibliothécaire avait remplacé des expressions aussi raffinées que « dépecer les fesses du livreur et les faire frire pour sa femme » ou « j’étais plus chaude qu’une éruption », prétextant une maladresse dans la traduction. Sa cliente, étonnamment satisfaite, disparut sans demander son reste, la lettre à la main et la mine rieuse.

À l’extérieur, la blonde, qui doutait sérieusement de la procédure, tendit le parchemin vers le ciel, dans l’attente d’un miracle. Hélas, la magie se montrait boudeuse. Après une bonne minute à tendre les bras vers l’azur, elle abandonna. Le papier, toutefois, resta collé dans les airs. Dans un froissement discret, il déploya sa volonté, fusant vers l’Oeil seul savait où.  

« Ce que vous ressentez, je l’ai ressenti aussi. C’est pour ça que je sais que vous saurez surmonter ces difficultés. »

Lenore frissonna : même destinés à une autre, les mots d’un inconnu possédaient un pouvoir bien étrange.

1 258 mots | Post I

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Kyra Lemingway
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Kyra Lemingway
Mer 31 Jan 2024, 17:02

L'un voyage, l'autre en rêve


Il y avait un certain nombre de questions qui avaient fusé dans l'esprit du Nain à la réception de la missive. Il attendait une lettre, en effet. Une réponse d'Án et de Jari. Mais ce message ne venait pas d'eux. Il y avait un nom en pied de page. Lenore. Ça ne lui disait rien. Ni à personne à Utopia d'ailleurs. Cette personne était une parfaite inconnue. Une inconnue ayant cependant répondu à une lettre qui ne lui était normalement pas destinée. Une inconnue qui lui paraissait quelque peu perdue, de ce qu'il semblait lire à travers les lignes de son message.

Mlle Lenore,

Inutile de réprimander quiconque concernant la mauvaise réception de mon message. J'avais déjà envisagé la possibilité que ma lettre se perde en route en la remettant au service postal : la route qu'elle devait parcourir était longue, et la magie inutilisable pour en faciliter la réception. Je ne suis donc pas surpris, ni même agacé. Cependant, si comme vous le dites le Destin est également en cause, alors l'erreur était inévitable. Tous les efforts du monde auraient été vains. Il n'y a rien que l'on puisse faire contre une décision d'Oni.

J'aurais aimé pouvoir répondre par l'affirmative à votre question, et vous guider pour retourner chez vous. Néanmoins, à lire la description que vous faites de votre lieu de vie, il me semble peu probable que nous parlions du même territoire. D'où je viens, le volcan est de glace et nous sert de toit. L'odeur de cendre est, chez moi, celle du charbon ardent et du métal en fusion. La chaleur y est familière et rassurante, même dans la Forge où le cœur brulant de la montagne rend la chaleur plus intense. Il me paraît donc impossible de pouvoir vous aider à retrouver votre chemin. Bien que j'aie eu l'occasion de voir d'autres contrées étrangères, je n'ai souvenir d'aucun correspondant à ce que vous décrivez. Ça me rend curieux, il me faut vous l'avouer, surtout sur la raison qui vous motive à vouloir y retourner. Cette terre ne me semble pas des plus accueillantes. Serait-ce la famille qui vous raccroche à ce lieu ?

C'était l'explication la plus probable, quoiqu'il serait incapable d'affirmer à cent pour cent cette supposition. Il avait une hypothèse concernant ce territoire. Une hypothèse le poussant à songer que la présence de la famille n'était possiblement pas à l'origine du désir de l'inconnue de retrouver cet endroit. Une hypothèse qui le poussait également à considérer préférable, pour l'instant, de ne pas évoquer aux autres le détail de cette correspondance. Il avait entendu dire que la terre des Démons était une terre aride et cruelle, tout comme semblait l'être le territoire évoqué par sa correspondante. Or, si pour Alioth converser avec les Démons était un passage obligatoire pour renouer avec les ententes d'antan, il pensait la chose encore prématurée. Ils étaient encore nombreux au sein de la Terre de Feu à être réticent ou inquiet de la réouverture du peuple au monde. Il suffisait d'observer la recrudescence des Héritiers d'Órdyn. C'était également cette recrudescence qui l'avait mené à se dire qu'il ne pouvait se permettre de laisser passer l'occasion d'être introduit au plus tôt au peuple des Vils.

