Les affaires sont les affaires
Chapitre II.

Intrigue : Wao et Min explorent le marché d'Avalon et rencontrent Jeanne [Pulsar].

« As-tu bientôt fini, Min ? » L'Orine était en pleine mastication de grains de riz au chou : il était évident que le contenu de son bol n'allait pas disparaître dans la seconde. Mais Wao était à bout de patience, cela crevait les yeux. Le voyage avait toujours pour effet de transformer son ami tranquille en furet hyperactif. Depuis qu'il l'avait rejoint à Avalon afin de l'accompagner dans l'ouverture de sa galerie d'art, Min avait dit adieu aux grasses-matinées. Min était épuisé par l'ouverture de la galerie. Mais Wao parvenait à puiser une énergie au plus profond de ses réserves grâce à son enthousiasme, alors il ne s'en plaignait pas. « ... tu m'attends dehors, d'accord ? Je finirai mon bol le temps que le cocher arrive. »  - « En effet ! C'est une idée brillante ! » Wao posa ses ustensiles et bondit vers la sortie du ryokan*. Min se hâta de terminer son bol, faillit se brûler la langue en buvant son thé trop vite et attrapa sa besace. « Hanatsu Min... vous partez déjà ? » s'enquit Yoshiro, gérant de l'ambassade Orine à Avalon. Il était en train de dépoussiérer les nombreuses toiles accrochées aux murs. Min lui sourit. « L'aventure nous appelle. » Il ne manquait jamais une occasion d'être dramatique. L'Orine cala la besace contre sa hanche et rejoignit le brun à l'extérieur. « Par ici, Min ! Direction le marché ! »

*

Min était tremblant quand il descendit la marche du cocher. Voyager par les airs n'était certainement pas sa tasse de thé, n'en déplaise tout le bien que Chuan en disait. Mais la vue du marché en contrebas lui fit immédiatement oublier la sensation désagréable de son estomac malmené par le voyage. Les rues grouillaient de monde et débouchaient sur le port de la ville. D'ici, il entendait les cris des marchands qui alpaguaient la foule en vantant leurs produits. « Il n'y a pas de doute », entama Wao. « Si on ne trouve pas le souvenir de Chuan ici, on ne le trouvera nulle part. » Min lui sourit. Plus que de jouer les touristes, les deux amis d'enfance étaient investis d'une mission : acheter des cadeaux pour leurs proches. Min avait déjà collectionné des breloques à n'en plus finir pour son foyer, mais Wao n'en avait pas encore eu l'occasion. Il avait un sac à dos entier à remplir pour ses proches d'Onikareni et avait chargé Min de distribuer les cadeaux à sa place, repartant lui-même à Drosera avec Eöl.  

« J'ai également une liste de Yoshiro », lui informa Min alors que le duo passait l'entrée du marché. « Il m'a demandé d'acheter du thon et quelques autres ingrédients pour notre repas de ce soir. » - « Et il t'as confié une bourse pour ce faire ? Par Mynxethi* ! Tu fais vraiment partie de la maison, désormais. » Il imita l'expression sérieuse de Yoshiro et s'esclaffa. Et Il n'était pas le plus accueillant des Orines ; des décennies sans Maître avaient gelé son cœur. Min devint pensif. « J'espère ne jamais finir comme lui. » Soudain, la vue d'une grosse peluche le stoppa dans ses lamentations sur son Aisuru inexistant. « Oh ! Cette peluche serait parfaite... je vous la prends ! » Wao le suivit et ne cacha pas sa surprise en découvrant une peluche grossièrement cousue : « Celle-ci, vraiment ? Pour qui ? Xue ? Eiko ? » Min se retourna et brandit l'article vers lui comme s'il venait de la gagner. « Mais non...  elle sera prfaite pour Pouic ! Regarde comme elle a l'air solide. » Wao pouffa et ils reprirent leur exploration à travers les étals. Pouic était le chien que Chuan avait adopté l'année précédente et Min en était fou. Wao, quant à lui, était plus dérangé par les lambeaux de bave qu'il laissait sur ses vêtements, mais la créature leur apportait du bonheur et c'était l'essentiel. Les deux Orines poursuivirent leurs emplettes, fascinés par toutes sortes d'articles. Certains vendeurs avaient flairé les bons clients et les poursuivaient pour présenter leurs articles, sans toutefois oser les planter dans leurs mains. Les Orines étaient évitées par tous les passants, ce qui avait pour effet de créer comme une bulle de protection autour de ces deux sensations de la matinée.

