La Princesse gnangnan des morues

Musique

Les mains dans les poches, Læn attendait devant la porte d’un bar un peu particulier. L’endroit était plongé dans le noir et les serveurs – des Vampires – s’occupaient des clients sans encombre. Ils les guidaient poliment vers les différentes tables et leur servaient ensuite des cocktails qui avaient la particularité de briller dans la nuit. L’intérieur était donc fait de ténèbres et de fluorescence arc-en-ciel. Il l’avait trouvé le premier jour et il s’était dit qu’il aimerait y aller. Il avait réuni ce désir avec son rendez-vous avec Susannah. Il se doutait que ce n’était pas un rancard mais peut-être qu’il espérait pouvoir véritablement enterrer la hache de guerre. Il n’y croyait pas trop mais, dans le doute, il avait fait l’effort de mettre une chemise. Il ne l’avait néanmoins pas rentrée dans son pantalon. Il ne fallait pas trop pousser. Il avait aussi remonté les manches, ne supportant pas d’être serré au niveau des poignets. Adossé contre le mur, il attendait en envisageant la possibilité qu’elle lui posât un lapin. Il imaginait d’ailleurs comment est-ce qu’il pourrait se venger le cas échéant. Parmi ces possibilités, une histoire d’amour entre une paire de ciseaux et la chevelure de l’Ondine trouvait une place de choix. Un petit sourire satisfait réhaussa sa position, lui donnant des airs de mauvais garçon. Heureusement, il n’était pas habillé comme un voyou. Si tel avait été le cas, le stéréotype aurait été parfait. « Bon, elle fout quoi ? » se plaignit-il, entre ses dents. Si elle ne venait pas, il allait l’enfermer dans un casier et cracher dans le prochain plat qu’il lui servirait à la cafétéria. Lentement mais surement, ses pensées glissèrent vers Ammon. Il ne savait toujours pas pourquoi est-ce qu’il lui écrivait. Il avait l’air complètement perché. Cependant, à chaque fois qu’il se disait qu’il ne le ferait plus, l’envie finissait toujours par le saisir. Il ne se relisait jamais, ce qui signifiait que ses lettres étaient de véritables torchons, pleines de fautes d’orthographe. S’il s’était relu, ça n’aurait probablement pas changé grand-chose. Il n’en avait rien à foutre.

Il finit par bouger un peu. Devant la vitrine, il se regarda. « Mouais… » Il retira son élastique. Un chignon, ce serait peut-être mieux… À moins qu’il ne laissât ses cheveux détachés pour une fois ? Il fronça les sourcils. Qu’est-ce que ça pouvait bien faire ? Si elle n’était pas contente, il lui ferait bouffer tellement de gâteaux qu’elle exploserait.

409 mots

Le prince des grognons

☙ Madison Beer - Reckless

« Merci. » Un peu essoufflée, Susannah passa la porte qu'on avait ouvert pour elle. Clignant des yeux le temps d'ajuster sa vision à l'obscurité régnant dans le bar, elle essuya discrètement ses mains rendues moites par la nervosité sur le manteau suspendu à son bras. Et s'il n'était pas là ? Et s'il refusait sa proposition de paix ? Et s'il avait amené son groupe d'amis pour se moquer d'elle ? Un homme coupa court au torrent de doutes qui l'absorbait. « Prenez mon bras, je vais vous guider. » « Ah ! Merci beaucoup. Ce sera mieux en effet. » Incapable d'apercevoir ses propres pieds, elle était sûre de s'étaler tête la première dès la première tentative pour se déplacer par ses propres moyens dans l'étrange lieu. « Je dois retrouver quelqu'un et - Le voilà ! Merci ! » Elle se détacha du bras du serveur et s'avança jusqu'à la silhouette familière. Son estomac exécuta un looping lorsqu'il tourna la tête vers elle et elle sentit ses joues s'embraser. Bénissant les ténèbres qui devaient dissimuler cette réaction involontaire, ses yeux prirent la fuite vers sa chemise et bloquèrent dessus. C'était nouveau. Et insolite. Elle avait imaginé qu'il adopterait des vêtements plus confortables en dehors de l'uniforme. Non pas qu'elle l'imaginait beaucoup en dehors de son uniforme. Pas tant que ça. Elle se secoua et retrouva l'usage de sa langue. « Excuse-moi, je suis en retard. Je n'arrivais pas à trouver le bar. » Elle s'installa sur le haut tabouret à côté, se tortillant maladroitement pour ne pas basculer dans la manœuvre. Être petite avait ses inconvénients sur ce type d'assise. « Je n'osais pas demander mon chemin, les Vampires font un peu peur non ? Et si l'un d'entre eux m'avait emmenée dans une ruelle sombre au lieu d'ici ? » Un frisson d'effroi mêlé d'un soupçon d'excitation la parcourut. « Tu as déjà pris quelque chose ? Je ne sais pas trop quoi prendre, ils sont tous jolis... Excusez-moi, je vais prendre la même chose que lui s'il vous plaît ! »

Une bulle de silence s'installa et Susannah feignit d'admirer le décor singulier. Tout paraissait irréel. Qu'il soit là, qu'ils soient là, au beau milieu du peuple de la nuit à boire des cocktails luminescents. Elle lui jeta un coup d'oeil. « C'est, euh, c'est rare que tu laisses tes cheveux comme ça. » Bredouilla-t-elle en se retenant de se frapper le front sur le comptoir, de plus en plus convaincue que la douleur ferait partir cet insupportable sentiment de gêne. « Ils sont bleus en fait, c'est ça ? Ils ont l'air noir, souvent. » Un rire saccadé et peu naturel lui échappa bien qu'elle n'eut rien dit de drôle. Ni de pertinent. Elle n'était pas là pour des sujets capillaires. « Comment va Méduz ? C'est gentil de t'en occuper. J'aimerais bien qu'elle revienne mais elle ne veut pas. » Sa gorge se serra. Elle s'était attachée à sa silencieuse amie, s'était habituée au poids flasque sur sa tête. « Peut-être qu'elle a fait exprès pour qu'on fasse la paix ? Elle est maligne. » Plaisanta-t-elle.

550 mots

La Princesse gnangnan des morues

Musique

« Hum. C’pas grave. » Læn l’avait grommelé dans sa barbe. Une partie de lui avait envie de s’agacer contre elle, l’autre espérait que l’entrevue se passât bien. Il avait l’impression que ce serait vain, parce que la Sirène avait toujours été désagréable, mais le fait qu’elle s’excusât – chose totalement inédite – l’avait trop pris de court pour que sa colère éclatât. Pourtant, en l’attendant, il s’était imaginé plus d’une fois des scénarii de violence. Il nota ses mouvements et empêcha ses lèvres de s’étirer en sourire. C’est vrai qu’elle était minuscule. La prochaine fois – et il ne disait pas qu’il voulait qu’il y eût une prochaine fois – il l’inviterait dans un endroit où les tabourets seraient encore plus hauts, simplement pour assister encore au spectacle de ses tortillements. « Mouais… Pas sûr qu’ils aient envie de t’emmener dans une ruelle sombre. » articula-t-il. Les Vampires faisaient peur mais ils n’étaient pas les seuls. Il n’avait pas peur d’elle mais certains élèves si. Elle semblait pourtant réellement penser ce qu’elle disait, ce qui le laissait sur le cul. Susannah avait-elle une sœur jumelle aussi agréable que trouillarde ? « Je t’attendais. » Il n’allait pas commander sans elle. Il aurait pu mais quelque chose l’avait retenu. C’était sans doute la même chose qui lui faisait porter une chemise. Il trouvait ça nul et ça l’énervait. Il ne parlerait à personne de ce rendez-vous. C’était trop la honte.