Il existe bien des coutumes à travers le monde vous verrez, si vous avez l'occasion de le visiter. Je peux vous parler de certaines d'entre elles auxquelles j'ai pu assister.

L'une des premières que j'ai eu l'occasion de découvrir est un festival Déchu, dans la ville d'Avalon. Avant l'arrivée des grandes pluies de la moisson, la ville entière est en joie et parée de mille couleurs, à l'égal de ces immenses oiseaux qui regagnent le territoire. Chez les Magiciens, lorsque la neige recouvre le sol — je vous souhaite d'avoir l'occasion d'en voir si ce n'est pas encore le cas, c'est un phénomène des plus étonnants lorsqu'on le découvre pour la première fois — ils y fêtent ce qu'ils nomment la Galette des Neiges. Dans tous les coins de rues il vous est possible d'acheter une part d'un gâteau fourré à l'amande. Parmi ces milliers de parts vendues, une seule d'entre elles renferme un trésor. Il y a également de nombreuses activités qui sont organisées.

Alþjófr leva le nez de sa lettre et tourna le visage vers la fenêtre. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas vu de neige. Il se souvenait de la première fois qu'il avait été escalader l'Edelweiss Enneigé. L'immaculée poudreuse craquant sous ses pas, l'avalant à mi-hauteur du corps, l'avait autant fascinée que terrifié. Un peu comme lorsqu'il s'était retrouvé, pour la première fois, à voguer sur les eaux. L'océan était magnifique dans son bleu infini. Cet infini lui avait cependant également été particulièrement effrayant. Estella soit louée, sans son don, si problème il devait y avoir eu, il n'aurait jamais revu le feu des Forges.

Concernant votre situation, peut-être pourriez-vous trouver de l'aide auprès de la population locale où vous vous trouvez ? Pour avoir eu les moyens de répondre à ma missive, je suppose que vous devez vous trouver dans un lieu civilisé. Il n'existe que peu d'individus étranger à ma race capable de lire la langue de mon peuple.

Ils devaient même être une toute petite poignée. Ce ne devait, d'ailleurs, être que des Ygdraë.

Je vous souhaite une libération rapide et la possibilité de trouver le moyen de regagner votre foyer. Nous ne sommes jamais mieux ailleurs que chez soi, et je vous parle d'expérience. Et si votre captivité vous est particulièrement difficile, si les conditions de votre détention se dégradent, n'hésitez pas à me le faire savoir. J'essaierai de vous offrir une quelconque aide.


Alþjófr

Le forgeron se relu une dernière fois puis s'attela à ranger l'encrier et le calame le temps que l'encre sèche. Alors il cligna bêtement des yeux lorsque son attention revint sur la lettre normalement étendue au sol. Elle n'y était déjà plus. Comme la fois précédente, il fit le tour de la chambre pour la retrouver, quand bien même il était absolument certain de ne pas y avoir touché. Ce ne pouvait pas être un courant d'air non plus, toutes les ouvertures étaient fermées. Incapable de remettre la main dessus, il commença à envisager une curieuse hypothèse face à cette récurrence des faits. Et si la première missive n'avait pas disparu ? Et si elle s'était automatiquement envoyée ? La première fois il avait réécrit la lettre, faute de ne pas pouvoir remettre la main dessus. Il ne le ferait pas cette fois. S'il recevait une réponse de la part d'Án, et s'il revenait également une réponse de la part de Lenore à ce message-ci, alors cela répondrait à sa question. Dans ce cas, il allait également falloir qu'il se renseigne sur la façon dont le prodige avait lieu. Entre les murs d'Utopia, ce genre d'acte relevait du miracle.
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Seiji Nao
Jeu 29 Fév 2024, 09:47





Au grand ravissement de Lenore, il n’avait pas fallu longtemps pour qu’une réponse lui parvînt. La lettre avait fait son apparition en pleine séance de spiritisme. Pour la récupérer, elle avait dû se battre avec son client du moment, convaincu que le fantôme de son père lui envoyait un message depuis les rives de l’Au-Delà. Une ecchymose sur la joue _ l’autre avait perdu sa perruque et sa fierté dans la bataille _, elle avait couru à toutes jambes en direction de la bibliothèque. Hélas, dans son empressement, elle n’avait prêté garde ni à la course du soleil, ni aux horaires d’ouverture. Ainsi l’employé l'avait-il trouvée au matin, appuyée contre la porte, un filet de bave sur les lèvres.