Quand le duo acheva ses emplettes en arrivant devant les derniers étals près du port, Wao s'immobilisa. « Tiens, viens donc voir ! Qu'est-ce que c'est ? » S'enquit-il en bondissant devant une table remplie de coquillages. Son attention s'était portée sur une conque qui semblait être ensorcelée. A première vue, elle était banale ; Min ne l'aurait pas remarquée. Mais Wao avait eu l'œil. En y regardant de plus près, on pouvait distinguer des ombres en forme de vaguelettes traverser la matière. C'était hypnotisant. « Ce coquillage est la dernière trouvaille de ma collection. Elle a été ensorcelée par une Sirène, un soir au clair de lune... et vous n'avez pas tout vu... prenez-la et collez-la à votre oreille ! » leur cria le marchand, non peu fier d'avoir attiré l'attention d'êtres de leur peuple. Wao s'exécuta et son regard s'illumina. « On entend l'océan ! » S'écria-t-il avec l'enthousiasme d'un enfant face à une sucette. « Essaie, Min ! C'est totalement pour Chuan. Il n'y a pas meilleur souvenir. » Son ami l'imita et sourit. « Combien est-ce ? Nous souhaiterions l'acquérir ! » Ce genre de gadgets pouvait s'avérer cher, mais la notion d'argent était nébuleuse pour Min et Wao, habitués à offrir leur Art et leurs services pour obtenir ce qu'ils voulaient. Tant qu'ils avaient le nombre de pièces suffisant, ils déboursaient ; cela allégeait le poids de leur bourse, rien de plus.

*Ryokan : hébergement traditionnel
*Mynxethi : Aether de la Charité
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Les affaires sont les affaires
Chapitre II.

Soudain, une tornade sélénite fit irruption dans l'espace des deux Orines. Wao était trop occupé à admirer l'objet de ses convoitises pour la remarquer, mais Min se tourna aussitôt et découvrit deux femmes aux longues chevelures blanches, de toute évidence liées par le sang.  « Oh ! Il m'apparaît que vous êtes une femme de goût », commenta Min en constatant leur attrait réciproque pour l'article. Malgré la concurrence qui venait de s'installer entre eux, il n'y voyait qu'une heureuse rencontre. Wao, en revanche, semblait d'un avis différent. Le regard froid qu'il lui lança en disait long. Ses mains semblaient collées au coquillage, comme une moule à son rocher.

« Le double ? » Répondit-il d'un ton calme. Il paraissait tout à fait neutre, mais Min le connaissait assez pour savoir qu'il se préparait à ne pas lâcher le morceau. Il s'apprêta à répliquer, mais la mère de l'inconnue lui épargna cet effort. Elle tenta de tempérer ses ardeurs, mais la jeune fille n'était pas de son avis. Elle croisa les bras et en réponse, Wao décida de faire l'enfant. Min le savait : son ami d'enfance était terriblement têtu. C'était parfois une force. Parfois, mais pas aujourd'hui. Le blond prit docilement le coquillage entre les mains quand Wao le lui passa. Le brun se planta face à la blanche et croisa ses bras en mimant son air boudeur. Min sourit devant la situation aussi inattendue que cocasse. S'il se voyait, Wao se trouverait certainement ridicule. Qu'ils étaient beaux, tous les deux, à se faire face ainsi.