« Ah ? » demanda-t-il. Regardait-elle souvent la façon dont il était coiffé ? Ses doigts trouvèrent refuge dans sa tignasse. Il frotta son crâne en pliant ses doigts, comme si une épidémie de poux était soudainement apparue là et le démangeait. Pourquoi lui disait-elle ce genre de choses ? Il tenta de regarder à droite et à gauche, des fois que Susannah eût ramené cette grognasse de Lana ou n’importe quelle pimbêche de Basphel. « Ah ouais… je suppose. » Il connaissait la couleur de ses cheveux mais elle était tellement bizarre qu’il ne savait plus quoi répondre. Si elle lui demandait de les toucher, il risquait de faire une syncope ou de lui envoyer son poing dans le nez par réflexe. « Méduz ! Oui Méduz. » Bonne idée. « Je m’en occupe pas tant que ça… Elle est débrouillarde. Par contre, elle a tendance à se mettre sur ma tête… Elle faisait ça avec toi aussi ? » Il ne comprenait toujours pas pourquoi l’animal avait trouvé refuge chez lui. Qu’il quittât Susannah était compréhensible, mais il n’était pas un modèle de calme non plus. « Pourquoi elle ne veut pas ? » L’obscurité devait le tromper. Il n’y avait que ça. La Princesse des Morues ne pouvait pas être triste. « Quoi ? » Il laissa le silence s’installer et baissa la tête pour attraper la paille de son cocktail avec ses lèvres. Qu’est-ce qu’il foutait ici ? C’était sûr que c’était un traquenard. « Hum… Tu veux vraiment te réconcilier ou tu fais semblant ? Je te trouve différente de d’habitude… » Il risquait de passer pour un con en disant ça à voix haute. Il aurait mieux fait de se barrer mais la même chose que pour la chemise et la commande le maintenait sur place. « Pourquoi est-ce que tu veux qu’on se réconcilie ? C’est surtout qu’on a jamais été amis. Tu m’as fait chier dès le premier jour. »

564 mots

Le prince des grognons en chemise

☙ Bahari - California

Interdite, Susannah se repassait son commentaire en tête pour y donner une signification. Qu'avait-il voulu dire ? Que son sang avait trop mauvais goût pour que les Vampires veuillent bien d'elle ? Qu'elle n'était pas assez jolie ? Est-ce que les Vampires étaient regardants sur la beauté de leur proie ? Ou parce qu'elle était trop grosse ? Ses doigts se resserrèrent près de ses cuisses. Elle avait commencé un régime avant de partir pour Seaghdha mais les effets restaient invisibles pour le moment. Le choc ne s'était même pas produit face au miroir, mais en ouvrant son tiroir à sucreries, si rempli qu'il devenait difficile de l'ouvrir, et impossible à fermer. Par conséquent, elle avait été forcée de manger quelques gâteaux pour réussir à le refermer. C'était le dernier, s'était-elle promis. Le tiroir avait été verrouillé par un cadenas dont la clé avait terminé dans les toilettes.

« C'est vrai, elle est très autonome ! » Approuva-t-elle fièrement, comme si elle l'avait éduquée elle-même. « Oui très souvent, c'est son endroit préféré. Je suppose que ça lui permet d'avoir une vue d'ensemble sans avoir besoin de faire d'efforts. Ce doit être encore mieux avec toi vu comme tu es grand. » Elle tâcha d'imaginer Johannês se promener avec Méduz sur la tête et réprima un sourire. Ça lui donnait un côté attendrissant inattendu. Elle se ressaisit juste alors que cette pensée lui traversait l'esprit. « Je ne sais pas. » Marmotta-t-elle. Si elle savait, elle aurait tenté de corriger le problème pour que la méduse revint.

« Je ne fais pas semblant ! » S'écria-t-elle, un peu trop fort. Ses lèvres se pincèrent et elle continua plus doucement. « Oui, on me le dit beaucoup dernièrement. Différente en mieux selon toi ? Car les avis sont partagés autour de moi, surtout mon département. » Ses doigts s'entortillèrent autour d'une mèche et son nez se fronça en repensant aux traitements quotidiens des étudiants de l'Obsidienne. Leurs airs narquois et leurs remarques blessantes assombrissaient ses journées et elle tâchait de les éviter et de faire profil bas quand ils étaient dans les parages. Est-ce que Johannês aussi allait dire qu'elle puait la niaiserie et que sa gentillesse lui donnait des boutons ?

« Tu n'as pas été sympa dès le début non plus. » Protesta-t-elle en retour. « Toujours à me menacer de me jeter dans la poubelle ou à m'appeler morue. Parfois, tu avais même l'air d'être sur le point de me frapper. D'ailleurs, tu as déjà frappé une autre fille, non ? J'en ai entendu parler. » La méfiance assombrit ses yeux et elle se recula imperceptiblement, autant que son siège le permettait. « Tu ne vas pas me frapper, hein ? Ce n'est pas pour ça que tu as accepté de venir, j'espère ? » Et si c'était ça ? Juste pour mettre ses menaces à exécution ? Non. Ses vêtements ne collaient pas avec cette théorie. Elle soupira et s'amusa à remuer les pétales de fleurs flottant à la surface de sa boisson avec sa paille. « Je veux juste passer un bon moment à Basphel et je trouve dommage de s'y faire des ennemis. Je ne te demande pas d'être mon ami, même si je suis sûre qu'on pourrait réussir à bien s'entendre. Mais tu pourrais m'appeler par mon prénom, pour commencer, et me dire bonjour quand on se croise. » Sourit-elle avant de se pencher pour goûter au cocktail, ses pieds traçant des spirales dans le vide. « Et Méduz me manque. Si tu acceptais de passer du temps ensemble, ça me permettrait de la voir un peu. Je peux comprendre si ça t'embêtes et que tu n'as pas le temps. Je ne veux pas trop déranger. S'il y a quoi que ce soit que tu veux en échange, dis-moi. C'est la moindre des choses. »

664 mots

La Princesse gnangnan des morues

Musique

Une vue d’ensemble ? Læn sourit. Depuis la tête de Susannah, la notion de vue d’ensemble était légèrement extrapolée. Elle lui semblait si petite que, depuis le sommet de sa tête, Méduz devait surtout voir les poitrails des autres. Rien qu’à l'observer se tortiller sur sa chaise pour y grimper… C’en était comique. Peut-être qu’il devrait lui proposer de monter sur ses épaules un jour, pour qu’elle constatât à quel point le monde était différent depuis les hauteurs. Ça le fit sourire sans qu’il ne s’en rendît vraiment compte. Surtout, il n’était même pas sûr de pouvoir porter la Sirène ainsi. « Hum… » Devait-il répondre ? Il pencha sur un oui franc. Si elle faisait semblant d’être gentille, ça lui ferait les pieds à cette sale morue. « Tu me demandes si je te préfère aimable ou grossière, la réponse est assez évidente, nan ? Personne n’aime les grognasses à part les masochistes et les scientifiques. À la limite, si t’as envie d’intéresser les Sorciers, ça peut p’t’être marcher… et encore. Ça passe plus de temps à se tirer mutuellement dans les pattes qu’à s’apprécier pour leurs caractères de merde ces trucs-là. » Il la regarda dans l’obscurité. « Je préfère les filles gentilles. » plaça-t-il, avant de réaliser qu’il n’aurait peut-être pas dû dire un truc pareil. « Les gens gentils en général. » précisa-t-il. Parce que s’il disait filles c’était franchement bizarre. Les filles étaient souvent des grognasses.