D’abord, l’avare refusa catégoriquement de traduire le texte, craignant que la blonde eût l’intention d’en faire une habitude. Naïvement, il avait cru qu’elle débarrasserait le plancher ; c’était bien mal la connaître. À force de la voir traîner entre les rayonnages, semant sur les étagères le parfum de la pauvreté, il l’avait attirée dans une salle à l’écart, ouvrant grand les fenêtres. Sachant que les habitués n’arriveraient pas avant une bonne heure, il avait décidé de se montrer généreux _ moyennant finances, bien entendu.

« Monsieur,

Je vous remercie pour votre bienveillance, et je suis ravie que vous vouliez bien m’écrire. Vous parlez d’une magie inutilisable. Ecriviez-vous à des Humains ? Ma mère dit qu’ils mènent une vie misérable parce qu’ils ne peuvent pas utiliser de balai magique et qu’ils passent leur vie la tête dans la poussière. Il paraît que quand on en croise un, on se sent très malade, et qu’on peut même s’évanouir ! Est-ce que ça vous est déjà arrivé ? En tout cas, le Destin a beau faire son œuvre, je ne m’attendais pas à ce que vos paroles soient si sages. Vous avez quel âge ? D’ailleurs, qu’est-ce que vous êtes ?

Ne vous en faites pas. Je finirais bien par tomber sur quelqu’un de mon pays. Avec un peu de chance, peut-être que des gens partiront à ma recherche. Je ne me fais pas vraiment de souci pour ça. Au moins, j’ai l’occasion de découvrir la surface. Elle a l’air si vaste qu’il me faudrait l’immortalité pour en faire le tour ! Ceci dit, il n’y a rien de plus beau qu’un volcan, même si je n’ai jamais vu cette chose que vous appelez glace. À quoi ça ressemble, au juste ? »


Arrivé à ce passage de la dictée, le bibliothécaire leva la main, hésitant à s’interrompre pour éviter à la jeune femme de passer pour une dinde. Toutefois, il estima ne pas être payé suffisamment pour jouer les professeurs. De son côté, la Démone déblatérait sans lui prêter attention, faisant les cent pas dans la pièce.

« Je ne sais pas trop pourquoi je veux rentrer. Ma famille ne me manque pas vraiment. Mes parents m’auraient jetée dans les flammes il y a longtemps, mais ma sœur n’était pas d’accord. Personne n’ose dire non à ma sœur. Peut-être que vivre là où on a grandi est plus facile que de partir vers l’inconnu. Je veux dire, je suis curieuse du monde, bien sûr, mais ici, tout me paraît bizarre. Même les plantes ne poussent pas correctement. L’autre jour, j’ai mis le feu à de grosses sphères orange. Il paraît qu’à une période de l’année, les enfants taillent des formes dedans, et y glissent une bougie pour en faire des lanternes. Bref, j’ai réduit ça en cendres, parce que c’est le meilleur moyen de stimuler la pousse, et les fermiers m’ont chassée à coup de fourche dans le derrière ! Figurez-vous que j’y suis passée quelques jours plus tard, et rien n’avait jailli de terre. Invraisemblable ! Et puis, il fait froid. Vous devez comprendre ça, vous qui venez d’un lieu où un volcan gronde, et qui connaissez la chaleur des flammes. J’ai l’impression de grelotter matin et soir, et je dois porter une doublure en laine sous mes vêtements pour ne pas tomber malade. Et la laine, ça gratte.

