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 Le dessous des cartes | Lorcán

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Seiji Nao
~ Orine ~ Niveau I ~

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◈ Parchemins usagés : 120
◈ YinYanisé(e) le : 03/10/2022
◈ Âme(s) Soeur(s) : La poupée de Maman
Seiji Nao
Jeu 24 Aoû 2023, 16:54





Après quelques semaines à gaspiller les provisions joyeusement dérobées à leurs parents, Jasper et Lenore avaient connu leurs premières difficultés. De ce côté-ci du monde, les règles de l’Enfer n’étaient pas vues d’un très bon œil. Semer le chaos en ces terres verdoyantes risquait de les mener droit à la potence ; ou, à défaut, dans des geôles aussi saturées d’urine que de cafards. Un sort qu’ils préféraient tous deux éviter. Il fallait donc se tenir à carreau, une attitude prompte à nourrir la rage de la blonde qui, depuis la découverte de son enlèvement, ne décolérait pas. Seules ses promenades solitaires dans la nature apaisaient le feu qui dévorait ses sens. À contempler des espèces inédites, toute violence la quittait ; la curiosité et le désir de comprendre prenaient alors possession d’elle, la poussant à rester immobile autour d’un bulbe ou d’une racine pendant de longues minutes. Ses parents ayant toujours désapprouvé son amour de la terre, elle avait concentré tout son temps libre aux spécimens qui poussaient En-Dessous, et ils n’étaient pas nombreux. La profusion de végétaux dans les environs suscitait donc en elle la plus vive admiration : elle passait donc ses journées à les observer, regrettant de ne pouvoir emporter des semis. Son aîné, à qui elle n’adressait la parole que pour les plus strictes nécessités, finit par lui signaler un problème qui, à son humble avis, ne la concernait en rien ; ils manqueraient bientôt d’argent.

Dans son immense sagesse, le diablotin lui tendit un piège savamment ficelé. Plutôt que de la forcer à travailler, il suggéra aimablement qu’en gagnant son propre pain, elle aurait tôt fait de s’acheter un carnet dans lequel dessiner ses trouvailles. Tout son plan reposait sur la chose suivante : dans sa jeunesse, Lenore avait délivré à un haut-gradé une prémonition à l’exactitude troublante qui, lui sauvant les miches, semblait également assurer l’avenir de sa sœur. Certains qu’elle avait été touchée par la grâce divine, ses parents s’empressèrent de lui fournir quantité de livres, de poudres et d’accessoires en tout genre censés favoriser les visions. Hélas, s’ils n’avaient pas lésiné sur les moyens, allant jusqu’à lui faire prendre des cours particuliers, l’exploit n’avait jamais été reproduit. À l’adolescence, motivée par la perspective de posséder un champ à son nom, Lenore s’était amusée à arnaquer ses camarades, leur offrant des prédictions sans queue ni tête auxquelles ils trouvaient toujours un sens. Pour renflouer leur bourse, Jasper comptait donc user du même procédé : l’idée de mettre la main à la pâte ne lui venait même pas à l’esprit.

Au premier village qu’ils croisèrent, ils dépensèrent donc leurs dernières pièces pour monter la supercherie : tente, costume, bijoux, encens, boule de cristal et babioles de tous horizons vinrent grossir leurs affaires, menaçant sérieusement l’essieu de la charrette. Au second, pour ne pas éveiller les soupçons, la blonde joua les mendiantes, aidée par son éternel air chagrin. Un des garçons du coin, prenant ses aises, lui proposa d’écarter les cuisses contre un morceau de lard ; Jasper se fit un devoir de le corriger. Hématomes et os brisés lavèrent l’affront auquel Lenore, le nez dans une touffe d’épinards, n’avait jamais réellement prêté attention. Les élans chevaleresques de son aîné ne l’émeuvaient pas pour un sou. D’ailleurs, sans la force de ce dernier _ titanesque en comparaison de la sienne _, elle aurait suffisamment massacré sa carcasse de traître pour s’en servir d’engrais. Contrainte à la patience, elle nourrissait sa rancœur sans un bruit, aussi docile qu’un agneau.
La chance avait fini par leur sourire, à deux reprises. D’abord, ils étaient tombés sur une rivière, d’une eau trouble mais exempte de sangsues, où ils s’étaient offert le luxe d’un bain. En fin de matinée, ils avaient débouché sur une vaste plaine, terrain d’une fête foraine. À l’écart des principales attractions, ils avaient dégotté une parcelle et installé la tente. Une petite sieste plus tard, le soleil se couchait, et, sans surprise, Jasper avait disparu.

À l’intérieur de son antre de pacotille, Lenore attendait qu’un client se présentât. Avec ennui, elle observait le contenu sirupeux d’un flacon, se demandant quel terrible sort l’attendait si elle l’engloutissait. Sur la table se trouvait la panoplie du parfait arnaqueur ; thé, cartes, sphère des esprits. Sous la flamme vacillante des bougies, l’encens semblait prendre vie ; ses filaments s’étendaient d’un bout à l’autre de la pièce, enveloppant chacun des objets d’une lueur mystique. Un parfum lourd, mélange de musc et de vanille, lui saturait les narines. L’ensemble dégageait une impression saisissante de chaos, empreinte d’un certain charme. Mollement enfoncée dans sa chaise, les yeux rehaussés par un trait de charbon, la blonde résistait à l’envie de s’arracher la peau ; d'une qualité douteuse, le maquillage lui donnait des démangeaisons.

Soudain, les rideaux, qui refusaient à la lumière son droit d’entrée, s’agitèrent. La jeune femme se redressa précipitamment, enfonçant sa capuche sur ses mèches de blé terne. Dans la panique, le flacon lui échappa, s’écrasant au sol dans un tintement caractéristique. Levant une main chargée de bracelets vers l’entrée, elle s’exclama d’une voix faiblarde :

« Toi qui entre ici, abandonne tout espoir… »

Puis, tournant les doigts, elle fit signe au nouveau venu d’approcher. La tête obstinément baissée, son regard rencontra la nappe noire qui avalait la table. Un torrent d’impatience dans les tempes _ depuis combien d’années ne s’était-elle pas prêtée au jeu ? _, elle entreprit de battre les cartes.

« Bon... Donne-moi ton nom, ta main, et pose ta question. »

Maudissant Jasper d’avoir préféré l’artifice au pratique, elle espéra que l’inconnu se montrerait suffisamment crédule pour avaler ses salades. Ses professeurs avaient toujours prétendu qu’on pouvait démêler le temps à travers n’importe quel médium ; elle n’en croyait pas un mot. Retenant son souffle, elle réalisa que ses feuilles de chou lui manquaient terriblement.

956 mots | Post I

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Zeryel
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◈ YinYanisé(e) le : 25/01/2023
Zeryel
Ven 25 Aoû 2023, 14:02

Le dessous des cartes | Lorcán U392
Le dessous des cartes
Lenore & Lorcán



La pupille ternie d'ennui, Lorcán observait avec une perplexité grandissante deux Ygdraë comparer leurs notes prises durant leur excursion guidée. Leur excitation exsudait comme du pus extrait d'une blessure de niaiserie qui prenait les dimensions d'un gouffre de mièvrerie. Témoin de ce spectacle pénible, l'Alfar avait levé les yeux au ciel tant de fois qu'il en avait les paupières douloureuses. Il s'accorda une dizaine de secondes pour remercier Dothasi et ses gènes de l'avoir doté d'un physique suffisamment différent de ces idiotes créatures pour que jamais il ne puisse y avoir méprise sur son compte. Par chance, les Ygdraë échangeaient dans leur langue, et s'il y avait une racine commune, elle était trop diffuse pour qu'il puisse comprendre leur charabia. Cela lui épargnait d'avoir à comprendre leurs âneries, même s'il était facile de comprendre qu'ils inventoriaient les végétaux rencontrés pendant la randonnée pour les reproduire à l'encre sur un herbier.

« Qu'est-ce que tu as à souffler autant ? » Zeryel, assis en tailleur à quelques pas, le regardait. Le carnet dans lequel il griffonnait était posé sur ses cuisses et il paraissait légèrement agacé, comme chaque fois qu'il s'adressait à son colocataire. « Rien. Tu ne comprendrais pas. » Il était aussi niais que ces Elfes. « Qu'est-ce qui t'ennuie ? » « Pourquoi toi tu t'en soucies ? » rétorqua-t-il du tac au tac. « Je ne m'en soucie pas. » se défendit Zeryel comme si le rouquin venait de l'accuser de manger des chatons et de s'en vanter. « Mais je n'arrive pas à me concentrer. Alors dis-moi ce qu'il y a. » « Va t'asseoir plus loin si ça te dérange autant. » Comme un coq dressé sur ses ergots, l'Ange se redressa et son regard de faucon le foudroya sans que cela cause un quelconque émoi chez Lorcán. « Je ne vois pas pourquoi ce serait à moi de bouger ! Et d'abord - » « Oh, la ferme. Laisse tomber. » L'Alfar déplia sa silhouette pour quitter le tronc d'arbre sur lequel il était assis. « Où tu vas ? » « T'es quoi, ma mère ? » Zeryel devint tout rouge et parut retenir l'insulte qui chatouillait ses lèvres pincées. « Tu vas à la fête foraine ? » demanda-t-il à la place. « Peut-être. Pourquoi ? » « Je voulais y aller aussi. Je viens avec toi. » « Je ne crois pas, non. » « Quoi ? » « Je veux pas être vu en ta compagnie, merci bien. J'y vais pour m'amuser, pas pour t'entendre me sermonner. » « N'importe quoi, je ne fais pas ça ! Et si quelqu'un est de mauvaise influence ici, c'est bien toi. » « Ça dépend du point de vue, ça... » « Tu n'as qu'à y aller avec nous tout à l'heure, Zeryel ? » offrit l'un des Ygdraë. « Ouais, fais donc ça, Zezouchou. »

Libéré de l'Ange collant, Lorcán retrouva sa bonne humeur en flânant entre les divers stands aux couleurs chamarrées. Le groupe scolaire avait établi son propre campement non loin des chapiteaux et Lorcán espérait échapper à la préparation du dîner supposé créer un esprit de communauté et de solidarité en disparaissant plus ou moins mystérieusement au moment stratégique. Zeryel lui casserait sans doute les oreilles à ce sujet. L'Ange se plaisait souligner tous ses travers et l'Alfar soupçonnait qu'il y trouvait là une forme de satisfaction perverse à se rassurer sur ses propres vertus. Pas très angélique du tout comme attitude et il se promit de lui rapporter cette réflexion, idéalement avant de dormir afin qu'il puisse cogiter dessus tout son content pendant que Lorcán dormirait paisiblement, en paix avec ses vices.