De son côté, le vendeur observait la scène sans oser intervenir, le regard illuminé par la perspective de voir son chiffre d'affaires s'envoler. Néanmoins, cette étincelle fut douchée par la mère quand elle coupa court aux surenchères. Quand elle s'approcha d'eux pour insister, le regard de Wao se ferma et il enfonça encore plus ses bras dans sa poitrine, l'obligeant à bomber le torse. Min se plaqua la main sur le visage et réfléchit à comment désamorcer la situation. La blanche trouva la solution avant lui. Sans le savoir, elle venait de frapper pile sur le point sensible de Wao, qu'il surnommait parfois "le ventre". Min regarda son language corporel changer du tout au tout à la mention d'un repas gastronomique. Il pencha la tête sur le côté, intrigué, et tenta tant bien que mal de cacher son enthousiasme. Il leva un sourcil, trahissant sa réaction. « Un restaurant, vous dites ? Hum... » Il fit mine de réfléchir, mais Min savait très bien que sa décision avait été prise en une fraction de seconde.

Sans attendre qu'il mette fin au suspense, Min se rapprocha de l'inconnue. « Je suis certain que notre amie sera ravie de savoir que cet article sera choyé par sa détentrice », lui dit-il. « L'histoire de cette rencontre la ravira autant que si nous lui aurions offert l'article. » C'était certainement vrai. Chuan accordait bien plus d'importance à une histoire bien ficelée plutôt qu'à un objet, aussi beau fût-il. Min s'inclina à la façon des Orines et lui tendit l'objet en utilisant ses deux mains. A côté de lui, Wao renifla et répondit à la mère : « Puisque vous insistez, nous viendrons dans votre restaurant. Qui est...? » En attendant qu'elles répondent, Min se releva et se chargea des présentations, puisque Wao semblait réfléchir avec ses papilles. « Que nous sommes impolis ! N'est-ce pas ? » Lança-t-il au brun en lui donnant un coup de coude. « Je vous présente Wao Ming, mon tendre ami d'enfance, d'Onikareni. » Le brun retrouva enfin ses manières et s'inclina. Avant de se présenter, Min dessina des courbes gracieuses avec ses poignets. « Et je suis Min Shào. Je me trouve dans votre belle cité afin d'ouvrir ma Galerie d'art. Elle se trouve dans le nouveau Musée des Curiosités. »

L'expression de 'galerie d'art' laissait imaginer quelque chose de grandiose, dans son esprit. Rien à voir avec les quelques pièces d'art qu'il mettait à disposition du public. Néanmoins, il en était quand même fier. Grâce à l'aide du futur Aisuru de son ami, l'ouverture avait été un grand succès. Pourquoi pas y inviter ces deux inconnues ? Il lui semblait que le monde entier aimait la culture Orine. En tout cas, pour lui, l'inverse était impensable. Elles accepteraient sûrement. Mais peut-être était-ce un peu tôt. Wao était certainement en train de visualiser son programme intérieurement, afin de déterminer quand ils pourraient se rendre à ce mystérieux restaurant. Peut-être voudrait-il même libérer son déjeuner, dans quelques heures, alors qu'il était censé manger avec Eöl, son futur Aisuru. Rien n'était impossible quand il s'agissait de nourriture.

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« Un dirigeable ? » Répéta Min avec fascination. Ses pupilles s'étaient embrasées, à l'image de celles de Wao quand il s'imagina prendre un déjeuner dans un bon restaurant dans le fief de la Gourmandise. « On va manger dans le ciel ? » Il amena ses paumes près de son menton et se pencha vers les Déchues. Min était fasciné par tout ce qui touchait au céleste. « Qui est Yanna ? Il a beaucoup d'enfants ? » Demanda-t-il innocemment. Les Orines avaient beau se cultiver sur le monde extérieur, Min était encore étranger à la plupart des cultures étrangères. « Hum... je ne crois pas qu'il s'agit d'enfants au sens littéral », le corrigea Wao en posant une main sur son épaule. Un mince sourire s'étendait sur ses lèvres. « N'est-ce pas ? » S'enquit-il en se tournant vers elles.

