Pour sucer, il faut frotter

☙ Valerie Broussard - A Little Wicked

Appuyée sur le manche du balais, Susannah ne semblait pas plus disposée à en faire usage qu'à devenir sympathique du jour au lendemain. En voyant arriver Pieris, elle l'accueillit d'une exclamation satisfaite. Dire qu'elle l'appréciait serait excessif, mais elle n'était pas mécontente de le voir. Premièrement, parce qu'il était l'une des rares personnes qui ne l'irritaient pas au bout de dix secondes, il prenait soin de son apparence, sentait bon et était agréable à regarder bien que ses manières précieuses ne ternissent le tableau en révélant sa fragilité de bipède. Mais surtout, Pieris allait lui être utile. Lui donner du sang était un détail, un arrangement qui s'était conclu auparavant et le Vampire allait enfin pouvoir payer sa dette.

Toute souriante, l'Ondine s'avança et lui mis d'office le balais dans les mains. « Tu vas bien ? Tu es toujours si pâle, c'est difficile à dire quand c'est le cas ou non. Comment sait-on quand tu es malade ? Bref, tu as passé un bon Fessetival ? Je ne t'y ai pas vu. Trop occupé à sucer dans un coin sombre ? Si t'as encore faim, on peut s'arranger. » Son index jaillit entre eux. « À une condition. Je te l'ai déjà dit mais tu ne mangeras pas gratuitement. Je ne fais pas dans la charité et tu n'as pas payé la dernière fois. Maintenant est le moment de payer tes dettes, Blanco. Occupes-toi du ménage. » Car il était bien évidemment inenvisageable qu'elle s'abaisse à nettoyer la crasse des Gaelyan. Respirer le même air lui coûtait déjà, sans parler de les fréquenter en cours, il ne fallait pas pousser.

Avec un petit soupir de bienheureuse, Susannah se laissa tomber dans le canapé et envoya sa jambe par dessus l'appuie-tête. Après avoir installé un coussin sous sa tête pour maximiser son confort, elle ferma les yeux quelques secondes, les mains jointes sur son ventre, comme pour s'endormir. Au bout de quelques minutes de tentatives infructueuses, elle souleva une paupière. « Tu es toujours en colocation avec les autres imbéciles ? » Fit-elle d'un ton dégagé pour ne pas trahir sa curiosité. « Tu sais, Sympan, Adriæn, Johânnes... » Précisa-t-elle. « Je les ai vus de loin aux fessetivités et ce givré de Sympan est venu me parler rapidement. » Elle passa ses mains derrière sa tête pour la surélever et regarder le Vampire plus commodément. « Tu sais, s'ils te font du mal, tu peux me le dire. Je ne suis jamais contre une bonne raison de leur donner une bonne leçon. »

Pour sucer, il faut frotter

Musique

Pieris prit le balai dans sa main et commença à en étudier les courbes. Son index glissa le long du bois. C’était lisse mais sans être très doux. Il passa son autre main dans ses longs cheveux. Sympan lui avait accroché une barrette en forme de papillon dedans. Il ne l’avait pas retirée. Le Vampire laissa parler Susannah, un vague sourire sur ses lèvres rosées. Il avait passé sa vie au bar à toudou à câliner les chiens et les peluches, en consommant allégrement plusieurs boissons et gâteaux à base de sang. Il lui semblait d'ailleurs avoir entendu la voix de l'adolescente à un moment, mais il n’avait pas vérifié. Il préférait ne pas embêter les autres. Et puis, il avait été triste de ne pas pouvoir suivre ses colocataires.

