Sans les mains, diablotin

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« Vous avez déjà organisé ce genre de rendez-vous avec les mains attachées ? » demanda Moon à l’organisateur. « C’est déjà arrivé oui. » « Et ? » « Au niveau de ce qu’il s’est passé tu veux dire ? » « Oui. » Il sourit. « Je n’étais pas dans les isoloirs mais c’est vrai qu’on a eu quelques retours… Les rumeurs vont vite. » « J’ai cru comprendre. » Elle n’en savait rien mais tentait de jouer les expertes pour éviter de perdre la face. En réalité, elle désirait ardemment en savoir plus. Le croustillant avait un petit côté excitant. « Il y a des Déchus de la Luxure à Basphel alors… Mais le plus dangereux avec eux reste quand même d’avoir les yeux bandés. » « Ah oui ? » « Oui, tu ne dois pas connaître parce que personne n’oserait faire ça à une Orine mais il paraît qu’un type a fait la blague « ouvre la bouche et fais Ah » à son rendez-vous qui avait les yeux bandés. C’était une année où, en plus de ne rien voir, la moitié des participants devait deviner les aliments que leur partenaire leur faisait goûter. » Moon hocha la tête, sans comprendre ce qu’il était en train d’expliquer. « Et ça s’est terminé comment ? » « À l’infirmerie… c’était une Vampire et elle a croqué dedans… » Moon fronça les sourcils. Dans quoi ? Elle raconterait l’anecdote à sa mère quand elle la verrait. Lhyæræ devait savoir.

Lorsqu’elle entra dans la salle, son partenaire n’était pas encore présent. Avoir les mains attachées lui rappelait les spectacles de shibari que son père donnait de temps en temps au cabaret de Louise. Il était doué. C’était un art. Elle n’était pas forcément une grande adepte mais le concept était intéressant. En tout cas, si Moon n’aimait pas trop qu’il les lui eût attachées dans le dos, sa mère aurait eu tôt fait d’y voir un avantage de taille : sa poitrine ressortait bien plus ainsi.

« Bonjour. » Ses yeux se posèrent sur son rendez-vous. « Je m’appelle Moon. Enchantée. » Encore un garçon. D’après certaines plaintes qu’elle avait entendues plus tôt, certains s’étaient retrouvés avec une personne de leur sexe et n’avaient pas apprécié. « J’ai les mains attachées dans le dos. » précisa-t-elle. « Le tour d’avant, j’avais les yeux bandés. » Le fait qu’elle soit en position de faiblesse dans les deux cas ne la dérangeait pas le moins du monde, surtout parce que Zachary aurait les yeux bandés ce soir. « Et toi ? Tu étais libre ou entravé ? » Elle le regarda. Elle ne le connaissait pas encore. « Tu as trouvé quelqu’un qui te plaît ? » hasarda-t-elle.

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Sans les mains, diablotin

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« C’est vrai que c’est étrange… peut-être que c’est pour voir si l’autre est quelqu’un de bien ? » hasarda-t-elle. La confiance jouait un grand rôle dans l’éducation des Orines. Elle-même ne se voyait pas se lier à quelqu’un qui ne lui inspirait pas un minimum de sûreté, quand bien même son peuple était sans aucun doute le plus respecté des Terres de Sympan. « Je ne la connais pas non. Je suis arrivée il n’y a pas longtemps à Basphel. » dit-elle, tout en étant navrée que ses deux précédents rendez-vous ne se fussent pas bien passés. « C’est dommage… » murmura-t-elle, avant de réfléchir à ses propres entretiens. « C’était très court de mon côté, pas de quoi apprendre véritablement à se connaître. Je suis tombée sur Léonidas Taiji et sur Zachary Etheirys. » Elle connaissait leur nom de famille avant tout parce qu’ils figuraient tous les deux sur sa liste d’Aisuru potentiels. « Nous avons conclu qu’il serait bien de se revoir ultérieurement, pour parler davantage. Aucun n’a été désagréable avec moi et peut-être que nous pourrons devenir amis. » Des trois garçons qu’elle avait rencontrés, Faust était le plus magnétique. Elle le regarda un peu plus avant de baisser les yeux. Sa mère lui aurait dit qu’elle aurait dû garder le contact à tout prix mais il l’impressionnait légèrement. Lui aussi était sur sa liste.

Quand elle remonta les yeux, elle s’aperçut que le regard de son rendez-vous s’était légèrement abaissé. Elle se pinça les lèvres. Lhyæræ aurait probablement ri, en ajoutant que les hommes étaient d’une faiblesse aussi déconcertante que bienvenue. Le sexe fort revenait aux femmes, n’en déplût à ces messieurs. « Je viens d’Onikareni. Je suis une Orine. » répondit-elle honnêtement. « Je suis à Basphel pour étudier et aussi parce que la plupart de mes Aisuru potentiels s’y trouvent. » Elle s’arrêta et précisa : « Aisuru ça veut dire… » Elle ne savait pas réellement l’équivalent dans le langage commun. « Disons un Maître ou une Maîtresse… quelqu’un avec qui je me lierai pour la vie et qui aura une grande importance pour moi. » Elle fit la moue, avant que ses yeux ne s’éclaircissent face à une révélation. « En fait, c’est un peu comme un amoureux ou une amoureuse. Différemment mais c’est l’idée de l’éternel… Je crois. » Elle sourit. « Appartenir à l’autre un peu… » Le concept était difficile à expliquer. « Mais avant de me lier, il faut que je puisse connaître mes Aisuru potentiels et que celui que je choisirai réussisse à répondre à mon énigme. » C’était tout un processus. « Et toi, tu viens d’où ? » demanda-t-elle. « Ça fait longtemps que tu es à Basphel ? » Elle baissa les yeux et les remonta, après avoir hésité un instant. Elle avait un peu plus de difficultés à être à l’aise avec lui, à cause de ce qui se dégageait de lui. Son air nonchalant ne changeait pas le fait qu’il l’impressionnait. « Tu voudras qu’on se revoie, ensuite ? »

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