Sans les yeux pour t'aimer

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Sympan se pinça les lèvres. Assis en face de l’aveugle, il tendit sa main devant lui et réalisa un « coucou » afin d’être sûr qu’elle ne voyait rien. Il aimait bien ses cheveux. Cette expérience lui semblait amusante, même s’il devrait mettre de côté le questionnaire qu’il avait prévu au préalable et auquel Blu avait répondu en partie. Doucement, à pas de loup, il se déplaça jusqu’à se tenir à côté d’elle. Il approcha son nez et huma son parfum. Ses cheveux l’intéressaient davantage, maintenant qu’il était si proche. Rose. Il aimait bien. « Bouh ! » fit-il, dans son oreille, sans pour autant que le bruit fût fort. Il s’agissait plus d’un murmure. Il rit, une sorte de ricanement ravi. « Je suis Sym. » Il avait l’habitude de raccourcir son prénom afin d’éviter les pensées parasites chez ses sujets d’expérience. Oui, ses parents avaient osé. Ils osaient absolument tout.

D’un pas qu’il voulut agile mais qui ne le fut pas vraiment, le garçon regagna sa chaise. « Mon premier rendez-vous… le sujet était assez coopératif mais n’a pas voulu répondre à tout le questionnaire. C’est dommage mais tout bon scientifique sait qu’il doit composer avec du matériel parfois récalcitrant. Quant à me décrire… » Une lueur amusée passa dans ses yeux. « Je mesure un mètre quatre-vingt-dix, je suis un Ygdraë… oui, mais je n’ai pas les oreilles pointues. Les miennes sont rondes. Je suis plutôt de corpulence mince. Je ne pratique aucun sport. Mes cheveux sont… entre le blond, le blanc et le gris, tout dépend des poils étudiés. C’est amusant ce manque d’uniformisation. Je soupçonne mes parents d’avoir fait quelques expériences sur moi… à moins que ce ne soit là la résultante de l’une des miennes. Je ne me souviens plus. Mes yeux sont bleus. J’ai la taille et les hanches fines et le buste et les jambes plutôt longs par rapport à mes colocataires. J’ai des fesses somme toute banales. Mes mains sont plutôt de taille standard mais j’ai les plus grands pieds de mon dortoir. Quant à la taille du pénis, disons qu’en érection je suis moins bien pourvu qu’Adriæn et Johannês mais mieux que Pieris. Je n’ai plus les mensurations exactes en tête. » précisa-t-il tranquillement. « J’ai moins d’appétit que Johannês d’ailleurs… Je me demande comment est-ce qu’il peut engloutir tout ça… Je pense de plus en plus à débuter une étude sur son temps de sommeil et sa façon de manger. Il se comporte bien plus comme un Eversha qu’un Magicien. Ce qui m’étonne d’ailleurs c’est qu’il ne semble pas être capable d’utiliser la Magie B… » Il s’interrompit. « Oh oui. Le rendez-vous. Et toi ? Ton premier rendez-vous s’est bien passé ? Tu étais avec qui ? Et est-ce que tu connais tes mensurations par rapport aux membres de ton dortoir ? » demanda-t-il en l’observant de la tête au pied. Elle ne lui semblait pas avoir de grands pieds. Néanmoins, les cheveux rose étaient une donnée intéressante.

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« Ah ? Curieux… » Sympan ne comprenait pas qu’elle pût ne pas se poser des questions. « Je trouve ça intéressant pour les statistiques. C’est comme la taille du pénis. Il y a tellement de rumeurs qui courent, de quoi foutre de sérieux complexes… Mais dans la réalité, tu t’aperçois que personne n’atteint les trente centimètres, sauf peut-être les Démons, les Réprouvés et les Goled… » Il prit une mine songeuse. « Je n’ai pas encore de preuves pour les Réprouvés et les Démons. Cela dit, pour les Goled, c’est très documenté… » Il y avait une littérature impressionnante sur les femmes qui se faisaient kidnapper par ces créatures. Beaucoup ne survivaient pas à l’acte. Le reste mourait généralement lors de la grossesse ou de l’accouchement. « Heureusement que les Réprouvés font des raids pour les chasser… même si les Réprouvés violent beaucoup aussi… » Il releva les yeux vers elle, même si elle ne pouvait pas le voir. « Tu devrais vraiment éviter les Démons, les Réprouvés, les Sorciers et les Ondins. Les Alfars je ne sais pas trop mais les autres sont de gros violeurs. » précisa-t-il. « Alors que chez les Ygdraë, c’est très très très rare par exemple. » Il marqua une pause. Peut-être qu’il devrait enquêter davantage sur les Déchus.