J’avoue ne pas avoir grand intérêt pour ce festival dont vous parlez. Peu importe comment on les présente, je sais comment finissent ces évènements, et s’il n’y a pas d’hécatombe, c’est que tout le monde couche avec le voisin. Les gens font mine d’adorer ça, comme si c’était la seule façon de célébrer, mais je suis certaine que beaucoup ne le pensent, et je trouve ces pratiques vraiment… C’est pas terrible. Enfin, cette histoire de galette me plaît bien. On dirait une chasse au trésor. Quand j’étais petite, le seigneur de ma ville avait lancé un jeu pour tirer au sort ses nouveaux esclaves. On sortait d’une sorte de guerre civile avec son rival de l’époque (les gens de mon royaume se disputent tout le temps pour savoir qui est le plus fort), alors tout le monde avait besoin de se détendre. Il fallait trouver des tickets dorés cachés chez les commerçants du coin. En récupérer un signifiait que toute sa famille était à l’abri. On les trouvait dans toutes sortes d’articles. Il y en avait dans les brioches, dans les tiroirs des meubles, entre les plis d’une écharpe… Une voisine m’a même raconté qu’elle avait trouvé le sien dans un sachet de graines. Cela dit, la plupart des perdants n’ont pas vu leur vie changer du tout. Certains ont disparu, mais mon père disait qu’ils avaient juste eu peur pour leur liberté, et que dans leur bêtise, ils avaient préféré se sacrifier. Il paraît que c’était un stratagème pour relancer l’économie, un mot un peu compliqué pour dire que c’était une sacrée bonne idée. Par contre, qu’est-ce que c’est, la neige ? Une sorte d’épice qu’on saupoudre sur les pâtisseries, ou qu’on mélange à la pâte, peut-être ? Où peut-on en trouver ? J’ai peu d’argent mais je voudrais goûter toutes les spécialités de la surface. D'ailleurs, l'autre jour, j'ai fait une prédiction à un jeune homme, et il a promis de m'offrir de la barbe à papa. Il est un peu arrogant et il a la peau mauve, mais je suis sûre qu'il tiendra parole.

Depuis combien de temps voyagez-vous ? Où êtes-vous, en ce moment ? Pourquoi êtes-vous parti de votre terre ? Qu’est-ce que vous faites comme métier ?  J’ai encore beaucoup de questions, mais il n’y a plus de place sur la page.

À bientôt ! »


Sitôt qu’elle vit l’employé reposer la plume, Lenore lui arracha presque la feuille des mains. Folle d’enthousiasme, elle dévala les marches de la bibliothèque, manquant renverser un visiteur ahuri. Une fois dehors, elle se planta au milieu de la place, levant le parchemin vers le ciel. Le soleil l’aveuglait, mais de tout son cœur, elle espérait apercevoir le coursier magique qui porterait sa missive à destination ; elle avait décidé que seule une créature d’exception en était capable, et que ni les Aetheri ni les Hommes n’étaient à l’origine de son échange avec l’inconnu. Un des badauds, croyant qu'elle avait perdu la raison, oublia soudainement tout de la corvée que sa femme lui avait imposé pour aller chercher le guérisseur du coin. Pendant quelques minutes, la Démone resta sans bouger, si crispée qu’une crampe lui tordit le bras, attirant le regard des curieux. Lorsqu’elle cligna finalement des paupières pour éviter à ses rétines de brûler, la lettre disparut. À l'arrivée du villageois et de l'herboriste, il n'y avait d'ailleurs plus personne.

1 197 mots | Post II

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Kyra Lemingway
Jeu 21 Mar 2024, 17:34

L'un voyage, l'autre en rêve


Mlle Lenore,

Il n'y a pas de quoi me remercier dans ma façon de m'adresser à vous. J'ai cru comprendre avec nos premiers échanges que vous avez eu peu de sollicitude dans votre vie. Il me semble correct de vous en faire profiter un peu.

Pour vous répondre, non, je n'écris pas à des Humains. Ma lettre devait rejoindre une île dépourvue de toute magie. Également, pour une durée indéterminée, je réside au sein d'une ville Humaine. Il est vrai que la vie n'y est pas toujours facile à cause de l'anti-magie, et que ce n'est pas très agréable à supporter. Mais, comme il est difficile les premières fois de ne pas avoir l'impression d'étouffer près du feu des forges, on s'habitue à cette présence, même s'il est vrai qu'on ne se fait pas totalement à l'absence de magie. Malgré ça, je ne pense pas que l'on puisse considérer ce peuple comme une population de miséreux. Ils ont toujours vécu sans magie. De fait ils ont développé leurs habitudes en ce sens. La création du feu pour se nourrir se fait à la main. La construction des habitations prend du temps, mais il se fait par l'effort.