Son regard se posa sur le poignet de Susannah lorsqu’elle tendit son index. Il pouvait sentir son sang pulser dans ses veines d’ici. Il avait un peu soif. Rien de problématique. Elle lui faisait juste envie. C’était de la gourmandise. « Hum… d’accord… » fit-il de sa voix suave et rocailleuse à la fois, tout en s’éloignant d’elle pour commencer à balayer après avoir enfilé un tablier pour protéger ses vêtements. « J’ai passé un bon Fessetival. Un peu seul mais c’était bien quand même. » Concentré pour donner aux mouvements de son balai une forme de grâce, il lui demanda tout de même : « Et toi ? ». Il réfléchit. Peut-être serait-il mieux de débuter par le chiffon à poussière ? Il alla le chercher et commença à astiquer les meubles.

« Oui. » répondit-il. « Il voulait quoi ? » La réponse le rendait curieux. Il espérait qu’il ne lui avait rien donné à boire ou à manger. Il s’agenouilla afin de frotter la table basse qui se trouvait devant le canapé. « Du mal ? » Il la contourna afin de faire la même chose mais, cette fois, face à Susannah. Il cessa donc le ménage et la regarda. « Non, ça va. Pour l’instant, personne ne me fait du mal. Le seul problème que j’ai c’est que Johannês ne veut pas me laisser dormir dans son lit. » Il fit la moue. « Ce qui n’est pas très juste… Je dors la journée et lui la nuit. On pourrait partager son lit sans que personne ne soit lésé. » Tant que l’Ondin aux cheveux blancs ne le confondait pas avec le faux Magicien. Il huma l’air doucement. Il y avait toujours ce sang, dans les veines de la jeune fille. « Et toi ? Tes colocataires sont comment ? » demanda-t-il, tout en rapprochant délicatement son visage du bras qui surélevait sa tête. « Je peux en boire un peu maintenant ? Pour me donner des forces pour le ménage. » précisa-t-il.

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Pour sucer, il faut frotter

☙ Valerie Broussard - A Little Wicked

« Mmh, oui ça allait. » Répondit Susannah en restant vague. « J'ai fait le marathon ce matin. » Elle tut les courbatures dont son corps était pétri depuis. Possédée par l'esprit de compétition, elle avait donné sans mesure et le regrettait un peu à présent. Il n'y avait même pas de baignoire dans laquelle s'étendre pour y détendre ses muscles, un nouvel inconvénient qu'elle ajouta à la liste dressée mentalement de tout ce qui n'allait pas à ce Fessetival.

Son index et son pouce vinrent pincer l'arrête de son nez comme si y penser suffisait à lui donner la migraine. « Qu'on s'embrasse avec Titouan devant lui, pour son bingo. J'ai refusé, naturellement. J'ai du mal à le cerner. Qu'est-ce que tu penses de lui ? » Non pas qu'elle prendrait son avis en compte mais c'était un moyen comme un autre de grapiller quelques informations sur l'imbécile de service aux cheveux longs.

« Tu dors dans son lit ? » S'étonna Susannah en se redressant légèrement. « Pourquoi tu fais ça ? » Un silence flotta quelques secondes puis ses yeux s'écarquillèrent. « Tu aimes les garçons ? Tu aimes Johannês ? » La curiosité le disputait au dégoût et elle considéra Pieris d'un nouvel oeil, un peu moins amène. « C'est pour ça que tu te comportes comme... comme ça ? » Elle n'était pas loin d'être révoltée. Son regard se tourna vers le plafond tandis qu'elle réfléchissait à ses propres colocataires. Curieusement, malgré les forts tempéraments, elles avaient trouvé une sorte d'équilibre. Basphel avait l'avantage de les occuper suffisamment pour que l'ennui ne les emmène pas à s'entre-déchiqueter pour un regard de travers. « Ça va. Gyzyl est bizarre. » Inquiétante était le mot plus juste mais Susannah n'était pas prête à l'admettre. L'adolescente était indéfinissable et son comportement changeant était déstabilisant. « Peut-être qu'on va l'enfermer dans le placard la nuit. » Songea-t-elle à voix haute, se notant d'en toucher deux mots à Lana.