« Alcide ? Oui, bien sûr. » Est-ce qu’il le connaissait personnellement ? Non, pas vraiment. Mais il l’avait observé longuement. Il semblait toujours heureux et Sympan avait dans l’idée de commencer un classement des élèves les plus heureux de Basphel. Il ne savait pas encore quoi en faire, peut-être donner la liste aux élèves qui détestaient le plus les gens heureux ? Il verrait bien. « Il est mignon et agréable. Il irait bien avec une fille comme toi. » laissa-t-il entendre. Il l’observait depuis tout à l’heure. Elle avait l’air d’être le genre « crème », le genre à se faire martyriser dans les coins sombres. Il valait mieux qu’elle ne croisât jamais le chemin d’Adriæn. « Je parle de mon propre questionnaire mais c’est vrai qu’on m’a dit qu’ils allaient distribuer un questionnaire de satisfaction… » Il ne savait pas encore ce qu’il allait mettre dedans. Était-il satisfait ? Il en doutait. « Toutes sortes d’études… » plaça-t-il, tout en contemplant les marques de l’anxiété qu’elle laissait voir. « Je te stresse ? » demanda-t-il, juste avant qu’une organisatrice n’entrât. « Oh bah ! Vous êtes déjà ensemble ? » Elle regarda ses notes. « Huuum… Je vois que c’est bien ça. Vous êtes encore ensemble pour le prochain rendez-vous ! Y en aura un qui aura les mains attachées. C’est… » Elle chercha sur son document. « Toi Marie-Jane. » Sympan sourit et se leva. Il s’approcha de la rouquine et attrapa le ruban. « Je vais m’occuper d’elle. » susurra-t-il. Elle acquiesça et partit. Ils avaient l’air de bien s’entendre, d’après elle. « Franchement, moi qui avais pensé subir un peu… Tout tombe sur toi j’ai l’impression… Mais bon, ce sont les règles. » Il lui attrapa délicatement les poignets. « Tu me le dis si je te fais mal… » Il les lia avec douceur, tout en serrant correctement. Maintenant, elle avait les yeux bandés et les mains attachées. Vraiment, heureusement qu’il n’était pas Adriæn. « Ça te fait quoi ? D’être à ma merci ? » lui demanda-t-il, d’un ton amusé.

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Sympan sourit. Ça l’amusait de constater sa détresse. Il avait envie de lui poser encore plus de questions. Il ne le fit pas, ses yeux trouvant de quoi s’occuper. Un cheveu de la rose se trouvait sur son épaule. Il n’était plus lié à son épiderme. Il pencha la tête sur le côté puis baissa les yeux jusqu’à sa ceinture. Il retira un tube à essai de celle-ci et attrapa une pince à épiler. Doucement, alors qu’elle lui expliquait que c’était un exercice intéressant, il tenta d’attraper le fil, sans succès. Il n’était pas bon pour les exercices de précision. Finalement, il rangea l’outil et ramassa son dû avec son pouce et son index. « Je te débarrasse de l’un de tes cheveux qui trainait sur ton épaule. » lui dit-il. Si son geste avait été discret, il ne l’aurait probablement pas informée. Certains scientifiques tenaient à l’éthique mais lui n’en avait que faire. Il aimait garder ses petits secrets puisque les divulgations trop rapides avaient plus tendance à gâcher les expériences qu’autre chose. « J’imagine oui, même si je ne suis pas convaincu que ça fonctionne… » Il l’avait dit en la regardant. Elle était tendue. Il ne la plaignait pourtant pas. Encore une fois, il n’était pas Adriæn. Il n’allait pas la violer. « J’aime beaucoup de choses… surtout faire des expériences et apprendre. » dit-il, d’une façon automatique. On lui avait posé la question des centaines de fois dans sa vie. Ça faisait partie de la base indispensable des relations entre humanoïdes. T’as quel âge ? Tu es de quelle race ? Tu t’appelles comment ? Tu aimes faire quoi ? Elle tentait de faire la conversation et il ne lui en voulait pas. Pendant ce temps, il pouvait songer à pourquoi est-ce qu’il n’était pas attiré par l’idée de violer quelqu’un. Même pour la science, pratiquer la chose lui-même ne lui disait trop rien. Il ne serait probablement même pas excité. « Ah oui ? Tu pourrais peut-être me chanter une chanson alors… ou m’en composer une… » Il sourit. « Je trouve que mon idée est bonne, pas toi ? Vu qu’on est coincés ici ensemble, que tu as les yeux bandés et les mains attachées, je pense qu’une chanson nous aiderait à passer le temps. Je peux même te donner un sujet de composition ! » Il était bien plus grisé à l’idée de l’entendre chanter qu’à l’idée de la violer. « Je sais ! » Il savait depuis qu’il avait lancé la suggestion mais aimait bien les mises en scène. « Et si tu me faisais une chanson sur pourquoi est-ce que, selon toi, c’est mal de violer les gens ? »