Lorsqu’elle parla de celle qu’il avait frappé, il plongea le nez dans son verre. « Elle avait cramé mon écharpe… » marmonna-t-il. Il n’était pas très fier. Il y avait toujours une grande différence dans sa tête entre le moment où il s’énervait et agissait et le moment où il réalisait. Il était juste d’une mauvaise foi hors de portée pour la plupart des autres étudiants. Il se roulait dedans entièrement. Il aurait peut-être pu régler le souci autrement mais il préférait penser que non, que c’était de la faute de la fille et qu’elle avait commencé ; comme Susannah. S’il lui avait voulu du mal, c’était à cause d’elle. Avec Blu, il n’avait jamais eu de problème. Le souci, c’était les connes comme Nel, Lana ou Susannah. L’injustice le mettait hors de lui, même s’il avait une notion bien à lui de la justice. « T’as peur de moi ? » demanda-t-il, surpris. Elle n’avait jamais eu peur de lui avant. Il soupira, méfiant. « Je ne vais pas te frapper… » Peut-être. Il n’en avait jamais vraiment l’intention avant de s’énerver. « Ouais… je peux faire ça. T’en as parlé à Lana ? Elle risque de se foutre de ta gueule. » Ses yeux louchèrent sur sa silhouette. Il la trouvait mignonne avec son embonpoint. Il préférait les filles vivantes à celles qui se privaient pour d’obscures raisons. Cependant, paradoxalement, il était le premier à la traiter de gros tas. S’il avait été logique, ça se serait su. « En échange ? » Il sourit mais avala tout de suite après de travers. Pourquoi est-ce que la première chose qui lui avait traversé l’esprit était de voir ses seins ? « Désolé… ce truc, c’est vraiment trop sucré. » mentit-il. C’était sucré mais supportable. « T’as qu’à… je ne sais pas… Quand on se voit, t’as qu’à faire un gâteau. Tu sais cuisiner nan ? Ou c’est un truc que les Sirènes ne font pas ? De toute façon, même si tu ne sais pas, ça te donnera l’occasion d’apprendre. Je pourrais te montrer mais il faudrait une autre compensation… » Il dévoila ses dents, soudainement amusé par la situation. « Et attention, c’est pas un rencard. Surtout que je crois que t’as quelqu’un nan ? Je veux dire… un nouveau, après Titouan ? » Il n’en était pas sûr. Il préférait éviter de se renseigner en temps normal. Pourtant, les rumeurs sur Susannah ne cessaient de lui revenir aux oreilles. « J’ai cru comprendre que quelqu’un t’intéressait… » Il inspira et souffla dans sa paille avec un air de délinquant. Ça fit des bulles dans sa boisson.

655 mots

Le prince des grognons en chemise

☙ Bahari - Gameboy

Susannah se sentit rougir. Comment ça « grognasse » ? Est-ce qu'il n'exagérait pas légèrement ? Quand elle y songeait, le passé lui apparaissait aussi trouble que la surface d'un lac criblé de gouttes de pluie. Certains actes qu'on lui avait rapportés réveillaient des souvenirs qui semblaient appartenir à une autre vie tant il lui paraissait improbable d'en être l'odieuse autrice.

« Je n'ai pas peur. Seulement... Tu fais de la boxe, non ? » Pourquoi avait-elle connaissance de tous ces détails ? Il allait se faire de fausses idées. Il était naturel de s'informer sur quelqu'un qui voulait autant la jeter dans une poubelle après tout. Rien à voir avec d'éventuels fantasmes oniriques que son inconscient lui suggérait pour lui rendre la vie à Basphel impossible. Heureusement, il lui semblait qu'elle se trouvait exceptionnellement douée à ne pas révéler ce que la simple proximité de Johannês pouvait éveiller. En cela, elle pouvait remercier son sexe qui ne la trahirait pas, là où les garçons ne pouvaient mentir à leur entourage. « Ça risque d'être douloureux si tu me frappes. Je préférerais que tu évites, surtout avant le bal. J'essaierai de ne pas trop être une grognasse et de ne pas brûler tes vêtements, ce serait dommage d'abîmer une aussi jolie chemise. » Lâcha-t-elle d'un ton à la fois acide et malicieux tout en taisant sa voix intérieure qui lui soufflait qu'il serait tout aussi bien sans rien sur le dos. Elle se gifla mentalement.

« Lana ? Si, sûrement. Mais bon, c'est dans sa nature de se moquer. Je ne fais plus attention à force. Je ne crois pas qu'elle sache communiquer autrement. » Et encore, la blanche savait se tenir. Mais entre elles, la Sirène ne dissimulait rien de l'ampleur du mépris que le reste du monde lui inspirait. S'ils savaient ne serait-ce que la moitié des confidences que Lana avait pu lui faire, toutes les méchancetés qui souillaient ses jolies lèvres, ils en auraient les cheveux dressés sur la tête.

« Je n'ai jamais rien cuisiné. » Confirma-t-elle, masquant sa gêne dans son verre. À son tour, elle avala de travers et se mit à tousser, un poing plaqué sur sa bouche. « Je n'ai jamais cru que ce serait un rencard ! Quelle drôle d'idée ! » Même à ses propres oreilles, son rire sonna bête et forcé. Elle eut envie de disparaître. « Oui. Un peu. Enfin, pas tellement. Il n'y a rien. Je ne crois pas que... » Ses bafouillements s'éteignirent progressivement. « On partage juste des en-cas. » Ou, plus exactement, il lui prenait ses goûters. Elle ne protestait jamais. En fait, elle les lui offrait de bon coeur, heureuse de voir les yeux de l'Envieux s'illuminer à la vue de ses paniers garnis. Elle aurait aimé qu'il la regarde avec la même passion, mais elle n'était pas la seule à lui apporter à manger. Le joueur de Vol-Volley avait sa petite cour d'adoratrices et Susannah détestait chacune d'entre elles.

« Enfin bref... » Marmonna-t-elle, le regard fuyant. « C'est juste comme amis. » Affirma-t-elle. « Et si ça ne plaît pas à Lana, eh bien, elle n'a pas à le savoir. Il suffira qu'on soit amis en secret. On se donnerait rendez-vous sans qu'elle le sache, ce serait amusant, non ? » À cette idée, Susannah frétillait d'enthousiasme sur son tabouret. « Plutôt que de t'intoxiquer en te faisant des gâteaux immangeables, je peux t'apprendrai à nager ! On m'a demandé à l'école si je pouvais assurer la surveillance de la piscine de temps en temps alors je vais y être souvent. Avec moi comme coach, tu deviendrais rapidement le meilleur nageur de Basphel, Ondins mis à part. Ou alors, on ferait nos devoirs ensemble, il y a des matières où tu as du mal ? » Susannah connaissait déjà la réponse. Il ne brillait pas par ses résultats, mais elle était trop polie pour le souligner.

675 mots

La Princesse gnangnan des morues

Musique

Læn faillit lui dire qu’elle avait assez de gras pour amortir ses coups mais se retint. Il le lui enverrait à la face plus tard, lorsqu’elle arrêterait d’être plus ou moins sympa. Peut-être avait-il envie de sauvegarder la paix qui semblait s’être installée entre eux. Pour combien de temps ? Il l’ignorait et se tenait prêt à reprendre la guerre à tout moment. Quand elle parla de Lana, il haussa un sourcil. Plus les minutes passaient, plus il se disait que quelque chose ne tournait pas rond chez elle. Ce qu’elle avançait sur la sœur d’Adriæn était valable pour elle. Les deux étaient aussi grognasses l’une que l’autre. Certains élèves tentaient de leur trouver des excuses mais ce n’était pas son cas à lui. Si la blanche n’avait pas été la sœur de son pote, il lui aurait déjà envoyé la face contre un mur. Avec Susannah, c’était un peu différent. Elle n’était la sœur de personne. Elle avait simplement le chic pour venir l’emmerder quand il ne pouvait pas répondre sans risquer de se faire virer de son travail. Elle passait sa vie à manger. Elle aurait pu aller dans une autre cafétaria, là où il n’était pas, mais non ! Il trouvait ça louche, comme le fait qu’elle s’étouffât avec sa boisson.