Ses pas ralentirent près d'une tente. L'écriteau avait attiré son attention. Il était bon parfois d'entendre dans la bouche d'un autre combien son futur serait radieux. Bien sûr, son uniforme de Basphel criait déjà au monde qu'il était la crème de la crème, mais un peu de flatterie était toujours bon pour le moral. Il écarta les tentures et pénétra à l'intérieur. Ses narines se froissèrent à l'odeur d'encens imprégnant l'air. Il attendit que sa vision s'accoutume à l'obscurité et se tourna vers la voix qui venait de l'accoster. Son sourcil se haussa avec amusement. « Je vais le conserver, si ça ne vous dérange pas. Ça pourrait m'être utile, on ne sait jamais. » Il s'approcha jusqu'à pouvoir discerner les traits d'une jeune femme. Intérieurement, il fut horrifié. Est-ce que cette voyante avait conscience du massacre qu'elle avait infligé en grimant ainsi son visage avec du maquillage d'aussi médiocre qualité ? Lui-même se maquillait toujours avec soin grâce aux conseils pris sur un rouleau écrit par une Orine qu'il avait déniché dans une boutique de Basphel ville. Ainsi, du khôl mordoré relevait la pointe noisette de ses iris et une crème hydratante et repulpante donnait à sa peau indigo un velouté qui aurait fait verdir de jalousie les fesses d'un bambin de trois semaines.

Il prit place face à la voyante et s'exécuta. Il lui tendit sa main gauche, presque parfaitement manucurée. Plus tôt dans la journée, leur professeur les avait invités à plonger leurs mimines dans la terre pour troubler la tranquillité des insectes qui s'y réchauffaient et son vernis bordeaux s'était écaillé sur la caillasse. Il détestait cette randonnée. Est-ce qu'il avait une tête à jardiner ?

« Je me nomme Lorcán Belvarrian-Eraishah. » Il doutait qu'une simplette comme elle connaisse ces grands noms, mais il tirait trop de fierté de ses ancêtres pour se priver d'une occasion de laisser leurs noms caresser sa langue. « Je n'ai droit qu'à une question ? Laissez-moi doubler votre tarif et vous en poser plusieurs. Tout d'abord, pouvez-vous me confirmer que ma gloire rayonnera pour éblouir les terres de Sympan ? Je viens de Basphel, voyez-vous, alors je suis naturellement promis à un avenir brillant. Toutefois, je veux davantage. Je veux surpasser les autres qui sortent de cette école. Je veux que ma famille et mon peuple soient témoins de ma grandeur. » Il baissa les yeux sur sa main blottie entre celles de la femme. « Vous pouvez vraiment lire tout ça avec ma main ? Et tant que vous y êtes, que pouvez-vous me dire des Sirènes ? Est-ce que vous les voyez aussi dans mon avenir ? C'est que je m'échine ces derniers temps pour leurs beaux yeux, et j'attends un retour sur investissement à terme. Plutôt court que long d'ailleurs. »

Message I | 1107 mots
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Seiji Nao
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Seiji Nao
Dim 27 Aoû 2023, 18:37





Le regard fendu d’un trait d’or et les bouclettes en ordre, le nouveau venu ne ressemblait guère aux clients habituels des fêtes foraines _ une réalité que la Démone ignorait. Une semaine ou deux la séparaient de son enlèvement, et en dehors de quelques paysans à la face brunie par le soleil, ils n’avaient pas croisé foule. À l’approche des villages, peu intéressée par les gens, non par mépris mais par habitude, elle s’était couchée dans le chariot, n’en sortant qu’à la demande de Jasper : elle avait passé tant d’heures à contempler la toile qu’elle en connaissait chaque aspérité. En revanche, le soin apporté à son allure indiquait qu’il ne devait pas crever de faim tous les quatre matins, ou qu’il s’agissait d’une sorte d’artiste si bouleversé par son art qu'il ne quittait jamais son costume de scène. En somme, une victime parfaite.

Le torse bombé d’orgueil malgré une silhouette en bâton, l’homme déclina son identité. Une moue orna le visage de la blonde. Un peu trop de ‘a’ pour que le nom fut harmonieux, et, à l’exception de son prénom, pas la moindre sonorité pour en casser les chuintements. À ses yeux, la répétition des syllabes donnait aux mots un aspect grossier, et lui faisait l’effet d’un champ mal désherbé. En dehors de son aversion personnelle, ses manuels d’onomastique mentionnaient des interprétations très précises pour de tels agencements. La cervelle vide, elle préféra improviser ses conclusions ; rien ne valait mieux que l’expérience.

Prête à se lancer dans une invention approfondie, ses réflexions furent soufflées par le débit du roux qui, vraisemblablement, n’aimait ni attendre ni suivre les règles. Sous la table, sa cheville se mit à battre d’agacement : pour qui se prenait-il, à l’assaillir ainsi ? Toutefois, les braises de la colère s’éteignirent bien vite, refroidies par le vent d’amour propre qu’il soufflait dans sa propre direction. Nul doute qu’il baisait devant un miroir, et qu’il portait plus d’attention à la courbure de ses muscles qu’au plaisir de ses partenaires.

« Il n’y a pas besoin d’être devin pour comprendre que vous êtes promis à un grand avenir. Il suffit de vous regarder. Ceci dit, laissez-moi voir… »

Retenant un rire, Lenore ferma les yeux, accentuant légèrement la pression de ses mains. Sous sa paume, elle sentait une peau aussi douce que la chair d’une pêche. À la pensée du fruit, un frisson redressa les poils de ses bras. L’image d’un verger déployant ses parfums sur les flancs du volcan emplit son esprit, faisant tressaillir son corps de joie. Quelque peu distraite, elle mit un moment à répondre.

« Hmm. Il ne sera pas facile de gagner l’admiration de votre famille. Vos exploits ne toucheront pas tout de suite leurs cœurs. Mais vous réussirez, et si vous faites les bons choix, votre gloire sera plus grande encore que tout ce que vous espérez. »

Ouvrant les yeux, l’oracle en carton fixa leurs mains jointes. Le regard immobile, elle fronça les sourcils, comme si elle cherchait à retenir quelque chose qui lui échappait peu à peu.

« Votre physique n’y sera pas pour grand-chose. Je vois… Une cérémonie importante, peut-être des jeux ou un festival… Quelque chose d’international. »

Aux oreilles de n’importe qui, une telle déclaration aurait sonné exagérée _ pourvu que le n’importe qui en question possédât plus d’une paire de neurones. Inconsciente de sa maladresse, la jeune femme poursuivit sur sa lancée.  

« Ne vous contentez pas de votre peuple. Et… Méfiez-vous des pigeons. »

Sans que Lenore ne pût l’expliquer, ce dernier avertissement tombait sous le sens. Elle n’imaginait pas une seconde que le pouvoir en fut la cause ; il ne s’était plus manifesté depuis dix ans, et tous les cours particuliers du monde n’y avaient rien changé. Même le bon sens n'imprégnait pas ses intuitions.

Cependant, son client, loin de la passivité béate qui aurait dû peindre l’appréhension sur sa figure de granit, s’empressa de l’interroger à nouveau.

« Pas vraiment. J’ai surtout besoin d’un contact. Mais il est vrai que dans votre main, je peux apercevoir les grands thèmes de votre vie. Tenez, cette ligne par exemple. Vous avez des prédispositions pour une vie amoureuse… Complexe. Un être cher risque d’y laisser des plumes. »

Tournant sa paume vers l’extérieur, la blonde effleura du pouce un sillon médian, celui réservé aux affaires intimes. Ses bonnes intentions s’écrasèrent sur les pics escarpés de sa mémoire ; elle confondait les emplacements avec un amateurisme à toute épreuve, et la confiance d'un homme qui saute d'une falaise en oubliant qu'il ne sait ni nager ni voler.

« Lire votre peau ne suffit pas. Sans magie, c’est comme une carte qui indique toutes les directions à la fois. On pourrait facilement vous emmener sur le mauvais chemin. »

Ses mésaventures avec ses camarades de classe avaient eu le mérite de lui apprendre que, lorsqu’on prenait quelqu’un pour une bille, le faire avec assurance augmentait considérablement les chances de réussite. Relâchant à regret la main du jeune homme, elle se renfonça dans son siège. Privée de sa douceur, il lui semblait que l’air de la tente lui écorchait les doigts. Prise dans le familier tourbillon de l’ennui, elle en oublia son rôle, et poussa, derrière son poing serré, un bâillement à souffler toutes les bougies alentour.

« Je suis navrée, mais je ne vais pas pouvoir répondre. »

Devant l’expression de coq offensé que ses muscles faciaux s’apprêtaient à livrer, elle se ravisa. Un visage trop expressif vieillissait plus vite ; devenir la cause de rides précoces lui aurait énormément pesé. Par le passé, elle s’était toujours tenue à l’écart des questions trop personnelles, sur les conseils de Jasper. Toutefois, elle n’avait plus huit ans, et était parfaitement capable de prendre ses propres décisions. Redressant la tête, elle se passa une main dans les cheveux.

« C’est qu’il me faut plus d’informations. Sinon, je risque de me tromper dans mes prédictions. Ce serait terriblement gênant. »

Ramassant le paquet qui traînait sur la table, elle entreprit de le mélanger. Piquée par un orgueil qui ne lui ressemblait pas _ et bien décidée à prouver qu’elle se débrouillait mieux sans les recommandations de son frère _, elle fit courir dans ses phalanges le fourmillement de la magie. Au lieu d’obtenir des volutes pourpres du plus bel effet, rien ne se produisit.  

« Fermez les yeux, imaginez la situation que vous espérez, et tirez une carte. »

Gênée par la boule de cristal qui traînait sur la nappe, elle l’envoya valdinguer sous la table. Se rappelant que les pieds de son client s’y étalaient, elle la rattrapa de justesse, se cognant le haut du crâne contre le fer. Un juron lui échappa ; l’indésirable roula plus loin.

« Les esprits sont capricieux, aujourd’hui. La foule dehors les rend nerveux. Enfin, tenez. »

Enfin, la blonde approcha les cartes, disposées selon un éventail des plus rudimentaires. Les prunelles rivées sur le visage du roux, elle se demandait quelles pensées lubriques le traversaient. De toute évidence, il aimait forniquer avec la poiscaille ; le monde du Dessus regorgeait lui aussi de dégénérés. Soudain, alors qu’il s’apprêtait à choisir, elle eut une illumination. Un être de sa trempe n’éprouvait de désir que devant son reflet, et de satisfaction en s’astiquant le manche les yeux dans les yeux. En outre, il avait mentionné un investissement. Il s’agissait donc d’une question d’argent. Soulagée d’avoir évité la catastrophe, un sourire discret révéla ses canines ; elle n’était pas si mauvaise, en fin de compte.

1 214 mots | Post II

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Zeryel
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Zeryel
Mar 03 Oct 2023, 21:15

Le dessous des cartes | Lorcán U392
Le dessous des cartes
Lenore & Lorcán



Tel un Seigneur enflé de sa propre importance, Lorcán avait offert sa main à cette pauvre femme - avec une belle emphase sur "pauvre" - avec le sentiment de faire preuve d'une générosité hors du commun en la laissant toucher, même temporairement, la perfection. Ce serait sûrement un jour dont cette chanceuse se souviendrait. Qu'elle ne s'y habitue pas, car Lorcán n'aimait pas frayer avec les orphelins d'or. À Basphel, il pouvait passer outre, car chacun était a priori promis à un avenir presque aussi scintillant que le sien et qu'ils finiraient par gonfler leurs coffres. Mais cette voyante née des bas-fonds ne valait pas un clou et il y avait des limites à la charité dont il pouvait faire preuve. Il lui avait déjà offert le double de son prix, il ne fallait pas pousser mamie dans les ronces.