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Désolée, il est intenable /sbaf

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Alors qu’il s’attendait à ce qu’elle chantât, une sorte de reproche sortit d’entre les lèvres de la rose. Sympan fit la moue. Pas drôle ? Tout dépendait pour qui. Certains étaient hilares en parlant de viol. N’avait-elle donc aucune connaissance du monde ? Que croyait-elle, que les Démons plaçaient leurs deux mains sur leurs joues et s’écriaient que c’était mal de violer ? Ils en riaient, avant, pendant et après. Tout comme les Réprouvés qui pillaient des villages à la recherche des Goleds. Que croyait-elle ? Qu’ils étaient tous mignons ? Ils s’étaient fait déglinguer par les Sorciers mais ils avaient déglingué d’autres races. Peut-être pas à grande échelle mais, petit à petit, l’un après l’autre, leurs raids avaient créé la mort de centaine de milliers de personnes. « Mal ? Bof. Tout est relatif. » lui sortit-il, absolument pas gêné. Le viol n’était pas dans ses délires à lui mais il pouvait comprendre qu’il entrait dans les activités favorites d’autres peuples. Il avait remarqué que cette relativité s’appliquait à toute sorte de sujets. Il suffisait de présenter les choses d’une manière ou d’une autre. La mort par exemple : la plupart des peuples la redoutaient mais quand il s’agissait de mort héroïque, ces mêmes peuples la louaient. Les assassins étaient décriés par les races bénéfiques mais, en revanche, qu’un Ange assassinât dix Démons et il devenait un héros. C'était en fonction de ce qui arrangeait, finalement. Au fond, le monde était rempli de cobayes intéressants à observer. Sympan n’avait pas de parti pris. Il s’en fichait. Son avis était souvent neutre, comme s’il n’existait pas pour lui-même, comme s’il n’était qu’un observateur étranger. Les Alfars auraient pu détruire les Ygdraë que ça ne lui aurait fait ni chaud ni froid. Il jugeait que c’était ainsi que le monde fonctionnait : une succession de guerres et de moments de paix, de défaites et de victoires. C’était aussi la raison pour laquelle il donnait des somnifères à Adriæn. Avec ou sans, il serait arrivé à ses fins. Ce n’était pas à lui de décider et il ne voyait pas pourquoi il l’arrêterait. Un jour, le Magicien l’apprendrait et, ce jour-là, il se ferait un plaisir d’observer et noter les réactions de chacun.

Il fixa ses mires dans les yeux de Marie-Jane. Quelque chose lui disait qu’elle ne chanterait pas. C’était bien dommage. Peut-être une prochaine fois, quand elle serait moins tendue. « D’accord ! » répondit-il, sans tenter de la retenir. Elle faisait bien ce qu’elle voulait. Il sortit un petit carnet et nota sur la page à ne pas faire en rendez-vous le fait qu’il ne fallait peut-être pas parler de viol. Il devrait essayer plusieurs fois pour être sûr, avec des filles de races différentes pour que l’expérience ne fût pas biaisée.

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Fiiiinnn