« Ah ouais… un partage d’en-cas. » fit-il, en remarquant que sa voix sonnait salée. Il se renfrogna. C’était son changement de comportement qui le troublait, voilà tout. « En secret ? » Est-ce qu’il avait une tête à avoir des secrets ? Bon… peut-être qu’il en avait quelques-uns. Il ne parlait pas de ce qu’il faisait avec Blu. C’était leur histoire à eux. Adriæn posait souvent des questions mais il trouvait toujours un moyen de ne pas répondre. Quand l’Ondin le poussait trop dans ses retranchements, il finissait par s’énerver et claquer la porte. « Ouais enfin… amusant, c’est vite dit. Ça va surtout donner l’impression qu’on a des rencards. Le mec avec qui tu partages des en-cas risque d’être jaloux… » Tant mieux, ça lui ferait les pieds. « Mouais… Si j’avais envie de faire mes devoirs, je les ferais tout seul. » Il n’allait pas la voir en secret pour faire des trucs chiants qu’il ne faisait déjà pas en temps normal. « Et puis je sais déjà nager… Tu me prends pour un débile ou quoi ? » demanda-t-il, avant de se rappeler de ce qu’elle avait dit plus tôt. « D’ailleurs, ça m’étonne que tu n’aies jamais rien cuisiné avec tout ce que tu manges… Enfin bref… On peut se voir. Je ferai à manger et toi tu m’accompagneras à l’océan, comme t’avais promis. En plus, ce sera mieux pour Méduz. Faudra juste restés éloignés de la sauge… » Un sourire amusé passa sur ses lèvres. « D’ailleurs c’est drôle… je pensais que les non Ondins étaient nuls… Finalement, t’aimes bien les Gælyan, avoue. C’est depuis que t’as réussi à en embrasser un ou bien ? » De fil en aiguille, ses souvenirs se faisaient plus précis. Quand il l’avait vue la première fois, elle lui avait vaguement dit quelque chose. C’était Adriæn qui avait fait le lien entre Susannah et la gamine nue qui était venue lui demander de l’embrasser. Pour le reste, peut-être que le manque de lumière le rendait plus apte aux confidences et aux taquineries. « T’as toujours été une emmerdeuse en fait, en y réfléchissant bien. » laissa-t-il échapper, maintenant parfaitement détendu. Dire que, ce jour-là, il avait embrassé son pote. Il avait toujours évité soigneusement le sujet avec le concerné. Il commanda un autre verre.

594 mots

Le prince des grognons qui disait non

☙ Bahari - Gameboy

« Non. Je ne pense pas. » Répondit sombrement Susannah. L'envie n'était pas la jalousie. Melvyn ne se souciait pas d'autrui. Son péché le conduisait à ne s'occuper que de lui, et plus précisément ce qui lui plaisait et lui faisait envie à lui. À l'instar des Gourmands, il appréciait donc de bénéficier des sucreries que Susannah transportait sur elle, mais rien de plus de sa part ne paraissait l'intéresser. Peut-être devait-elle davantage marquer ses intentions ? Lui faire comprendre qu'elle n'avait pas que des muffins à lui offrir, lui donner envie autrement.

L'enthousiasme douché par les rebuffades cumulées de Johannês, Susannah fit une légère moue boudeuse et attrapa sa paille dans laquelle elle soupira. Sa boisson bouillonna de bulles qu'elle fixa, les sourcils froncés. Pourquoi remettait-il le sujet du rencard sur la table alors qu'elle l'avait déjà démenti ? Et était-ce si embarrassant que ça puisse donner cette impression ? Si c'était faux, qui s'en souciait ? Il ne lui avait jamais paru comme le type à se soucier du jugement des autres. Mais au fond, elle ne connaissait rien de lui. Rêver de quelqu'un ne donnait pas accès à sa personnalité. Puisqu'il ne voulait pas de ses suggestions, elle et ses mauvaises idées allaient quitter le bar et le laisser tout seul dans ce bar tout noir, songea-t-elle sans bouger d'un iota pour autant. « Tant pis. Oublie ça. Je proposerai à quelqu'un d'autre de faire des activités clandestines. Pour quelqu'un qui vient du Charbon, tu es drôlement... rigide. » Lâcha-t-elle d'un ton déçu. On lui avait vendu ces étudiants comme ceux qui s'épanouissaient en n'empruntant pas les chemins conventionnels. Ou peut-être, et son cœur se serra, ne voulait-il juste pas faire ça avec elle. Au fond, ils ne s'étaient jamais appréciés. On n'enterrait pas des années d'animosité avec un seul verre. Il devait préférer consacrer son temps à ses véritables amis.

Elle prêta une oreille maussade à la suite de ce qu'il dit et ses sourcils se froncèrent de nouveau, de réflexion cette fois. De quelle promesse parlait-il ? Quand avait-elle... Ses yeux s'arrondirent. En une fraction de seconde, elle revit la falaise bordant l'océan, la terre contre ses pieds nus, les coupures sur ses genoux sales, la veste chaude sur ses épaules et son propriétaire à l'air renfrogné. Son refus aussi. Humiliée, elle avait rejoint l'océan en se promettant de se venger un jour de l'affront. Le dos raidi par le souvenir et la nouvelle insulte, Susannah se redressa, les lèvres pincées. « Et toi, tu as toujours aimé me dire non, en y réfléchissant bien. » Jusque dans ses rêves, il rechignait à donner satisfaction. Il avait le don de la rendre folle. De rage par le passé. Aujourd'hui, elle ne savait pas trop de quoi mais l'idée de le faire tomber accidentellement de son tabouret la séduisait de plus en plus. Il y a quelques semaines, elle n'aurait pas hésité une seconde.

« Gælyan ou pas, au final, ça ne change pas grand chose. » Admit-elle finalement avant de lui décocher un clin d'oeil entendu. « Quand on ferme les yeux, ça revient au même, non ? Enfin, je suppose. Je n'ai jamais embrassé d'Ondin en fait. Peut-être que je devrais embrasser Ikar un jour, comme nous sommes Roi et Reine de cette île, j'ai cru comprendre qu'ils espéraient que plus tard on leur donnerait des héritiers ou quelque chose dans ce goût-là. » Elle fit la grimace. L'idée lui paraissait étrange mais tout ce qui touchait à Malyë l'était.

« J'ignorais que tu te souvenais de ça. Par contre, si ma mémoire ne me trompe pas, ma promesse ne tenait que si tu m'embrassais. » Objecta-t-elle avant de se tourner pour renouveler aussi sa commande. « Quand on y réfléchit bien, c'était un marché plutôt inégal. Un petit bisou de rien du tout contre ma protection pour traverser un Royaume dangereux pour les Gælyan. L'idée te répugnait tant que ça ? Pourtant, je ne me souviens pas avoir été si moche que ça quand j'étais enfant. » Elle n'était même pas encore enveloppée à l'époque.

Ses doigts s'enroulèrent autour du nouveau verre servi. La rondelle de pêche glacée de sucre fixée sur le rebord captura sa gourmandise et elle l'attrapa pour la fourrer dans sa bouche. Au diable son régime, les plaisirs coupables n'en étaient que plus délicieux. Elle s'apprêtait à boire quand elle marqua un arrêt. « C'est sans alcool, n'est-ce pas ? »

791 mots

La Princesse gnangnan des morues

Musique

Le coude de Læn était appuyé contre le bois de la table. Sa main sous son menton, il jetait quelques coups d’œil à Susannah de temps en temps. Avec qui allait-elle faire des activités clandestines ? Pourquoi voulait-elle en faire d’abord ? C’était suspect. Cependant, il préférait qu’elle en fît avec lui qu’avec un énième Titouan. Titouan, Melvyn… Kevin pendant qu’elle y était ! Il soupira. Il ne savait même pas pourquoi il pestait intérieurement. Si elle avait l’air sympathique aujourd’hui, il se méfiait toujours. Personne ne changeait si rapidement. Elle ne semblait même pas elle-même. Il songea à Blu. Peut-être qu’il pourrait lui parler de cette étrange expérience dès qu’il serait de retour à Basphel ? C’était peut-être une question d’hormones ? Peut-être qu’elle avait ses règles à chaque fois qu’ils s’étaient croisés par le passé ? En y réfléchissant, soit ses menstruations étaient très irrégulières, soit elles étaient maxi longues. À vue de nez, il penchait plus pour la deuxième solution. « Tu mérites pas que je te dise oui. » renchérit-il. Et il n’était pas rigide. Rigide… Pff n’importe quoi. C’était elle la rigide.