Je ne pense pas que l'on  puisse aller jusqu'à dire que mes mots sont sages. Je n'en ai pas la prétention en tout cas. Peut-être vous le paraissent-elles à cause de votre méconnaissance du monde. Je l'ai moi-même parcouru en ignorant tout de lui. Il m'a fallu apprendre seul les coutumes de chacun. La découverte était d'ailleurs réciproque. Mon peuple, les Nains, était inconnu du monde. Encore aujourd'hui il n'est pas le plus populaire.
Voilà. C'était dit. Le moment était venu de se révéler l'un à l'autre semblait-il. Cela voulait également dire qu'il ne devrait pas trop tarder avant de parler de cette correspondance avec les autres.

D'une certaine façon, vous me faites penser à mon fils. Lui aussi n'avait jamais eu l'occasion de voir la Surface, comme tous les enfants de son âge cela dit. Il me posait tout le temps des questions sur ce à quoi ressemblait le monde extérieur, comme vous le faites dans vos lettres. Concernant la glace, c'est simplement de l'eau, comme les flaques ou les étangs, qui a été solidifiée à cause du froid. C'est pour ça qu'on le trouve dans les régions très froides ou lorsque la saison s'y prête. L'Edelweiss enneigé est une de ces régions et en est toujours couvert. Ces montagnes, d'ailleurs, sont une des frontières de ma terre d'origine. J'ai su m'habituer aux températures froides grâce à elles. Qui plus est, les températures du Désert sont rarement fraiches en journée. La nuit, c'est une autre histoire. Vous apprendrez à vous y faire. En attendant, je ne peux que vous recommander de vous habiller chaudement.

Sur ces terres, la végétation prend du temps à pousser. Une terre brûlée est fertile, c'est vrai. Mais les plantes et les arbres nécessitent de l'eau pour surgir de terre. Voici un conseil pour ne plus vous attirer d'ennuis : ne prenez pas de grandes initiatives pour aider une population avant d'en cerner les particularités. Chaque peuple agit de façon différente, selon des mœurs différentes. C'est un peu comme les spécialités culinaires. Il en existe des tas, et toutes ne se déguste pas de la même façon. Parfois on les mange en dessert. Parfois en entrée. Parfois on les boit le matin, alors qu'une autre sera plus adaptée en digestif. Vous aurez l'occasion de découvrir tout ça, vous verrez. On y prend d'ailleurs beaucoup de plaisir.

J'ai commencé à voyager il y a longtemps, lorsque l'ère de la Renaissance du Dieu-Roi touchait à sa fin. Je faisais partie du premier petit groupe d'explorateur de ma race ayant quitté mon territoire depuis bien des ères. Je n'ai pas passé tout mon temps dehors cependant. Je suis revenu auprès des miens lorsque les conséquences de la victoire de Sympan sur ses détracteurs se sont fait sentir.
Sans le nommer, il pensait au génocide que subirent les Anges sous le règne de Zane Azmog. Bien que n'étant aucunement lié aux Immaculés, il s'était étrangement senti concerné par l'événement, en plus d'en avoir été horrifié.

J'ai repris la route plus tard, quand les événements ont commencé à se tasser. À nouveau j'ai dû rentrer chez moi, avant de prendre la direction du Désert de Näw. Comme je l'ai mentionné plus haut, me voici maintenant à Utopia. Leur sens de la fête — bien différent du vôtre on dirait — compense la difficulté de vivre chez eux. Si j'y suis allé, c'est dans un but diplomatique avant tout. Peut-être un jour nous croiserons-nous grâce à une même mission me conduisant chez vous. Néanmoins, mes premiers voyages visaient avant tout à la découverte du monde. Mon peuple en avait été séparé depuis trop longtemps, il nous fallait le réapprendre. Quant à mon travail, il s'agit autant d'un plaisir. Je suis forgeron. À vrai dire, nous le sommes tous au sein de mon peuple. Mais certains se spécialisent, dans la coutellerie, la ferronnerie ou l'armurerie par exemple.
Il était de ces derniers. Ginarr était devenu un maître dans le domaine de l'armurerie et il comptait bien suivre ses pas.

Et vous ? Si vous me parliez un peu de vous également ? D'où venez-vous ? Où êtes-vous en ce moment ? Quel est le nom de votre sœur qui vous a permis de survivre ? Avez-vous des activités, un travail ? Mais surtout, n'est-il pas difficile de vivre cette captivité ?