Il jeta un coup d'œil furtif à l'article qui entrait en possession de sa concurrente, réprimant une dernière tentative de l'obtenir. Chuan l'aurait tellement aimé. Elle lui manquait. Min, de son côté, notait la générosité de la Déchue qui avait glissé un pourboire au vendeur. Il observa l'expression du vendeur se métamorphoser complètement à la vue de l'éclat dans la paume de cette dernière. Il était halluciné du pouvoir que l'argent portait sur les déchus à Avalon. Souhaitant y mettre du sien, Min se posta devant lui, paumes fermées. « J'espère que vous trouverez d'autres trésors de cet acabit », lui dit-il, en faisant référence au coquillage.

Le blond ouvrit les paumes : un bouton d'or était apparu à l'intérieur. Il la posa sur son étal et se détourna de lui, fier de sa propre contribution. Son sourire s'élargit devant la réaction de la dénommée Béatrice. « Tu as un très joli nom, Béatrice. Tout comme ta maman ! » Ajouta-t-il en s'inclinant vers elle. « Oui, nous sommes des Orines », répondit Wao avant qu'il n'ait eu le temps de réagir. De toute évidence, il était pris de court par la question de la jeune fille. Pour eux, des mots comme Maëlith et Onikareni ne laissaient pas de place au moindre doute quant à leurs origines. Ils avaient tendance à oublier qu'ils n'étaient pas le centre du monde.

Le brun regarda son ami rougir au compliment de Béatrice. Il fallait admettre qu'elle était mignonne quand elle ne tentait pas de lui piquer ses découvertes. « Il n'a pas de coquillages, mais plein d'autres choses intéressantes. Il y a mis toute son énergie, vraiment. J'en suis témoin », poursuivit-il en rapprochant le blond de son épaule. Ils s'échangèrent un regard complice et Min rigola. Ce dernier adorait être au centre de l'attention. Il n'en brillait que plus fort. « Mais effectivement, il y a des priorités. » Il se retourna vers les Déchues. Un sourire d'une nouvelle nature étira ses lèvres. Son estomac s'était réveillé à la mention du restaurant et il avait commencé un concert propre à lui. « Cette marche m'a donné faim. Nous vous suivons ! » Wao se mit en marche avant même que les Déchues ne l'entament, comme pour leur intimer de se dépêcher.

Min, quant à lui, se tourna vers Béatrice, qu'il semblait avoir déjà adoptée. « L'art culinaire d'une Gourmande ? J'en trépigne d'impatience ! » Il se rapprocha un peu plus : « Et toi, Béatrice, tu as un Art de prédilection ? » Il s'immobilisa et sortit un éventail de son yukata. Il l'ouvrit d'un geste dramatique et exécuta une pirouette, puis s'inclina devant elle. « Moi, c'est la danse des éventails ! » Wao, quant à lui, avait reconcentré son attention vers Jeanne. Il était happé par son aura, comme un papillon de nuit s'approchant de la lumière. Un certain charisme émanait de sa personne, témoin de son expérience de vie bien supérieure à la sienne.

Wao était toujours attiré par ceux qui avaient des choses à lui apprendre, là où Min était le plus compatible avec la jeunesse et les innocents. Une floppée de questions se bousculaient à ses lèvres, si bien qu'il garda le silence un moment, je sachant pas laquelle poser en premier. « D'où vous êtes venue cette idée de restaurant ? » Il lui adressa un sourire millimétré. « Quels sont les plats plébiscités dans cette ville ? Quelles saveurs ? » Wao avait déjà découvert une partie de la gastronomie que proposait Avalon, mais il voulait l'entendre de la bouche d'une Déchue. Peut-être y avait-il un décalage entre les adresses retenues par les Orines à celles d'une vraie locale.

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