La suite de son discours le fit sortir de sa bulle de grognements intérieurs. Avait-il bien entendu ? Heureusement qu’il était assis. Ses yeux curieux se posèrent sur elle. Il grimaça néanmoins quand elle parla d’Ikar. « T’es vraiment une fille facile. T’embrasse tout ce qui passe maintenant ? » Il croisa les bras. Elle le soûlait avec ses histoires de baiser. « Faudra pas t’étonner de tomber que sur des connards. » Il sentait que la situation lui échappait. Il était sur une pente glissante et voyait déjà une éventuelle dispute. Le problème c’est que, même en la voyant, il n’arrivait jamais à s’arrêter. De fil en aiguille, il arrivait toujours à un point de non-retour. C’était comme un désir de tout gâcher pour que rien n’advînt jamais. C’était plus facile ainsi. Il ne supportait pas de s’ouvrir vraiment aux autres. Il avait du mal en permanence, même avec Adriæn parfois. Il trouvait les sentiments agaçants et tout ce qu’il arrivait à produire, la plupart du temps, c’était de la colère. « J’embrasse pas n’importe qui, moi. » Quand elle parla d’elle petite, il tiqua. Pensait-elle qu’elle était moche maintenant ? Le fait qu’elle pût le songer l’agaça. Qu’il la traitât de gros tas était une chose, qu’elle en fût elle-même convaincue en était une autre. Cette foutue empathie lui gâchait la vie. Il détourna les yeux et articula quelques mots dans sa barbe. « T’as jamais été moche. »

Lorsqu’elle parla d’alcool, un sourire étira les lèvres de l’élève du charbon. En vrai, il ne buvait presque jamais mais… « Bah alors ? Qui est rigide ici ? » Il ricana, en se pensant malin. « Je suis sûr que tu ne tiens pas cinq minutes contre moi si on boit… Tu vas rouler par terre comme une tomate. » Il fit signe au serveur de revenir et commanda de l’alcool cette fois, plusieurs petits verres fortement dosés. « Les Sirènes aussi peuvent être des grosses poules mouillées. » Il prit un verre et le but d’une traite. « Je te force pas. Tu peux rester avec ton jus de fruits pour bébé. » Il ne savait pas trop ce qu’il faisait mais il le faisait quand même. Il la détailla. Non, c’est sûr qu’elle était loin d’être moche. « Si t’en bois plus que moi, t’auras qu’à me donner un gage. Mais aujourd’hui, pas demain. J’aimerais profiter du fait que tu sois sympa pour une fois. » Il ne comprenait toujours pas ce changement d’attitude mais tant pis, il en chercherait la raison plus tard. « Par contre si t'arrêtes la première, c'est moi qui te donne le gage... d'accord ?  »

611 mots

Le prince des grognons qui disait non

☙ Dominic Fike - Sick

« Non, ce n'est pas... » Le reste de sa faible protestation se perdit dans le claquement irrévocable des minuscules verres face à eux. Est-ce que c'était une bonne idée ? C'était si petit, ça ne pouvait pas faire tant de mal. En une gorgée, c'était réglé. Elle en inspecta un. Ils étaient presque mignons ces petits verres. Rien de dangereux. « D'accord. Mais j'accepte surtout pour te prouver que je ne suis ni une poule mouillée, ni une tomate, ni une fille facile - En fait, tu ne fais que m'insulter ! » Sauf quand il lui disait à mi- mots qu'elle était jolie, la laissant coite et à peu de choses de dégringoler du haut de son tabouret. Il n'avait pas le droit de lâcher ça au beau milieu du torrent de ses critiques odieuses, de la déstabiliser alors qu'elle faisait déjà de son mieux pour ignorer les réclamations de son corps. Elle ne pouvait pas nourrir de sentiments pour quelqu'un qui l'exécrait, ça ne pouvait que mal finir. Comme ce défi lancé d'ailleurs.

« Allons-y ! » Son verre tinta contre le sien quand elle le leva avant de le porter à ses lèvres. Rivant ses yeux aux siens, elle le vida d'un trait. « Pouh ! » Une terrible grimace déforma sa bouche. Le trait brûlant et amer fusa de sa gorge jusqu'à son ventre dans un tracé qu'elle aurait presque pu suivre du doigt le long de son buste. C'était encore plus mauvais qu'escompté et ses yeux s'emplirent de larmes. « C'est affreusement mauvais ! Pourquoi les gens boivent ça ? » A sa plainte, le serveur revint, muni d'un récipient contenant un liquide d'un bleu vif, luminescent. « Ce sera meilleur pour vous. » Expliqua l'homme en souriant aimablement. Les verres remplis, Susannah s'en saisit d'un avec un air circonspect. Cette fois-ci, seul un long frisson coula dans son dos. Des notes fruitées apaisaient le goût brut de l'alcool et elle se lécha les lèvres pensivement. « C'est vrai que c'est beaucoup mieux. Tu aimes ? »


Un nombre oublié de verres plus tard, Susannah dodelinait sur son siège sans s'en rendre compte, son corps pris dans une houle invisible. Elle s'était placée face à Johannês pour le défi. Un large sourire barrait son visage et elle se pencha en avant, troublant son équilibre déjà précaire. Elle se rattrapa d'une main sur son épaule. « Alors, tu abandonnes ? Parce que moi, non ! Jamais ! Plutôt - » Un hoquet la secoua toute entière et elle éclata de rire avant d'avoir pu retrouver son souffle, ce qui la condamna à un second hoquet. Appuyée des deux mains sur son adversaire, elle récupéra son souffle, avant de relever le nez pour loucher sur lui. Elle avait terriblement envie de refermer le peu d'espace les séparant. Affolée par cette pensée, elle le relâcha brusquement et alla noyer sa gêne dans un nouveau verre. Sa tête tournait comme une toupie. Reposer sa tête lui sembla être une idée excellente qu'elle mit aussitôt à exécution, collant sa joue sur son avant-bras posé sur le comptoir. Ses yeux se fermèrent avant de se rouvrir aussitôt quand le roulis s'accentua dans le noir, en même temps que le visage de Johannês s'érigeait dans son esprit, comme chaque fois qu'elle fermait les yeux. Elle le regarda en plissant les yeux. « Je peux te demander quelque chose ? Est-ce que tu as déjà rêvé de moi ? »

588 mots

Vraiment horrible ce gain : - Vision de l'autre avec Læn : Lorsqu'il ferme les yeux, votre personnage peut visualiser l'autre comme s'il se trouvait en hauteur (par exemple, au plafond d'une pièce). Il se peut que le pouvoir devienne un peu handicapant, notamment avant de s'endormir puisqu'il peut agir à sa guise et, de ce fait, votre personnage peut ne pas très bien le contrôler, condamné à regarder l'autre au moment de dormir. Si les deux individus utilisent le pouvoir en même temps, ils s'endorment et se retrouvent sur Somnium par une étrange magie, dans une petite habitation qui, visiblement, est à eux.
8D

La Princesse gnangnan des morues

Musique

Læn haussa les épaules à sa remarque. « Je ne dis que la vérité. » Peut-être pas, mais ça n’avait aucune importance. De toute façon, plus le temps passait, plus il se disait que ça ne servait à rien qu’il nourrît le moindre espoir la concernant. Ce qu’elle semblait être aujourd’hui était intrigant mais tous les indices concordaient vers une personnalité exécrable de la Sirène. Elle avait peut-être nagé trop proche de la sauge pour être devenue aimable. Ça se trouve, c’était ça : les Ondins en avaient peur parce que ça les rendait adorables. Il sourit en la regardant, avant de se renfrogner. Elle n’était pas adorable.