« Mmh. Le physique ne fait pas tout. » concéda l'Alfar qui cherchait à s'aiguiser l'esprit au moins autant que le reste. En cela, son éducation ne l'autorisait pas à l'oublier, et sa présence à Basphel n'était qu'une cuisante et journalière piqûre de rappel de cette nécessité. « Vous parlez d'une Coupe des Nations ? » releva-t-il, soudain intéressé maintenant que les prémonitions prenaient une direction plus précise que les platitudes énoncées jusqu'à maintenant. Cela changeait la donne. Se pouvait-il qu'il soit un élu de Dothasi ? Si elle-même le choisissait, sa famille serait forcée de se rendre à l'évidence.

Un sourcil étonné se releva à la mention des vulgaires volatiles. Devait-il comprendre que l'une de ces bestioles allait-elle oser se soulager sur sa personne ? Il eut un frisson d'horreur avant d'être frappé par un éclair de lucidité. Priam Belegad ! Il avait toujours trouvé le surnom dont la presse l'affublait ridicule. Il espérait que lorsque lui aussi aurait accompli quelques menus miracles, on l'épargnerait de ces sornettes ou il se ferait un devoir et un plaisir de faire pousser des ronces dans leurs gorges moqueuses. En attendant, il prit bonne note de se tenir éloigné de cet Ange.

« Je n'ai pas d'être cher. » répliqua-t-il, plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu. Déçu par les liens du sang, Lorcán s'était promis de ne plus nouer le moindre attachement affectif avec quiconque. Se servir d'eux, profiter de leur compagnie pour passer du bon temps et rendre cette école supportable, tout cela restait acceptable tant qu'il avait la certitude de pouvoir à tout moment leur tourner le dos à tous sans jeter un regard en arrière ni éprouver la morsure du manque. Alors, cette femme devait se tromper. « Je suis un Alfar, vous ne devez pas en avoir vu beaucoup dans votre tente. Je doute que vos compétences s'étendent à notre race. Merci d'en tenir compte dans votre lecture. D'essayer en tout cas. » Pour sa part, il prendrait sa parole avec un peu moins de crédulité. Elle ne devait pas avoir l'habitude de visionner un avenir aussi éblouissant, l'excellence qui courait naturellement dans ses veines l'aveuglait certainement. Être conciliant n'était pas inné pour un Alfar mais les membres des races médiocres ne pouvaient être mesurés avec les mêmes outils. Il se demanda à quel point il devait raccourcir sa règle pour se mettre au niveau des gens de cette engeance dépourvue de talent.

« Comment ? » Il cru avoir mal entendu. Elle refusait de lui donner ce pour quoi il l'avait surpayée ? La folie devait la frapper, en plus de l'incompétence. Sûrement, le monde se porterait mieux sans ses prédictions somme toute brumeuses. Dans les replis sombres et puants d'encens, personne ne s'apercevrait de sa mort s'il soulageait le monde de son existence. « Si vous le dites. » articula-t-il d'un ton pincé. Tout cela était une perte de temps, mais la curiosité le cloua à sa chaise alors que la femme battait habilement un paquet de vieilles cartes écornées.

Avec un scepticisme croissant, Lorcán soupira, puis consentit à laisser ses paupières le plonger dans le noir. L'agacement l'empêchait de réfléchir posément à sa requête et plusieurs minutes furent nécessaires pour oublier cette bonne femme mal fagotée au profit d'une créature bien plus délicieuse à regarder. Un petit sourire idiot se planta sur son visage. Elle était nue dans sa vision. La dureté du regard qu'elle lui adressait réveillait celle de son entrejambe. Il aimait lorsque ses féroces prunelles traduisaient sa volonté de le dévorer. Il aimait plus encore quand, après l'avoir marqué de quelques coups de griffe pour montrer qu'elle n'était pas une fille facile, elle mollissait contre lui et se soumettait, juste pour lui, docile et désireuse d'obéir à la moindre de ses envies. Enfin, alors que l'excitation montait, l'Alfar s'empara d'une carte et rouvrit les yeux.

Sans en examiner la face, il la fit glisser jusqu'à la femme encapuchonnée. Alors qu'elle en prenait connaissance, il laissa son regard se balader sur l'intérieur étouffant de la tente. Maintenant qu'il s'habituait à l'encens, il lui semblait déceler une légère effluve de moisi, et de vieille personne. Cet habitacle était vieux d'au moins deux ères. Il fronça le nez, son délicat odorat offensé d'être soumis à pareille vilenie. « Il n'y a pas de punaise de lit ici, j'espère. » commenta-t-il. « En outre, je suis allergique à la poussière, alors faites vite afin que je puisse ressortir avant de ne plus pouvoir respirer. »

Message II | 942 mots
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Seiji Nao
Ven 17 Nov 2023, 18:21





Aux yeux de Lenore, de tous les augures que les hommes consultaient, fût-ce par curiosité ou malice, la cartomancie tenait sans conteste le bas du panier. La caresse du papier glacé sous les doigts, l’instant fébrile du choix, la découverte d’un dessin aux significations obscures : tout concourrait à tromper la vigilance des chalands. Il suffisait d’un brin d’imagination pour tirer du vide une interprétation, d’un sens de l’observation affûté pour déceler les intentions et les tracas du client, et d’une langue d’argent pour lui faire avaler le tout. C’était là le stratagème de tous les voyants et diseurs de bonne aventure à la petite semaine. Hélas, dans ses cours particuliers, la blonde n’avait pas trouvé de raison d’espérer qu’il existât mieux. Son professeur, Lustre Bibelot, un éminent bonimenteur, lui avait enseigné quantité de subterfuges pour arnaquer les autres ; des ossements aux ondulations du thé, rien ne lui avait été épargné. Discourant sur l’importance de la séduction et l’art du décor, il clamait dans le même temps que la véritable intuition se passait de médium, affirmation qui l’avait empêchée de justesse d’imprimer ses bottes sur son postérieur. En bref, sans cette inspiration divine, l’essentiel résidait dans le mensonge.

Lorsque l’Alfar posa enfin la main sur son destin, elle retint un soupir de soulagement. Depuis une bonne minute déjà, les cartes pesaient dans la sienne, engourdissant son avant-bras. Reposant le paquet, elle gratifia son interlocuteur d’un regard noir. D’expérience, elle savait que les clients manifestaient une certaine arrogance, mais celui-là en semblait gorgé jusqu’à l’os. Pour qui se prenait-il, lui qui ressemblait davantage à un bouffon qu’à un roi ?

« Il y a autant de punaises de lit dans les parages que de poux dans votre toison d’or. »

Une occasion manquée pour la séduction : la condescendance lui hérissait le poil. Pas suffisamment pour réveiller sa colère, toute entière tournée vers Jasper et ses manigances, mais assez pour qu’elle devînt désagréable à son tour. Qu’on fût capable de mordre ou non, on ne grandissait pas en Enfer sans apprendre à montrer les crocs.

« Si vous voulez en finir vite, vous feriez mieux de vous taire. Et si vous êtes aussi pénible avec vos Sirènes, à râler à propos de tout, pas étonnant qu’elles vous échappent. »

Dépourvu de toute méchanceté, un sourire narquois ourla les lèvres de la blonde.

« Le physique ne fait pas tout. »

S’efforçant de ne pas éclater de rire, elle s’abîma dans la contemplation du dessin : un aigle gisant à terre, l’aile droite décharnée, le bec levé vers des cieux ensoleillés. Des fleurs et des crânes s’étalaient autour de lui. Du bout des doigts, elle effleura le tracé des couleurs. Le problème de la Démone était qu’elle ne possédait aucun des trois atouts indispensables au métier. Ainsi se contenta-t-elle de plisser les yeux, dévisageant l’Alfar un instant, avant de délivrer son verdict.

« Je crains que cette relation à laquelle vous pensez ne soit pas des plus bénéfiques pour vous, et qu’elle vous fasse manquer d’autres occasions. Vous êtes comme cet aigle qui, trop occupé à regarder le soleil, ne voit pas les fleurs autour de lui. »

Tapotant le dessin de l’index, ce dernier suivit les pétales qui s’élevaient dans les airs, jusqu’à se confondre dans la lumière solaire. Toute sa concentration n’était pas de trop pour l’empêcher de perdre le fil de sa prédiction. Tâchant d’ignorer le maquillage qui lui démangeait les yeux, elle poursuivit sur sa lancée.

« Cela dit, il est indéniable que vous pourriez en tirer beaucoup de plaisir, si vous vous montrez patient. Pas de bonheur hors du commun à l’horizon, mais plusieurs moments de joie, peut-être même de triomphe. »

Prise au jeu de ses élucubrations, la blonde sentait les mots franchir ses lèvres sans avoir à les penser. D’ordinaire, mentir ne lui venait pas si aisément. Cependant, entre les ombres que projetaient les bougies et l’odeur de vanille, son imagination s’enivrait, succombant aux mêmes fantaisies qui endormaient la vigilance des clients.

« Mais un danger vous menace. D’ici quelques semaines, quelqu’un s’en prendra à votre visage, quelqu’un qui veut vous voir flétrir. On vous offrira un cadeau, sans doute une crème ou une lotion, mais je ne suis pas certaine que le problème vienne de là. Ce pourrait être une attaque plus frontale, le tableau n’est pas clair. »

Lenore laissa sa prédiction en suspens : elle avait déjà le sentiment d’en avoir trop dit. Personne n’aimait lever complètement le voile des mystères, surtout quand les trésors cachés derrière se révélaient n’être que des mirages. Il fallait des années de pratique pour discerner la frontière entre ce qu'il fallait dire ou non, et une bonne dose de jugeotte, deux choses qui lui faisaient cruellement défaut.

« Avez-vous d’autres questions ? »

Le symbiote remua contre sa tempe, titillant sa chair de l’un de ses crochets. Visiblement, il n’appréciait guère le maquillage, et partageait son avis sur la nécessité de savoir se taire. La jeune femme se releva, s’approcha d’un coffre aux planches à moitié pourries, et en sortit quelques affaires. Sans la moindre gêne, elle tamponna un coton sur ses cils et ses joues, les débarrassant de leur irritant déguisement. Quelque peu rougie par une allergie naissante, sa peau la tiraillait. Ainsi débarbouillée, elle se sentait fraîche comme une jouvencelle, et poussa l’audace jusqu’à se défaire de sa tenue, ne voyant plus l’intérêt de subir l’assaut de cette saleté à paillettes.

« Je n’ai pas besoin de toutes ces babioles pour voir, mais sans ça, les clients ne viennent pas. Les gens se laissent plus facilement impressionner par un costume et un décor bien travaillé que par la vérité. Mais vous n’êtes pas de ceux-là, n’est-ce pas ? »

Epoussetant son jupon duquel un bas dépassait, la Démone se débarrassa des bijoux qui alourdissaient ses traits jusque-là, balançant l’acier feuilleté de jaune sur la table ; elle préférait ne rien porter qu’arborer de telles pacotilles.  

« J’ai entendu parler d’une spécialité locale, quand je me suis installée. On appelle ça la Barbapapa, je crois. Vous m’en offrez une ? Ce sera votre paiement. »

Ignorante du prix des marchandises dans les environs _ et peu intéressée par la question tant que la monnaie ne finissait pas dans les poches de Jasper_, elle ne s'imaginait pas lui faire une fleur en ne lui réclamant qu'un nuage de sucre. Radieuse, Lenore battit des cils, les prunelles brillantes d’espoir.