Alþjófr

PS : Cessez de m'appeler Monsieur. Alioth est suffisant. C'est ainsi que l'on me nomme hors de chez moi.
©gotheim pour epicode


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Seiji Nao
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Seiji Nao
Mar 30 Avr 2024, 22:05





La tête chargée comme un chou-fleur, Lenore faisait les cent pas dans la bibliothèque. Des noms inconnus traînaient entre ses méninges, en quête d’une étincelle à venir dans un imaginaire aux allures de désert. Contre une jolie poignée d’or, son traducteur lui avait fait la lecture du parchemin arrivé la veille ; des clients plus matinaux qu’à l’accoutumée réclamaient son attention. En attendant son retour, elle tâchait de se figurer les lieux mentionnés par son correspondant, et de mettre du sens sur ses paroles. Hélas, des pans entiers de la lettre échappaient à sa mémoire, donnant au récit la consistance d’une bouillie. Une moue aux lèvres, elle s’assit sur la table, contemplant par la fenêtre les premiers rayons du jour. Le lever du soleil, à la surface, ne ressemblait à aucune des aurores de sa jeunesse.

« Au risque de passer pour une hérétique, je ne crois pas que l’absence de magie soit un problème si grand. En dehors des Humains, des tas de gens ne l’utilisent pas pour tout et pour rien. Il y a ceux qui ne le font pas parce qu’ils la maîtrisent mal, ou peu, et qui doivent recourir à des méthodes plus traditionnelles. Moi, je trouve que ce qu’on fait de ses mains a plus de valeur que ce qui apparaît en claquant des doigts. Bien sûr, c’est plus pratique et plus prestigieux de pouvoir passer le balai sans se retrouver avec de la poussière plein la jupe, mais on se prive de la satisfaction d’avoir réussi tout seul, et d’un bon passage sous l’eau. Cela dit, je crois que les Humains mangent la magie, un peu comme des parasites. Est-ce que c’est vrai ? Quel effet ça fait ? »

À l’humble avis de la blonde, une telle rencontre devait faire le même effet qu’être traversé par un fantôme ; en somme, pas très agréable, vaguement froid, qui laissait derrière un arrière-goût de fumée dans la bouche, et une impression de vide, comme si l’on avait perdu quelque chose sans se souvenir quoi.

« Tous les territoires dont vous parlez me sont inconnus, et je n’ai pas assez vu du monde pour me faire une image d’eux. En revanche, il me semble avoir entendu parler des Nains il y a longtemps. Je sais que vous aimez le feu et les montagnes, et que le travail ne vous fait pas peur, ce qui vous donne déjà beaucoup de points. Par contre, il est temps de lever le mystère… Est-ce vrai que vous tressez vos barbes et que vous donnez des noms à vos marteaux ? J’ai lu aussi dans votre lettre que vous êtes forgeron. Fabriquez-vous seulement des armes ou d’autres objets ? Est-ce qu’on vous passe parfois des commandes qui sortent de l’ordinaire ? Comment avez-vous trouvé votre voie ? »

La jeune femme se demandait bien quelles aventures amenaient les êtres à choisir leur profession. Elle-même détestait la comédie de voyante de bas étage que son frère la forçait à jouer. Le bibliothécaire, les lèvres pincées, lui avait répondu que c’était une affaire familiale : elle s’estimait chanceuse que ce ne fut pas l’habitude en Enfer. Se tailler une place à coups de dents et de griffes valait parfois mieux.

« À propos de votre lettre, je suis surprise d’apprendre que vous avez un fils. Vous devez être plus vieux que moi, peut-être même au point d’avoir des poils gris sous les aisselles. Comment s’appelle-t-il ? Quel âge a-t-il ? En avez-vous d’autres ? Je ne crois pas que j’aurais des enfants un jour, ça a l’air terriblement compliqué. Et puis, le processus de conception est, comment dire… Non, je crois que ce n’est pas pour moi. Et avec sa mère, avez-vous vécu cette chose qu’on appelle le coup de foudre mais qui ne fait pas mal, ou avez-vous glissé un soir au mauvais endroit ? »

Le Déchu n’avait, hélas, pas trouvé de formulation plus élégante, et avait fini par considérer qu’on ne le rémunérait pas suffisamment pour faire un effort. Toutefois, il constata bien vite qu’à trop parler d’elle, la miséreuse mettait en avant un caractère et des manières en accord avec sa condition. Sans doute pouvait-il se permettre d’embellir un peu la réalité. Si le Nain venait à se désintéresser de son interlocutrice, il risquait de perdre une source de revenus _ modeste, mais ça restait de l’argent. Quelques pièces de plus pesaient lourd dans la bourse d'un Avare.