Le faux Magicien la suivit et trinqua. Il tenta de faire en sorte que sa grimace ne se vît pas, histoire de ne pas passer pour une poule mouillée à son tour. Le goût de l’alcool ne lui plaisait pas franchement mais il préférait ne pas l’avouer. Quand Adriæn et Sym buvaient, il les rejoignait souvent. Lorsqu’il ne le faisait pas, il partait en rageant. Tout dépendait du moment. Il n’était pas libéré de son besoin d’approbation. Il aurait aimé mais ce n’était pas le cas, surtout de la part de ses amis. L’Ondin comptait beaucoup pour lui. « Ouais, c’est pas mal… mais c’est vraiment un alcool de fillette. » En réalité, il préférait aussi. « Enfin, on va dire que pour un premier concours, il vaut mieux y aller doucement. J’ai pas envie de devoir te porter jusqu’à ton lit. » Dans sa tête, la scène se matérialisa avec bien trop de clarté. Et pas que ça. Forcément, pas que ça… Il baissa les yeux sur son verre vide, à la recherche d’une vision moins intime et scandaleuse. Il avait vraiment des problèmes avec elle et ils n’avaient jamais cessé. Il la détestait en temps normal mais c’était bien plus complexe que ça. Quand il la voyait, il sentait son corps réagir au sien. C’était un vrai cauchemar.

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Le regard de Læn fixa son épaule, sur laquelle se trouvait la main de Susannah. Le contact le fit rire. « Ja-mais ! » décréta-t-il. Il n’était plus stable non plus et ses joues avaient violemment virées au rosé. Il ne savait pas si c’était elle ou si c’était l’alcool. À ce stade, il ne savait plus grand-chose, hormis le fait qu’il aurait aimé qu’elle continuât de le toucher un peu partout. Quand elle hoqueta, il la suivit dans son hilarité. « En fait t’es bien une sorte de poule. » s’amusa-t-il, un sourire jusqu’aux oreilles et les yeux brillants. « Ah d’accord. » formula-t-il pour lui-même quand elle retourna dans ses quartiers. Il aurait préféré qu’elle laisse ses doigts. Il avait chaud en plus de ça. Il la regarda en remontant les manches de sa chemise. Alors qu’il s’affairait à enlever quelques boutons, il stoppa son geste. « Rêver ? » Il aurait dû nier, mais ce n’est pas ce qu’il fit. « Ouais, parfois… » Il sembla réfléchir, comme un poulpe ahuri devant la grosse tête d’un humain. « Mais c’est pas très réaliste… Parfois j’ai des tentacules. T’as déjà eu des tentacules ? Enfin… ça encore, c’est pas si bizarre. Ce qui est bizarre c’est plus qu’on… » Il rigola et trinqua pour boire encore. Il avait l’impression que son estomac était en train de se noyer et criait à l’aide. « Enfin tu vois… on… » Il amena ses doigts devant la tête de la jeune fille, fit un rond avec son pouce et son index et engouffra l’index dans le cercle. « Et ça franchement… franchement c’est pas possible ! » s’exclama-t-il, comme s’il parlait de la dernière rumeur improbable à la mode. « Toi… et… moi… pfoualala ! » En fait, il trouvait ça pas si improbable que ça. « Et toi ? Tu rêves de moi ? Tu rêves plus de moi ou plus de Titouan ? Ou de je ne sais plus qui encore ? » Il écrasa sa joue dans la paume de sa main. Il continuait mais, franchement, c’était juste parce qu’il ne voulait pas perdre.

685 mots
Tu m'étonnes 8D

Le prince grognon des goujats

☙ Therapie Taxi - Naïve

« Non, jamais. Les poules n'ont pas de tentacules. » Lui rappela-t-elle d'un air faussement sérieux qui survécu environ deux secondes avant d'être annihilé par un nouveau gloussement. Fut un temps, Susannah aurait insufflé dans cette réponse un mépris insondable. Sans doute l'aurait-elle même frappé pour l'affront. Qu'il puisse suggérer qu'elle soit une Oryani aurait dû la scandaliser mais elle ne pouvait pas lui en vouloir de ne pas connaître les subtilités de son peuple. En outre, il décrivait une scène un peu trop familière qui reléguait l'étrangeté des tentacules à l'état d'anecdote, sans compter que l'imaginer avec des tentacules n'était pas aussi bizarre qu'il le croyait. En tout cas, Susannah s'en souvenait avec suffisamment de netteté pour qu'elle ne tombe pas de sa chaise s'il lui en poussait soudainement. En revanche, le dessin de ses doigts pour imager ce qu'il était incapable de verbaliser manqua bien y réussir. Son verre vide faillit lui échapper des doigts et le sang lui monta aux joues et dans le cou d'un seul coup. Aussi vexée que gênée, elle chercha le salut dans un nouveau round. La bouche anesthésiée par l'alcool, chaque verre devenait de plus en plus facile à avaler. En se concentrant un peu, elle pouvait presque entendre son estomac glouglouter, comme si elle était devenue une grosse outre imbibée sur le point d'éclater, à moins que ce ne soit sa vessie ?

« Pourquoi ce serait pas possible ? » Se mit-elle à marmotter de façon inintelligible, la bouche écrasée contre son verre. Est-ce qu'il la trouvait si peu à son goût ? Les sourcils froncés, elle évita son regard, tomba sur sa chemise qu'il avait commencé à déboutonner, puis décida finalement que son verre méritait toute son attention, oui, il était véritablement fascinant. « Comment ? Euh... Je... » Elle avait bien envie de se venger de son humiliation en lui mentant. Raconter qu'elle avait rêvé de lui tombant dans une fosse à purin, ou que c'était de son meilleur ami qu'elle avait rêvé. Mais elle n'était pas si mesquine. « Il faut que j'aille aux toilettes. » Acheva-t-elle pitoyablement. Maladroitement, elle se laissa glisser à terre. Les Vampires avaient pensé à tout et elle suivit les flèches dessinées au sol à la peinture phosphorescente.

En se lavant les mains, Susannah ruminait encore la réaction de Johannês comme un bonbon qui passe mal. En fait, plus elle y pensait et plus ça l'irritait. En se regardant dans le miroir, elle découvrit avec surprise son reflet brouillé. Puis elle renifla et une larme solitaire roula traîtreusement sur sa joue. « Oh non. Non non non. » Paniquée, elle se jeta de l'eau sur le visage. La fraîcheur soulagea un peu le poids alourdissant sa poitrine et elle s'appliqua à respirer à fond en se tamponnant le visage avec une serviette. Si ce n'était son menton qui tremblottait un peu, elle avait effacé avec succès les traces de sa fierté piétinée. Près de sa bouche, un muscle crispé trahissait sa contrariété. La moutarde lui montait au nez malgré ses efforts pour contrôler ses sentiments. Quel goujat.

Quand l'étudiante revint, retraçant son chemin de mémoire, les bras tendus vers l'avant pour se diriger jusqu'à sa place, en marchant plus ou moins droit, le bouillonnement dans ses veines grossit et devint aussi bruyant qu'une cascade grondant dans ses oreilles. Une fois au niveau de Johannês, elle se planta face à lui en ignorant son tabouret, les poings sur les hanches. « T'es vraiment un con. » Lâcha-t-elle d'emblée. Elle commençait par la conclusion de la tirade qu'elle s'était récitée en marchant jusqu'à lui, mais tant pis. « C'est vraiment vexant et méchant que tu me parles comme si j'étais un vieux concombre de mer plein de verrues. Tu dis que je ne suis pas moche mais l'idée même de... de... » Elle bredouilla, incapable à son tour de prononcer les mots. « Tu sais ! Ça a l'air de te dégoûter ! Je ne suis pas un monstre, tu sais ? Ce n'est pas moi qui avais des tentacules dans nos rêves je te figure ! Parce que oui, j'ai aussi rêvé de toi ! » Elle haussait le ton à mesure que l'énervement la gagnait et sentit les regards de la clientèle cachée dans le noir sur sa nuque. « Mais moi, je trouve pas ça si horrible ! » Sa voix se brisa et elle sentit les larmes revenir à la charge, cavalant en torrents sur ses joues. D'un geste rageur, elle les essuya. Même dans la pénombre, il ne pouvait pas les manquer et cela ajoutait à sa colère car ce crétin allait sûrement s'en servir pour se moquer d'elle à nouveau et lui donner un nouvel épithète inspiré du monde animal. Elle avait envie de le gifler. « C'est gênant, c'est vrai, parce que je l'ai jamais fait et que t'es même pas mon copain, mais ce n'est pas si affreux ! Et c'est même pas si impossible que ça ! Regarde, gros malin ! » Brusquement, elle se saisit du col de sa chemise et l'attira vers elle en même temps qu'elle se dressait sur la pointe des pieds. Son erreur lui éclata au visage comme une bombe en même temps qu'elle lui volait ses lèvres. Une langue enflammée la parcourut comme un coup de fouet et elle le repoussa en arrière tout aussi brusquement, presque effrayée par la violence de son corps. « Et voilà ! » Sa voix tremblante avait perdu de son assurance. « Si ça peut te rassurer, et même si tu le mériterai, aucun vilain bouton n'est apparu sur toi ! » Pendant un fol instant, elle aurait même aimé être une sorcière pour le gratifier d'une ingrate pustule sur le bout du nez. Et, parce qu'elle non plus ne comptait pas perdre, surtout face à un imbécile pareil, elle se saisit d'un verre et le but avec un air de défi.