1 027 mots | Post II

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Lun 04 Déc 2023, 18:50

Le dessous des cartes | Lorcán U392
Le dessous des cartes
Lenore & Lorcán



La vieille fille sortit les griffes sous l'expression pincée de Lorcán. Une telle aigreur de caractère ne pouvait que provenir d'une effrayante solitude entre ses jambes. Toutefois, il ne se souciait pas assez de la voyante pour éprouver ne serait-ce qu'un brin de pitié pour sa situation, pas plus qu'il ne songea à proposer son aide pour y remédier. Il ne côtoyait pas n'importe quelle entrejambe. Qui savait quels microbes pouvaient s'y dissimuler ?

« En effet. Cependant, il facilite beaucoup les choses. Mais je ne sais pas pourquoi j'essaie de vous expliquer cela. » Il ponctua sa pique d'un regard lentement descendant sur sa personne avant de laisser ses sourcils se hausser en même temps que les commissures de ses lèvres. Il n'y avait que les moches pour dire ce type de choses, et, avec la magie vibrant dans les fondations de leur monde, ils n'avaient aucune excuse de le rester. Il considérait donc que seuls les plus stupides continuaient de proliférer dans la laideur.

Les lèvres désormais moulées dans une moue dubitative, il la laissa exposer ses pronostics en se demandant jusqu'à quel point il devait y accorder du crédit. En théorie, il ne risquait rien à prendre en compte ses conseils sibyllins. « Je ne suis pas homme à manquer des occasions. » se permit-il d'intervenir. Il trouvait important de relever ce point. Soupirer après l'Ondine aux yeux de glace ne l'avait jamais retenu d'entretenir des rapports avec d'autres créatures, peut-être moins délicieuses visuellement, mais qui donnaient satisfaction malgré tout. Lorcán n'avait jamais été de ceux qui se réservent pour la bonne personne, il trouvait cette tactique tout bonnement ridicule. Au moins, lui, lorsque la sienne apparaîtrait, il aurait l'expérience de ses attentes et saurait comment ne pas perdre la face et se ridiculiser.

« Triomphe... » murmura l'Alfar, séduit par l'utilisation de ce mot. C'était un mot qui sonnait bien à côté de son prénom. Le triomphe de Lorcán. Il y avait de quoi inspirer poètes et ménestrels. Les Orines chanteraient ses louanges et rêveraient qu'il soit leur Aisuru. Il cilla pour revenir à la réalité alors que la voyante reprenait sur des prédictions plus déplaisantes. Malgré lui, il se sentit frissonner. Ses doigts se portèrent à son visage, comme s'il affichait déjà les stigmates dont elle faisait mention. « Comment ça, ce n'est pas clair ? » râla-t-il, suspendu à ses lèvres. « Je suppose que je vais devoir me méfier des prochains cadeaux que je recevrais. » Ce serait rapide, il n'en recevait jamais. Sa famille ne lui écrivait que trop rarement, attendre quoi que ce soit d'autre de leur part relevait d'une désillusion qui méritait la guillotine.

« Non. Vous m'avez donné matière à réfléchir. » Plus ou moins. Il ignorait ce qu'elle fabriquait, plongé dans la contemplation des plis de la nappe sur la table. En somme, il ne savait pas s'il devait ou non poursuivre son jeu de séduction avec Lana, et risquait d'être défiguré très prochainement.

Quand elle revint, il la regarda et marqua un temps d'arrêt, peinant à reconnaître la vieille fille débarrassée de ses nippes criminelles et de son maquillage qu'il n'osait pas se risquer à qualifier. « Ah. C'est mieux. » lâcha-t-il sans se donner la peine de faire preuve de tact. Savoir avec qui faire des efforts était une marque d'intelligence supérieure, selon lui. « Vous êtes bien mieux ainsi. » Il hocha la tête à ses explications. « J'aurais préféré vous voir comme vous êtes dès le début. Votre déguisement pourrait fonctionner pour les vieilles femmes crédules, je suppose. » Il l'étudia par en dessous. « Vous êtes jeune, non ? » Chacun, sur les terres de Sympan, savait que l'apparence ne signifiait rien. Il avait entendu parler de Vampires à l'apparence d'enfants qui avaient vécu plusieurs millénaires. Cela étant dit, une chose trahissait souvent la maturité des uns et des autres. Les yeux ne mentaient jamais.

« Enfin, qu'importe. Allons-y. » Une fois dehors, Lorcán cligna des yeux le temps de reprendre ses marques avec la lueur diurne. Ils ne purent rester longtemps plantés sur place, la foule les emporta irrésistiblement et le roux crocheta le poignet de la jeune femme pour ne pas la perdre de vue. « Je n'aurais pas cru qu'autant de monde viendrait à cette misérable petite foire. » commenta-t-il à voix haute. Il lui semblait sans cesse sous-estimer le bon goût de la plèbe. Des trilles joyeuses s'élevaient quelques mètres plus loin, rythmées par des percussions enjouées. Le chant chaleureux d'une femme accompagnait la mélodie, ponctué de petites exclamations lancées par la foule. En s'approchant, il vit le sommet des têtes monter et descendre rapidement, synchronisés sur le tempo du chant populaire. Il pivota vers la voyante et lui décocha un sourire. « Vous aimez danser ? » Sans attendre sa réponse, il la tira jusqu'au cercle dansant et ils n'eurent plus d'autre choix que de s'accorder tant bien que mal sur les autres. Ils s'emmêlèrent les jambes les premiers tours avant de comprendre la logique de l'enchaînement. Dès que ce fut fait, l'Alfar retrouva sa confiance en même temps que son aisance et mena sa partenaire avec un entrain qui offrit à ses pommettes une teinte violette bien plus prononcée. Ses iris chocolat brillaient sous l'effet conjugué des efforts physiques et du plaisir pris à danser. « Je me rend compte que je ne connais pas votre nom. Comment dois-je vous appeler ? » lui demanda-t-il, un peu essoufflé.

Message III | 947 mots
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Seiji Nao
Lun 15 Jan 2024, 23:22





Débarrassée de son accoutrement de fortune, une vague d’enthousiasme déferlait sur la Démone. Les fêtes foraines ne comptaient pas parmi les réjouissances communément organisées, du moins, pas de son côté de l’Enfer. Tel un parasite intestinal diablement convainquant, la curiosité lui dévorait les entrailles. Occupée à frotter un reste de rouge à lèvres, la remarque du violet lui arracha un léger sifflement. En fin de compte, il semblait capable d’aligner deux neurones. Il ne fallait pas sortir de Basphel pour s’apercevoir que le déguisement l’enlaidissait ; toutefois, elle saluait l’effort de Sa Majesté. Nombre de femmes se seraient enorgueillies d’une telle marque d’estime : le compliment lui passait complètement au-dessus. Ou, autrement dit, d’après l’expression populaire chez ses camarades des bas-fonds, ça lui en touchait une sans faire bouger l’autre, bien qu’elle n’ait jamais compris ce que l’une et l’autre étaient.

« Jeune ? Un peu plus que vous, à en juger par les rides. »

Le bout de sa langue s’échappa de sa bouche, tout juste retenu par une canine d’ivoire. Habituellement, la blonde figurait parmi les casseurs d’ambiance et autres emmerdeurs placides. Cependant, l’attitude du jeune homme lui plaisait : elle appréciait qu’il fût un peu plus qu’un Narcisse en herbe, et se demandait s’il possédait vraiment les moyens de ses prétentions. À première vue, c’était mal barré.

Reniflant discrètement pour retenir un saignement de nez _ son système immunitaire partait régulièrement aux fraises _, elle plissa les narines tandis qu’ils quittaient la tente. La fraîcheur de l’air lui gifla le visage ; en comparaison de l’atmosphère suffocante sous les tentures, un parfum de printemps flottait dehors. Devant le mépris du violet pour les festivités, elle étendit le bras et lui offrit un taquet à l’arrière de la tête.

« Les gens ne refusent jamais un prétexte pour s’amuser. C’est tout naturel. Même vous, avec vos grands airs, vous devriez comprendre ça. »

Sous leur vernis d’arrogance, Lenore croyait fermement que les êtres imbus d’eux-mêmes cachaient un cœur d’artichaut. Ses aventures dans les Tréfonds lui avaient appris que les forts, qu’ils fussent pourvus de muscles saillants ou d’une cervelle débordante, ne gaspillaient pas leur énergie à parader comme des coqs.

Les yeux grands ouverts, la jeune femme s’arrêta un instant devant une adolescente maniant une lame dont l’acier luisait de propreté. D’un geste si rapide qu’elle semblait ne pas avoir bougé, elle trancha une rangée de bambous soigneusement alignés. Quelque peu surprise que la frimeuse n’eût pas dévidé les entrailles d’un spectateur, et s’apprêtant à proposer le violet pour le rôle, ce dernier l’empoigna avec une vigueur que sa silhouette de phasme ne laissait pas deviner.

Traînée malgré elle sur la piste de danse, la Démone n’eut pas l’occasion de s’énerver. Son partenaire la faisait virevolter à un rythme infernal. Entre deux roulements de tambours, elle trouvait tout juste le temps de respirer. Ne pas lui écraser les pieds requérait toute sa concentration. Un peu gauchement, elle finit par s’accorder au tempo, non sans avoir effleuré à plusieurs reprises ses chaussures. À la surface du cuir, de petites traces de boue, à peine visibles, en portaient le témoignage.

« Stépha… »

Sa bouche se referma sur une grimace. De toute évidence, la danse lui embrumait l’esprit. À se laisser mener par la pointe des pieds, elle en perdait la tête. Une guitare imposa sa cadence aux percussions, ralentissant la mesure. Bien décidée à ne pas laisser l’Alfar prendre l’ascendant, elle glissa une main dans son dos, appuyant vicieusement à la naissance de ses reins. Ainsi comprimée, la lombaire n’opposa aucune résistance lorsqu’elle le pencha en arrière comme une princesse.

« Lenore, tout simplement. »

Le bras engourdi par le poids du jeune homme, elle esquissa un sourire aussi naturel que celui d’une poupée, dévoilant toutes ses dents. De l’index, elle replaça doucement une mèche rebelle derrière l’oreille du danseur. À la lueur des torches, il arborait presque un visage d’Ange. Pendant un instant, une brume obscure enfla autour de ses doigts.

« Vous n'aviez pas menti sur vos origines, Lorcán. »

Ses yeux s’attardèrent sur les lettres d’or qu’elle était seule à voir. Soudain de mauvais poil, elle le redressa à la hâte. Si le violet figurait outrageusement haut dans le classement, une pimbêche dans le public venait de faire un commentaire désobligeant à leur égard.

« On dirait bien que vous attirez l’attention. »

Un rire dans la gorge, la Démone jeta un regard assassin à la commère. Une démangeaison s’insinua entre ses boucles blondes : comme toujours, le symbiote soutenait ses ambitions. Toutefois, la colère ne prenait pas toujours la forme de la vengeance. En l’occurrence, elle ne fit que souligner la tranquillité des festivités. D’un geste brusque, l’apprentie voyante agrippa la chemise de l’Alfar, l’attirant si près d’elle que leurs souffles auraient pu se mêler.

