Les ailes de l'oiseau blanc
Thésée & Eiko

Bamboochi - Luke Chu

Eiko adorait faire de la pâte à sel. Lorsqu’elle était à la maison, elle en faisait régulièrement. Elle s’entraînait dur pour modeler à sa guise, des décorations en tout genre. Elle avait déjà réalisé des perles ainsi, ou encore des broches et des barrettes à cheveux. C’était un peu lourd, alors ça lui servait davantage de décoration que de bijoux ou d’accessoire. Se trouver installée à l’atelier lui donnait un peu la même impression que lorsqu’elle se trouvait assise à la petite table du salon, en train de malaxer la mixture de farine et de sel. La sensation était cependant bien différente. Loin d’être aussi pâteuse qu’à ce dont était habituée l’artiste, l’étrange argile qu’elle manipulait était à la fois souple mais sèche. Elle s’étirait davantage qu’elle ne s’effritait. C’était agréable à travailler, quoi que plus complexe qu’une simple pâte à sel.

Depuis qu’elle s’était assise à l’atelier, la petite Orine s’était mise à créer une figure étonnante. Elle ne réfléchissait pas réellement à ce qu’elle faisait, se laissant plus guider par son instinct. Elle n’avait pas d’idée précise de ce qu’elle voulait faire, alors il n’y avait pas de contrainte. La seule consigne était de prendre plaisir, et de donner vie au Dakao qui passait par là. Le simple fait de savoir qu’elle offrirait le résultat de son labeur à Aurel l’enthousiasmait.

« Mmh… » fit la brunette en penchant légèrement la tête sur le côté. Puis elle releva la tête sur la silhouette de son voisin. C’était un grand, mais il avait l’air un peu plus jeune que Bae. Elle ne le connaissait pas. « Tu es un ange ? » demanda-t-elle. « Est-ce que tu peux me montrer tes ailes, pour que je puisse les copier s’il te plait ? » Elle avait demandé poliment, avec le mot magique, alors elle espérait qu’il dirait oui. « Mon Sūrya il a des ailes lui aussi, tu sais ? Mais c’est pas un ange lui. C’est un Humain. » Ou bien un Anmain. C’était comme ça qu’Ihsan s’appelait : un Humain avec des ailes. Alors c’était ce que devait être Aurel aussi. Parfois, elle était jalouse de ne pas pouvoir être tout à fait comme eux. « Comment c’est, de voler dans le ciel ? » interrogea-t-elle. « Est-ce que tu as l’impression d’être un oiseau ? » continua-t-elle, délaissant temporairement sa statue d’argile pour s’intéresser à son voisin. « Est-ce que ça veut dire que ta maison elle est aussi douillette qu’un un nid ? Avec ma maman, on a construit une cabane à oiseau, pour qu’ils puissent y faire leur nid, mais il n’y en a pas encore… » avoua-t-elle avec une moue déçue. Son regard tomba alors sur le travail de l’ailé. « Qu’est ce que tu fais toi ? » interrogea-t-elle en se penchant tout à fait sur lui pour mieux observer ce qu’il tenait entre les mains.

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Les ailes de l'oiseau blanc
Thésée & Eiko

Bamboochi - Luke Chu

« Oui, je suis une Orine. » avait calmement répondu l’enfant avant d’exprimer sa requête. Lorsqu’elle vit le garçon matérialiser ses deux longues ailes, son regard s’agrandit de curiosité et d’émerveillement. « Mmh… mon Sūrya c’est… Mmh… » Sa mine s’était contractée sous la concentration. Elle ne savait jamais comment définir Aurel et ce qu’il représentait pour elle, autrement que par le surnom qu’elle lui avait donné et qui, pour elle, résumait tout ce qui les unissait. « C’est mon ami. » finit-elle par dire à contre cœur. C’est ce que sa maman lui avait expliqué de dire, si on lui posait la question. « Pour de vrai ? Je veux bien s’il te plait ! » s’enthousiasma l’Orine. Elle tendit une main et caressa doucement le nuage de plumes. Elle laissa un rire clair lui échapper. « C’est tout doux ! » commenta-t-elle avec joie. Elle repassa sa main quelques fois sur le plumage, prenant soin de rester délicate pour ne pas lui faire mal. Même si l’Ange lui avait assurer qu’il ne risquait rien, le fait d’avoir eu besoin de le préciser la rendait instinctivement plus précautionneuse. « Merciii ! » fanfaronna-t-elle tout en retirant sa main.

Eiko pencha légèrement la tête sur le côté pour observer la moulure de son voisin. Représenter des notions plutôt que des aspects concrets lui paraissait à la fois complexe et inné. Car il suffisait d’une simple étincelle pour déclencher l’artifice de son imagination, et elle pouvait discerner dans une silhouette tout un univers, inventer une légende derrière un simple coup de pinceau ou le vers d’un poème. Mais ces divagations ne faisaient que refléter sa richesse intérieure. Elle rendait plus ardue de comprendre ce que l’artiste désirait véritablement transmettre. La fillette faisait des efforts, parfois, pour ne pas se laisser emporter par l’élan de son Dakao. « Je m’appelle Eiko ! » répondit-elle avant de pointer une direction vague. « Oui, ma maman est là-bas. Quant à mon papa… Je ne crois pas qu’il soit venu. » La petite fille tendit le cou, comme pour essayer d’apercevoir la silhouette du kimono de Papa Jun. Elle fit la moue en constatant qu’il n’avait pas l’air d’être dans les parages. « Je crois qu’il est occupé. C’est un professeur, tu sais ? Il va apprendre à tout plein de gens intelligents comment faire des mochis ! C’est mon dessert favori, même que ! Est-ce que tu aimes bien les mochis, toi aussi ? » demanda la Hanatsu à Thésée.

« J’aime bien ta sculpture. » déclara soudainement la jeune Orine en reportant son attention sur la création du blanc. Elle glissa un regard vers sa propre œuvre d’art. ça n’était pas très réussi, principalement parce qu’elle s’égarait dans tous les sens, mais aussi parce qu’elle manquait d’agilité et de finesse, la maladresse de l’enfance l’habitait encore. Malgré tout, cela ne l’empêchait pas d’être fière de son travail. Usant de sa presque-pâte-à-sel, l’apprentie sculptrice s’essaya à reproduire l’aile de l’ange. « Est-ce que tu veux bien qu’on soit amis, à partir de maintenant ? » proposa-t-elle naturellement. Il n’en fallait pas plus, dans l’innocence de l’enfance, pour s’attacher aux inconnus. « On pourrait s’écrire des lettres, pour se donner des nouvelles. Et puis des dessins aussi ! » s’enflamma-t-elle. « Est-ce que tu as beaucoup de copains ? » interrogea-t-elle innocemment.

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