1022 mots

La Princesse gnangnan des morues

Musique

Læn s’amusait bien, si bien qu’il ne remarqua pas le changement d’humeur chez sa poule. Enfin, la poule. Il la laissa partir aux toilettes, songeur. Les filles ont vraiment une petite vessie, pensa-t-il. Son index s’égara de façon chancelante sur le rebord de son verre et en fit le tour plusieurs fois, dans l’attente de la voir revenir. Elle mettait du temps, tellement qu’à un moment, il faillit partir à sa recherche, afin de vérifier qu’elle n’était pas en train de se faire vomir. Ça aurait été de la triche ! Les poules tricheuses devaient passer à la casserole. Cette idée le fit rire et son esprit divagua vers un sens beaucoup moins littéral qui lui donna encore plus chaud. Pourquoi est-ce que ces images-là ne voulaient-elles pas le laisser en paix ? Dans l’obscurité et seul, il avait du mal à lutter. C’était comme si l’intimité que la noirceur créait lui murmurait de se rapprocher d’elle. Le menton toujours dans la paume de sa main, il inspira en gonflant ses joues et expira bruyamment. Si elle ne revenait pas dans une minute, il allait se barrer. Il demeura pourtant là à attendre.

« Hein ? » demanda-t-il, incertain d’avoir bien entendu. Il la pensa complètement folle. À mille lieux de se douter qu’il l’avait vexée précédemment, il entrouvrit les lèvres, comme prêt à parler. Aucun son ne sortit de sa bouche. Il resta là, comme un con, à se demander ce qu’elle lui chantait au juste. Il haussa les sourcils quand il vit du liquide sur ses joues. Était-elle en train de pleurer ? Ou faisait-elle semblant ? Avec Susannah, c’était difficile à dire mais son esprit embrouillé pencha du côté de la véracité des larmes. L’Ondine était sans doute trop fière pour faire semblant de pleurer. Il sentit une impression désagréable piquer son cœur. Il détestait voir les autres dans cet état et commença à chercher ce qu’il pourrait faire pour inverser la tendance. En temps normal, il serait peut-être parti en criant, histoire de se dédouaner de toute charge. Il était trop ivre pour ça maintenant, tellement ivre qu’il ne comprit que trop tard où elle voulait en venir. Et quand ses lèvres touchèrent les siennes, un long frisson se répercuta partout dans son corps. « Mais ! » La plainte sortit toute seule, alors qu’elle le repoussait comme un malpropre. « Tu sais pas ce que tu veux ma parole ! » rouspéta-t-il. Sa propre voix lui semblait lointaine. C’était une expérience particulière, une expérience où son environnement était comme concentré sur la bouche de la Sirène. Les serveurs n’étaient plus que des ombres dans la nuit.

Il saisit un verre. L’air de défi qui maquillait le visage de Susannah ravivait sa volonté de ne pas perdre. Il but, son cerveau tentant tant bien que mal de faire le tri entre ce qui était bien, ce qu’il avait envie de faire, ce qu’il devait faire et ce qu’il risquait de faire. Les informations se mélangeaient et, comme ce que ses yeux contemplaient était toujours la même chose, il sentit ses envies enfouies glisser doucement vers des actes. « Toi aussi t’es vraiment conne ! » décréta-t-il. « Tu passes ta vie à me faire chier et après tu m’embrasses par surprise » Il ne semblait pourtant pas en colère et descendit de son tabouret pour s’approcher d’elle. Il posa son coude sur la table et la fixa. Sa tête pencha un peu en arrière – parce qu’avec l’alcool le monde semblait instable – et, avec un sourire espiègle que peu lui connaissaient, il déclara de brut en blanc : « En fait, tout ça, c’est parce que tu m’aimes bien. » C’était ça la vérité. Maintenant il la voyait, claire comme de l’eau de roche. Elle le collait et était désagréable parce qu’elle voulait qu’il la remarquât. Quelque chose comme ça. « Tu veux qu’on s’embrasse encore ? » proposa-t-il. « Puis je pourrais être ton copain. On s’en tape du type avec qui tu partages tes en-cas. Tu pourras les partager avec moi. » Il prit un autre verre et le but, avant de lever le menton avec le même air de défi qu’elle avait pris plus tôt. Il allait finir par rouler par terre, c’était sûr.

707 mots

Le prince grognon des goujats

☙ Therapie Taxi - Naïve

Excellent. Comme ça, ils étaient tous les deux cons. Susannah chassa ses larmes et trinqua au bonheur de cette prise de conscience. Il lui semblait commencer à comprendre pourquoi on disait que la vérité se trouvait dans le fond d'une bouteille. Sous ses pieds, le sol glissait traîtreusement, penchant d'un côté, puis d'un autre comme sur un bateau. Elle s'apprêtait à en informer un serveur afin que le personnel puisse prévenir la clientèle et que personne ne se fasse mal quand l'autre con leur offrit une nouvelle théorie à étudier. « Quoi ? » fit-elle, en croyant à peine ses oreilles, ni même ses yeux d'ailleurs. Lui aussi penchait. Il faisait bien de s'accrocher au bar. S'il lui tombait dessus, elle était cuite. Elle pesait peut-être son poids, mais elle finirait comme une crêpe sous le sien. Il y avait plus glorieux comme mort, et s'il devait s'allonger sur elle, mieux valait que ce soit pour une autre activité, dormir par exemple, songeait-elle distraitement avant de se reprendre mentalement pour cesser de se disperser et gommer les scènes obscènes qui se dessinaient avec trop de clarté dans sa tête.

Elle découvrit un nouveau verre plein près de sa main. Ils devaient se remplir par magie car elle ne voyait pas toujours le barman. De toute façon, ils ne voyaient personne dans ce maudit bar, si bien qu'ils auraient pu être seuls au monde, si ce n'était pour le discret murmure des conversations autour. Sa concentration devait se trouver dans la poche du barman car elle éprouvait les pires difficultés à se fixer sur un sujet plus de quelques secondes. « Quoi ? » répéta-t-elle, les paupières comme des volets en pleine tempête. Sans réfléchir, elle faillit répondre oui par pur réflexe. Parce que ses lèvres avaient eu le goût des meilleurs gâteaux du monde et qu'elle n'en avait eu qu'une miette et que peu importait tout ce qu'il pouvait dire, elle vendrait son âme pour y revenir. Mais ressaisis-toi, ma pauvre, se fustigea Susannah intérieurement.