« Vous avez raison sur un point. J’aime danser, mais il manque quelque chose à cette fête. Que diriez-vous de pimenter un peu les choses ? »

En la matière, son imagination compensait un déplorable manque d’expérience. Du menton, elle désigna des badauds sur la droite, vêtus d’une chemise stratégiquement tâchée de graisse, et trop étroite pour leurs estomacs.  

« Ces jeunes, là-bas, dévorent la rousse du regard. Il suffirait de souffler à l’un que l’autre a lancé une rumeur scandaleuse sur lui, et ainsi ruiné ses chances de finir la soirée avec la belle. »

Les adolescents ne savaient ni garder leurs poings dans leurs poches, ni leurs queues dans leurs pantalons : les manipuler était un jeu d’enfant. Lenore garda le silence une seconde. La simplicité d’exécution ne nuisait pas à la qualité des farces ; elle préférait toutefois les défis dignes de ce nom. Tournant la tête vers celle qui les avait dénigrés, un sourire empreint d’une coupable malice ourla ses lèvres.

« À moins que vous ne préfériez séduire cette crétine et glisser un insecte dans son décolleté ? »

Amusée par la vision de cette idiote se débattant avec son corset, la Démone arrêta néanmoins son choix sur une option plus ambitieuse. Virevoltant entre les bras du violet, elle s’approcha l’air de rien du buffet, et des pichets encore pleins aux trois-quarts qui y reposaient. Si le chaos se distillait goutte par goutte, il frappait tout un chacun.

« Commençons par quelque chose de simple. Une flasque d’absinthe, quelques pétales d’aubépine, une pastille de lumière, remuez le tout, et… Le tour est joué ! »

S’abritant derrière l’Alfar pour perpétrer son méfait, elle manqua renverser la cruche deux fois de suite avant de parvenir à ses fins : il n’était pas toujours facile de causer des problèmes. Le plus naturellement du monde, elle s’empara d’un godet à la salubrité douteuse, et le tendit en direction de son regretté client.

« Je vous sers un verre, Majesté ? »

Son jupon dans la main gauche, Lenore s’inclina dans une parodie de révérence, pouffant comme une gamine.

1 146 mots | Post IV

PS:

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Dim 28 Jan 2024, 19:31

Le dessous des cartes | Lorcán U392
Le dessous des cartes
Lenore & Lorcán



« Lenore. C'est un joli prénom. » jugea Lorcán, avant d'aussitôt songer qu'il était bien trop joli pour cette fille si mal fagotée. Peut-être que si elle faisait de réels efforts et investissait dans de vrais vêtements, mieux coupés et de meilleure qualité, plutôt que ces frusques probablement volées sur un fil à linge à une vieille femme, oui peut-être qu'elle pourrait faire se tourner les têtes sur son passage. Son jugement, sans doute sévère, n'était dû qu'à un environnement qui analysait scrupuleusement chacun. Pas seulement l'apparence, mais aussi les manières, l'élocution, le sens de la répartie, la finesse d'esprit, tout ce qui plaisait en bonne société Alfare, et tout ce qui était nécessaire si l'on ne voulait pas être déchu au dernier plateau avec les rats et la fange nauséabonde. Il frissonna en songeant à ce lieu sordide et aux Nägs qui peuplaient ce taudis. Il savait leur utilité dans le système, mais tout de même, un petit incendie ne ferait pas de mal à ce lieu, ne serait-ce que pour tuer les bactéries, au minimum.

Il haussa les sourcils en réponse à sa remarque. Que voulait-elle dire ? En avait-elle douté ?Elle devait voir trouble si elle ne s'en était pas aperçu avant, ce qui ne manquait pas d'ironie pour une supposée voyante. Il la fit tourner en s'appliquant à être aussi élégant que possible compte tenu de la petite gigue de basse extraction qu'ils devaient exécuter. Les bals lui manquaient, le raffinement des danses de salon, le son harmonieux d'un orchestre pour accompagner quelques échanges de secrets entre deux coupes de pétillant. À Seaghdha, il n'avait finalement pas eu l'occasion de beaucoup danser, et il l'aurait regretté s'il n'avait pas été en aussi délicieuse compagnie par la suite.

Guidé par l'étrangement intense regard de Lenore, l'Alfar tourna la tête et compris son sous-entendu. « Ils n'ont sans doute pas l'habitude de voir de vrais danseurs à leurs petites festivités champêtres. » assura-t-il avec un aplomb qui ne vint jamais s'écorcher sur le sarcasme de sa partenaire. Il lui semblait tout naturel qu'on l'admire, il s'estimait plutôt bon danseur, même s'il trouvait qu'il manquait d'endurance. Cela dit, les professeurs de danse à Basphel n'étaient pas aussi exigeants que ceux de Drosera. Pouvait-il avoir régressé ? Il failli en trébucher d'angoisse avant de se reprendre. Il ne devait pas douter maintenant, le doute était l'ennemi de l'excellence. Il restait supérieur à la populace, et c'était ce qui comptait.

Ses paupières cillèrent lorsqu'il se vit subitement abaissé au même niveau que la petite blonde. Surpris par la proximité soudaine, il loucha sur son nez. « ... Vous... » fit-il, étonné de l'audace de la presque-belle. Habituellement, il était celui qui volait le souffle de ses partenaires, il n'avait pas l'habitude d'être placé dans le rôle inversé. « Ma parole, Lenore, est-ce que vous êtes en train de fleureter avec moi ? » Un fin sourire chatouilla ses commissures et il accentua sa pression sur la courbe de ses reins pour la rapprocher. « J'adore épicer toutes les situations. » répondit-il en guise d'accord à sa proposition. Elle ne l'intéressait pas, mais jouer au séducteur était une seconde nature chez lui. On ne savait jamais, elle ne lui était pas utile aujourd'hui, mais elle pouvait l'être plus tard, et si elle s'entichait de lui, il gagnerait du temps et des efforts.

À l'écoute dès lors qu'il s'agissait de causer quelques troubles, Lorcán écouta la liste de ses propositions, certaines plus farfelues que d'autres. « Vous êtes particulière. » Ce qui, dans sa bouche, pouvait sonner autant comme un compliment que comme une critique. Il fixa la potion avec suspicion. Quand on grandissait à Drosera, on apprenait en même temps que l'alphabet à ne pas boire n'importe quoi, surtout quand ça venait de n'importe qui. En revanche, il commençait à réellement penser que la drôle en pinçait pour lui. Peut-être avait-elle eu le sang chauffé par leur danse, toujours est-il qu'il s'empara du verre offert mais ne le porta pas à ses lèvres. « Voilà ce que nous allons faire, très chère partenaire de crime. » Il se pencha pour lui murmurer à l'oreille.




« Je pourrais vous contempler en train de sourire pendant des heures. Vous êtes sûre que vous n'avez jamais posé pour un artiste auparavant ? Il n'existe aucune peinture existant de vous, aucun portrait sur lequel je puisse soupirer si je ne dois plus jamais vous revoir ? » Fauché par la tragique perspective, Lorcán prit un air bouleversé qui fit glousser la rousse. « Vil menteur ! Vous vous moquez de moi ! » L'Alfar s'exclama, offusqué. « Vous m'accusez, moi ? Alors que je trouve le courage de verbaliser ce que mon coeur éprouve avec tant d'ardeur ? » « N'y a-t-il que les mots que vous sachiez manier avec tant d'habileté ? » La femme se pencha, comme pour mieux lui mettre sous le nez son décolleté audacieusement ourlé de dentelle passée de mode. L'invitation était on ne peut plus claire mais une offrande si vulgairement faite lui inspirait un vague dégoût et il sentit la meilleure partie de lui-même se rétrécir. « En vérité, Chantonnette, je suis un menteur. » Tout bon menteur le savait, il suffisait de distiller une parcelle de vérité pour que le mensonge devienne parfait. « Mais je vais tout vous révéler, car je ne supporterai pas de voir quiconque ternir votre journée. J'ai été envoyé par cet homme là-bas, celui avec les bretelles vertes, pour vous faire boire un philtre d'amour qui devait vous faire tomber follement amoureuse de lui. Ma collègue est en effet experte en la matière, mais nous savons de source sûre que l'homme est un collectionneur, infidèle et... c'est un peu gênant à évoquer, mais très mal pourvu... Quoi qu'il en soit, nous n'aimons pas l'injustice que vous risquiez de subir. Ma collègue et moi avons décidé de lui jouer un tour. Faites mine de boire ce verre, ils nous observent. Nous vous inquiétez pas, ce n'est pas le philtre. » Il ignorait les effets que provoquerait le breuvage confectionné par Lenore, mais il était trop tard pour le lui demander. Sa mission à elle l'avait éloignée pour aborder les deux hommes et saboter l'affaire. Idéalement, la rousse qui se léchait les lèvres après avoir bu la potion, devait finir humiliée, et les deux hommes en viendraient aux mains. Telle était la théorie. La femme grimaça, révélant deux dents de devant proéminentes qui terminèrent de renvoyer la libido naturelle de Lorcán dans les ronces. « Le goût est épouvantable, qu'est-ce qu'il y a là-dedans ? » « Vite, hâtez-vous. Faites semblant d'être follement amoureuse de l'homme. » Craignant qu'elle ne s'illumine trop tôt pour le scénario, il la poussa un peu brusquement dans le dos pour qu'elle avance plus vite sur le trio qui les observait de loin.

Message IV | 1207 mots
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Dim 11 Fév 2024, 19:39





Un petit sourire aux lèvres, Lenore minaudait comme une adolescente. D’ordinaire, elle commettait seule ses méfaits, et s’assurait de disparaître de la scène de crime avant que la première preuve à son encontre fut trouvée. Toutefois, plus séduite par l’ambition du roux que par la fraîcheur de son teint _ il lui rappelait celui des mauves d’été, des fleurs au parfum sucré qui déclenchait des vomissements _, elle se réjouissait de leur collaboration. Prenant son rôle à coeur, il babillait désormais avec la poule. À en juger par le miel dans ses gestes, embobiner les gens lui venait naturellement. Une étincelle de mépris passa dans son regard : en jouant de ses charmes de la sorte, il manquait clairement de respect envers lui-même. La Démone peinait à comprendre qu’il pût associer une arrogance de coq à de si bas critères de séduction. Convaincue par son aisance, il lui fallut un moment pour se rappeler que son numéro n’était qu’une conséquence de leur stratagème, et qu’elle devait aussi donner de sa personne.

De l’autre côté de la piste de danse, les badauds se tenaient côte à côte, accoudés à une barrière de bois. Vêtu d’une salopette flambant neuf, le premier mâchonnait joyeusement un brin de paille. De minuscules tâches brunissaient son nez. Le second, muni d’un béret hérité de génération en génération, descendait une chope d’un air morose. Ils observaient la rousse à la dérobée, détournant le regard sitôt qu’ils croisaient le sien. La vivacité d’esprit de la blonde, digne de celle d’un escargot, lui suffit pourtant à comprendre l’évidence : sans un coup de pouce d’enfer, ils n’iraient pas bien loin. Si les manipulations sensuelles chères à sa famille ne constituaient pas la spécialité de la Démone, elle en savait suffisamment pour reconnaître des incapables.