« Eh bien… Il n’y a pas grand-chose à dire. Je viens de l’Enfer, d’une petite ville sans prétention qui tient debout par miracle, et parce que le seigneur qui y règne fait trop peur aux autres pour que quiconque vienne lui souffler dans les bronches, ou parce que la ville n’intéresse pas grand-monde. J’ai grandi là-bas avec mes parents, ma sœur, Mérovée, et mon frère, Jasper. Je suis allée à l’école, mais pas longtemps, parce que je n’étais pas très douée. Enfin, j’ai d’autres talents. Je vois. Quand j’avais huit ou dix ans, j’ai aperçu l’avenir du chef de la ville, qui se disputait le pouvoir avec son rival, et je lui ai donné le moyen de se débarrasser de lui. Il en a été si satisfait qu’il m’a déclarée sous sa protection, et ça a dissuadé mes parents de me sacrifier au Volcan. Après ça, ils m’ont fait suivre tout un tas de leçons sur la voyance, la cartomancie, les lignes de mains… toutes données par un vieux ronchon du nom de Lustre Bibelot. J’aime beaucoup Lustre. Il voit tout d’un oeil noir, mais il me laissait souvent aller aux champs plutôt qu’écouter ses monologues.  

Je ne vous ai pas encore parlé des champs, n’est-ce pas ? Il n’existe pour moi rien de plus beau au monde. J’aime plonger les doigts dans la terre cendreuse, sentir les moindres variations d’humidité ou d’odeur. J’aime sentir le parfum de l’herbe coupée, des fleurs qui éclosent, de la terre après la pluie. J’aime voir les végétaux grandir, et passer de ces graines insignifiantes, à la survie incertaine, à des plantes gracieuses et saines, qui à leur tour donnent naissance à d’autres. C’est un cycle splendide, souvent chaotique, où il faut se montrer patient, dévoué, et faire confiance. En enfer, bon nombre de plantes sont plus capricieuses que celles de la surface, et si l’on s’y prend mal, elles peuvent vous blesser sérieusement, vous parasiter ou vous dévorer. J’aime les apprivoiser, c’est un défi entre soi et la nature, et même lorsqu’on en sort gagnant, on sait où se trouve notre place. »


Les doigts en compote, le bibliothécaire reposa la plume. En matière d’agriculture, la jeune femme s’exprimait avec une assurance saupoudrée d’un soupçon de sagesse, loin de ses jurons et maladresses de coutume. La chose le surprenait : en fin de compte, cette créature maladroite aux yeux maléfiques et à la langue rude possédait peut-être une once d’intelligence.

« En un sens, ma captivité est formidable. Je suis relativement libre de mes mouvements, tant que je ne m’éloigne pas trop. Mon frère ne me surveille pas vraiment. Il est plus occupé à découvrir la tendresse des canapés du coin. Tout ce que j’ai à faire, c’est user de mes talents pour ramener de quoi vivre. Il m’a promis que, si je me montrais coopérative, il me montrerait toutes les plantes du monde. Je le pense honnête. En ce moment, nous voyageons près des Côtes de Maübee. Quand je lève la tête, j’aperçois Avalon au loin, comme une perle de cuivre à l’horizon, qui grossit de jour en jour. Jasper m’a parlé d’un endroit qu’on nomme le “Coeur Vert”. Il paraît que c’est un peu le paradis des agriculteurs, et je meurs d’envie de le voir de mes propres yeux. Nous irons bientôt, mais je dois d’abord rassembler l’argent pour le voyage. Et, sans doute est-ce la nouveauté, mais pour l’heure, je préfère la surface à l’Enfer. Même si je serais toujours une enfant du Volcan. »

1 274 mots | Post III

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