« Quoi ?! » Cette fois, elle s'étrangla à moitié, comme flagellée par un karma invisible lassé de l'entendre coasser comme une grenouille. Est-ce qu'il était sérieux ? Ce qui était sûr, c'est qu'il n'avait pas l'air malin. Même ainsi pourtant, il restait beau. Avec un soupir intérieur, elle suivit son mouvement et fit claquer le verre sur le bar. Il faisait de plus en plus chaud, l'alcool se transformait en lave en fusion sous sa peau. Comment faisait-il pour gober verre sur verre ? Où passait tout cet alcool ? Est-ce qu'il était en fait une passoire ? Elle vérifia le sol, s'attendant à voir une flaque autour de ses pieds. Rien. Une éponge alors. Son regard remonta sur Johannês, qui s'était dédoublé entre temps, en plus d'être bien trop proche pour que l'air soit respirable. Elle retint son souffle. Oh non, un seul était suffisamment difficile à gérer. Pour un peu, elle en aurait pleuré à nouveau. Dans un élan d'optimisme forcé, elle se dit que peut-être, sur les deux, il y en avait un qui était sincère, et l'autre qui la prenait pour une idiote ? « Am stram gram... » récita la bleue, son index oscillant de droite à gauche sous le nez du magicien en manquant l'éborgner au passage. « Saperlipopette, j'ai oublié de déterminer lequel mentait et lequel était gentil. » Elle se frotta les yeux et il refusionna en un exemplaire unique. Un claquement de langue agacé salua ce retour à la normale. C'était ennuyeux, il fallait refaire les calculs maintenant. Elle souffla. Se concentrer se révélait aussi difficile que courir à l'envers sur un fil au dessus du vide et Johannês complexifiait tout en jouant à la girouette. « Dis donc, tu pourrais faire un effort pour être cohérent. » se fâcha-t-elle alors en frappant du pied par terre. « Il y a quelques minutes, tu insistais sur l'impossibilité de nous deux, et maintenant c'est toi qui suggère qu'on se mette ensemble. Tu te moques de moi ou quoi ? À moins que... » Les derniers centimètres luttant pour les séparer s'effacèrent tandis qu'elle se rapprochait jusqu'à poser une main à plat sur sa chemise. Ses cils se mirent à battre excessivement vite. « C'est m'embrasser qui t'a fait changer d'avis ? C'était si bien que ça ? » Dubitative, elle lui tapota le torse et, oh, il y avait des muscles ici. En bas aussi. Les siens, plus timides, se cachaient derrière quelques bourrelets.

« Je ne sais pas si j'ai envie de recommencer. » Elle mentait comme une arracheuse d'écailles et ce mensonge-là était plus gros qu'elle. Rien que là, seule la décence l'empêchait de lui sauter dessus. « Ça ne me paraît pas très sain de fricoter avec quelqu'un qui m'insulte en permanence. » réfléchissait-elle à haute voix. Cela étant, ça restait toujours mieux que Melvyn qui l'ignorait superbement. Elle se renfrogna en repensant à l'Envieux. Il profitait d'elle pour manger tous ses gâteaux, elle le savait pertinemment, mais elle ne pouvait pas s'empêcher d'espérer qu'un jour, il la verrait elle, et non pas les biscuits dans son sac. Johannês avait raison, elle devait l'oublier. Lui était là. Littéralement sous sa main. Qui glissait dangereusement jusqu'à sa taille, plus facile à atteindre que ses épaules. Sa jumelle, jalouse, se plaça de l'autre côté sous le regard horrifié de la bleue qui se demandait ce qu'elle fabriquait exactement. Elle devait être folle, complètement folle et lui était dangereusement près et terriblement attirant. Des Faes dans le ventre, ses yeux remontèrent jusqu'aux siens. « J'ai menti. » Elle entendit presque les rouages du temps s'arrêter. Pourquoi parlait-elle encore ? Est-ce qu'il faisait exprès d'être aussi étourdissant ? Il n'avait rien d'un magicien mais tout d'un démon. « Je n'en peux plus. J'ai trop chaud. J'ai besoin d'air. » Et tant pis si ça signifiait sa défaite. Elle avait perdu en posant ses yeux sur lui de toute façon.

1045 mots (Je suis désolée, j'ai essayé de faire moins)

La Princesse gnangnan des morues

Musique

« Mais qu’est-ce que tu dis ? » Il plissa les yeux, comme si ce simple geste allait lui permettre de comprendre le problème insoluble qu’elle représentait à présent pour lui. Il avança un peu sa tête, pour mieux la voir. Il la voyait déjà très bien de là où il était. Il pensa que leurs nez pourraient peut-être se toucher et, en imaginant caresser celui de Susannah avec le sien, il se mit à rire. Ça lui fit drôlement envie. « Mais je suis cohérent ! » Il faillit rajouter un saperlipopette mais se rappela à la dernière minute qu’il n’avait pas quatre-vingt-dix ans. « Quoi ? Mais… » Était-elle en train de le palper là ? « Non… enfin, peut-être… c’est juste que ça fait longtemps que j’en avais envie… pour voir, comme ça. » Il se gratta l’arrière de la tête. Il y avait plein de choses qu’il avait envie de tester avec elle. Sympan aurait rajouté un « pour l’expérience ». « Hum… » fit-il. Bizarrement, il eut l’impression d’avoir oublié un truc important à propos de l’Ygdraë. Il se questionna une seconde ou deux et, comme il ne voyait pas, haussa les épaules pour se concentrer de nouveau sur la Sirène.

« Ah bah c’est sympa ça… » Pourquoi n’aurait-elle pas envie de recommencer ? En plus, c’était elle qui l’avait agrippé comme un sac de pommes de terre pour coller ses lèvres aux siennes avant de le rejeter. Elle exagérait quand même. « Quoi ? Mais je t’insulte pas en permanence ! Puis si tu arrêtais de m’énerver, je ne t’insulterais plus du tout ! » se défendit-il. « Tu crois que ça me fait plaisir ? » Il perdit le fil lorsqu’il sentit la main de l’adolescente glisser sur lui jusqu’à sa taille. Il fut déçu qu’elle s’arrêtât. « T’as menti ? » Sur quoi avait-elle menti ? Il pensa à Melvyn ou à Titouan. Il ne fit pas le lien avec ses phrases précédentes. Tout lui semblait terriblement décousu, comme si une éternité pouvait tenir entre chacun de leurs échanges ou, au contraire, comme si le temps passait parfois trop vite. Ce qu’il sentait, par contre, c’était la tension dans son pantalon. Il allait l’embrasser encore lorsqu’elle déclara qu’elle avait chaud. Il lui donna raison. Lui aussi. Il pointa son index vers le nez de Susannah. « Tu sais quoi ? » avança-t-il, peu stable. Le bout de son doigt finit par toucher la jeune fille. « On a qu’à dire qu’on arrête le jeu et qu’on reprendra plus tard. On met sur pause tu vois ? » Comme lorsqu’il était enfant et qu’il fallait aller déjeuner au beau milieu d’une partie de chat. « Allez viens ! » Il lui prit la main, bien décidé à trouver la sortie. Ça lui parut long mais l’air frais de la nuit finit par les saisir. Maintenant, il avait envie de pisser, de prendre une douche et de dormir. D’elle aussi. Il n’arrivait juste pas à gérer tout en même temps. Ça lui semblait affreusement compliqué. En plus il devait rejoindre Sympan… « Oh putain ! » s’exclama-t-il soudain. « Ils vont me tuer ! » Son estomac risquait de mourir aussi. Il fixa son regard sur Susannah, s’approcha d’elle et posa ses mains sur ses hanches. « Toi et moi, on est ensemble maintenant. » affirma-t-il. Pour lui montrer, il l’embrassa pour de vrai. Pas juste un peu. Beaucoup. Avec la langue. Il paraissait que ça se faisait alors il le fit. Pour le reste, il n’était pas en état de se poser des questions techniques. « Mais là faut que je parte ! » lui révéla-t-il, lorsqu’il eut fini son baiser. Il n’avait pas du tout envie de partir. Il avait envie de continuer à l’embrasser. « On se voit plus tard, d’accord ? Et retourne pas voir Titouan, sinon je lui pète la gueule. » Ouais. Ça, il le ferait ! Même pas peur. Il inspira, comme pour se donner du courage, avant de se mettre à courir dans une direction qu’il espérait être la bonne. Après trois minutes, son estomac finit par l’envoyer se faire voir. Il s’en ficha parce qu’il était heureux, heureux comme le gros crétin qu'il était.

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