Bien décidée à mener sa mission à terme, elle vint s’appuyer contre le bois. S’adressant au ruminant, elle désigna la rousse du menton. Mieux valait ne pas y aller par quatre chemins : elle n’était pas du genre à élaborer des mensonges tarabiscotés. La simplicité prévalait sur l'ambition.

« J’ai entendu dire que cette dame, là-bas, veut te jouer un tour. Elle a bien remarqué comment tu la regardais. Elle veut te faire croire qu’elle est folle de toi, et en profiter pour t’humilier. Je connais pas les détails, mais je trouve ça limite. »

Cessant de remuer les lèvres, l’apprenti paysan cracha son brin de paille sur le sol.

« Qu’est-ce que tu m’racontes ? »

Visiblement, la nouvelle ne le réjouissait guère. D’un air mauvais, il décocha un regard noir à la blonde. Hélas, pour une native de l’Enfer, il en fallait davantage. Pas le moins du monde intimidée, elle réitéra son explication, embellissant l’histoire de quelques détails qui disparurent de sa mémoire sitôt qu’elle les prononça. À force d’élucubrations, elle finit par le convaincre de prendre sa fausse admiratrice à son propre jeu.

« Crois-moi, rien ne fait tourner la tête à une femme comme les compliments qu’on entend en ville. Je peux t’en souffler quelques-uns, si tu veux. »

Aussitôt, une étincelle de suspicion ranima la cervelle du malotru. Les babines retroussées, il éleva le ton, gratifiant son interlocutrice d'un souffle fétide. Entre ses dents jaunies, l'ail menait une guerre perdue d'avance contre les bactéries.

« Tu veux m’tirer de l’argent ? Chuis pas riche, moi. Va plutôt voir le gars au gros chapeau rouge. La bourse à sa ceinture est pleine, mais pas ses petites sœurs. »

Satisfait de sa blague, et certain d’en avoir terminé avec l’arnaqueuse, il se retourna vers son camarade, lorgnant sur sa bière. À contrecœur, la jeune femme adopta la technique du miel. Une parodie de sourire crispa les traits de son visage.

« Non non, je voulais juste m’assurer qu’on ne se moque pas d’un brave gaillard comme vous. Les femmes qui jouent des hanches pour faire tourner les hommes en bourrique, ça m’énerve. »

Croisant les bras sur sa poitrine, Lenore souffla sur une mèche rebelle pour marquer son exaspération. Par miracle, l’argument fit mouche.

« T'en fais pas ! Elle va voir ce qu’il en coûte, de s'foutre de Bernard Labbé ! Avec tes bons conseils, j’vais la faire tomber amoureuse en un claquement de doigts, et quand elle s'ra toute rouge rien que de m'voir, je la planterai là. Comme on dit chez nous, le fermier dans le fumier ! »

Heureux de mentionner les proverbes de sa terre natale, l’idiot du village éclata d’un rire gras. Rire qui évolua en une quinte de toux foudroyante lorsque, du coin de l’œil, il aperçut la rousse qui approchait d'eux. Son minois grossier lui donnait des chaleurs. Le sang afflua à ses joues. Loin de percevoir son malaise, Lenore jubilait. Bombant le torse, le malotru fit claquer l’une de ses bretelles pour se donner du courage.

« C’est un honneur de pouvoir te parler, ma dame. J’attendais l’occasion depuis longtemps. Je le voyais de loin, mais de près c’est encore plus flagrant : tes épaules sont aussi carrées qu’un buffet à vaisselle. »

Malgré elle, la Démone pouffa. À sa connaissance, aucune femme n’appréciait les compliments de ce genre. Que le paysan l’ait déclamé avec une telle assurance, confiant dans les conseils d’une inconnue, rendait la situation particulièrement cocasse. Cependant, il restait une question à régler. Profitant de la réponse de la rousse, elle se pencha à l’oreille du buveur.

« Même si elle se moque de ton copain, m’est avis qu’elle est d’humeur pour un petit tour de manège avec toi. J'ai bien vu comme elle parlait de toi plus tôt. »

En réponse, elle ne reçut qu’une œillade morne. Frustrée, elle se mordit l’intérieur des joues.  

« Tu ne vas pas le laisser te la piquer sans rien faire ? Prends le bélier par les cornes et sois un homme, bordel ! »

Son éclat de voix attira quelque peu l’attention. Toutefois, dans les iris noyés de grisaille, elle discerna une lueur d’arrogance. De toute évidence, la suffisance affligeait nombre de mâles, dans les environs. Plus discrète cette fois, la blonde lui donna un léger coup de coude.

« Je n’aurais jamais cru que tu te laisserais marcher sur les pieds comme ça. Un homme comme toi ne devrait pas laisser les autres lui prendre ce qu’il veut. Si tu veux mon avis, tout devrait être à toi. »

Sitôt ces paroles prononcées, elle se désintéressa de son cas. Certaines personnes ne savaient pas saisir les opportunités, et sans doute en faisait-il partie. L’air de rien, elle contourna la rousse pour s’approcher de Lorcán.

« Une belle histoire commence aujourd’hui. La romance de la pouffe et des deux nigauds. »

Réjouie par la tournure que prenaient leurs manigances, elle lui adressa un clin d’œil. Ce n’était pas tous les jours qu’elle avait l’occasion de trouver un partenaire pour ses facéties, et puisqu’il semblait doué, elle songeait déjà à leur prochaine victime.

« Et, euh… De t’voir si proche, je suis fasciné. T’as le teint d’une cochonne. »

Bernard se surpassait. Outré par la remarque, l’alcoolique sortit finalement de sa torpeur, la figure rouge de colère et d’éthanol.

« Ne… Ne lui parle pas comme ça ! »

Oubliant toute prudence, Lenore se hissa vers Lorcán, peinant à cacher sa joie.

« Je ne pensais pas que le monde d’En Haut était peuplé de crétins pareils. Vous tenez le haut du panier, ça ne fait aucun doute. »

Alors que les deux idiots engageaient les préliminaires, se poussant l’un l’autre avec une véhémence croissante, la rousse se mit à changer. Ses veines s’ornèrent de lueurs phosphorescentes, dessinant le trajet de son sang à travers tout son corps. Concentrée sur la bagarre à venir, Lenore n’en vit rien. Derrière son dos, ses doigts ondulaient, tâchant d’amplifier la rage du preux chevalier. En vin. Un juron aux lèvres, le séducteur lui damna le pion, s’égosillant comme un poulet.

« Hey ! Elle se met à briller l’autre ! Me touche pas, avec tes sales mains ! T’es malade, c’est ça ? Qu’est-ce que t’as chopé ? C’est contagieux ? »

1 314 mots | Post V

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Dim 03 Mar 2024, 19:23

Le dessous des cartes | Lorcán U392
Le dessous des cartes
Lenore & Lorcán



Un sourire de chat sur les lèvres, Lorcán se rangea à côté de sa compère pour profiter au premier rang du spectacle ourdi par leurs deux cervelles inondées de malice. Face à eux, les trois acteurs jouaient leur rôle avec un talent rare. Le sérieux de l'Alfar, travaillé avec acharnement à Drosera où montrer ses réelles émotions était un délit criminel, résista aux compliments comiques décochés par le grossier personnage à bretelles. Intérieurement, il partageait l'hilarité de la voyante, ils étaient tous aussi ridicules qu'anticipé, peut-être même plus.

De son côté, se croyant posséder un coup d'avance sur la situation, la pouliche de Lorcán battit férocement des cils comme si elle souhaitait créer une tempête. « Vraiment ? C'est la première fois qu'on me fait un aussi ... joli compliment. » Soutenue par l'œillade appuyée de Lorcán, la rousse retint sa respiration afin de plaquer deux tâches rouges sur ses joues et poursuivit ses minauderies avec un zèle ampoulé.

Lorcán chercha du regard Lenore qui s'était éloignée pour murmurer à l'oreille de l'autre homme. Avec attention, il surveilla l'évolution des émotions qui animèrent ses traits brouillés par l'alcool. Il faillit s'oublier et se frotter les mains avant de se souvenir qu'il était visible. Il accorda un sourire de connivence à la blonde de retour près de lui. « J'ignore ce que tu lui a dit, mais il a l'air remonté comme une pendule, toutes mes félicitations. » Le talent de cette femme ne résidait peut-être pas dans la lecture des lignes de la main ou dans ses cartes mystiques, mais il y avait du potentiel dans l'orchestration de scénettes chaotiques.

« De la cochonne, je n'ai pas que le teint, j'en ai aussi les appétits. » roucoulait la rouquine avec ardeur avant d'être coupée par le bonhomme réveillé de sa sieste. Épris d'une fascination teintée de mépris pour cette bassecour locale, Lorcán se repaissait de la situation qui prenait le chemin d'un dénouement tragique. « Le monde d'en haut ? Tu n'es pas... » Il se donna quelques secondes pour réfléchir et reconsidéra Lenore d'un oeil nouveau. Une Démone ? L'occasion de l'interroger lui manqua, rattrapés qu'ils étaient par le scénario.

Le conflit entre les deux hommes prenait en ampleur et commençait à indisposer les bavardages des autres les environnant et la femme, remarquant elle aussi le phénomène dont elle était frappée, avait commencé à pousser des cris suraigus de laie sauvage. Sans qu'on sache trop comment, des tiers s'étaient joint à la fête et des poings volaient. Attirés par le charivari comme des Luxurieux par une orgie, une escouade de gardes joua des coudes pour rejoindre le coeur du problème.

C'était précisément le moment que Lorcán voulut choisir pour disparaître, discrètement, et certainement sans même prévenir sa partenaire. La loyauté, ça ne se trouvait pas sous le pied d'un cheval et il ne devait rien à cette supposée Démone, sinon une barbe à papa. Il pouvait vivre avec ce manquement à sa parole sur la conscience. En bref, il était l'heure de s'éclipser de cette petite fête champêtre à laquelle il ne voulait pas être associé.

« Lorcán ? » L'Alfar se renfrogna aussitôt en reconnaissant la voix de l'autre piaf. Il choisissait bien son moment celui-ci. Faisant comme s'il n'avait pas entendu, il recula toujours, l'air de rien, mais Zeryel paraissait déterminé à le rejoindre à travers la foule, serré d'une part par les danseurs et d'autre part par la bagarre généralisée. « Lorcán ! » Gagné par l'agacement, il attrapa le faux blond par le bras sitôt qu'il fut à portée de main. « Silence, l'Oisillon ! » Au tant pour la sortie discrète. À Lenore, il servit son expression la plus innocente. « Je propose qu'on s'en aille. Il n'y a visiblement pas de barbe à papa ici. » « De barbe à... quoi ? » répéta l'Ange qui avait plusieurs années de retard et qui l'affichait sans honte avec son air stupide plaqué sur la figure.

« C'est lui ! C'est lui qui m'a empoisonnée ! » éructa une voix déformée par l'outrage au milieu du chaos. Des regards se fixèrent sur eux et Zeryel fronça les sourcils, les méninges sur-sollicitées. Lorcán n'attendit pas le déluge plus longtemps. Il fit volte-face et tourna les talons pour courir. Avec une seconde de retard, Zeryel l'imita et le roux se demanda si Lenore avait suivi le mouvement. Songer à elle lui donna une idée. « Suis-moi ! » Ils allaient filer dans l'obscure tente de la voyante, il fallait juste semer leurs poursuivants.