Quand elle tourna la tête vers Pieris, il était bien plus près qu'anticipé et elle eut un mouvement de recul par réflexe. L'hésitation dansa dans ses prunelles. Puis elle haussa les épaules. « Ok. Mais doucement, essaie de pas me faire un bleu, sinon je t'en colle deux et ton visage ne sera plus aussi joli. » Elle tâcha de se détendre et l'observa faire. La morsure était douloureuse mais le processus la fascinait. Son regard s'arrima sur la barrette juchée dans la chevelure du brun. Sa main libre se tendit et elle la détacha. « Tu me la prêtes ? » Elle ne comptait pas vraiment la rendre et il avait la bouche trop occupée pour refuser. Elle la planta dans ses propres cheveux puis fixa à nouveau le Vampire, tiraillée par une question. « Il aime quel genre de fille Johannês ? »

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Pour sucer, il faut frotter

Musique

« Oh oui, je crois que Johannês a participé aussi. » avança Pieris. Il l’avait vu rentré couvert de sueur. Son odeur avait tout de suite attiré le Vampire. Il aimait bien quand les peuples non-vampiriques faisaient du sport. Leur parfum devenait d’autant plus fort. « Félicitations pour avoir participé. » Il lui sourit, ses lèvres rosées s’ourlant sincèrement.

« Sympan ? Huuum… » Il réfléchit. Il ne s’en méfiait pas autant qu’il se méfiait d’Adriæn mais le scientifique avait des comportements difficiles à prévoir. Au nom de la science, il était capable de tout, du pire comme du meilleur. « Je ne pense pas qu’il soit méchant. Juste un peu… » Une petite moue apparut sur ses traits. « … étrange. Il est de l’Acier. » précisa-t-il, comme si ça pouvait jouer dans son évaluation du personnage.

Les sourcils de Pieris se levèrent d’étonnement lorsqu’elle parla du fait qu’il aimait soi-disant les garçons. « Oh non… » Il sourit. « J’aime les filles. » confirma-t-il. « Avant d’être un Vampire j’aimais déjà les filles. » Et les filles l’aimaient bien aussi. Certaines filles. Le fait qu’il fût efféminé ne plaisait pas à tout le monde. « Je dors dans son lit parce que j’aime son odeur. Je ne sais pas si c’est un truc de Vampire mais… je ne sais pas comment te décrire ça. » Il passa ses doigts dans ses cheveux. « C’est comme si je me retrouvais soudain dans une cuisine où un gâteau était en train de cuir. C’est à la fois réconfortant et tentant. » Il avait placé une main sur sa joue. « Gyzyl ? » Il songea qu’il ne l’avait jamais vue mais aima bien l’idée du placard. Peut-être que s’il enfermait Adriæn et Sympan dans le placard, Johannês finirait par accepter qu’il dormît avec lui ?

Il sourit lorsqu’elle accepta. « D’accord. Je serai doux. » Il plaça sa paume sur son bras et le caressa à la recherche de ce qu’il cherchait. Il approcha d’autant plus sa bouche et la mordit tendrement. Lorsque le liquide coula dans sa gorge, il dut prendre sur lui pour ne pas accélérer le rythme de la succion. Il la laissa prendre sa barrette et continua jusqu’à ce qu’elle lui posât une question à propos de Johannês. Il s’écarta, le carmin maquillant ses lèvres. Il lécha les dernières gouttes de sang tout en réfléchissant. « Johannês n’est pas très bavard sur les filles. Il dévie le sujet à chaque fois. Peut-être qu’il n’est pas vraiment prêt pour avoir une relation… » Son index se posa sur ses lèvres. « Cependant… c’est vrai que lorsqu’Adriæn l’embête, il évoque souvent sa sœur ou… » Il laissa couler ses yeux sur la jeune fille. « … toi. » Il sourit et se releva. Comme il pouvait sentir l’afflux sanguin, il savait que certains propos d’Adriæn faisaient de l’effet au faux Magicien. « Le ménage ! »

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