Message V | 773 mots
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Seiji Nao
Jeu 07 Mar 2024, 15:44





Sous les yeux ravis de Lenore et de son partenaire, le trio s’enlisait dans une surenchère d’imbécillité. De toute évidence, l’absurdité de la scène leur échappait, et chacun jouait son rôle avec le sérieux d’un professionnel. Les quelques conseils murmurés plus tôt portaient leurs fruits bien au-delà de ses espérances ; l’idiotie s’alimentait toute seule. Aux félicitations du mauve, la blonde se sentit piquer un fard, qu’elle cacha derrière un léger éclat de rire. Rares étaient les moments où quiconque avait reconnu la valeur de son travail ; si son éducation lui avait appris à ne pas s’en attrister, elle chérissait de tout son cœur ces occasions. Son regard s’attarda une seconde sur les traits de Lorcán, tâchant de mémoriser les lignes délicates que la satisfaction dessinait sur ses joues. Il lui semblait qu’en Enfer, la joie n’emplissait pas les sourires avec une telle force. La remarque de la rousse attira à nouveau son attention vers le spectacle de clowns, et elle s’y absorba avec plaisir ; elle regrettait seulement de ne pas avoir sous la main quelque chose à grignoter.

« Je ne suis pas de la région. Et heureusement ! Il y a moyen de s’amuser, dans les parages, mais si je venais des environs, je serais peut-être comme eux. Je voyage pour découvrir le monde. Enfin, en quelque sorte. »

La Démone préférait ne pas épiloguer sur les raisons de sa présence. Ses pensées dérivèrent vers son ravisseur : elle n’apercevait nulle part la tête de fripon de Jasper. Sans doute se vautrait-il dans un buisson avec des locaux, le polisson à l’air.

La pastille de lumière ne tarda pas à faire sensation. Bien vite, la comédie dégénéra. Réjouie par la tournure des évènements, la blonde songeait à se jeter à son tour dans la bataille. Serrant le poing pour le lancer dans la figure du premier venu, elle s’interrompit à l’arrivée d’une connaissance du mauve. Ce dernier tentait de se frayer un chemin parmi les badauds venus se joindre à la fête. La blonde grommela, laissant ses pulsions au placard, et entreprit de le suivre, lorsque l’accusation tomba.

Un esprit avisé aurait fait remarquer qu’il fallait des preuves pour incriminer quelqu’un, que le coupable ne se trouvait peut-être même pas parmi la foule, ou encore qu’elle s’était administrée elle-même le poison. Hélas, l’intellect de Lenore rivalisait avec celui d’un petit pois _ de bonne qualité, mais un petit pois tout de même. Furieuse que la truie s’apprêtat à dévoiler la plaisanterie, elle clama sa défense à pleins poumons.

« Même pas vrai ! »

Le silence se fit sur l’assemblée. Du coin de l’oeil, elle aperçut un paysan relâcher son emprise sur la chemise d’un voisin à terre. Devenue malgré elle le centre de l’attention, elle balbutia de manière incompréhensible, avant de mettre les poings sur les hanches. De mauvaise grâce, elle résista à l’envie de dénoncer le nouveau venu ; elle ne connaissait pas la nature de leur relation, et si le mauve s’offusquait de son initiative, elle risquait fort de ne jamais voir la couleur de sa barbe-à-papa.

« Je veux dire... T’es juste... jalouse parce qu’il a pas voulu de toi, alors tu lui fais porter le chapeau ! »

À peine eût-elle achevé sa déclaration que la débandade reprit son cours. Plus agacé que les autres par son culot, l’un des dindons de la farce lui assena un crochet du droit. Sonnée, la jeune femme tomba en arrière. Par chance pour le malotru, un chevalier servant se présenta et lui rendit la monnaie de sa pièce. La blonde eut tout juste le temps de repérer Lorcán, filant telle une étoile sur le chemin des attractions, et, abandonnant les dégénérés à leur sort, de se lancer à sa poursuite.

Il ne lui fallut pas longtemps pour rejoindre les fuyards. Le poing pressé sur le nez dans une vaine tentative d’arrêter l’hémorragie, elle formula ses conclusions sur l’échange survenu un peu plus tôt à voix haute.

« Vous êtes son domestique, n’est-ce pas ? »

Quelque peu impressionnée, la Démone ne cachait pas son admiration ; finalement, il existait peut-être une raison légitime à ses chevilles gonflées comme l’estomac d’un bœuf. Autour d’eux, la foire se vidait peu à peu de ses visiteurs ; il restait toutefois suffisamment de monde pour que leur cavalcade passât inaperçue. Jetant un coup d'œil en arrière, elle remarqua que le paysan au charisme de tapisserie, fort de son litre de bière, les avait pris en chasse. Le groupe accéléra la cadence, battant le pavé à toute vitesse. À un croisement, ils tombèrent miraculeusement sur un amoncellement de tonneaux, qui dégageait des relents âcres de vinasse.

« Par ici, princesse ! »

La jeune femme prit Lorcán par surprise, lui attrapant le bout du nez pour l’attirer derrière les fûts. Son camarade suivit sans protester : ils disparurent tous les trois à l’instant où le paysan parvenait à l’intersection. Bientôt, il fut rejoint par quelques fêtards en quête de coupables.

« Je n’aurais jamais cru que vous aviez besoin d’un chaperon comme ces crétins de bonne famille. Vous aviez l’air de très bien vous débrouiller sans lui. »

Circonspect, leurs poursuivants observèrent les alentours en titubant, hésitant sur la route à prendre, avant de se disperser : certains passèrent juste devant eux, quand d’autres revinrent sur leurs pas. La respiration sifflante, la blonde se tourna vers la troisième roue du carrosse, lui soufflant la question qui lui brûlait les lèvres.

« L’oisillon, hein ? Vous êtes une sorte de volatile ? »

Lustre Bibelot avait toujours prétendu qu’à la surface, certaines êtres se changeaient en animaux. Aigles, tigres, baleines… Si jusque-là, elle n’avait guère prêté de crédibilité aux racontars de son professeur, l’expérience allait peut-être lui donner raison. Plissant les yeux, elle attendit sa réponse, bien décidée à faire toute la lumière sur le sujet. Le gargouillis de son estomac lui rappela qu'elle n'avait toujours pas mangé : le regard vrillé dans celui de Zeryel, elle se demanda avec le plus grand sérieux si ses cuisses avaient un goût de poulet, et s'il existait au village une friteuse suffisamment grande pour les faire revenir.

987 mots | Post VI

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Zeryel
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Zeryel
Dim 17 Mar 2024, 20:02

Le dessous des cartes | Lorcán U392
Le dessous des cartes
Lenore & Lorcán



Le rire de Lorcán monta, rempli d'allégresse. « Oh oui, c'est mon petit esclave d'amour. » répondit-il en même temps que Zeryel s'étouffait sous l'outrage. « Quoi ? Mais pas du tout ! Jamais de la vie ! » Il ne put développer davantage, ses poumons le rappelant à l'ordre alors qu'ils accéléraient pour semer les plus tenaces de leurs poursuivants. À l'appellation de princesse, les deux garçons se défièrent du regard mais c'est Lorcán qui fut élu, le nez traîné vers le bas. « Non ! Pas là ! Certainement pas ! » eut-il le temps de couiner mais Zeryel le poussa dans le dos brutalement pour le faire plonger en avant. « Bouge ! » Derrière les tonneaux amoncelés, ils se tinrent blottis et il fallut à l'Alfar toute sa volonté pour se tenir coi le temps que les badauds les dépassent. Comment osaient-ils, tous les deux ? Le nez froncé par l'odeur de la vinasse qui avait chauffé toute la journée au soleil, il réfléchissait et parvenait à la conclusion que non, il ne s'était jamais trouvé en un pire endroit, sauf peut-être cette fois aux toilettes lors d'une épidémie de gastro-entérite.

« Je ne suis pas son chaperon. » grinça Zeryel en jetant un coup d'oeil courroucé à la jeune femme par dessus Lorcán qui s'appliquait désormais à respirer par la bouche. Sa souffrance visible était un baume apaisant pour l'Ange. Tout se payait dans la vie, et il était plus temps que le rouquin règle ses dettes. « Et vous êtes qui vous d'abord ? » « Personne qui t'intéresse. » trancha Lorcán. « Oh oui, c'est le petit poussin de l'école. » sourit-il ensuite à la réponse de Lenore, la bouche en cul de poule. Zeryel lui décocha un coup de coude dans les côtes qui déséquilibra l'Alfar et le força à s'échouer sur sa voisine. « Arrête de répondre pour les autres, c'est insupportable, je déteste ça chez toi. » « Oh oui, dresse-moi donc l'inventaire de tout ce que tu hais chez moi, on n'a que ça à faire après tout, on est confortables après tout ici, vous ne trouvez pas ? Bref, quittons cette fange. Ça convient peut-être au Réprouvé qui se prend pour un Ange et à vous qui avez l'habitude, mais moi, je ne reste pas ici plus longtemps. » Il jeta un coup d'oeil par dessus leur muraille de tonneaux et se redressa en s'époussetant sèchement ses vêtements. Si encore, il portait des guenilles. Il ne tenait pas particulièrement à l'uniforme de Basphel, qu'il trouvait épouvantable au demeurant, mais s'il pouvait éviter de revenir les genoux crotté comme n'importe quel manant mal dégrossi du village voisin, c'était aussi bien.

Zeryel suivit peu après et se rapprocha de Lenore. « Est-ce que ça va ? Votre nez ? Tenez. » Il fouilla ses poches à la recherche d'un mouchoir, mais n'en trouvant pas, il se tourna vers l'Alfar. « Même pas en rêve. » « Je ne sais même pas pourquoi je me fatigue. » soupira l'Ange avant de se résoudre à déchirer un morceau de son haut. « Plaquez ça sur votre nez, ça arrêtera le saignement. De toute façon, vous n'en mourrez pas. » la rassura-t-il avec un sourire. Autrement, les Réprouvés seraient une race éteinte depuis bien longtemps. « Quoi ? » aboya-t-il en surprenant le petit air complaisant de son colocataire. « Rien. Je me faisais juste la réflexion que je crois que notre Lenore ici présente est une Démone. Je suis agréablement surpris de ton ouverture d'esprit. » Aussitôt, Zeryel braqua ses prunelles ambrées sur la blonde. Il la détailla et leva les yeux au ciel. « Même si c'est vrai, je ne vais pas l'égorger sur place comme un poulet. Et puis à Stenfek, j'ai connu mon lot de Démons avec les Réprouvés dans leurs mauvais jours, à commencer par mes propres parents. » rétorqua-t-il sombrement. « Et sinon, qu'est-ce qu'il s'est passé pour qu'on se retrouve à s'enfuir comme des voleurs ? Qu'est-ce que vous avez fabriqué tous les deux ? » Lorcán haussa les épaules et se plongea dans l'admiration de ses ongles pour vérifier qu'aucun ne s'était fendu pendant leurs mésaventures. « On s'amusait juste. Je sais que tu ne connais pas le concept mais tu devrais essayer, ça te détendrait. » Un muscle palpita sur la mâchoire de Zeryel. « Fous-moi la paix. » « C'est plutôt moi qui devrait dire ça. » susurra l'Alfar sur un ton sucré sans rien perdre de son hostilité croissante. Parfois, il avait simplement envie que l'Ange s'étouffe afin de le regarder mourir lentement et douloureusement.

Message V | 790 mots
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Seiji Nao
Mer 24 Avr 2024, 13:32





Abritée derrière les tonneaux, Lenore se réjouissait de sa stratégie. Couplée à la bêtise des villageois, c’était une franche réussite ; qu’ils en eussent conscience ou non, elle les avait brillamment tirés d’affaire. Habituée à l’ingratitude de ses congénères, elle ne s’attendait pas à des remerciements, et l’interaction qui suivit lui parut sensiblement plus intéressante. Engagés dans une joute qui semblait habituelle, le blanc et le violet ne lui prêtaient guère d’attention, trop occupés à s’étriper verbalement. Devant la tension qui grimpait en flèche, les pulsions de la Démone s’éveillaient. Sa main droite retomba contre son flanc, caressant l’acier qui dormait sous le cuir. Allaient-ils finir par se sauter à la gorge ?

Hélas, incommodé par les effluves paysannes que dégageait leur refuge, Lorcán doucha ses espoirs. Un grognement dans la gorge, elle sortit à son tour de la cachette. De mauvais poil, elle observa l’Ange déchirer son haut. Il lui fallut un instant pour se rappeler du sang qui lui coulait sur la bouche.

« C’est très… Euh… Merci. »

Acceptant le mouchoir improvisé, elle le tamponna contre son nez. Mue par la curiosité, sa langue vint lécher le bord de ses lèvres. Déçue, elle fit la moue : le goût revenait toujours à mordre dans une fourchette. Adolescente, elle avait entrepris un grand classement, se demandant si la saveur du sang changeait selon les jours et selon les individus, et avait découvert que tout se ressemblait. En conclusion, ou les Vampires vivaient dans l’illusion, ou ils souffraient de sévères déformations gustatives.

« Je pensais que la princesse préférait les femmes, mais vous formez un joli couple. »

Sans doute pourraient-ils former les héros d’une de ces romances tragiques et passionnelles où l’amour se trouvait toujours contrarié, que sa sœur collectionnait. Lenore les lui empruntait quelquefois, les feuilletant d’un air ennuyé ; les trahisons seules attisaient son intérêt, mais la flamme mourait bien souvent lors des retrouvailles.

« Vous avez trouvé ça tout seul ? Vous ne cessez de m’impressionner. »

Si l’ascendance de la blonde ne se lisait guère sur ses traits, elle lui semblait l’évidence même. Que l’oisillon appartînt à la race céleste ne lui faisait ni chaud ni froid. Si ses aînés répétaient qu’il fallait les corrompre par tous les moyens, ou les éliminer à la première occasion, elle s’en moquait éperdument. Le symbiote, en revanche, ne partageait pas son indifférence. Son œil s’ouvrit sur un orange soupçonneux.

« Vous m’avez promis une barbe-à-papa. Il serait peut-être temps d’y aller. J’ai vu une source par là-bas, on pourra nettoyer votre… »

La jeune femme interrompit sa tirade. Pas le moins du monde attendrie par sa découverte, elle ricana.

« Et dire que vous allez jusqu’à porter les mêmes habits. Comme c’est touchant ! »

Cependant, une deuxième idée nettement plus inquiétante fit chemin dans son esprit. Leur adressant une œillade méfiante, elle les dévisagea à tour de rôle. Si son intuition s’avérait, il lui faudrait trouver une poêle en fonte de toute urgence : il n’existait pas de technique plus efficace pour les exorcismes.

« À moins que vous ne fassiez partie d’une sorte de secte ? Je vous préviens, je n’adhère pas au fanatisme et à toutes ces conneries. »

De ses jeunes années, Lenore avait retiré la leçon suivante : il ne fallait compter sur personne pour vous sauver les miches. Vénérer à l’extrême une créature, qu’elle fût divine ou mortelle, c’était se tirer une balle dans le pied sur l’échelle de la survie. Quelque part dans sa cervelle de moineau, un neurone s’indignait vaguement, lui rappelant d’une voix faible que l’Oeil comptait parmi les divinités.

« Bon, je crois que c’est par là. Je n’ai pas tellement le sens de l’orientation, mais quand je découvre un endroit, ma mémoire tourne à plein régime. »

La Démone livra à ses interlocuteurs un sourire maladroitement empreint de fierté et de crocs d’une taille plus conséquente que la moyenne. Au tournant d’une rue, elle repéra le chapiteau rouge et blanc qui marquait le centre de la fête. Hélas, elle n’avait pu s’y rendre. Lorsqu’elle avait montré le vide de ses poches, le guichetier l’avait chassée à coups de pieds, vociférant que les miséreux n’avaient pas leur place dans le public.

« Vous avez déjà assisté au spectacle de magie ? Il paraît que c’est bien fait, mais mon frère dit toujours que les prestidigitateurs ne sont rien de plus que des arnaqueurs. »

Un avis qu’elle partageait, contrariée par le traitement qu’elle avait reçu. Elle gardait d’ailleurs sa vengeance en vue. Aux environs, les torches ne manquaient pas, et d’après une estimation savante, la toile prenait feu comme du petit bois.

Apercevant l’oisillon folâtrer devant eux, occupé par la contemplation d’un éventaire de sucette, la jeune femme recula, se rapprochant du violet. Si elle ne pouvait pas jouer les pyromanes tout de suite, elle comptait bien profiter de toutes les opportunités que la soirée offrait, et la gâcher au plus grand nombre.

« Dites… Votre ami l’emplumé, là… Vous auriez quelque chose à me confier à son sujet ? Quelque chose d’intime ? J’ai envie de m’amuser un peu, et je me demande si l’Au-Delà n’aurait pas un message pour lui. »

L’oreille dressée, Lenore attendit la réponse du charmeur, espérant qu’il se ferait à nouveau complice de ses farces. La solitude ne lui pesait pas particulièrement, mais être tombée sur un camarade de jeu à l’esprit aussi malicieux égayait sa journée.

887 mots | Post VII

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Jeu 25 Avr 2024, 17:07

Le dessous des cartes | Lorcán U392
Le dessous des cartes
Lenore & Lorcán



Rendu de mauvais poil par la présence de son camarade trop angélique à son goût, Lorcán adressa une œillade agacée sur Lenore, transférant son humeur sur celle à la langue trop pendue. À être trop perfides et nombreuses, ses piques perdaient en sel, d'autant plus qu'elle semblait avoir la cervelle trouée comme une éponge à deviner des choses là où il n'y en avait pas. S'il devait advenir un jour où il s'acoquinerait un jour avec cette engeance, ce serait avec un motif ultérieur avec, pour conclusion, un Ange malheureux et idéalement, mort. « Épargnez-nous vos affabulations de voyante à deux sous car je ne vous en donnerai pas un de plus, surtout si c'est pour me prédire une quelconque romance avec ce crétin. » Pour une fois d'accord avec son colocataire, Zeryel approuva farouchement ses dires d'un hochement sec de la tête.

« On ne fait pas partie d'une secte. On vient de Basphel. » ajouta l'Ange afin d'éliminer toutes les suppositions qui germaient dans la tête de la Démone comme de la mauvaise herbe. À imaginer tant de fables, la femme devait être folle, estima-t-il, décidant dans le même temps de ne plus prendre ombrage de ses propos. « C'est pour ça qu'on porte les mêmes vêtements, c'est notre uniforme. D'ailleurs, on devrait y retourner, Lorcán. » Il lui jeta un regard lourd de sous-entendus, à défaut de maîtriser les talents de la communication mentale, pour lui signifier que plus tôt ils prenaient congé de la Démone farfelue, mieux ce serait. Cela ne faisait pas quelques minutes qu'il les avait croisés et déjà, ils avaient dû fuir des hommes et femmes en colère, ce n'était pas le genre de choses que l'Ange voulait voir affiché sur son dossier scolaire. Les maléfiques étaient décidément d'une influence terriblement néfaste, cette théorie ne cessait de se vérifier auprès d'eux.

« Non. » répondirent-ils en cœur. Les sourcils de Zeryel se froncèrent. Il désapprouvait toute forme de charlatanisme. D'où il venait, la magie était plus tolérée qu'ailleurs, mais restait un outil qui ne devait pas être pris à la légère, et encore moins utilisée pour arnaquer les plus crédules. Il n'était cependant pas étonné que les deux soient tentés par une telle mascarade. « Lorcán, ne perdons pas de temps avec un spectacle de magie, allons-y. » insista-t-il. « Surtout si les villageois en ont après vous. Ça vaut mieux qu'on s'en aille. » « Tu as peur ? » répliqua Lorcán, qui préférait ne pas admettre rejoindre l'avis du joueur de Puffball. Il imaginait mal un spectacle de magie l'impressionner véritablement dans une telle foire, ça risquait de lui donner envie de vomir. Les lèvres pincées, Zeryel le foudroya du regard. « Tu sais bien que non. Oh et puis peu importe. » Avec l'air de quelqu'un qui espère voir ses prévisions se réaliser, l'Ange s'éloigna de quelques pas, désireux de ne pas être associé avec ces odieux compagnons. Il regrettait de ne pas faire cette sortie avec Claer, ou Marie-Jane, ou Alcide, ou n'importe qui d'autre.  

Lorcán l'ignora et baissa les yeux sur la blonde. « Sur Zeryel ? Des trucs intimes ? C'est audacieux d'imaginer qu'il puisse vivre quoi que ce soit d'intime. » s'esclaffa-t-il en calant ses mains sur ses hanches. « Parfois, je me demande si ce n'est pas sa virginité le vrai problème. Qu'il soit un Ange en est un, et significatif, c'est vrai, mais le garçon a été élevé par des Réprouvés comme il l'a avoué plus tôt, alors on pourrait espérer de sa part plus de... » Il s'interrompit, à la recherche du terme adéquat, entre intensité et substance. « ... caractère. » acheva-t-il. « Si vous vouliez vraiment vous amuser, vous essaieriez de le séduire. Qui sait, peut-être avez-vous là plus de talents que dans la lecture de l'avenir des uns et des autres. Et n'allez pas me faire entendre qu'il n'est pas dans votre nature de tenter un Ange quand il se présente sous votre nez. Sa réaction sera très certainement à graver dans les annales de l'histoire. Il risque de rivaliser en couleur avec les coquelicots. C'est à voir au moins une fois dans sa vie. »

Sentant les faisceaux jumeaux de l'attention sur sa nuque, Zeryel les regarda avec suspicion. « Qu'est-ce que vous complotez encore ? » grinça-t-il entre ses dents. « Mais rien du tout. » fit Lorcán en déployant son expression la plus candide. Pas berné le moins du monde après ces derniers mois à supporter l'Alfar, le faux blond plissa les yeux. « Lenore me confiait qu'elle avait toujours eu un faible pour les Réprouvés. » « C'est super pour elle, mais je n'en suis pas un. » répondit Zeryel avec autant de sérieux que de fermeté, totalement hermétique au ton joueur employé par Lorcán. « C'est tout comme, ne joue pas sur les races. »


Message VII | 847 mots

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